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Partant il restait en sa faveur, et sans parler de l'inconnu un excédant de 110,000 piastres, soit 583,000 francs argent de France.

40,000

. p. 110,000

Ce n'est pas, je le répète, que je veuille dire par là que M. de Gabriac avait en soin de se faire payer les services qu'il avait rendus à l'Église mexicaine, pendant l'accomplissement de sa mission, mais on conviendra du moins que pour réaliser un semblable bénéfice avec le produit de cinq années d'économies, M. de Gabriac avait dû s'occuper de toute autre chose que de ses fonctions diplomatiques, et les Français dont il refusait à chaque instant de défendre les droits outragés par la réaction, doivent comprendre maintenant qu'il ne pouvait vaquer en même temps à leurs intérêts et aux siens.

No 2.

M. DE SALIGNY.

M. de Saligny était arrivé à Mexico le 12 décembre 1860, quinze jours seulement avant la chute de l'administration réactionnaire.

Son nom était pur de tous les tripotages qui avaient rendu celui de M. de Gabriac si profondément impopulaire, et pour se faire aimer de la population française, il n'avait besoin que d'avoir l'air de s'occuper de ses intérêts.

Mais engagé par la conduite passée de son prédécesseur, peut-être même dominé par la lettre de ses propres instructions, il attendit dans l'ombre ce qui adviendrait du parti conservateur auprès duquel il avait été lui-même accrédité par un office daté de Fontainebleau, le 28 juin précédent; et pour ne pas être une déclaration positive de guerre, son silence, dans les circonstances où l'on se trouvait, n'en était pas moins significatif.

C'était cependant le cas, ne fût-ce que pour justifier la conduite tenue le 23 janvier 1858, par M. de Gabriac, de

mettre en pratique cette fameuse théorie de reconnaître, quand même, le gouvernement maître de la capitale; mais les journaux avaient beau le harceler, M. de Saligny s'obstinait à garder le silence, et laissait le champ libre à l'appréciation des nouvellistes dont les uns (1) prétendaient qu'il voulait faire payer sa reconnaissance au gouvernement, tandis que d'autres (2) allaient jusqu'à douter de sa qualité de ministre de France.

Cet état de choses dura jusqu'au milieu de février, époque à laquelle il donna tout à coup signe de vie, et voici à quelle occasion.

Le gouvernement avait de bonnes raisons pour soupçonner la supérieure de l'ancien couvent de la Conception d'avoir caché tout ou partie des valeurs précieuses de son monastère dans la maison mère des Soeurs de Charité. I ordonna en conséquence au général Valle d'y faire des recherches, et celui-ci en confia la direction au colonel Refugio Gonzalez. Ce dernier se mit aussitôt à l'œuvre et découvrit une somme

de 41,600 piastres, 220,480 francs cachée dans un conduit pratiqué sous la niche, no 17, du panthéon de cet établissement..

Les religieuses prétendirent d'abord que cet argent appartenait à une dame nommée Mme Perez Galvez; mais s'apercevant bientôt de l'impossibilité de soutenir ce mensonge officieux, elles se hâtèrent d'ajouter qu'elles n'en étaient pas bien sûres et qu'il leur était impossible de designer au juste la personne à qui il appartenait.

Puis on découvrit dans des caisses déposées dans les appartements, une couronne, des chandeliers, des vases, des plats, des ciboires, des patères et des ostensoirs, le tout massif, en or ou en argent, et mis en dépôt dans cette maison tant par la supérieure de la Conception que par des prêtres qui avaient dépouillé les églises à leur profit, et espéraient utiliser ces objets volés pour leur service personnel, ou pour provoquer le zèle mercenaire des amateurs des pronunciamientos.

(1) Le Movimiento du 2 février 1861. (2) Le Constitucional du 28 janvier.

Ici se pose la question de savoir si le gouvernement avait ou n'avait pas le droit de faire opérer les perquisitions dont il s'agit.

Pour ma part, je n'hésite pas à répondre par l'affirmative. Cette communauté, comme toutes les congrégations religieuses nées et à naître, était uniquement dirigée par les ordres, si l'on aime mieux, par les avis du clergé. Dans un moment où les intrigues cléricales étaient très-actives, où Marquez et Zuloaga, cela n'était un mystère pour personne, recevaient de Mexico des subsides et des informations journalières, la maison des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul pouvait devenir, même à l'insu des religieuses qui l'habitaient, un lieu de recel, de refuge ou de dépôt; en un mot, le point de départ des correspondances et des menées du clergé. Dès lors il est évident qu'en vertu du droit que nous possédons tous, les gouvernements aussi bien que les individus, de veiller à notre sûreté, le ministère pouvait surveiller les actes justement suspects des chefs de l'Eglise, et en suivre les traces jusqu'au milieu de l'enceinte où vivaient. réunies les Sœurs de Charité.

Ce fut cependant le moment que choisit M. de Saligny pour sortir du silence caractéristique qu'il avait gardé jusqu'alors, et la manière dont il s'y prit indique une colère concentrée dont il serait impossible de comprendre les motifs, à moins de supposer quelques exigences antérieures de sa part, exigences auxquelles le gouvernement aurait refusé de se prêter.

