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594. L'article 479 ne vise que les bestiaux et non les animaux de trait de charge ou de monture.

Cependant la jurisprudence considère comme bestiaux les chevaux, les ânes et les mulets, aussi bien que les bœufs, les vaches, les moutons, les porcs, les chèvres, les volailles.

595,- L'énumération faite par l'article 479 des diverses espèces de terrain n'est que démonstrative; tous les terrains autres que ceux qui sont chargés de récoltes sont donc implicitement visés par lui dans cette expression.

Ainsi, par exemple, les chaumes, les terrains, les herbes.

596. La contravention existe, même en l'absence de dégât ou de préjudice. Elle est constituée par le fait seul de mener des bestiaux sur le terrain d'autrui et dans les plantations désignées en l'article 479. Cass. 9 février 1856, 26 novembre 1858.

597. Le passage d'animaux sur le terrain d'autrui ne constitue ni la contravention prévue par l'article 471, § 14, ni celle de l'article 479, § 10 du Code pénal, lorsque le fait a eu lieu sans la participation du conducteur. C'est la contravention prévue par les articles 3 et 12 du titre II de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791. Cass. 4 juin 1875, Annales, 1876, 60.

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598. Seront punis d'une amende de onze à quinze francs inclusivement, ceux qui auront dégradé ou détérioré, de quelque manière que ce soit, les chemins publics, ou usurpé sur leur largeur.

Deux contraventions sont prévues par le § 11: Dégradation ou détérioration des chemins publics; usurpation sur leur largeur.

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599. Dégradation ou détérioration des chemins publics. Pour définir les dégradations et les détériorations, nous ne pouvons mieux faire que d'interroger la jurisprudence.

Et d'abord, notons que la loi, en inculpant la dégradation ou la détérioration, indique qu'elle interdit même les travaux qui, en dégradant la voie publique, n'auraient pas pour effet de la détériorer au point de porter atteinte à la viabilité. Cass. 7 janvier 1845.

Notons encore que la loi punissant toute entreprise ou voie de fait sur un chemin public, il ne suffit pas au juge, pour dé

cider qu'il n'existe pas de contravention, de déclarer que l'acte incriminé n'a gêné ni embarrassé la circulation. Cass. 28 août 1874, Gaz. des trib., 29 août 1874, et Annales 1875, 246.

Il y a dégradation ou détérioration dans le fait par un particulier de se servir pour l'irrigation de ses prés, des eaux d'un ruisseau qui longe un chemin public, de les déverser sur ce chemin et de l'inonder. Cass. 13 janvier 1865.

Il y a dégradation ou détérioration dans le fait d'un cultivateur d'avoir, en labourant son champ, labouré une partie du chemin public. Cass. 30 mai 1846.

Il y a dégradation ou détérioration dans le fait de construire avec de la terre et des piquets plantés aux extrémités, un bar, rage qui comble l'un des fossés d'un chemin vicinal. Cass. 15 février et 5 juin 1856.

Il y a dégradation ou détérioration dans le fait d'ouvrir des tranchées dans un chemin public. Cass. 31 janvier 1855.

Lorsqu'il est reconnu que le propriétaire riverain d'un chemin public n'a fait que combler de terre un fossé pratiqué, à son insu, sur son terrain pour servir à l'écoulement des eaux du chemin, il ne peut être condamné pour détérioration de ce chemin public, à moins qu'un arrêté du maire ne lui ait enjoint d'entretenir sur son terrain les travaux utiles à l'écoulement des eaux du chemin. Cass. 3 janvier 1874, Gaz. des trib., 17 janvier 1874, et Annales 1874, 349.

600. Usurpation sur la largeur des chemins publics.

L'usurpation, c'est l'empiétement sur la voie publique, de quelque manière qu'il soit opéré, c'est l'entreprise qui altère l'essence même du chemin. La jurisprudence nous fournira encore ici des cas d'usurpation.

