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«En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée. »>

Cet article s'applique-t-il aux matières de police?

La prohibition du cumul des peines s'étend-elle aux contraventions? En d'autres termes, l'individu reconnu coupable de plusieurs infractions sera-t-il condamné à une seule peine, la plus forte? Devra-t-il, au contraire, être frappé d'autant de condamnations qu'il y a de contraventions relevées à sa charge?

Cette question a, pendant longtemps, été fortement controversée. La Cour de cassation s'était plusieurs fois prononcée pour la non-cumulation notamment par les arrêts des 25 mars 1837, 22 février 1840, 15 janvier et 12 juin. 1841.

Elle s'appuyait, entre autres, sur ces motifs : Que l'art. 365, C. instr. crim., contient un principe général et applicable à tous les cas, d'après lequel les peines encourues pour tous les faits, à quelque classe d'infractions qu'ils appartiennent, ne peuvent jamais être cumulées ; que si tous les faits ont le caractère de contravention, il ne peut y avoir qu'une seule peine de police à prononcer pour tous, la plus forte de celles qui peuvent être appliquées à ces faits, sauf à l'élever au maximum fixé par la loi (Arr. 25 mars 1837); - Que la loi, quand elle parle des délits dans l'acception générique de cette expression, dispose nécessairement aussi bien à l'égard des faits qui emportent l'application d'une peine correctionnelle qu'à raison de ceux qui ne constituent qu'une simple contravention de police; que le deuxième paragraphe de l'art. 365 s'applique, dès lors, indistinctement aux uns comme aux autres, et qu'il n'est susceptible d'aucune exception en ce qui concerne les derniers (Arr. 22 février 1840); - Que ce paragraphe doit, pour sa parfaite intelligence, être rapproché du premier, auquel il se réfère nécessairement; que, d'après celui-ci, la Cour d'assises est tenue, si le fait dont l'accusé est reconnu coupable se trouve défendu par la loi pénale, de prononcer la peine que fixe cette loi, même dans le cas où il ne serait plus de sa compétence; que cette disposition est conçue en termes généraux et ne fait aucune distinction entre les délits et les contraventions; qu'il faut entendre dans le même sens les termes du deuxième paragraphe, où le mot délit est employé par opposition au mot crime, pour indiquer les infractions qui ont un caractère de criminalité moins grave, et comprend, dès lors, les délits proprement dits

et les contraventions de police (Arr. 15 janvier 1841).
Conf. Chauveau et Hélie, I, p. 340.

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Mais la Cour suprême, abandonnant ce système, par arrêt rendu en chambres réunies, a définitivement proclamé le cumul des peines. Cette décision, qui fait loi aujourd'hui, mérite d'être rapportée in extenso:

« Attendu que le Code pénal divise en trois catégories désignées sous le nom de contraventions, de délits et de crimes, tous les faits punissables; que c'est sur cette division fondamentale qu'il a créé l'échelle des peines qu'il prononce; que toutes ses dispositions, en harmonie parfaite et constante avec ce point de départ, ne confondent jamais ces trois catégories entre elles, en leur donnant une dénomination et une signification différentes de celles qui leur ont été d'abord assignées, et qu'il distingue les peines applicables aux simples contraventions de police de celles qui ne doivent être infligées qu'aux crimes ou aux délits;

e Attendu que le Code d'instruction criminelle n'a pas adopté d'autres bases; que, dans toutes ses dispositions, où il s'occupe des peines et de la juridiction qui doit les prononcer, il s'est exactement conformé aux distinctions établies le Code pénal;

par

« Attendu que si, par l'article 365, il impose aux Cours d'assises le devoir de n'appliquer que la peine la plus forte, c'est uniquement en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, sans faire aucune mention du cas où la conviction terait sur une réunion de plusieurs contraventions de police, poret où le tribunal chargé de les réprimer n'aurait d'autre alternative que de les punir par l'application successive de la peine encourue ou du maximum de cette même peine;

