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immédiate. L'esprit de l'article 475 est d'apporter une sanction à la loi sociale, qui veut que les citoyens se portent réciproquement secours dans les périls qui les menacent; et quand le crime est commis, quand il ne s'agit que d'en recueillir les traces, il n'y a plus de péril, plus d'urgence; et c'est détourner cet article de son sens légal, que de l'appliquer au refus d'obtempérer à des réquisitions qui n'ont pour objet que cette constatation. >>

Observations très-judicieuses, mais qui sont impuissantes à lutter contre la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

464. La clameur publique est une forme du flagrant délit. Un crime ou un délit vient d'être commis; le coupable est connu, il se sauve poursuivi par les cris du public.

Il ne faut pas confondre la clameur publique avec la notoriété publique, qui n'est qu'une rumeur, un bruit, une présomption plus ou moins fondée.

465.Enfin, l'assistance peut être requise en cas d'exécution judiciaire, civile ou criminelle.

Nous ne voyons pas trop comment et pour quelles causes, en matière d'exécution d'un jugement civil, le concours des citoyens sera jamais nécessaire. Mais l'expression dont se sert le § 12 est générale, et s'applique théoriquement au moins aux exécutions civiles.

Quant aux exécutions criminelles, une autre difficulté se présente. Le refus d'obéir aux réquisitions faites dans les cas d'exécution judiciaire était prévu et réprimé par la loi du 22 germinal an iv. La Cour suprême a déclaré que cette loi n'était pas abrogée. On se demande à quelles espèces s'adresse le § 12 de l'article 475.

Et l'on répond: «Le § 12 n'est applicable aux exécutions criminelles que dans les cas fort rares, que la loi du 22 germinal an iv, ne régirait pas, par exemple, en cas d'accident survenu au moment même de l'exécution. » BLANCHE, Contraventions, no 392.

« L'article 475, § 12 ne s'applique plus au cas d'exécution judiciaire, qu'autant que des circonstances accidentelles et imprévues rendent tout à coup nécessaires l'assistance et le concours des citoyens. » DALLOZ, v° Contravention, no 392. Nous reviendrons sur ce sujet en commentant la loi de germinal, au Livre II, Lois PÉNALES DIVERSES, v° Réquisition d'ouvriers.

466. Refus ou négligence de faire les travaux, le service,

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ou de prêter le secours. La troisième condition constitutive de l'infraction consiste dans le refus ou la négligence de la personne requise.

Ce refus ou cette négligence doivent être constatés régulièrement.

La contravention ne serait pas effacée parce que le prévenu n'aurait pas persisté dans son refus:

«La disposition de l'article 475, commandée par une nécessité toujours urgente, impose aux citoyens l'obligation d'obtempérer, par un concours immédiat, à la première réquisition de l'autorité; nul ne saurait être admis à refuser d'abord son assistance, sauf à l'accorder plus tard, parce qu'en agissant ainsi les citoyens se constitueraient juges d'une question d'opportunité, dont l'appréciation n'appartient qu'à l'autorité publique. » Cass. 4 novembre 1859.

La négligence est assimilée au refus; c'est un refus tacite. Celui qui a reçu la réquisition aurait eu l'intention d'y obéir, et n'y eût manqué que par oubli ou quelque autre cause de ce genre, ne supposant pas de mauvaise intention, qu'il n'importerait. Nous sommes en matière de contravention, où la mauvaise foi n'est pas nécessaire, et c'est sans doute pour ce motif que la loi a ajouté le mot négligence au mot refus, DALLOZ, V° Contravention, no 398.

467. Doit-on obéir à toute réquisition?

La loi veut que l'on prête son concours personnel, que l'on donne le secours de ses chevaux, de ses voitures, de ses outils, etc.

Mais nul n'est tenu de fournir les choses d'autrui, et encore moins le service d'autres hommes, dont l'assistance serait considérée comme nécessaire.

468. On ne peut refuser le secours requis pour une localité qui ne se trouve pas dans le territoire soumis à l'autorité ou à la surveillance de l'agent qui fait la réquisition; ainsi, en cas d'incendie, un maire a le droit de requérir des chevaux pour conduire des pompes dans une commune voisine, c'est-à-dire dans un lieu qui n'est pas placé sous son autorité. Blanche, no 397, cite à l'appui de cette assertion un arrêt de cassation du 3 juin 1848.

Mais la réquisition ne peut légalement être faite par l'agent ou dépositaire de l'autorité que dans l'étendue du territoire où il a pouvoir. Un maire n'a ce pouvoir que dans sa commune, un juge de paix dans son canton. Une réquisition que l'un ou l'autre adresserait hors de ces limites n'aurait aucune valeur.

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469. Possibilité de rendre les services. Le refus de faire les travaux, le service ou de prêter le secours ne devient punissable que lorsqu'il ne s'appuie sur aucune impossibilité physique ou morale de la personne requise.

C'est au tribunal de police d'apprécier la légitimité du refus reproché au contrevenant. Cass, 18 décembre 1875, Gaz. des trib., 25 décembre 1875.

Et cette cause légitime de refus doit être constatée en termes précis par le jugement qui relaxe.

La circonstance que, sur le refus fait par un individu à la sommation des agents de la force publique, de prêter secours dans un incendie et de se mettre à la chaîne, et sur la rébellion par lui opposée, cet individu aurait été arrêté et détenu, ne saurait l'affranchir des peines portées par l'article 475, C. pén.; ici ne s'applique pas la maxime Non bis in idem. Cass. 8 octobre 1842, Dalloz, 1842, 1, 419.

