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dans une voiture des animaux entassés et ayant les pieds liés ensemble et la tête pendante; le fait de les avoir placés de manière à leur causer des souffrances pendant le parcours de la voiture.

Seront encore réputés mauvais traitements: la station trop prolongée au soleil ou pendant les froids; le reculement, en général, et, particulièrement, le fait d'exiger qu'un animal pousse seul, à reculons, une voiture chargée dont on a dételé les autres chevaux qui, ensemble, avaient peine à tirer; l'abandon sur la voie publique des animaux blessés ou malades; l'action d'aveugler les oiseaux chanteurs, de plumer les volailles vivantes, d'écorcher, d'écailler ou de dépouiller vivants les animaux domestiques, ou de ne les tuer qu'à demi; la longue agonie des animaux conduits à l'équarrissage et laissés sans être abattus dans les délais prescrits; le fait de lancer des pierres ou d'autres corps durs sur les chiens, les chevaux, les troupeaux, etc.

Tels sont, très-sommairement, les principaux actes de brutalité qui constituent des.mauvais traitements; en général, il faut considérer comme tels tous les faits inutiles de cruautés ou de souffrances, sous quelque forme qu'ils se produisent.

Le fait d'atteler un chien à une petite voiture ne constitue pas de contravention à la loi du 2 juillet 1850. Cass. 10 novembre 1860, Annales, 1861, 157.

Le fait d'avoir mené un cheval ventre à terre et de l'avoir fouetté à tour de bras ne constitue pas non plus de contravention. Cass. 14 mai 1868, Annales, 1869, 281.

970. Mauvais traitements exercés publiquement. - Les mauvais traitements doivent être exercés publiquement, c'està-dire dans un lieu public ou en présence de plusieurs per

sonnes.

Sur le premier point, pas de difficulté. Le propriétaire d'un animal a, chez lui, le droit de disposer de sa chose selon sa volonté absolue. Mais s'il maltraite l'animal dans un endroit public, sur les routes, les chemins, les places, dans les rues, même dans des cours, magasins, boutiques ou chantiers qui, se trouvant sur la voie publique, permettent aux passants d'être témoins des mauvais traitements, il encourt les peines de la loi Grammont.

Nous ajoutons qu'il ne nous paraît pas nécessaire qu'il y ait, au moment même où la brutalité se manifeste, des passants ou des promeneurs. La contravention, suivant nous,

existe, par cela seul qu'elle a été commise dans un lieu public.

Elle existe également, a-t-on soutenu, si elle a été commise dans un lieu non public, mais en présence de plusieurs personnes. Nous hésitons beaucoup à accepter cette proposition, et plus d'un auteur partage notre hésitation.

L'appréciation de la publicité rentre dans le domaine exclusif du juge de police. Cass. 9 juillet 1853, J. Pal., 1, 1854,

302.

971.-Mauvais traitements exercés abusivement.-L'abus commence là où cessent les simples corrections qui peuvent être utiles pour dresser ou faire obéir les animaux, ou lorsque, d'après la Cour de cassation, on exerce des actes directs et volontaires de violence et de brutalité qui occasionnent des souffrances que ne justifie pas la nécessité.

Remarquons que la loi exige des mauvais traitements publics et abusifs. Publics seuls, abusifs seuls, ils échapperaient à toute répression légale.

972.

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Mauvais traitements exercés envers des animaux domestiques. Les animaux domestiques sont tous les êtres animés qui vivent, s'élèvent et se reproduisent par les soins et sous le toit de l'homme.

M. de Beaupré, Guide à travers la législation protectrice des animaux, p. 24, a tenté une énumération des animaux domestiques. La voici par ordre alphabétique :

Les abeilles, l'alpaca, l'âne, le bélier, le bœuf, le bouc, labrebis, le buffle d'Italie, le canard, le chameau, le chat, le cheval, la chèvre, le chien, le cochon, le coq, le dromadaire, le dindon, l'éléphant, le faisan, le lama, le lapin, le mouton, le mulet, l'oie, le paon, le pigeon, la pintade, la poule, les sangsues, le taureau, la vache, le veau, les vers à soie, la vigogne, le zèbre.

