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au plus, pourra être prononcée contre les auteurs ou complices des bruits ou tapages injurieux ou nocturnes (C. pén., art. 480).

Une observation qui s'applique également aux paragraphes 3, 6 et 7.

L'article 473, C. pén., porte: « La peine d'emprisonnement, pendant trois jours au plus, pourra de plus être prononcée contre ceux, etc. »; c'est-à-dire, outre l'amende.

L'article 476 du même Code porte : « Pourra, suivant les circonstances, être prononcé, outre l'amende, l'emprisonnement pendant trois jours au plus contre les rouliers, etc. »; c'est-à-dire cumulativement avec l'amende.

Notre article 480 se borne à dire: « Pourra, selon les circonstances, être prononcée la peine d'emprisonnement pendant cinq jours au plus contre ceux, etc. »

De là un doute l'emprisonnement peut-il être prononcé seul, puisque l'article 480 ne répète pas ces mots de plus, et outre l'amende?

Le tribunal de police ne peut se dispenser de prononcer l'amende avec l'emprisonnement; l'amende est la peine principale, l'emprisonnement n'en est que l'accessoire. C'est ce que décide l'arrêt suivant:

<< Attendu que l'article 479, C. pén., est absolu, et que les auteurs d'un tapage nocturne doivent être punis d'une amende de onze à quinze francs; que les tribunaux ne peuvent se dispenser de prononcer cette peine, en cas de culpabilité; que si l'article 480 du même Code prononce, suivant les circonstances, une peine d'emprisonnement, il ne s'ensuit pas que les tribunaux aient la faculté de ne prononcer que l'une ou l'autre peine; qu'ils sont seulement autorisés à les cumuler, suivant la gravité des faits, et que ce n'est qu'accessoirement à la peine de l'amende que celle de l'emprisonnement doit avoir lieu; et que, dans aucun cas, cette dernière peine ne peut être prononcée seule. » Cass. 13 mai 1831.

§ 9.

Laceration ou enlèvement d'affiches.

584.Seront punis d'une amende de onze à quinze francs inclusivement, ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré les affiches apposées par ordre de l'administration.

Le § 9 a été introduit dans le Code pénal par la loi du 28 avril 1832. Il importe de constater les motifs qui l'ont fait

établir. M. Gaillard-Kerbertin, qui proposa cette disposition nouvelle, s'exprima ainsi, à la Chambre des députés :

<«< Dans beaucoup de contrées, des ennemis du Gouvernement actuel s'empresssent, d'enlever ou de déchirer, dans la nuit suivante, les affiches apposées par ordre de l'autorité. Il en résulte que beaucoup de citoyens n'ont pas connaissance des actes qu'ils auraient cependant un grand intérêt à connaître. C'est ainsi, par exemple, que, dans certains pays de l'Ouest, les réfractaires d'Auray n'ont point connu l'amnistie publiée en leur faveur. Ce manége peut avoir des suites tellement graves, qu'il est impossible de le laisser impuni. Qu'arrive-t-il? C'est que les tribunaux, qui ne trouvent pas dans la loi un texte bien précis, ont souvent appliqué une disposition étrangère à ce fait: ils ont cru devoir puiser une base à leurs jugements dans le § 1er de l'art. 479. Je propose donc une disposition nouvelle à ajouter à l'article 479, contre ceux qui ont enlevé ou déchiré les affiches apposées par l'administration. >>

A ces observations, M. Bavoux répondit : « Le cas prévu par M. Gaillard-Kerbertin peut bien arriver quelquefois ; mais il faut prendre garde, en voulant venir au secours de l'autorité dans quelques contrées, d'ouvrir une source d'abus pour les autres. A Paris, on pose beaucoup d'affiches. Eh bien, quels sont les individus qui font ces lacérations d'affiches à Paris? Ce sont, pendant la nuit, des chiffonniers, des malheureux qui arrachent sur les murs des affiches le plus souvent à moitié décollées, pour les vendre comme de vieux papiers; ils ne savent pas ce que c'est; ils exercent, pendant la nuit, leur chétive industrie, et ils pourraient prendre des affiches de l'autorité pour des affiches de vente ou pour des placards insignifiants. Il faudrait une distinction. >>

Donnant satisfaction à M. Bavoux, M. Gaillard-Kerbertin répliqua : « Les tribunaux sont toujours juges de l'intention; mais si l'on y voit quelque difficulté, je demande à ajouter dans l'article le mot méchamment. »

La proposition, ainsi modifiée, fut adoptée.

