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«Que cet article 30 conserve encore toute sa force, qu'aucun doute ne peut s'élever juridiquement à cet égard, puisque l'exposé des motifs, concernant le livre IV du Code pénal de 1810, déclare en termes exprès que l'article 484 de ce Code maintient les lois et règlements en vigueur, relatifs au Code rural, qui ne sont point entrés dans ce Code;

<< Attendu que le fait imputé au sieur Heitz rentrerait évidemment, par suite, dans la disposition de l'article 30 précité, si le chien, dont il s'agit, était un chien de garde. » Cass. 4 avril 1863.

De cet arrêt, qui confirme celui du 7 octobre 1847, il résulte que les blessures faites méchamment, de dessein prémédité aux animaux d'autrui sont punies par la loi de 1791; que la mort donnée aux chiens de garde est également punie par cette loi; que la mort donnée aux animaux mentionnés par l'article 452 du Code pénal, c'est-à-dire aux chevaux, bêtes de voiture, de monture ou de charge, bestiaux à cornes, moutons, chèvres ou porcs, poissons des étangs, est punie par l'article 453 au même Code.

500.-Quid des volailles? L'article 479, § 1, les vise-t-il ? La Cour de cassation, par un arrêt du 17 mai 1822, a répondu affirmativement, dans une espèce où la poursuite était fondée sur la mort donnée volontairement à des volailles appartenant à autrui :

« Attendu que l'article 452, C. pén., ne parlant que de quadrupèdes, qu'il désigne d'un manière spéciale, et de poissons, est nécessairement limitatif et non pas simplement démonstratif; qu'il ne saurait être étendu au cas d'empoisonnement de ces espèces d'oiseaux que l'on élève dans les bassescours; que les oiseaux de basses-cours sont appelés oiseaux domestiques, et sont ainsi nécessairement compris sous cette dénomination générale de l'article 454, mais que la disposition de cet article n'est pas générale et absolue; qu'il ne suffit pas, pour que la peine qu'il prononce soit applicable, que l'animal domestique ait été tué sans nécessité, qu'il faut encore qu'il l'ait été dans un lieu dont celui à qui cet animal appartient est propriétaire, locataire, colon ou fermier; que dès lors le prévenu n'était pas plus coupable du délit de l'article 454 que de celui de l'article 452; que le fait ne pouvait se rattacher qu'à l'article 479, § 1er, relatif au dommage causé volontairement aux propriétés mobilières d'autrui. »

501. Mais a-t-on le droit de tuer les volailles qui commettent des dégâts sur sa propriété ?

En commentant la loi du 6 octobre 1791, nous verrons que ce droit est expressément accordé par l'article 12 du titre II pour les propriétés rurales.

La question ne se présente donc que si les volailles s'introduisent dans un terrain qui ne peut pas être considéré comme exploitation rurale, dans une cour, un jardin, par exemple,

sis à la ville.

La Cour de cassation ne se prononce pas très-formellement à cet égard. Par arrêts des 28 juillet 1855 et 26 décembre 1868, elle décide bien que le fait de tuer des volailles est une contravention que régit l'art. 479; mais elle ne trahit pas son sentiment sur le mérite de l'excuse que présenterait le délinquant, s'il justifiait que ces volailles, tuées par lui, causaient un dommage à sa chose.

Et Blanche, Contraventions, n° 428, après avoir reproduit ces décisions, ajoute, avec infiniment de raison : « Quel que soit l'interprétation qu'on doive donner à ces deux arrêts, je n'hésite pas à penser que l'on peut se défendre contre les dégâts des volailles comme contre ceux des chiens, non-seulement dans les exploitations rurales, mais aussi dans celles qui ne le sont pas. Il y a, dans ces deux cas, nécessité de protéger sa chose, et, par conséquent, impunité. »

502. Quid des abeilles ? En les détruisant volontairement commet-on un dommage à la propriété mobilière d'autrui, dommage justiciable de l'article 479, § 19 ?