A cette liste qui fera peut-être sourire en la rapprochant des prohibitions de la loi de 1850, il convient d'ajouter les oiseaux de volière, et les animaux que l'acclimatation et la naturalisation ont ajoutés et ajouteront aux conquêtes de la domestication.

973. Exercer abusivement et publiquement des mauvais traitements envers des animaux domestiques, est donc un acte que la loi pénale poursuit et réprime.

Mais, tous les faits d'inhumanité, de barbarie, tombent-ils indistinctement sous l'application de cette loi?

Quid, spécialement, des combats de taureaux, de chiens, de coqs, etc.; des tirs aux pigeons, aux canards, etc.?

A n'écouter que les sentiments d'humanité on est tenté de répondre affirmativement; tous les esprits généreux blâment ces spectacles et ces distractions sauvages et demandent leur répression.

Les pigeons, en particulier, trouvent dans le Bulletin de la Société protectrice des animaux, numéro de février 1873, p. 48, de zélés défenseurs: «Il est incontestable que les pigeons sont des animaux domestiques. La preuve ressort de l'article 2 de la loi du 21 décembre 1789, qui les considère comme gibier seulement lorsque le propriétaire les laisse libres aux époques où l'autorité municipale exige qu'ils soient enfermés. A ce titre d'animaux domestiques, ils doivent donc être protégés par la loi de 1850. Devant la loi Grammont le pigeon est en tout temps un animal domestique. Elle doit donc le soustraire à des souffrances cruelles qui lui sont infligées publiquement et sans nécessité, par les exercices de capricieuse fantaisie de quelques désœuvrés; car les pigeons qui ne sont que blessés vont mourir au loin d'une mort douloureuse. >>

La Cour de cassation, relativement aux combats de taureaux, semble confirmer cette doctrine: « C'est là, dit-elle, un acte direct et volontaire de violence et de brutalité qui occasionne des souffrances que ne justifie pas la nécessité. » Cass. 22 août 1857, 13 août 1858, 5 mai 1865, arrêts cités par le Bulletin, numéro de février 1873, p. 50.

De son côté, notre collègue de Roubaix a décidé, que faire battre publiquement des coqs après avoir armé leurs éperons d'ergots artificiels en acier, constitue la contravention de mauvais traitements envers des animaux domestiques. J. P. Roubaix, 26 février 1852, Annales, 1852, 72.

Certes, comme homme, nous approuvons hautement et cette doctrine et cette jurisprudence. Mais le juge ne doit pas, en matière pénale surtout, se laisser éblouir ou entraîner par ses instincts de générosité; il doit froidement consulter la loi, ct frapper seulement là où elle lui ordonne de frapper.

Or, évidemment la loi du 2 juillet 1850 n'a pas eu en vue, en défendant les mauvais traitements abusifs et publics, les combats et les tirs. Considérer ces spectacles, ces exercices comme de mauvais traitements simplement, nous paraît un euphémisme quelque peu forcé, puisqu'ils se terminent toujours par la mort. La loi de 1850 a incontestablement voulu réprimer surtout et seulement cette brutalité qui se trahit journellement sur la voie publique envers les chevaux et les chiens; et c'est par une extension trop bienveillante peut-être que

nous avons qualifié mauvais traitements certains actes énumérés ci-dessus sous le n° 969.

Et puis, les combats de taureaux, de chiens, de coqs, etc.; les tirs aux pigeons, aux canards, etc., n'ont lieu, dans des endroits publics, qu'en vertu d'une permission de l'autorité municipale. Comment, dès lors, déclarer contravention un acte régulièrement accompli, en vertu d'une autorisation régulière?

Aussi, résumant dans notre Code annoté des juges de paix, p. 342, n° 19, cette petite digression, nous disions: lorsqu'un combat, lorsqu'un tir est établi sans permission, on peut, en forçant quelque peu et dans un sentiment généreux, le sens et les termes de la loi Grammont, voir la contravention de mauvais traitements dans le fait de tuer ou de blesser des animaux. Mais si le combat ou le tir est autorisé, aucune poursuite ne saurait être exercée, les directeurs des cirques ou des tirs et les amateurs étant protégés par la permission de l'autorité municipale.

