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cor pendant la nuit (Cass. 24 novembre 1865) commettent une contravention.

Mais que les chants, les cris, les concerts entendus d'une maison particulière dégénèrent en turbulence, en tapage; qu'ils soient insolites, étranges, ils peuvent constituer des contraventions.

576. Ici se présente une question : Les chants exécutés pendant la nuit seront-ils considérés comme des bruits ou tapages nocturnes ?

En principe, nous répondrons, non; si le chant est réservé, s'il n'a été que passager, s'il ne devait pas être entendu de loin. « Le chant d'un seul homme ne peut avoir le caractère d'un tapage nocturne punissable. » (Cass. 2 août 1828); tant qu'il ne s'y joint pas quelque circonstance qui en modifie le caractère (Cass. 22 juillet 1870).

Mais si le chant a été exécuté à pleins poumons, à tue-tête (Cass. 29 janvier 1842); s'il a dégénéré en hurlements (Cass. 29 août 1857); s'il a été entendu de loin (Cass. 8 juillet 1852), il n'est plus à l'abri des poursuites.

Les mêmes règles s'appliquent aux sons tirés des instruments si ces sons n'ont rien d'étrange et d'inquiétant, ils sont permis; ils seront, au contraire, punis de la peine de l'article 479, s'ils sont bruyants, et produits sans cause.

Ainsi le cultivateur qui fait des roulements de tambour sur une promenade publique, entre onze heures et minuit (Cass. 22 septembre 1854); celui qui tire d'une corne, pendant la nuit, des sons aigus et perçants (Cass. 8 janvier 1850); celui qui, pendant le même temps, sonne du cor (Cass. 30 août 1860), commettent une contravention.

Mais celui qui touche du piano, les fenêtres ouvertes (J. P. Poitiers, 24 août 1859, Bulletin, II, 186); celui qui joue du trombone ou du piston (Cass. 21 juillet 1870, Annales, 1872, 139), ne commettent pas de contravention.

Hatons-nous d'ajouter, que les chants et les sons d'instruments deviennent toujours répréhensibles, s'ils ont troublé la tranquillité des habitants.

577. C'est là, en effet, la condition essentielle de la contravention que nous étudions. Il ne suffit pas que le bruit ou le tapage fût de nature à troubler la tranquillité, il faut qu'il l'ait réellement troublée.

La Cour de cassation le pensait ainsi, en déclarant, dans un arrêt du 2 août 1828 :

« Que, pour qu'il y ait lieu à l'application de la peine pro

noncée par la loi, il ne suffit pas qu'il y ait eu un bruit ou tapage nocturne, qu'il faut encore que ce bruit ou tapage ait troublé la tranquillité des habitants; que, si en fait, un procès-verbal régulier constatait que le prévenu était l'auteur d'un tapage nocturne, cet acte n'établissait pas que la tranquillité des habitants eût été troublée, ni même qu'il y eût eu aucune plainte de leur part; d'où il suit que le tribunal de police, en se refusant à l'application de l'article 479, s'était exactement conformé à cet article. >>

Nous approuvons absolument cette décision, et nous accueillons complétement la doctrine qu'elle professe. Aussi, nous étonnons-nous que la Cour suprême ait cru devoir l'abandonner.

578. Dans des arrêts postérieurs, elle a dit, en effet, infirmant l'opinion de l'arrêt précité :

« Que les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes ne peuvent pas exister, sans que la tranquillité des habitants du lieu, qui en est le théâtre, ne soit troublée, dans le sens de l'article 479, §8; et qu'il suffit au ministère public de prouver que ces bruits ou tapages ont eu lieu, pour que les tribunaux de simple police soient tenus d'en punir les auteurs et complices.» Cass. 2 avril 1830, 8 décembre 1832, 25 avril 1834, 30 novembre 1854.

Rien de plus erroné, suivant nous, que cette théorie, d'après laquelle tout bruit ou tapage injurieux ou nocturne trouble forcément la tranquillité, et dès lors doit être fatalement réprimé.