Sur cette question une longue controverse s'est engagée. Suivant les uns, les abeilles ne sont pas susceptibles de devenir la propriété de quelqu'un; dès lors l'article 479 est inapplicable. Suivant d'autres, les abeilles sont considérées comme des choses mobilières, susceptibles, par conséquent, de propriété; et l'article 479 est applicable.

Essayons d'asseoir une opinion.

On distingue, en droit, deux espèces d'abeilles : celles qui, restant à l'état sauvage, n'appartiennent à personne, pas même au propriétaire du terrain sur lequel elles se trouvent momentanément, et deviennent la propriété du premier occupant ;

Celles qui, domestiques, sont un objet de culture et d'entretien, et font partie du fonds sur lequel elles sont établies; l'article 524 du Code civil considère leurs ruches comme immeubles par destination.

Et les abeilles, elles-mêmes, sont meubles, par leur nature, ainsi que tous autres animaux dont parle l'article 528, C. civ.

Ruches et abeilles sont donc incontestablement susceptibles de propriété privée. La loi des 28 septembre-6 octobre 1791, titre II, sect. 3, art. 5, le reconnaît d'ailleurs, en déclarant que « le propriétaire d'un essaim a le droit de le réclamer tant qu'il n'a pas cessé de le suivre; qu'autrement, l'essaim appartient au propriétaire du terrain sur lequel il s'est fixé. »

Le fait de détruire constitue dès lors, suivant nous, la contravention prévue par l'article 479. Déjà, le Droit romain accordait une action contre celui qui avait mis en fuite des abeilles, en introduisant de la fumée dans la ruche; ou qui, par tout autre moyen, avait causé leur mort, par exemple, en empoisonnant des fleurs.

Nous devons reconnaître, toutefois, que notre opinion n'est accueillie ni par la doctrine, ni par la jurisprudence, qui veulent que toutes les abeilles soient des animaux sauvages sur lesquels ne peut s'exercer aucun droit de propriété. « La destruction et l'empoisonnement des abeilles, dit Dalloz, v° Droit rural, no 127, n'est pas prévu par le Code pénal; il en résulte que le propriétaire n'aura qu'une action civile en dommages-intérêts, basée sur l'article 1382 du Code civil. »

De son côté, le tribunal correctionnel de Foix a décidé que les abeilles sont des animaux sauvages et non des animaux domestiques, et que la destruction d'un essaim ne constitue pas un délit prévu par l'article 454 du Code pénal.

Ce jugement mérite d'être enregistré :

« Attendu qu'aux termes de la citation, Taillefer est prévenu d'avoir, à Bensa, tué sans nécessité des abeilles, animaux domestiques, appartenant aux époux Maury, dans un lieu dont ces derniers étaient propriétaires, colons ou fermiers, délit prévu et puni par l'article 454 du Code pénal;

« Attendu que le prévenu a conclu in limine litis à l'incompétence du tribunal, pour apprécier le fait défini et qualifié par la citation;

« Attendu que, pour apprécier le déclinatoire, le tribunal doit examiner si les abeilles sont des animaux domestiques; que ceux-ci sont définis par la jurisprudence la plus large « les êtres animés qui vivent, s'élèvent, sont nourris, se reproduisent sous le toit de l'homme et par ses soins; >>>

«< Attendu que les abeilles ne réunissent pas l'ensemble de ces caractères ;

«Que s'il est possible d'admettre dans une certaine mesure

qu'elles vivent, s'élèvent et se reproduisent par les soins de l'homme, il est certain qu'elles ne vivent pas sous le même toit, et que leur existence se développe en dehors de cette condition essentielle et caractéristique de la domesticité;

« Attendu que le Droit romain leur reconnaissait si peu les caractères communs aux animaux domestiques, qu'il les classait au nombre des animaux sauvages;

« Que les anciennes ordonnances, inspirées par le même ordre d'idées, les éloignaient du toit de l'homme et enjoignaient aux agriculteurs de placer les ruches à une distance déterminée des habitations et des chemins publics;