585. La contravention prévue par le § 9 existe à trois conditions: Il faut qu'une affiche ait été apposée par ordre de l'administration; il faut que cette affiche ait été enlevée ou déchirée; il faut que la lacération ou l'enlèvement ait eu lieu méchamment.

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586. Affiche apposée par l'administration. Nous ne croyons pas que la loi ait entendu parler ici seulement des affiches émanées de l'administration proprement dite; et, sui

vant nous, l'article 479 protége toutes les affiches ordonnées par la loi ou par la justice; en un mot, tous les actes de l'autorité publique.

Ainsi tombera sous l'application de l'article 479, la lacéra- · tion ou l'enlèvement des affiches apposées, en vertu des articles 617 et 699, C. proc. civ., pour annoncer la vente des biens d'un débiteur saisi.

Jugé même que les affiches placées dans l'intérieur des gares de chemins de fer, et indiquant la marche des trains, doivent être considérées comme apposées par ordre de l'administration publique. J. P. Argenteuil, 10 mars 1865, Bulletin, VII, 230.

Mais les affiches collées par ordre et dans l'intérêt des particuliers, les affiches annonçant, par exemple, une vente amiable, l'ouverture d'un magasin, une représentation théâtrale, ne sont nullement visées par loi. Leur lacération ou leur enlèvement peut, tout au plus, donner lieu contre le coupable à une action en dommages-intérêts.

587. Lacération ou enlèvement. Remarquons tout d'abord qu'il n'est point exigé que l'affiche soit à la fois enlevée et déchirée. La disposition du § 9, dit un arrêt de cassation du 6 octobre 1832, dans son esprit, comme dans son sens légal, n'a voulu punir que le fait d'avoir réellement, avec l'intention d'empêcher ainsi que le public pût en connaître le contenu, enlevé, rompu ou mis en pièces les affiches apposées par l'ordre de l'administration.

Cet arrêt explique suffisamment le but et la portée de la loi. Mais comment interpréter ces mots enlevé ou déchiré? N'y aura-t-il contravention que si l'affiche a été enlevée ou déchirée ? Quid, supposons, d'un individu qui se borne à recouvrir de boue, d'ordures ou d'une autre affiche, l'affiche apposée par l'autorité publique?

Evidemment, en se reportant à la préoccupation du législateur qui a voulu prévenir ou réprimer le fait par lequel une affiche est soustraite à la connaissance des citoyens, on devrait considérer comme une contravention la maculature méchamment opérée d'une affiche officielle, ou sa soustraction aux regards par la superposition calculée d'une autre affiche. Mais le texte de la loi ne traduit pas fidèlement sa pensée, il ne vise pas les actes que nous venons de supposer. Or, en matière pénale, le juge ne doit pas condamner par voie d'analogie; il est l'esclave des termes; il ne reconnaît de contraventions que celles qui sont nettement définies par loi. Et quelque illogique que

notre opinion paraisse, nous pensons que les faits susindiqués ne tombent pas sous l'application de l'article 479, § 9. Code annoté des juges de paix, p. 305, n° 79 et 80.

Il n'y aurait pas davantage contravention dans le fait de décoller ou détacher une affiche, si l'affiche était presque immédiatement remise en place par le délinquant lui-même et de son propre mouvement.

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588. Quid des affiches déchirées, enlevées avant ou pendant leur apposition? Le fait de les déchirer ou de les enlever dans ces circonstances ne constitue pas d'infraction à l'article 479, qui parle d'affiches apposées.