:

Rien de plus faux, souvent en fait l'isolement du lieu, la faiblesse du bruit, la nature du tapage ne sont-ils pas des circonstances qui éloignent l'idée de trouble à la tranquillité publique?

Aussi la Cour suprême a compris la rigueur et peut-être l'injustice du nouveau principe consacré par elle; et, dans des arrêts plus récents, elle a admis une sorte de tempérament.

Elle a reconnu qu'il n'y a, dans le bruit ou tapage nocturne ou injurieux, qu'une présomption légale que la tranquillité des habitants a été troublée; elle a autorisé l'inculpé à prouver que le bruit ou le tapage qui lui était imputé n'avait pas eu ce résultat. Cass. 2 août 1850, 1er avril 1854, 26 août 1859, 17 mars 1866.

Ce système nouveau, approuvé par Blanche, n° 479, revient à dire que par cela seul qu'on est l'auteur d'un bruit ou tapage injurieux ou nocturne, on est légalement présumé

avoir troublé la tranquillité publique; mais que l'on est admis à prouver que cette tranquillité n'a pas été troublée.

Nous ne nous inclinons pas davantage devant cette jurisprudence.

Que réprime l'article 479, § 8 ? Le bruit ou le tapage, non pas seulement parce qu'il est injurieux ou nocturne, mais parce qu'il trouble la tranquillité des habitants. Ces deux conditions: injurieux ou nocturne et troublant la tranquillité, sont nécessaires, inséparables, elles constituent la contravention; que la seconde disparaisse, il n'y a plus d'infraction.

Si donc la contravention n'existe que par la réunion de ces deux conditions, c'est à vous, partie publique, qui me poursuivez, à établir que le fait à moi reproché est bien celui qu'incrimine la loi; c'est-à-dire que le bruit ou le tapage que j'ai causé a troublé la tranquillité des habitants. Et je n'ai pas, moi, à prouver que mes agissements n'ont pas porté de trouble.

Cette courte digression ne semble plus d'ailleurs avoir qu'un intérêt purement théorique. Car la Cour de cassation, revenant à ses idées de 1828, a décidé:

Que les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes ne sont punissables qu'autant qu'il est constaté qu'ils ont troublé la tranquillité des habitants. Cass. 3 juin 1864, Dalloz, 1865, 1, 323;

Que, dans le cas où un individu a chanté pendant la nuit, même à voix très-élevée, si le procès-verbal qui constate le fait du chant nocturne n'énonce pas en même temps des circonstances de nature à faire dégénérer ce chant en cause de trouble pour la tranquillité publique, le juge de police déclare à bon droit que la contravention n'est pas établie. Cass. 27 avril 1866, Dalloz 1866, 1, 368.

Telle est, en effet, nous le répétons, la seule interprétation juridique que l'on doive donner à l'article 479.

579.-Nous insistons sur un point: les bruits ou tapages injurieux faits pendant le jour doivent, comme ceux qui ont lieu pendant la nuit, avoir troublé le repos des habitants. Que des individus se disputent bruyamment, qu'ils se bousculent, qu'ils se frappent, si par ces actes la tranquillité publique n'a pas été troublée, la contravention spéciale prévue par l'article 479, § 8, n'existe pas. Peut-être pourront-ils donner naissance à des poursuites pour injures, voies de fait ou violences.

580. La poursuite de la contravention de bruits ou tapages n'a pas besoin d'être précédée d'une plainte des particuliers dont

la tranquillité aurait été troublée; elle peut être exercée directement par le ministère public. Cass. 24 février 1859.

581.-Les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes sont punissables, alors même qu'ils ont eu lieu en dehors des villes ou villages, partout où il y a des habitations.

Ils sont punissables alors même qu'ils ont eu lieu dans l'intérieur des habitations, s'ils sont entendus du dehors. et troublent la tranquillité publique.

Jugé, par suite, que la contravention de tapage injurieux peut résulter d'une discussion et d'invectives entre époux, dans l'intérieur de leur domicile, s'il est établi qu'ils ont troublé le repos public. Cass. 8 août 1856, Dalloz, 1856, 1, 380.