Il y a usurpation dans le fait d'exécuter des travaux et des plantations sur les bords d'un chemin communal. Cass. 5 novembre 1825.

Il y a usurpation dans le fait de planter une haie et des échalas sur un chemin public. Cass. 7 février 1856.

Il y a usurpation dans le fait d'établir une haie morte sur une voie publique, et de rendre ainsi cette voie impraticable. Cass. 18 octobre 1836.

Il y a usurpation dans le fait d'empiéter sur un chemin rural, en curant ou réparant un fossé, le long de ce chemin. Cass. 13 décembre 1843.

Il y a usurpation dans le fait d'établir des chasse-roues sur un chemin public; l'administration étant seule juge de ce qui peut être utile ou nuisible à la viabilité. Cass. 17 août 1865.

601. Mais pour qu'elles soient punissables, la dégradation, la détérioration ou l'usurpation doivent avoir été commises sur un chemin public. Qu'elles aient eu lieu sur un chemin privé, elles sont à l'abri de toute répression.

Déjà il a été question du chemin public ou de la voie publique, notamment sous le commentaire de l'article 471, § 4, suprà, n° 114 et suivants. Il a été dit que voie et chemin publics désignaient tout lieu livré à la circulation, soit à la ville, soit dans les campagnes.

Quant aux difficultés qui peuvent surgir à ce sujet, elles ont été également passées en revue; nous y renvoyons le lec

teur.

602. Il nous reste à rechercher les limites de la compétence du tribunal de police.

Les chemins publics comprennent spécialement les routes nationales ou départementales.

Les dégradations, détériorations et usurpations sur ces chemins, sont-elles justiciables du tribunal de police?

Les articles 1er et 4 de la loi du 29 floréal an x, dont nous avons reproduit le texte suprà, n° 116, attribuent formellement juridiction aux conseils de préfecture relativement aux grandes routes ou routes nationales. Et nous rappelons que le décret du 16 décembre 1811 leur assimile les routes départementales.

603. Quant aux chemins publics qui forment la prolongation d'une route nationale ou départementale, le conseil de préfecture est seul encore compétent. -Voir suprà, n° 117.

604.Le doute se présente à l'égard des chemins vicinaux. Les dégradations, détériorations et usurpations commises sur ces chemins relèvent-elles de l'autorité administrative ou de l'autorité judiciaire?

La loi du 9 ventôse an xIII, relative aux plantations des grandes routes et des chemins vicinaux, déclare dans son article 8: « que les poursuites en contravention aux dispositions de la présente loi seront portées devant les conseils de préfecture, sauf le recours au conseil d'Etat. »>

Mais cette loi ne visant pas spécialement les dégradations, détériorations et usurpations, on pouvait penser que ces contraventions sur les chemins vicinaux devaient être déférées aux juges de simple police.

De là, longue controverse, à laquelle a mis fin une décision très-importante du Tribunal des conflits, intervenue dans les circonstances suivantes :

Un arrêté du maire de Plessis-Rozainvilliers, portant fixation de l'alignement du chemin vicinal de Corbie à Montdidier, attribuait à ce chemin, vis-à-vis la propriété du sieur Morel, une largeur de onze mètres soixante-dix centimètres, bien qu'il ne fût indiqué sur l'état des chemins vicinaux que pour une largeur de dix mètres. L'arrêté déclarait que l'excédant serait considéré comme pelouse communale.

Le 25 juillet 1845, un procès-verbal du garde champêtre constatait, à la charge du sieur Morel, une anticipation sur la largeur du chemin. Morel, poursuivi devant le tribunal de police de Mareuil, opposa l'exception préjudicielle de propriété, et obtint un sursis pour faire statuer sur cette exception. Mais le délai qui lui avait été accordé étant expiré sans qu'il eût saisi les tribunaux compétents, le juge de police passa outre; puis, reconnaissant l'existence de la contravention à l'arrêté du maire, et de l'usurpation, il condamna le prévenu à un franc d'amende, à raison de la contravention, et à onze francs à raison de l'usurpation.

