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application à une contravention bien commune dans les camgagnes.

«C'est celle connue sous le nom de retirage. Un cultivateur veut s'agrandir aux dépens de son voisin. En conséquence, au lieu de se renfermer dans ses limites, il place sa charrue sur le champ de ce voisin, et traçant ensuite son sillon, il lui enlève une ou deux raies de terre qu'il réunit au sien, espérant que cette légère usurpation ne sera pas décou

verte.

<«< En agissant ainsi, il détruit nécessairement les productions qui peuvent exister sur ces raies de terre; et il se rend dès lors coupable de la contravention prévue par l'article 28 ci-dessus. On ne peut pas dire, en effet, qu'il ait l'intention de voler ces productions, puisque son principal objet est de s'aggrandir aux dépens de son voisin et non de lui enlever tout ou partie de sa récolte.

<«<< Il en est de même des reprises de terre, c'est-à-dire du fait par lequel le voisin usurpé, se faisant justice à lui-même, reprend la terre envahie sur lui, et détruit à son tour les productions confiées à cette terre.

« On appliquera donc, à l'une et à l'autre de ces contraventions, la peine fixée par l'article 28, après toutefois que la question de propriété, si elle est élevée, aura été décidée par les tribunaux civils. >>

Dans ce système, le fait de couper des grains ou des fourrages est régi par l'article 449, C. pén.

Le fait de détruire de petites parties de blé en vert ou d'autres productions de la terre est régi par l'article 28 de la loi de 1791.

Le fait d'empiéter sur les terres du voisin, et le fait de reprendre les parcelles de terrain usurpées, constitue la destruction prévue et punie par ledit article 28.

717. Ces opinions exposées, qu'il nous soit permis de hasarder la nôtre, et de dire en quelle partie l'article 28 nous paraît être abrogé, en quelle autre il nous paraît être encore en vigueur.

Nous écartons d'abord cette proposition que couper de petites parties de blé en vert ou d'autres productions del terre, c'est commettre la contravention visée par l'article 471, § 9 du Code pénal. Cet article ne s'occupe que du maraudage, de l'acte de cueillir ou de manger sur le lieu même des fruits proprement dits, ainsi qu'il a été expliqué suprà, no 181 et 182. Donc, sur ce point, l'article 471, C. pén., n'a pas abrogé

l'article 28 de la loi de 1791. Conf. BLANCHE, Etudes, VI, n° 615.

En est-il de même de l'article 449 du Code pénal?

Oui, nous croyons qu'il n'a pas davantage abrogé l'article 28. L'article 449 prévoit, en effet, l'action de couper des grains ou des fourrages; c'est-à-dire, sinon de les moissonner, du moins de les faucher. Et l'article 28 prévoit l'action de couper seulement de petites parties de blé en vert ou des productions de la terre, ce qui implique une intention beaucoup moins malveillante, un acte fort peu grave qui se rapproche assez du maraudage. Donc, couper ces récoltes, mais en minime quantité, sera la contravention réprimée par la loi de 1791.

L'article 449 ne parle pas du cas de destruction. C'est que la destruction dans de larges proportions, la dévastation proprement dite des récoltes sur pied, est un délit que touche l'article 444 du Code pénal. Donc, détruire des blés en vert ou d'autres productions de la terre, mais en minime quantité, sera encore la contravention réprimée par la loi de 1791. Et ajoutons, peu importe, le mode employé pour couper ou détruire. Ajoutons aussi que le fait ne conservera le caractère de contravention que si l'intention de voler n'apparaît pas chez le délinquant.

Quant au retirage, ainsi que l'appelle Boucher d'Argis, nous avouons ne pas comprendre comment il peut constituer un délit rural. Primus, avec sa charrue, prend une raie de terre appartenant à Secundus, son voisin. Qu'advient-il ? Secundus revendique sa propriété, Primus conteste cette revendication; et alors s'agite une question purement civile, de délimitation de terrain, de bornage qui, suivant l'occurrence, pourra se résoudre par la condamnation de Primus en dommages-intérêts.

Mais, insiste-t-on, Primus en labourant a détruit les productions qui se trouvaient sur cette raie de terre, et alors il est dans le cas de l'article 28. Ceci n'est pas absolument exact: il peut très-bien arriver, et il arrive souvent à l'époque des labours, que la terre soit veuve de toute production. Et puis, fût-elle en état de production, le dégât causé ne serait réparable que civilement par une indemnité pécuniaire. Et puis enfin, Primus a peut-être eu raison de reprendre cette raie de terre, qui peut-être lui appartient réellement.

Ces observations s'appliquent à la reprise des terres, qui donne également lieu, suivant nous, à une action civile, et non pas à une poursuite criminelle.

718. Nous reconnaissons donc que l'article 28 de la loi de 1791 n'est abrogé ni par l'article 471, § 9 du Code pénal, ni par les articles 449 et 450 du même Code; nous reconnaissons donc qu'il prévoit deux contraventions: couper ou détruire, avant leur maturité, de petites parties de blé en vert, ou d'autres productions de la terre.

Quelle pénalité les atteint? Une amende égale à la somme du dédommagement, et suivant les circonstances, la détention de police municipale.

Nous le savons si le chiffre du dédommagement, chiffre qui sert de base pour celui de l'amende, n'est pas fixé par le propriétaire lésé, dans sa plainte ou dans sa citation, l'amende restant indéterminée, le juge de police ne connaît pas de la contravention.

Si le chiffre du dédommagement est évalué à plus de quinze francs, l'amende devant être supérieure à cette somme, le juge de police ne connaît pas encore de la contravention.

