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Mais la Cour suprême a abandonné cette jurisprudence, et a jugé, que l'individu prévenu d'avoir donné à boire pendant l'office ne peut être acquitté par le motif qu'il n'aurait donné à boire et à manger qu'à des voyageurs pressés de partir. Cass. 11 novembre 1825. Dalloz, vo Jour férié, no 77.

816.-Aux prohibitions édictées par les articles 2 et 3, la loi du 18 novembre 1814 apporte quelques exceptions dans les articles 7 et 8.

L'article 7 est ainsi conçu :

« Les défenses précédentes ne sont pas applicables :

«1° Aux marchands de comestibles de toute nature, sauf cependant l'exécution de l'article 3;

«2° A tout ce qui tient au service de santé;

« 3° Aux postes, messageries et voitures publiques;

« 4° Aux voituriers de commerce par terre et par eau, et aux voyageurs;

«< 5° Aux usines dont le service ne pourrait être interrompu sans dommage;

«6° Aux ventes usitées dans les foires et fêtes dites patronales, et au débit des menues marchandises, dans les communes rurales, hors le temps du service divin;

«< 7° Aux chargements des navires marchands, et autres bâtiments de commerce maritime. >>

L'examen de ces diverses exceptions ne nous arrêtera qu'un instant.

817. La vente de comestibles de toute nature est autorisée.

Toutefois, ne profitent pas de cette tolérance les cabaretiers, marchands de vins et autres, désignés en l'article 3, et domiciliés dans des communes peuplées de moins de cinq mille âmes. Ils ne peuvent donc pas vendre de boissons pendant le temps de l'office.

L'étalage de ces comestibles est permis, comme la vente ellemême :

« Attendu qu'il s'agissait, dans les poursuites contre des marchands boulangers et charcutiers, d'exposition un jour de dimanche, et à l'extérieur de leurs boutiques, des comestibles de leur profession, et que, dès lors, le tribunal de police, en les renvoyant de l'action, n'a point violé la loi, et a fait une juste application de l'exception sans réserve portée en l'article 7 de la loi de 1814, en ce qui concerne les marchands de cette classe. » Cass. 12 septembre 1823.

Et la Cour suprême a déclaré illégal un arrêté préfectoral

qui, au mépris dudit article 7, interdisait l'étalage de comestibles, les dimanches et jours de fêtes, Cass, 18 juin

1824.

818.Tout ce qui tient au service de santé est auto

risé.

Cette exception, comme le fait remarquer Dalloz, avait à peine besoin d'être inscrite dans la loi; elle est commandée par la force même des choses.

819. Le service des postes, messageries et voitures publiques est autorisé.

Il s'agit, en effet, ici, d'un intérêt général, et la loi ne pouvait interrompre un service aussi important,

820.- Ici, nous notons une décision de la Cour de cassation qui aurait pu trouver place sous l'article 2, § 4, et qui est relatif aux déménagements. La Cour a décidé que les entreprises de déménagements ne jouissaient pas du privilége accordé aux postes, messageries et voitures publiques :

«Attendu qu'aux termes des articles 1 et 2, § 4, de la loi du 18 novembre 1814, il est expressément défendu aux charretiers et voituriers employés à un travail local, d'effectuer des chargements sur la voie publique les dimanches et jours de fêtes;

«Attendu que la même loi, par les articles 7 et 8, détermine les divers cas d'exception et notamment les cas d'urgence auxquels ces défenses ne sont point applicables;

Attendu que les travaux de déménagement ne sont compris dans aucune de ces exceptions, ni dans aucun des cas d'urgence; et que, dès lors, ils rentrent dans la disposition prohibitive du § 4 de l'article 2. » Cass. 5 décembre

1830.

Cette doctrine ne nous paraît pas soutenable. Eh! quoi, si le jour qui met fin à ma location tombe un dimanche, je ne pourrai pas déménager, parce que le déménageur redoutera et encourra une condamnation! Et si le propriétaire, usant de son droit, me force à déguerpir, s'il me fait expulser, que deviendrai-je avec mes meubles ? Et la Cour régulatrice pense qu'il n'y a pas même urgence!

821-Le travail par terre et par eau est autorisé pour les voituriers de commerce.

Les particuliers peuvent voyager.

Pas d'observation à présenter sur ce paragraphe ni sur les trois suivants.

822. Les usines peuvent marcher; mais à la condition. de prouver que le chômage occasionnerait un dommage.

--

823. La vente de menues denrées, dans les foires et dans les fêtes locales, est autorisée; mais elle ne peut avoir lieu pendant le temps du service divin.

824. Le chargement des navires marchands et autres bâtiments de commerce est autorisé. L'intérêt général commandait cette exception, ainsi que celle relative aux voitu riers de commerce par terre et par eau, aux postes, messageries et voitures publiques.

825.

L'article 8 admet des exceptions en faveur des travaux des champs, et de certains travaux urgents. Voici ses termes :

« Sont également exceptés des défenses ci-dessus, les meuniers et les ouvriers employés :

1° A la moisson et autres récoltes;

«2° Aux travaux urgents de l'agriculture;

« 3° Aux constructions et réparations motivées par un péril imminent; à la charge, dans ces deux derniers cas, demander la permission à l'autorité municipale. >>

De cet article, il résulte que les travaux de moissons et autres récoltes peuvent être faits sans permission; et que les travaux urgents de l'agriculture ainsi que les constructions et réparations ne peuvent être exécutés qu'avec une autorisation.

826. Peuvent se faire sans permission, les dimanches et jours de fêtes la moisson, les récoltes.

Sont considérées comme moisson, le coupage et le ramassage des blés, des foins, des avoines, etc. ; et comme récoltes proprement dites, l'enlèvement de tous fruits, productions utiles de la terre, et les opérations qui ont pour but de les recueillir.