Le sieur Morel interjeta appel. Le préfet de la Somme éleva un déclinatoire qui fut rejeté par un jugement du tribunal de Montdidier, en date du 26 juillet 1849.

Arrêté de conflit pour violation de l'article 5 de la loi du 9 ventôse an XII, et fausse application de l'article 479, § 11 du Code pénal.

En cet état, le Tribunal des conflits a statué dans ces termes : « Considérant, en fait, que les poursuites dirigées contre Morel avaient pour objet la répression de contraventions résultant: 1° de l'inexécution de l'arrêté d'alignement à lui donné par le maire de Plessis-Rozainvilliers; 2° d'une usurpation d'une partie du chemin vicinal de Corbie à Montdidier; << Considérant que l'interprétation de l'arrêté municipal était essentiellement de la compétence administrative;

« Considérant, en droit, que les contraventions à la loi du 9 ventôse an XIII, relatives aux usurpations commises sur les chemins vicinaux doivent, aux termes de l'article 8 de ladite loi, être poursuivies devant les conseils de préfecture; que la compétence établie par cette loi se rattache aux pouvoirs généraux qui appartiennent à l'autorité administrative chargée d'assurer la libre circulation des citoyens, et la viabilité publique; que cette compétence n'a été changée par aucune loi;

«Considérant que l'article 479, § 11, C. pén., tel qu'il a été modifié par la loi du 28 avril 1832, s'est borné à reproduire les dispositions de la loi des 26 septembre-6 octobre

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1791, dans le seul but de placer parmi les contraventions de simple police les infractions prévues par ledit article ;

«Considérant que l'article 479, § 11, C. pén., doit se combiner avec la loi du 9 ventôse an xi, en ce sens que les conseils de préfecture sont chargés de faire cesser les usurpations commises sur les chemins vicinaux, et les juges de police de prononcer la peine; que cette combinaison attribue à chaque autorité les pouvoirs qui lui appartiennent, en réservant à l'autorité administrative les mesures de conservation de la voie publique, et à l'autorité judiciaire l'application des pénalités ;

« A décidé ce qui suit: a ART. 1°. L'arrêté de conflit est confirmé, en tant qu'il revendique pour l'autorité administrative; 1o la question d'interprétation de l'arrêté d'alignement; 2° celle relative au rétablissement des lieux dans leur état originaire. Il est annulé en ce qui touche l'application par l'autorité judiciaire, des peines encourues pour contravention à l'arrêté d'alignement ou résultant de l'usurpation commise.

-

« ART. 2. Sont considérés comme non avenus, en ce qu'ils ont de contraire aux dispositions qui précèdent: 1° le jugement du tribunal de simple police de Mareuil; 2° le jugement du tribunal de l'arrondissement de Montdidier. » Trib. confl. 21 mars 1850, Dalloz, 1850, 3, 33.

Ce qu'il faut retenir de cette décision, c'est que le tribunal de police a seul le droit de prononcer l'amende encourue, et que l'autorité administrative a seule compétence pour constater l'usurpation et ordonner la restitution du terrain usurpé.

Nous nous inclinons devant la doctrine enseignée par le Tribunal des conflits, mais non sans la déplorer. Il est, en principe, toujours fâcheux, toujours préjudiciable à la bonne administration de la justice, que deux juridictions indépendantes l'une de l'autre soient saisies d'un même fait. Dans l'espèce dont il s'agit ici, il peut arriver que l'autorité administrative constate l'usurpation, ordonne la restitution..., et que le juge de police, en absolvant le contrevenant, déclare implicitement qu'il n'y a ni usurpation, ni motif dès lors à restitution. Et réciproquement. Car, ne l'oublions pas, les décisions de l'autorité administrative n'enchaînent pas le juge de police; les décisions judiciaires n'enchaînent pas davantage l'autorité administrative.

Ajoutons non-seulement le juge de police n'est pas lié, mais il doit statuer sans attendre que le tribunal administra

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