589. Quid d'une lacération partielle? Elle est régie par

l'article 479.

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590. Lacération ou enlèvement opéré méchamment.Nous avons maintes fois répété que lorsqu'il s'agit de contravention, l'intention mauvaise n'est jamais recherchée; un fait défendu a été commis, le délinquant est coupable, peu importe sa bonne foi, son ignorance, etc.

Ici, par exception, et à la suite de la discussion que nous avons rapportée, l'intention méchante est essentielle à l'existence de l'infraction. Qu'elle fasse défaut, la contravention disparaît:

<< Attendu que la contravention prévue par l'article 479, § 9, C. pén., n'existe, aux termes de cet article, qu'autant que l'affiche apposée par l'ordre de l'administration a été enlevée ou déchirée méchamment. » Cass. 12 février 1852, 9 février 1856.

L'expression méchamment dont se sert le législateur. ne doit s'entendre, ainsi que le déclare l'arrêt susrelaté du 6 octobre 1832, que de la volonté d'empêcher le public de connaître le contenu des affiches; c'est, en effet, la seule intention méchante qui puisse se révéler.

591. Le propriétaire qui enlèverait des affiches apposées sur son mur ne commettrait, suivant nous, aucune contravention. Il a un droit absolu, entier sur sa chose; il peut s'opposer à ce que l'on souille ses murailles par des placards; dès lors, il est fondé à enlever ceux qu'on y a collés. Nul doute, s'il s'agit d'affiches privées. Mais, s'il s'agit d'affiches apposées par ordre de l'administration? Nous répondons : L'autorité municipale a le devoir d'affecter certains endroits pour afficher les actes publics, et le décret du 18 mai 1791, art. 11, punit ceux qui placent des affiches particulières dans ces endroits réservés. Si elle a désigné, pour cet objet, tel mur de telle propriété privée, le propriétaire ne devra pas enlever les

affiches: il aura seulement un recours contre la décision administrative qui dispose ainsi, arbitrairement, de la chose d'autrui. Que le mur n'ait pas été désigné officiellement pour recevoir les actes publics, le propriétaire ne sera pas en faute s'il arrache les affiches.

$10.

Conduite de bestiaux sur le terrain d'autrui.

592. Seront punis d'une amende de onze à quinze francs inclusivement, ceux qui mèneront sur le terrain d'autrui des bestiaux de quelque nature qu'ils soient, et notamment dans les prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, dans les plants de câpriers, dans ceux d'oliviers, de mûriers, de grenadiers, d'orangers, et d'arbres du même genre, dans tous les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres, faits de main d'homme.

Nous avons eu déjà plusieurs fois à étudier les contraventions résultant de l'introduction des bestiaux et animaux sur le terrain d'autrui.

Dans l'article 471, § 14, il s'agissait du fait de laisser passer des bestiaux, bêtes de trait ou de monture, avant l'enlèvement de la récolte.

Dans l'article 475, § 10, il s'agissait du fait de laisser passer les mêmes animaux sur un terrain ensemencé ou chargé d'une récolte.

Dans l'article 479, § 10, il s'agit du fait de mener des bestiaux sur tels ou tels terrains.

En commentant le Code rural nous aurons à examiner le fait de laisser à l'abandon des bestiaux sur les propriétés d'autrui, et le fait de garder à vue des bestiaux dans les récoltes d'autrui.

Nous nous bornons à renvoyer aux observations générales que nous avons faites sous les articles précités 471, § 14, et 475, § 10; et à celles que nous présenterons sous les articles 12, 24 et 26 de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791; toutes elles s'appliquent à l'article 479, § 10.

593. Quelques notes sont seulement nécessaires pour l'espèce spéciale prévue par notre paragraphe.

Mener des bestiaux ou les garder à vue, c'est-à-dire les conduire et les laisser paître, sont des termes équivalents et constituent la même infraction (Cass. 9 mai 1840, 6 janvier 1842), régie par le Code pénal si le terrain n'est pas chargé de récoltes.

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