Notons que divers arrêtés tendent à supprimer ces combats et ces tirs. Relevons une circulaire du ministre de l'intérieur en date du 4 septembre 1873 et un arrêté du préfet de la Gironde en date du 25 août 1873, qui interdisent les courses et combats de taureaux; un arrêté du préfet du Nord en date du 11 février 1852, qui défend les combats de coqs; un arrêté du préfet du Rhône en date du 11 février 1856, qui prohibe les tirs à l'oie.

974. Doivent être poursuivis pour infraction à la loi du 2 juillet 1850, seulement les propriétaires des animaux et les personnes auxquelles ils en ont confié le soin et la conduite. Telle est, du moins, l'opinion émise par la Cour de cassation dans ses arrêts des 4 avril 1863 et 2 janvier 1875. Dans ce dernier, elle dit:

« Attendu, en droit, que l'article unique de la loi du 2 juillet 1850, relatif aux mauvais traitements exercés publiquement et abusivement envers les animaux domestiques, ne prononce restrictivement les peines par lui édictées que contre les propriétaires de ces animaux et les personnes auxquelles ils en ont confié le soin et la conduite;

« Attendu qu'il est reconnu, en fait, que Villay n'était ni propriétaire, ni conducteur de l'âne qu'il a frappé de son bâton, et que cet animal appartenait à une autre personne;

Attendu, dès lors, qu'en condamnant Villay, le juge

ment dénoncé a fait une fausse application de la loi du 2 juillet 1850. » Cass. 2 janvier 1875, Annales, 1875, 323.

On cherche, en vain, dans l'esprit et dans les termes de la loi de 1850, la base de cette jurisprudence. L'esprit de la loi est de protéger les animaux domestiques contre toute brutalité publique et abusive; ses termes sont généraux et s'adressent à toute personne.

Aussi, les auteurs sont-ils unanimes pour repousser la doctrine de la Cour suprême, et pour ne pas affranchir de la pénalité celui qui exerce publiquement et abusivement des mauvais traitements sur un animal domestique ne lui appartenant pas; il leur paraît être, en effet, plus coupable encore que le maître qui ne fait qu'abuser de son droit. GUILBON, Mauvais traitements, etc., n° 22; DE BEAUPRÉ, Guide à travers la législ. protec., p. 23, note 1; MILLION, Annales, 1875, 323. Contrà, DALLOZ, v° Dommage, no 291.

975. Le maître de l'animal est civilement responsable des dépens résultant de la condamnation prononcée contre son domestique pour mauvais traitements exercés publiquement et abusivement.

Telle est encore la doctrine de la Cour de cassation. Bernard, domestique chez une dame Gabas, avait été condamné à cinq francs d'amende et aux frais pour avoir publiquement et abusivement frappé un cheval appartenant à ladite dame Gabas et dont il avait la garde. La dame Gabas n'ayant pas été déclarée responsable des dépens, un pourvoi fut formé, et la Cour suprême l'accueillit par ces motifs :

« Vu les articles 1384 du Code civil, 156 du décret du 18 juin 1811 et 74 du Code pénal;

«Attendu qu'aux termes de l'article 1384, C. civ., les maîtres sont responsables du dommage causé par leurs do-mestiques dans les fonctions auxquelles ils les ont employés, et que, d'après les articles susvisés, la condamnation aux frais doit être prononcée solidairement contre tous les auteurs et complices du même fait et toutes les personnes civilement responsables du délit ;

«< Attendu qu'il résulte du jugement attaqué que Bernard a été condamné à cinq francs d'amende et aux dépens, pour avoir publiquement et abusivement exercé des mauvais traitements envers l'un des chevaux de l'attelage à lui confié par la dame Gabas, dont il était le serviteur à gages; mais que le jugement attaqué a relaxé cette dernière de l'action en responsabilité des dépens mis à la charge de Bernard, sur le

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