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VIII

Convention du 31 octobre 1861.

Le 27 juin 1861, feu M. Billault, en son vivant ministre d'Etat du gouvernement impérial, répondant à un discours prononcé la veille par M. Jules Favre, sur la question du Mexique, voulut bien reconnaître, peut-être un peu malgré lui, que dans le projet primitif de la convention de Lon› dres, il n'était pas question de l'éventualité d'une guerre › dans l'intérieur du pays, mais que l'action devait se limiter > au littoral. »

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M. Billauit ne disait en cela qu'une partie de la vérité. Pour être juste, il aurait dû reconnaître, ainsi que le fit plus tard lord John Russell, au meeting de Blairgowrie, que la convention du 31 octobre, elle-même, n'avait point donné ce droit aux parties contractantes, et que, si le gouvernement impérial avait passé outre, c'est qu'à ses yeux cette convention n'était, en réalité, qu'un prétexte donné au pays pour couvrir l'envoi des forces destinées à renverser au Mexique la forme républicaine, et à la remplacer par un empire organisé sous la pression des baïonnettes de la France, en faveur de l'archiduc Maximilien d'Autriche, ou, à son refus, d'un prince quelconque pour le moment en disponibilité.

De cette manière, la question aurait été nettement posée; la situation franchement dessinée : et puisqu'en plein dixneuvième siècle on ne rougissait pas de s'incliner devant les prétentions anti-sociales des forts, la Chambre, mise en demeure de se prononcer sur une question d'intérêt purement matériel, aurait décidé si l'offense dont le gouvernement se plaignait, était proportionnée à la vengeance qu'il voulait en tirer; et si, pour parler le langage de lord Stanley, l'expédition militaire, qu'on voulait entreprendre › à grands frais, n'aurait pas pour résultat de taxer notre

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› commerce, au profit de créanciers, dont la plupart étaient » pour nous, des étrangers.

Malheureusement, il n'en a point été ainsi. Le ministre impérial a préféré garder le silence: ce n'est point assez, il a volontairement trompé le pays sur le but que se proposait le gouvernement. Puis les événements ont suivi leur cours naturel: l'expédition a eu lieu, l'armée française est entrée dans Mexico le 10 juin 1863, et l'empire qu'on niait avec tant de ténacité, le 27 juin 1861, y a été proclamé le 12 juillet, c'est-à-dire 32 jours après l'entrée de l'armée, en présence de MM. Forey et Saligny, par une réunion de 215 individus, sans mandat de leurs concitoyens, cela est vrai, mais convoqués par des traîtres, sous la pression des baïonnettes du vainqueur, afin de donner un vernis de légalité à des mesures arrêtées en Europe plusieurs mois avant le commencement de l'intervention, entre les grands dignitaires du gouvernement français et les agents tarés des vieux partis réactionnaires.

Dans cette situation, il me semble qu'il importe, pour apprécier sainement la moralité de certains faits qui se sont passés depuis, de mettre en regard l'un de l'autre le texte original du projet de Convention et la Convention elle-même; et de faire suivre ces deux pièces de l'exposé des motifs qui ont amené les changements dont j'indiquerai la nature en les plaçant à la suite de la Convention.

Projet primitif de la
Convention.

S. M. etc.....

se considérant obligées par la violation de toutes les lois et l'abominable conduite des autorités de la République mexicaine, d'exiger de celle-ci protection pour les personnes et les propriétés de leurs sujets, ainsi

Convention du 31 octobre 1861.

S. M. la Reine du RoyaumeUni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, S. M. la Reine d'Espagne et S. M. l'Empereur des Français, se trouvant placées par la conduite arbitraire et vexatoire des autorités de la République du Mexique dans la nécessité d'exiger de ces autorités une protection plus efficace pour les personnes et les propriétés de

que l'exécution de tous les traités célébrés entre LL. MM. et ladite République, ont résolu d'établir entre elles une Convention afin de combiner leurs moyens d'action à l'égard du but précité, et ont nommé à cet effet, en qualité de leurs plénipotentiaires, savoir:

S. M. la Reine du RoyaumeUni, etc.....

S. M. la Reine d'Espagne, etc...

Et S. M. l'Empereur des Français, etc....

Lesquels, après s'être mutuel

leurs sujets, ainsi que l'exécution des obligations contractées envers elles par la République du Mexique, se sont entendues pour conclure entre elles une Convention dans le but de combiner leur action commune, et, à cet effet, ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :

S. M. la Reine du RoyaumeUni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, le Très Honorable Jean, Comte Russell, Vicomte Amberley de Amberley et Ardsalla, Pair du Royaume-Uni, conseiller de S. M. Britannique en son conseil privé, principal secrétaire d'État de S. M. pour les affaires étrangères.