Si, au contraire, le dommage n'est pas estimé plus de quinze francs, l'amende ne devant pas excéder cette somme, le juge de police est compétent.

Quant à l'emprisonnement, qui est facultatif, sa durée est limitée au minimum de trois jours par la loi du 23 thermidor

an iv.

§ 15.-Enlèvement de fumiers ou d'engrais.

719.-Nous avons vu suprà, no 649, qu'au nombre des délits ruraux, justiciables de la police correctionnelle, se trouvait l'enlèvement des fumiers ou engrais, dans le cas où le délinquant a fait tourner ces engrais à son profit. C'est la disposition finale de l'article 33.

Mais ledit article, dans sa première partie, prévoit une contravention qui rentre dans les attributions des tribunaux de simple police.

«Celui qui, sans la permission du propriétaire ou fermier, enlèvera des fumiers, de la marne, ou tous autres engrais portés sur les terres, sera condamné à une amende qui n'excédera pas la valeur de six journées de travail, en outre du dédommagement, et pourra l'être à la détention de police. municipale.» (L. 1791, art. 33).

720. Nous appelons l'attention sur le mot portés, qui, d'après une jurisprudence récente, serait caractéristique de la contravention. Ainsi, l'enlèvement d'engrais déposés, par

des bestiaux, supposons-le, ne serait pas réprimé par notre article 33, mais par les articles 379 et 401 du Code pénal.

Voici les termes de l'arrêt auquel nous faisons allusion: « Considérant que le seul fait soumis à l'appréciation de la Cour est l'enlèvement de fiente de mouton, commis par Sagan dans les champs de Legendre et au préjudice de celui-ci ;

« Considérant, en ce qui concerne le fait commis au préjudice de Legendre que, contrairement aux dénégations de Sagan, il est complétement établi par le procès-verbal du garde champêtre de la commune de Belbeuf;

« Considérant qu'il ne reste donc plus qu'à déterminer quelle est la disposition de loi qui est applicable à ce fait;

« Considérant qu'avec raison le tribunal a écarté l'application de l'article 33 de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791, qui prévoit l'enlèvement, sans permission des propriétaires on fermiers, des fumiers, de la marne, ou d'autres engrais portés sur les terres;

«Que ces termes sont évidemment caractéristiques d'un fait différent de celui de l'espèce où il s'agit d'engrais, non pas portés, mais laissés sur les terres par les moutons pendant qu'ils sont au pacage;

« Considérant que l'article 34 de la même loi, retenu et visé par le tribunal, n'est pas non plus applicable au fait du procès;

« Que cet article prévoit, en effet, l'enlèvement de productions utiles de la terre, soit qu'elles aient pour destination la nourriture de l'homme, ce qui est l'hypothèse de la première partie de l'article, soit qu'elles doivent servir à un autre usage, ce qui est le cas de la seconde partie;

«Mais qu'il est évident par le contexte entier du même article que ce qu'il prévoit dans l'une et l'autre de ses parties, c'est toujours l'enlèvement des productions utiles de la terre; de telle sorte qu'à supposer que ledit article 34 n'ait pas été abrogé et remplacé par les articles 388 et 475 du Code pénal, il serait absolument inapplicable aux enlèvements d'engrais laissés par les bestiaux sur les terres;

« Considérant que le même fait n'est prévu par aucune autre loi spéciale;

« Considérant qu'on ne saurait induire de là qu'il ne soit pas punissable;

« Qu'il faut, au contraire, conclure par application des principes les plus certains, et comme conséquence de l'ar ticle 484 du Code pénal, que ce fait est resté soumis au droit

commun et se trouve régi par les dispositions du Code pénal, qui prévoient et punissent la soustraction frauduleuse de lá chose d'autrui, c'est-à-dire par les articles 379 et 401 dudit Code.» Rouen, 23 juillet 1874, Droit, 9 septembre 1874, et Annales, 1875, 140.

721.-Rappelons que pour que l'enlèvement des fumiers, de la marne ou de tous autres engrais portés sur les terres ne soit qu'une contravention, il faut absolument que le contrevenant n'ait pas fait servir lesdits engrais à son profit. Peut-être on ne s'explique pas très-bien comment on enlève du fumier ou des engrais, pour ne pas en tirer un usage, un avantage quelconque..... La loi est positive.

722.-La peine est d'une amende qui n'excédera pas la va leur de six journées de travail, mais qui ne sera pas inférieure à celle de trois journées.

L'emprisonnement facultatif est de trois jours au moins, d'après la loi de thermidor an iv.

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723. D'après l'article 34 :

« Quiconque maraudera, dérobera des productions de la terre, qui peuvent servir à la nourriture des hommes ou d'autres productions utiles, sera condamné à une amende égale au dédommagement dû au propriétaire ou fermier; il pourra aussi, suivant les circonstances, être condamné à la détention de police municipale. >>

724.

Cette disposition a été abrogée par les articles 388, 471, § 9, et 475, § 15, du Code pénal.

Voir suprà, CODE PÉNAL, art. 471, § 9, n° 179 et 188, et art. 475, § 15, nos 478 à 485.

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725. Tout voyageur qui déclora un champ, pour se faire un passage dans sa route, paiera le dommage fait au propriétaire, et, de plus, une amende de la valeur de trois journées de travail; à moins que le juge de paix du canton ne décide que le chemin public était impraticable, et alors les dommages et les frais seront à la charge de la communauté. » (L. 1791, art. 41).

726.-Déclore un champ pour se frayer un passage consti

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