< Attendu qu'en ne désignant ainsi que deux des trois catégories des faits déclarés punissables, et en gardant le silence sur la troisième, cet article a suffisamment montré qu'il n'a pas compris cette dernière dans ses dispositions;

« Attendu qu'en prohibant le cumul des peines applicables aux délits et aux crimes, et en établissant une règle spéciale pour la punition des divers crimes ou délits dont un accusé serait convaincu, le législateur a été déterminé, tant par la nature des peines et les limites du droit de punir, que par l'intérêt même de l'humanité et de l'amendement des coupables; que ces motifs ne sauraient avoir lieu quand il s'agit des peines qui ne sont applicables, le plus souvent, qu'à de simples infractions ou omissions, négligences ou désobéis

sances, sans intention de la part de celui qui les a commises, à des lois ou à des règlements de police;

« Attendu qu'il importe peu que la première partie de l'art. 365, C. instr. crim., attribue aux Cours d'assises une compétence générale sur tous les faits qui sont constatés devant elle; que l'étendue de cette compétence est la conséquence naturelle de la plénitude de la juridiction qu'elles exercent, mais qu'on n'en peut conclure qu'elle emporte nécessairement avec elle l'obligation d'appliquer sans aucune distinction, à tous les faits sur lesquels ces cours peuvent être appelées à prononcer, la défense du cumul des peines;

<< Attendu, en effet, que la loi a pu, par des raisons d'intérêt public, prescrire à une juridiction supérieure de statuer sur des faits qui ne sont pas habituellement portés devant elle, et laisser cependant aux principes généraux sur la nature et l'étendue des peines toute leur application; qu'il ne pourrait en être autrement qu'au moyen d'une dérogation expresse à ces principes, et que celle qui a été introduite dans la deuxième partie de l'article 365 ne porte pas sur les cas où il s'agit de contravention de police. » Cass. 7 juin 1842, rapporté par Dalloz, v° Peine, n° 158.

Cette doctrine, la Cour de cassation l'a confirmée depuis par de nombreux arrêts, en décidant, par exemple :

Que le boulanger, dans la boutique duquel il a été trouvé trois pains non revêtus de la marque ordonnée par un arrêté municipal, doit être condamné à trois amendes (12 mai 1854);

Qu'il doit être prononcé contre le logeur autant d'amendes qu'il y a d'individus non inscrits sur les registres (27 janvier 1853);

Que la double contravention d'embarras de la voie publique et de détérioration entraîne une double peine (7 mars 1857); Qu'il doit être prononcé contre le chef d'établissement autant d'amendes qu'il y a d'ouvriers non inscrits (18 février 1858);

Qu'il doit être prononcé vingt-trois amendes si le procèsverbal constate que l'inculpé a exposé en vente vingt-trois pelotes de beurre ne représentant pas le poids fixé par un règlement (5 août 1869);

Qu'on doit considérer comme constituant autant de contraventions qu'il y a d'infractions distinctes, quoique commises le même jour, les omissions de balayage sur les points différents d'une même ville. Cass. 23 janvier 1874, Annales, 1874, 341. Ainsi, en cas de conviction de plusieurs contraventions, la

peine la plus forte ne doit pas être seule appliquée; mais il doit être prononcé autant de condamnations distinctes qu'il y a de contraventions.

Lors même qu'un procès-verbal ne constate qu'une contravention, le juge peut déclarer qu'il en a été commis plusieurs distinctes, et appliquer la peine autant de fois qu'il y a de contraventions. Trib. Mostaganem, 2 juill. 1875, Gaz. des trib., 27 août 1875.