Il prit une feuille de papier libre, et sur ce chiffon, voici la lettre, non la note, qu'il adressa à M. F. Zarco, alors ministre des relations extérieures.

« Mon cher Monsieur,

» Votre gouvernement a-t-il donc résolu de me pousser à bout et de » se brouiller avec la France? Je dois le croire en le voyant persister » dans les incroyables outrages dont l'établissement des Sœurs de >> Charité est le théâtre depuis trente-six heures. Malgré toutes les >> recommandations que je vous ai fait adresser hier par M. de La Londe, cet établissement continue à être occupé par une soldates» que grossière et brutale qui se livre à toutes sortes d'insultes » envers la supérieure et les autres sœurs. Je n'assisterai pas plus » longtemps à un tel spectacle qui est une offense directe et préméditée

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» envers le gouvernement de l'Empereur sous la protection duquel ces »saintes femmes sont placées dans le monde entier.

>> Si donc vous ne retirez immédiatement vos soldats dont la pré» sence ne peut se justifier par aucune bonne raison, je vous adresse » aujourd'hui même une protestation, et renonce à nouer aucune espèce » de relation avec un gouvernement pour qui je suis forcé de recon» naître qu'il n'y a plus rien de sacré.

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J'ignore si, dans la pratique des perquisitions qui se firent en cette circonstance, il y eut réellement, ainsi que le prétendait M. de Saligny, des insultes adressées à la supérieure ou aux autres sœurs; mais j'en doute fort car, poussé comme bien d'autres par la curiosité, je me trouvais dans cet établissement le 17 février 1861, et je me rappelle parfaitement avoir assisté à la découverte de l'argent caché sous la niche no 17 du panthéon. J'ai vu de mes deux yeux sept à huit religieuses au moins, causer à plusieurs reprises, soit avec le général Valle, soit avec le colonel Gonzalez, soit avec les autres personnes chargées de diriger les recherches, et je n'ai rien entendu, pendant tout le temps que j'y suis resté, qui pût justifier cette accusation banale d'outrages incroyables dont M. de Saligny ne fournissait aucune preuve.

Il me semble donc qu'avant de faire tant de bruit pour une chose d'administration toute intérieure dont il n'avait pas le droit de se mêler; avant surtout de menacer le gouvernement mexicain de rompre, chose stupide puisqu'il n'avait point encore noué de relations officielles avec lui, le ministre de France aurait dû commencer par lui présenter les lettres de créance qui l'accréditaient auprès de lui en qualité de ministre plénipotentiaire du gouvernement français, car tant qu'il n'avait pas présenté ces lettres afin de constater officiellement sa qualité, il était clair que M. de Saligny, ministre ou non, n'était et ne pouvait être considéré par le gouvernement du pays que comme un simple citoyen. Jusque-là, il n'avait pas plus le droit, légalement parlant bien entendu, d'intervenir en faveur des Sœurs de

Charité, que tel ou tel autre individu, et ses menaces de départ étaient souverainement déplacées.

Il y a plus, même après l'échange des discours officiels, discours auxquels je n'attache pas plus d'importance qu'ils n'en méritent, loin de là, M. de Saligny aurait encore eu à faire connaître en vertu de quelle stipulation spéciale passée entre la France et le Mexique, le gouvernement mexicain avait abandonné son droit légitime de surveillance sur l'établissement des Sœurs de Charité, pour le placer sous la protection d'un ministre étranger; car si l'on admettait la doctrine posée en cette circonstance par M. de Saligny, sans en avoir préalablement calculé toutes les conséquences, à savoir, « que la communauté mère de ces > établissements étant française et établie à Paris, il avait › reçu l'ordre de les prendre sous sa protection particulière, il faudrait admettre que les congrégations religieuses, autorisées par les gouvernements à s'établir dans tels ou tels pays, perdent, par le seul fait d'appartenir à telle ou telle famille de moines, leur nationalité première pour adopter celle du fondateur de l'ordre; et alors le roi de Naples, quand il y avait de par le monde un royaume de Naples, aurait été le protecteur naturel en France des Bénédictins et des Franciscains, par le motif très-simple que le premier de ces ordres religieux, a eu pour fondateur, au vie siècle, saint Benoit de Nursia qui en établit le siége principal au Mont-Cassin, dans le royaume de Naples, et que le second a été fondé en 1208 à Portiuncula, également près de Naples, par saint François d'Assise. Or, une pareille prétention aurait été à bon droit réputée absurde par le gouvernement au nom duquel M. de Saligny voulait l'imposer au Mexique, et à moins de nier à ce dernier pays, uniquement parce qu'il était faible, la part de souveraineté à laquelle il avait droit en qualité de puissance indépendante, je ne vois pas comment le susdit Saligny pouvait y réclamer en faveur de la France, une protection et une surveillance que, dans des circonstances exactement semblables, le gouvernement français n'aurait certainement pas reconnues au gouvernement napolitain.

Mais on avait hâte d'en terminer avec des subtilités sans

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