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» pour un fils de notre sainte religion, rien ne pouvait m'être à la fois plus doux et plus honorable que les paroles d'approbation du très-digne et très-illustre chef » de cette même province ecclésiastique mexicaine; de ce prélat qui, par ses vertus et sa sagesse, a su mériter la >> vénération et le respect de tous ceux qui ont eu le bonheur de le connaître, ainsi que des fidèles que la divine » Providence a placés sous sa haute direction et sous sa › garde illustrée.

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» Que Dieu conserve V. S. T. I. pendant de nombreuses > années.

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Mexico, le 27 février 1858.

» E. E. et M. P. de France.

Au Très-Illustre Seigneur D. Lázaro de la Garza, archevêque de Mexico (1).

Il n'y a rien, je le reconnais tout d'abord, de plus inoffeusif à première vue que cette lettre. C'est un fils soumis de l'Église catholique qui s'adresse à son père spirituel pour lui exprimer humblement le bonheur qu'il éprouve d'avoir pu rendre quelques légers services à cette sainte mère; et, pour ma part, je n'éprouverais que sympathie et respect en faveur des sentiments qu'elle contient, si, par malheur, le caractère public dont était revêtu M. de Gabriac au moment où il parlait des services rendus par lui aux églises mexicaines, ne devait forcément changer leur nature et les transformer en une violation manifeste de ce droit des gens, sur lequel il s'appuie, cependant, pour se féliciter de ses actes.

(1) Cette lettre, oubliée par l'archevêque dans sa résidence de Tacubaya, a été trouvée, au commencement de 1859, lors de l'occupation de ce bourg par le général Degollado, et m'a été remise par M. Benito Gomez Farias.

Elle est écrite tout entière de la main de M. de Gabriac, et sert de réponse à une autre lettre que l'archevêque lui avait adressée la veille, relativement à un photographe, nommé Charnay, que M. de Gabriac lui avait recommandé par écrit.

En effet, les services dont il s'agit furent rendus aux églises du Mexique par le représentant officiel du gouvernement français, et non par un individu du nom de Gabriac, ainsi qu'il le reconnaît et proclame lui-même en se servant de cette expression dans l'accomplissement de ma mission. L'important est donc de préciser autant que possible la nature des faits auxquels il fait allusion, et de voir ensuite jusqu'à quel point il pouvait lui être permis de mêler le nom jusqu'alors chéri et respecté de la France, aux trames qui préparèrent le coup d'Etat du 17 décembre 1857, et allumérent la guerre fratricide qui devait aboutir fatalement à l'intervention.

La première chose qui se présente est la date de cette lettre, désormais historique. Elle fut écrite le 27 février 1858, c'est-à-dire 35 jours après les événements qui avaient amené le triomphe de la réaction, et un mois, jour pour jour, après la publication des décrets réactionnaires qui abrogeaient les dispositions de la loi du 25 juin 1856 et rétablissaient les juridictions (fueros) ecclésiastique et militaire dans toute l'étendue qu'elles avaient au 1er janvier 1853.

Si donc on compare la date de cette lettre et les services dont elle parle, avec les faits qui amenèrent alors et consommèrent le triomphe de la réaction, il est impossible de ne pas y reconnaître la complicité de celui qui l'a signée dans ces événements déplorables; événements auxquels son caractère officiel de ministre de France lui faisait un devoir de s'opposer de toutes ses forces, même en usant de l'influence légitime que devait obtenir une politique ferme et droite, si telle eût été la sienne, sur l'esprit faible et indécis du président Comonfort.

J'ai expliqué pourquoi la date de cette lettre suffirait seule pour établir la preuve matérielle de la complicité de M. de Gabriac, dans les événements qui ont préparé et amené le triomphe du coup d'État, et voici que ce ministre vient lui-même me donner des armes contre lui, en parlant dans sa lettre à l'archevêque de Mexico des faibles services qu'il a rendus tant à son pays qu'aux saintes églises de sa province ecclésiastique.

Il était impossible, convenons-en, d'être à la fois plus candide et plus explicite. Le mot pays ne doit pas se prendre ici dans son sens littéral et absolu. C'est une figure de rhétorique, un trope, que les grammairiens appellent une synecdoque, et qui consiste, selon le cas, à prendre le tout pour la partie ou la partie pour le tout. Dans l'espèce, la partie est prise pour le tout; c'est comme s'il avait écrit : des faibles services que j'ai rendus, tant au parti réactionnaire que..., etc...

Quant aux paroles qui terminent cette phrase, c'est un aveu dont je suis heureux de prendre note. Je savais bien, en effet, que la France dépensait des sommes énormes pour maintenir, à l'étranger, des hommes comme M. de Gabriac, dans le but d'y soutenir les droits de ses nationaux et de les protéger contre l'arbitraire des autorités locales; mais j'ignorais, je dois en convenir, que celui-ci eût été accrédité près du parti réactionnaire, et que sa principale mission fût de protéger contre l'invasion des idées du siècle dont la marée envahit jusqu'aux digues qu'on lui opposait autrefois, les intérêts de ce qu'il appelait les saintes églises de la province ecclésiastique, gouvernée spirituellement par M. de la Garza. Je suis persuadé que mes pauvres compatriotes ne s'en doutent pas plus que moi, et je m'empresse de leur annoncer cette bonne nouvelle, afin qu'ils puissent apprécier les motifs qui ont empêché leur représentant officiel au Mexique de faire valoir, comme il le devait, les réclamations légitimes de ses nationaux contre l'administration réactionnaire.