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38. Nous faisons remarquer, avec Carnot, que, lorsque la loi déclare tel fait punissable des peines de police, il rentre dans le pouvoir discrétionnaire des tribunaux de prononcer cumulativement celles de l'emprisonnement et de l'amende, ou de ne prononcer que l'une de ces peines; de les prononcer toutes au maximum ou au minimum, et même les unes au maximum et les autres au minimum; ils ont, sur ce point, toute la latitude désirable. Mais quand la loi a déterminé le genre de peine applicable à la contravention qu'elle réprime, les tribunaux commettraient un excès de pouvoir s'ils y en substituaient une autre. Lorsque la loi se borne, au contraire, à déclarer que la contravention sera punie d'emprisonnement et d'amende, l'une et l'autre de ces peines doivent être cumulativement appliquées.

§ 2. Récidive.

39. Les peines de police, amende et emprisonnement peuvent être aggravées lorsque le contrevenant se trouve en état de récidive.

« Il y a récidive, porte l'art. 483, C. pén., dans tous les cas prévus par le présent livre, lorsqu'il a été rendu contre le contrevenant, dans les douze mois précédents, un premier jugement pour contraventions de police commises dans le ressort du même tribunal. >>

De cette définition il résulte que quatre conditions sont necessaires pour constituer la récidive premier jugement rendu contre l'inculpé; seconde contravention rentrant dans les cas prévus par le titre IV du Code pénal; seconde contravention commise dans le ressort du même tribunal; enfin, seconde contravention commise dans les douze mois précédents. 40.-Précédentjugement rendu pour contravention de police. Il ne suffit pas qu'une contravention nouvelle ait été commise, il faut qu'elle suive une première contravention réprimée par un jugement.

Du reste, cette condition existant, le nombre des contraventions successivement commises depuis la première condamnation jusqu'aux poursuites actuelles est indifférent; ce n'est qu'une seule récidive. DALLOZ, v° Contravention, no 56.

Si, après un second jugement ayant appliqué la peine de la récidive, une troisième contravention vient à être commise dans le délai et avec les autres conditions déterminés par la loi, cette troisième contravention constitue une seconde récidive et doit être punie comme telle. Ainsi jugé par l'arrêt suivant :

<< Attendu qu'il est établi et reconnu que le cabaretier Lagouge, en tenant son cabaret ouvert le 8 janvier dernier et en donnant à boire après l'heure fixée pour la fermeture des cabarets, était en récidive, non-seulement pour avoir commis une contravention de même nature, mais pour en avoir commis deux dans le cours de l'année, réprimées l'une et l'autre par les jugements des 5 novembre et 4 décembre précédents; qu'en ne le condamnant pas aux peines de la récidive pour cette troisième contravention, sous le prétexte qu'il avait été déjà condamné pour récidive par le jugement du 4 décembre, le jugement attaqué a violé les dispositions des articles 474 et 483, C. pén. » Cass. 10 mars 1837.

La condamnation précédemment prononcée doit être définitive. Si donc, au moment où une seconde contravention a été commise, la première n'était réprimée que par un jugement de défaut, frappé d'opposition, il n'y aurait pas récidive.

Un jugement par défaut et non encore signifié ne peut servir de base pour l'application des peines de la récidive. J. P. Merville, 30 juillet 1873, Bulletin, XV, 258.

Enfin, la première condamnation doit avoir été encourue pour_contravention de police. En matière correctionnelle, note Dalloz, v° Contravention, no 57, ce n'est pas seulement dans une condamnation antérieure pour délit que la récidive peut trouver son premier élément; il y a aussi récidive, quand il est intervenu antérieurement une condamnation pour crime; et l'effet est le même dans les deux cas. En simple police, il n'en est plus ainsi; il n'y a que la contravention qui aggrave la contravention: le crime où le délit antérieur n'y ferait rien. « Ce qui peut, dit Carnot, sur l'article 483, § 4, paraître une inconséquence, mais ce qui n'en a pas moins de réalité. »

Comme la première condamnation, constitutive de l'état de récidive, doit émaner du tribunal qui statue sur la deuxième

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