470. Un arrêté du Directoire exécutif, en date du 19 pluviôse an v, concernant la chasse des animaux nuisibles, porte en son article 4: «Les battues ordonnées seront exécutées sous la direction et la surveillance des agents forestiers, qui régleront, de concert avec les administrations municipales de canton, les jours où elles se feront, et le nombre d'hommes qui y seront appelés. » On conclut de cette disposition que les personnes désignées par le maire pour faire ces battues et qui refusent d'y participer, sans motifs légitimes, sont passibles de l'amende prononcée par l'article 475, § 12. Code annoté des juges de paix, p. 296, no 125.

§ 13. Crieurs, afficheurs, distributeurs d'imprimés.

471.-Seront punis d'amende, depuis six francs jusqu'à dix francs inclusivement, les personnes désignées aux articles 284 et 288 du Code pénal.

Ce paragraphe n'a jamais intéressé les tribunaux de simple police. Quelques explications suffiront pour faire comprendre son but et sa portée.

L'article 283 du Code pénal est ainsi conçu :

«Toute publication ou distribution d'ouvrages, écrits, avis, bulletins, affiches, journaux, feuilles périodiques ou autres imprimés dans lesquels ne se trouvera pas l'indication vraie des noms, profession et demeure de l'auteur ou de l'imprimeur, sera, pour ce seul fait, punie d'un emprisonnement de

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six jours à six mois, contre toute personne qui aura sciemment contribué à la publication ou distribution. »

Mais une disposition indulgente est introduite, pour certaines personnes, dans l'article 284 que vise notre paragraphe 13. Cet article porte:

« Cette disposition sera réduite à des peines de police: 1° à l'égard des crieurs, afficheurs, vendeurs ou distributeurs qui auront fait connaître la personne de laquelle ils tiennent l'écrit imprimé; 2° à l'égard de quiconque aura fait connaître l'imprimeur; 3° à l'égard même de l'imprimeur qui aura fait connaître l'auteur. »>

Sans rechercher si ces articles n'ont pas été abrogés par la loi du 17 mai 1819, constatons que les coupables qui auront consenti à faire les délations auxquelles invite l'article 284, ceux-là, au lieu d'être punis d'un emprisonnement de six jours à six mois, seront frappés seulement d'une amende de six à dix francs et accessoirement de la confiscation des écrits ou imprimés (art. 475, § 13, 477, § 3). Mais, remarquons-le bien, cette peine ne sera appliquée que par le tribunal correctionnel, jamais par le tribunal de simple police qui reste absolument incompétent en matière de contravention ou de délit de presse.

472.-L'article 287 du Code pénal est ainsi conçu:

<< Toute exposition ou distribution de chansons, pamphlets, figures ou images contraires aux bonnes mœurs, sera punie d'une amende de seize francs à cinq cents francs, d'un emprisonnement d'un mois à un an, et de la confiscation des planches et des exemplaires imprimés ou gravés, des chansons, figures ou autres objets du délit. »

Mais le législateur accorde encore sa bienveillance à certaines personnes, et l'article 288, auquel se réfère le paragraphe 13 de l'article 475, dispose:

« La peine d'emprisonnement et l'amende prononcées par l'article précédent, seront réduites à des peines de simple police à l'égard des crieurs, vendeurs ou distributeurs qui auront fait connaître la personne qui leur a remis l'objet du délit; 2° à l'égard de quiconque aura fait connaître l'imprimeur ou le graveur; 3° à l'égard même de l'imprimeur ou du graveur qui auront fait connaître l'auteur où la personne qui les aura chargés de l'impression ou de la gra

vure. >>

Ces articles sont-ils abrogés par la loi de 1819? Cette question qui fait doute, ne nous regarde pas, puisque le juge de

police ne doit pas connaître des infractions aux dispositions ci-dessus.

Le juge de police est donc toujours incompétent pour les cas prévus par l'article 475, § 13 du Code pénal; ni la loi du 17 mai 1819, ni les lois qui se sont succédé depuis jusqu'à celle du 29 décembre 1875 ne lui ont accordé juridiction.

Mais il peut avoir compétence, en matière d'affichage, s'il est appelé à constater et à réprimer des infractions commises à l'égard d'arrêtés ou de règlements légalement pris. C'est le principe général de l'article 471, § 15.

§14. Vente de comestibles gátés, corrompus ou nuisibles.

473.- Seront punis d'amende, depuis six francs jusqu'à dix francs inclusivement, ceux qui exposeront en vente des comestibles gâtés, corrompus ou nuisibles.

La loi des 27 mars-1 avril 1851, tendant à la répression plus efficace de certaines fraudes dans la vente des marchandises, porte dans son article 9 que l'article 475, § 14, est abrogé.

La pénalité est élevée; et seront punis des peines portées par l'article 423 du Code pénal, ceux qui vendront ou mettront en vente des substances ou denrées alimentaires, ou médicamenteuses, qu'ils sauront être falsifiées ou corrompues (L. 1851, art. 1o).

Ces peines sont en vertu de l'article 423, modifié par la loi du 13 mai 1863, l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus; l'amende, qui ne peut excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de cinquante francs; la confiscation; l'affiche du jugement et son insertion dans les journaux.

La mise en vente des comestibles gâtés ou corrompus n'est donc plus une contravention, mais un délit dont connaissent seuls les tribunaux correctionnels.

474.-Malgré l'abrogation de l'article 475, § 14, quelques questions ont été soulevées; nous devons les examiner.

Et d'abord, l'article 1er de la loi du 27 mars 1851 ne vise que les denrées alimentaires falsifiées ou corrompues; donc, a-t-on prétendu, la vente de denrées alimentaires gâtées ou nuisibles tombe encore sous l'application de l'article 475,

Cette opinion ne nous paraît guère soutenable: gâtées est évidemment synonyme de corrompues, et le législateur de 1851

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