Je ne m'étendrai pas davantage sur cette matière. Toute la population française qui résidait alors dans la République, savait depuis longtemps à quoi s'en tenir sur l'affection que lui portait son ministre; mais ce qu'elle ne savait pas, ce dont M de Gabriac, lui-même, a daigné nous instruire, c'est qu'en sacrifiant ainsi les intérêts et la dignité de ses compatriotes aux nécessités rétrogrades du clergé mexicain, il ne faisait que remplir le devoir le plus doux pour un fils de notre Sainte Religion. De manière que, si les hasards de sa naissance l'eussent jeté parmi les protestants au lieu de le faire naître parmi les catholiques, il aurait compris et

pratiqué ses devoirs d'une manière entièrement différente. Cette déclaration ne pouvait tomber plus d'aplomb sur la tête de M. Lettsom d'abord, puis sur celle de M. Otway, qui se sont convertis l'un et l'autre, je ne sais trop pourquoi, en instruments passifs deM. de Gabriac, et je profite de la circonstance pour appeler l'attention du gouvernement de la Grande-Bretagne sur une confession dont la sincérité ne saurait être mise en doute, et dont la candeur lui apprendra ce que M. de Gabriac pensait intérieurement du rôle que les représentants de l'Angleterre protestante ont joué dans cette triste affaire.

Sans prétendre justifier en rien la conduite de M. de Gabriac, cette conduite, quelque coupable qu'elle fût, avait cependant, et jusqu'à un certain point, son explication dans le rétablissement du pape à Rome, en 1849, et dans la réciprocité dont le clergé avait donné des preuves, en France en acclamant, le premier, le succès du 2 décembre 1851. Mais la conduite des représentants de l'Angleterre n'était liée par aucun compromis antérieur, ni à Mexico, ni à Rome; et si quelque chose avait encore été capable de m'étonner, je l'aurais été bien certainement en voyant les chanteurs de psaumes, comme les appellent les catholiques, sacrifier aussi facilement les intérêts de leur libre examen aux exigences d'une coterie exclusivement papiste.

Quoi qu'il en soit, M. de Gabriac, au moment de quitter le Mexique, avait trouvé le moyen d'y économiser une somme de 150,000 piastres, et encore je dois ajouter que cette somme ne constituait pas tout son avoir (1).

Je ne voudrais pas dire qu'il y a battu monnaie avec les sentiments qu'il appelait le plus doux des devoirs pour un fils de notre Sainte Religion, mais enfin une pareille somme ne se trouve pas, comme on dit, sous le pied d'un cheval, et nous donne bien le droit d'examiner d'où elle pouvait provenir. Examinons donc un peu.

(1) Voir sa lettre à l'administration réactionnaire, en date du 5 mai 1860, pour lui demander l'autorisation de pouvoir expédier librement à Veracruz, c'est-à-dire, sans payer les droits imposés sur l'argent, une somme de 150,000 piastres, composant, disait-il, une grande partie de son avoir.

150,000 piastres mexicaines font, si je ne me trompe, quelque chose comme 795,000 francs, argent de France, à raison de 5 fr. 30 c. la piastre.

M. de Gabriac est resté cinq années au Mexique avec des appointements de 80,000 francs par an, soit un peu moins de 16,000 piastres.

Il n'a jamais passé pour généreux, j'en conviens, mais en dépit de sa propension bien connue à l'économie, il fallait bien vivre et de plus il était obligé parfois de rendre, bon gré malgré, quelques-unes des invitations que lui valait sa qualité de ministre de France.

Pour compenser autant que possible ces deux nécessités, celle de l'économie et celle qui résultait de certaines dépenses obligatoires, j'admettrai, si l'on veut, qu'il ne dépensait qu'une moitié de ses appointements et qu'il économisait l'autre; et l'on m'accordera en échange, du moins je l'espère, que s'il avait des capitaux en France avant d'être nommé à la légation du Mexique, il ne les aura certainement pas déplacés pour les emporter avec lui.

Or, 8,000 piastres par an, c'est-à-dire la moitié de ses appointements, multipliés par 5, chiffre représentant le nombre d'années que M. de Gabriac a passées au Mexique, donnent pour résultat, si je ne me trompe encore, une économie de 40,000 piastres, soit à 5 fr. 30 c. l'une, 212,000 fr.

D'autre part, M. de Gabriac, par une note du 5 mai 1860, a demandé la faculté de pouvoir expédier librement à Veracruz, c'est-à-dire, sans être soumis à aucune des charges qui grèvent en ce pays l'argent du commun des martyrs, quand cet argent est obligé de voyager, une somme de 150,000 piastres, constituant, disait-il, une grande partie et non la totalité des valeurs qu'il possédait 150,000 Il lui restait :

4o Le surplus des susdites valeurs, surplus dont je ne connais pas le chiffre et que pour ce motif, je porte ici uniquement pour mémoire.

20 celles qu'il avait peut-être déjà envoyées en France, et que je ne porte encore que pour mémoire.

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