Mais le tapage fait dans un lieu public, dans un concert, dans un théâtre, par exemple, n'est pas régi par l'article 479; l'autorité municipale étant exclusivement chargée de la police de ces lieux. Cass. 13 juin 1863, Dalloz, 1863, 1, 486.

582.-En matière de contraventions, avons-nous dit, suprà, n° 63, la complicité légale n'existe pas. A ce principe consacré par la jurisprudence, le Code pénal fait une seule exception: elle concerne les complices des bruits ou tapages injurieux

ou nocturnes.

Recherchons les caractères de la complicité, les circonstances qui la constituent, et pour cela, lisons l'article 60 du Code pénal:

<< Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit, ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machination ou artifices coupables, auront provoqué à cette action ou donné des instructions pour la commettre;

<«< Ceux qui auront procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui aura servi à l'action, sachant qu'ils devaient y servir;

« Ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action, dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée. »>

Ainsi doivent être considérés et punis comme complices, ceux-là seuls qui, par un des moyens indiqués en l'article 60, ont pris une part quelconque, directe ou indirecte, à l'acte incriminé.

Et cependant la Cour suprême n'hésite pas à frapper, non pas seulement ceux qui participent activement aux bruits ou tapages, mais encore ceux qui y participent passivement, ceux qui par leur simple présence facilitent la contravention.

Elle décide: « Que l'article 479, §8, est applicable aux individus qui, sans être porteurs d'instruments, et sans que leurs voix soient entendues, font partie du rassemblement, fortifient et encouragent par leur présence les auteurs du bruit, les aident ainsi et les assistent dans la consommation de l'acte.» Cass. 5 juillet 1822, 26 mai 1826, 24 janvier et 5 septembre 1835.

Elle décide: « Que, dans l'espèce, c'était dans la maison. même, occupée par les inculpés et sans qu'ils s'y fussent opposés, qu'avait eu lieu le charivari, objet des poursuites; qu'en laissant la contravention se perpétrer et se continuer dans les lieux habités par eux, les inculpés en ont évidemment facilité l'exécution, et se sont, par cela même, rendus complices de la contravention, dans le sens de l'article 479, § 8. Cass. 8 novembre 1855, 24 décembre et 15 juin 1858.

Cette jurisprudence qu'approuve Blanche, Contraventions, n. 469, nous nous permettons de la repousser. Et nous n'oserons jamais condamner celui qui n'a pris aucune part à la contravention, celui qui n'est qu'un complice inconscient.

A l'appui de notre opinion, nous reproduisons ces lignes des auteurs de la Théorie du Code pénal, VI, 449, à propos de la première des décisions ci-dessus :

«La Cour de cassation n'étend-elle pas les termes de la loi pénale au delà de leur véritable portée? Est-il vrai que tous les individus qui, sans être porteurs d'instruments, et sans que leurs voix soient entendues, font partie du rassemblement, doivent être réputés complices? Les simples témoins que la curiosité aura conduits au milieu du rassemblement, recevront-ils donc cette qualification? La peine de la complicité ne peut, en droit, s'appliquer qu'à ceux qui ont donné aide et assistance aux auteurs du fait. Voilà une circonstance matérielle qu'il faut établir avant d'arriver à l'application de la peine; si elle n'est pas constatée, le lien de la complicité n'existe pas, la peine de la contravention n'atteindra pas les spectateurs silencieux du désordre. Ainsi, ceux qui ont procuré les instruments, ceux qui ont hautement encouragé les auteurs du tapage, qui les ont fortifiés non-seulement par leur présence, mais par des actes d'approbation et par leur appui, ceux-là sont assurément des complices dans le sens de l'article 479, § 8; mais la seule circonstance d'avoir fait partie du rassemblement et d'avoir été spectateur du trouble, n'entraîne évidemment aucune présomption de cette complicité. »

583. La peine d'emprisonnement pendant cinq jours

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