S. M. la Reine d'Espagne, Don Xavier de Isturitz y Montero, chevalier de l'Ordre insigne de la Toison-d'Or, grand'croix de l'Ordre royal et distingué de Charles III et de l'Ordre impérial de la Légion-d'Honneur de France, chevalier des Ordres de la Conception de Villaviciosa et du Christ de Portugal, sénateur du royaume, ancien président du Conseil des ministres, premier secrétaire d'État de S. M. Catholique et son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près S. M. Britannique,

Et S. M. l'Empereur des Français, S. E. le comte de Flahault de la Billarderie, sénateur, grand'croix de la Légion-d'Honneur, ambassadeur extraordinaire de S. M. Impériale près S. M. Britannique.

Lesquels, après s'être mutuel

lement communiqué leurs pleins pouvoirs, ont arrêté en commun les articles suivants :

ART. 1. S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, S. M. la Reine d'Espagne et S. M. l'Empereur des Français s'engagent à faire, immédiatement après la signature de la présente Convention, les préparatifs nécessaires pour envoyer sur les côtes du Mexique, dans l'Océan Atlantique, une expédition combinée, militaire et navale, dont la force totale devra cependant être suffisante pour s'emparer des différentes forteresses et des points militaires de toute la côte du Mexique; pour les occuper, les conserver et établir un rigoureux blocus des villes, des ports et des baies de cette côte.

La susdite occupation devra se faire au nom et en faveur des hautes puissances contractantes, sans qu'il soit nécessaire de prendre en considération la nationalité des forces qui seront chargées de l'occupation.

lement communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs, qui ont été trouvés en bonne et due forme, ont arrêté en commun les articles suivants :

ART. 1er. S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, S. M. la Reine d'Espagne et S. M. l'Empereur des Français, s'engagent à faire, aussitôt après la signature de la présente Convention, les dispositions nécessaires pour envoyer sur les côtes du Mexique des forces de terre et de mer combinées dont l'effectif sera déterminé par un échange ultérieur de communications entre leurs gouvernements, mais dont l'ensemble devra être suffisant pour pouvoir saisir et occuper les différentes forteresses et positions du littoral mexicain.

Les commandants des forces alliées scront, en outre, autorisés à entreprendre et à poursuivre toutes les opérations militaires qu'ils jugeront nécessaires pour assurer la réussite de l'expédition, conformément au but indiqué dans le préambule de la présente Convention, et particulièrement à prendre les mesures nécessaires pour garantir la vie et assurer les propriétés des sujets alliés résidant au Mexique.

Toutes les mesures dont il s'agit dans cet article seront prises au nom et pour le compte des hautes parties contractantes sans acception de la nationalité particulière des forces employées à les exécuter.

ART. II. Immédiatement après l'occupation de Véracruz et des forts adjacents, les chefs des forces alliées adresseront une note collective aux autorités établies dans la République du Mexique, afin de leur faire connaître les motifs pour lesquels les puissances alliées ont recours aux moyens coercitifs, et les inviter à entrer immédiatement en négociation, en donnant des garanties suffisantes pour l'exécution des conventions à intervenir à l'égard de la réparation des injures faites et des préjudices causés aux sujets des hautes parties contractantes, et pour l'accomplissement des obligations antérieures contractées par ladite République envers les puissances dont il s'agit.

Les chefs ci-dessus nommés déclareront aux autorités de la République que les mesures de coaction seront maintenues, et même, s'il le faut, augmentées, jusqu'au jour où les arrangement pris avec elles auront été approuvés par les gouvernements des hautes parties contractantes, lesquels se réservent en outre le droit de prendre les mesures qu'ils jugeront convenables pour veiller à l'exécution des nouvelles conventions et les rendre effectives.

ART. III. Les hautes parties contractantes s'engagent mutuellement à ne pas distraire les forces dont elles vont faire usage en vertu de la présente Convention, pour les employer à un objet, quel qu'il soit, différent de

ART. II. Les hautes parties contractantes s'engagent à ne rechercher pour elles-mêmes, dans l'emploi des mesures coercitives prévues par la présente Convention, aucune acquisition de territoire ni aucun avantage particulier; et à n'exercer dans les affaires intérieures du Mexique aucune influence de nature à porter atteinte au droit de la nation mexicaine de choisir et de constituer librement la forme de son gouvernement.

ᎪᎡᎢ . III. Une commission composée de trois commissaires, un nommé par chacune des puissances contractantes, sera établie avec plein pouvoir de statuer sur toutes les questions que pourrait soulever l'emploi ou la distribu

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