827. La vendange est évidemment une récolte, elle est protégée par l'article 8. Aussi, l'arrêté qui interdirait de vendanger les dimanches et autres jours fériés serait illégal :

«Attendu que si le règlement fait par le maire de Pezou, pour le ban de vendange, défend de vendanger, le dimanche, dans toutes les vignes non closes, cette interdiction est contraire au texte de la loi du 18 novembre 1814, qui, par son article 8, § 1, excepte de la prohibition de travail, édictée pour les dimanches et fêtes, les ouvriers employés aux travaux de la moisson et autres récoltes;

<«< Attendu que le bénéfice de cette exception concédée par la loi, n'avait pu être rétracté par l'arrêté municipal susénoncé, et que, dès lors, la disposition dudit arrêté, qui interdit le travail des vendanges les jours de dimanche, était prise en dehors des attributions de l'autorité administrative. » Cass. 19 juin 1857.

828.Quant aux travaux de l'agriculture, autres que les moissons et les récoltes, ils ne peuvent être exécutés les dimanches et jours de fêtes, qu'à la double condition d'être urgents et d'avoir été autorisés par l'administration municipale.

829. Enfin, les constructions et réparations motivées par un péril imminent, ne doivent être entreprises les dimanches et jours de fêtes qu'avec la permission de l'autorité municipale.

Jugé qu'un tribunal de police ne peut se déclarer incompétent, sous prétexte que les travaux incriminés ont été exécutés sur une grande route dont l'entretien est toujours urgent, et par des ouvriers salariés du Gouvernement, sous la direction d'un conducteur des ponts et chaussées. Cass. 11 novembre 1825.

L'urgence ne peut être relative qu'aux travaux eux-mêmes; elle ne peut, dans aucun cas, avoir pour objet le besoin qu'auraient les ouvriers de travailler pour gagner leur vie.

Au surplus, le juge de police n'a pas à rechercher l'urgence des travaux; il lui suffit de constater, pour réprimer la contravention, que les travaux ont été exécutés sans permission.

830.-Les exceptions ci-dessus énumérées peuvent être étendues, et s'appliquer à des cas non prévus par la loi. C'est ce qui résulte de l'article 9 de la loi du 18 novembre 1814:

« L'autorité administrative pourra étendre les exceptions ci-dessus aux usages locaux. »

Rappelons que le pouvoir de l'administration n'irait pas, toutefois, jusqu'à soustraire à l'interdiction du travail les commerçants ou les artisans spécialement désignés par la loi. On ne pourrait pas, par exemple, prendre un arrêté en vertu duquel les cabaretiers seraient autorisés à donner à boire pendant le temps de l'office.

831. La contravention régulièrement constatée, aucune excuse ne peut lui être utilement opposée. En vain, le prévenu alléguerait sa bonne foi, le défaut d'intention coupable,

l'ignorance de la loi, l'interprétation erronée donnée par lui aux mots exposer, étaler, vendre, colporter, etc.

En vain, il alléguerait que la loi n'est pas exécutée dans les communes voisines.

En vain, il exciperait d'une autorisation du maire, si cette autorisation n'avait pas été donnée dans la limite des attributions de l'autorité municipale.

En vain, il invoquerait l'urgence, si la permission de travailler ne lui a pas été accordée.

Mais il relèverait, à bon droit, l'excuse tirée de la force majeure. Jugé, en effet, spécialement, que le cabaretier, qui a laissé momentanément sa maison ouverte, pendant le temps de l'office, n'est pas en contravention, alors qu'il est reconnu que ce fait n'a eu lieu que par une circonstance indépendante de sa volonté, et même par suite d'une force majeure. Cass. 20 septembre 1821.

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832. -La loi de 1814 a donné lieu à bien des interprétations, et a soulevé plus d'un doute.

Une circulaire du préfet de police a, sous forme de questionnaire, essayé de répondre à ces points d'interrogation. Elle est très-souvent invoquée par les criminalistes; aussi, nous croyons intéressant de la reproduire en note (1).

(1)

Circulaire du préfet de police (1845).

4. On a demandé si, les dimanches et fêtes, on pouvait étaler, portes fermées ?

L'affirmative n'est pas douteuse. La vente et l'étalage sont permis, ais et volets fermés; et il n'y a contravention que quand l'une ou l'autre a lieu ais et volets ou

verts.

En laissant libres les étalages, ais et volets fermés, il est bien clair que ces étalages ne sont plus apparents, et c'est là l'essentiel. Beaucoup de marchands ont des étalages intérieurs qui ne peuvent se retirer, même de nuit; mais, du moment que la fermeture des ais et volets empêche qu'ils ne soient aperçus à l'extérieur, le vœu de la loi est rempli, et il n'y a pas de contravention.

De même, il n'y a pas de contravention si, par nécessité d'avoir du jour, de l'air, ou pour les besoins intérieurs, on ouvre des ais et volets; mais, dans ce cas, il ne doit être aperçu du dehors aucun étalage intérieur.

Par la même conséquence, on peut faire ouvrir les volets de la porte, et même tenir la porte ouverte; mais il ne doit pas exister d'étalage derrière les vitres.

2. Si les marchands de comestibles peuvent avoir des étalages extérieurs ? Nullement. Ils ont la faculté de tenir leurs ais et volets ouverts, ce qui comporte

la faculté d'avoir leurs étalages à l'intérieur seulement.

3. Si les bouchers et charcutiers peuvent avoir des étalages extérieurs ? Nullement. Les marchands de comestibles en général ne peuvent avoir leurs étalages qu'à l'intérieur.

4. Dans quelle catégorie précisément se trouvent les traiteurs et rôtisseurs? Naturellement, dans celle des autres marchands de comestibles.

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