«< Attendu, à un autre point de vue, que les nécessités de la libre existence des mouches à miel ne permettent pas d'exercer sur elles une possession complète, la seule possession possible n'étant jamais définitive; qu'il est certain, en effet, que cette existence, qui ne laisse qu'accidentellement au possesseur la charge de leur nourriture, ne lui permet pas de les retenir;

« Que, dans ces conditions, étant donnée l'impossibilité de les reconnaître lorsqu'elles s'échappent ou s'égarent, d'établir leur identité si on les retrouve, et, par conséquent, de les revendiquer, elles ne sont susceptibles que d'une occupation essentiellement temporaire, moins complète que celle exercée sur les animaux vraiment domestiques par celui qui les possède et insuffisante pour engager la responsabilité du possesseur;

« Attendu qu'il résulte des considérants ci-dessus que les soins donnés par l'homme aux abeilles, les profits qu'il en retire, sont des conditions insuffisantes pour justifier le classement de ces insectes au nombre des animaux domestiques ; « Que, s'il en était autrement, la nomenclature de ceux-ci pourrait être indéfiniment étendue;

« Qu'il en résulte également que les caractères auxquels on reconnaît les animaux domestiques se trouvent surtout dans les habitudes de cohabitation familière qui les mettent définitivement sous la main de l'homme, au point d'expliquer et de justifier la dénomination caractéristique « d'animaux domestiques >> ;

«Par ces motifs,

« Déclare que les abeilles ne pouvant être classées au nombre des animaux domestiques, le fait relevé et défini par la citation ne saurait constituer le délit prévu et puni par l'art. 454 du Code pénal; se déclare incompétemment saisi pour un

fait qui échappe à sa juridiction. » Trib. Foix, 14 janvier 1876, Droit, 29 janvier 1876.-Conf. Trib. Aubusson, 30 mai 1860. Admettons, ce que nous contestons complétement, que les abeilles sont, d'une manière absolue, des animaux sauvages, farouches même, comme les qualifie Fournel, Lois rurales, p. 132; admettons, ce que nous contestons moins formellement, que leur destruction échappe à l'article 454, C. pén., qui punit le meurtre, sans nécessité, d'un animal domestique, dans un lieu dont celui à qui cet animal appartient est propriétaire; il n'en reste pas moins, dans le fait de cette destruction, un acte délictueux, touché par l'article 479, § 1o, du même Code, qui réprime toute atteinte à la propriété mobilière d'autrui. Car, ainsi que nous croyons l'avoir démontré, les abeilles sont meubles, d'après l'art. 528, C. civ., et peuvent être l'objet d'un droit de propriété. Décider le contraire serait porter une grave atteinte à l'apiculture qui, pour certaines contrées, est une source de produits et de revenus.

503. Circonstances non prévues par les articles 434 à 462 du Code pénal. -Sous la rubrique Destructions, dégradations, dommages, le Code pénal, dans les articles 434 et suivants, énumère les diverses espèces de dommages que l'homme peut causer aux propriétés mobilières. A côté de ces faits graves, réprimés sévèrement, viennent se placer des actes. coupables, sans doute, mais qui, par leur peu d'importance, ne méritaient pas les rigueurs du législateur. Ceux-là constituent de simples contraventions, objet de l'article 479; les autres constituent des crimes ou des délits. Grâce à ces dispositions géminées, aucun attentat à la chose mobilière d'autrui, quelque léger soit-il, n'échappe à la répression.

Le juge de police connaît seulement des faits non prévus par les articles 434 jusques et compris l'article 462. Il est important de bien connaître les prescriptions de ces articles, et nous croyons utile de placer leur texte sous les yeux (1).

(4) Code pénal, livre III, titre II, section 3.-Destructions, dégradations, dommages.

ART. 434 (modifié, L. 43 mai 1863). Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servent à l'habitation, et généralement aux lieux habités ou servant à l'habitation, qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime, sera puui de mort.

Sera puni de la mème peine quiconque aura volontairement mis le feu, soit à des voitures ou wagons ne contenant pas des personnes, mais faisant partie d'un convoi qui en contient.

Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, maga

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