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palement aux travaux agricoles, cultivant le maïs et le coton et connaissant la cochenille. Ils étaient habiles à tisser des étoffes délicates et à les teindre des plus vives couleurs. Ils savaient sculpter les pierres les plus dures; fondre et modeler l'or et l'argent, et ils possédaient quelques outils de bronze écroui qui n'étaient point sans analogie avec ceux dont nous nous servons aujourd'hui, lesquels ne diffèrent des leurs que parce qu'ils sont en acier.

Dès 1508, les Espagnols, Solis et Pinzon avaient découvert le Yucatan. Dix ans après, Grijalva reconnut la côte orientale du Mexique, et, l'année suivante, Fernand Cortez aborda au lieu où l'on a depuis bâti Vera-Cruz pour réaliser, avec une poignée d'aventuriers, ses vastes projets de conquête. Il brûla d'abord ses vaisseaux pour enlever à ses compagnons toute pensée de retour; puis, il attaqua la république de Tlaxcala, la battit, et profita des antipathies de l'ancienne race indigène contre les conquérants aztèques pour faire alliance avec elle et pénétrer jusqu'à Mexico, où le souverain régnant, Moctezuma, et non pas Montezuma, lui fit l'accueil le plus amical. Cortez, abusant des intentions bienveillantes de ce prince, s'empara de sa personne et le tint prisonnier au milieu même de ses sujets. Il fut alors obligé de quitter la ville pour aller livrer bataille à un concurrent, Narvaez, que le gouverneur d'Hispaniola, aujourd'hui Saint-Domingue, avait envoyé pour le dépouiller de sa conquête. Pendant son absence, il laissa le commandement à un de ses lieutenants, Alvarado, et celui-ci, sur l'avis que les Mexicains cherchaient à briser les chaînes de leur chef, en fit massacrer deux mille au milieu d'une fête. Il en résulta un soulèvement général à la suite duquel Cortez lui-même, de retour depuis peu, fut obligé de quitter la ville pour la seconde fois; mais il y rentra de nouveau, 21 mai 1520, à la tête de quelques centaines d'Espagnols seulement et d'une multitude d'Indiens auxiliaires, à la suite d'un siége qui ne dura pas moins de soixante-quinze jours. Depuis lors, l'Espagne demeura paisible dominatrice de sa conquête jusqu'au jour où le premier Napoléon, ayant indignement dépouillé les Bourbons de la péninsule à la conférence de Bayonne, toutes les colonies espagnoles de

l'Amérique refusèrent de se plier sous son joug. Parmi elles, le Mexique fut celle qui resta le plus longtemps fidèle à la mère patrie aussi le vice-roi, Iturrigaray, appela-t-il les créoles à jouir de tous les droits dont on les avait privés petit à petit depuis la conquête. Mais ce retour au droit commun irrita profondément les Espagnols. Les négociants firent un mouvement; le 18 septembre 1808, ils s'emparèrent du vice-roi, l'envoyèrent prisonnier en Espagne et firent tant auprès du gouvernement que la conduite de cet officier y fut censurée.

Alors les créoles, aigris par le triomphe de toutes ces mesures rétrogrades, songèrent à les repousser, et bientôt il se forma une conspiration qui avait dans l'armée ellemême des ramifications fort étendues et dont le chef avoué était un prêtre de race créole, D. Miguel Hidalgo y Costilla, curé de la petite ville de Dolores, dans l'intendance de Guanajuato. L'insurrection éclata le 10 septembre 1810. Hidalgo, déployant les couleurs bleues et blanches - des anciens empereurs aztèques, puissamment secondé d'ailleurs par les Indiens qui accouraient en foule se ranger sous ses bannières, souleva tous les pays de l'Est, pendant qu'un autre prêtre, père, qui le croirait? du général Almonte, révolutionnait les provinces de l'Ouest, et se présentait devant Mexico à la tête d'une armée de plus de 80,000 hommes.

Mais peu sûr de la discipline de ses bandes, il n'osa point attaquer la capitale. Il fut défait dans plusieurs rencontres par les troupes régulières du vice-roi, trahi par les siens, livré aux Espagnols et fusillé le 27 juillet 1811.

Après sa mort, le curé Morelos continua la lutte et réunit un congrès qui proclama l'indépendance du Mexique au mois d'octobre 1813. Malheureusement le succès ne se maintint pas. Morelos fut fait prisonnier 26 mois après, 5 novembre 1815, livré à l'inquisition qui le remit à l'autorité militaire après l'avoir dégradé comme hérétique, et fusillé par derrière, ainsi que l'avait été quatre années auparavant son prédécesseur Hidalgo.

L'insurrection était donc encore une fois comprimée, mais elle n'était pas détruite. Petit à petit les créoles de

toutes les classes prirent place dans ses rangs ses cadres se complétèrent, et dès l'année 1820, on y comptait plusieurs officiers de l'armée royale qui, pour divers motifs, avaient abandonné leur position et s'étaient joints à elle.

Le plus connu de ces transfuges s'appelait D. Agustin de Iturbide. Il était né à Valladolid, aujourd'hui Morelia, capitale de l'État de Michoacan, et avait été mis en retrait d'emploi pour abus de pouvoir (1).

Celui-ci, le 24 février 1821, dans la petite ville d'Iguala, située à 90 milles environ au Sud de Mexico, proclama un plan avec les trois bases suivantes : Union, Religion, Indépendance, et s'empara de Mexico le 27 septembre suivant.

Son programme portait que le Mexique, délivré pour toujours de la tyrannie de l'Espagne, serait cependant gouverné par un prince de la famille royale, et que les Européens, ce qui signifiait les Espagnols, attendu qu'à cette époque il n'y avait qu'eux qui fussent admis au Mexique, seraient entièrement égaux en droits et en priviléges avec les natifs. Mais après avoir contraint le vice-roi, O'Donoju, à accepter ces conditions, il fit naître un conflit entre le congrès, nommé depuis la prise de Mexico, et la junte du gouvernement dont il était le chef, et se fit proclamer empereur, sous le nom d'Augustin ler, le 18 mai 1822.

Toutefois, cet empire était construit sur le sable. Ni l'immense prestige qui entourait alors le nom du nouveau prince, ni sa grande réputation militaire, ni la gloire qu'il s'était acquise en obligeant l'Espagne à se dessaisir de sa proie, ni la splendeur de ce trône élevé dans l'ancienne. capitale de Moctezuma, ni le brillant vernis d'une cour pleine d'ostentation, ni l'appareil du couronnement, ni les cérémonies imposantes d'une consécration religieuse, ni l'appui que paraissaient donner au trône ainsi restauré le pouvoir et les richesses d'une aristocratie opulente, rien ne put maintenir le diadème sur la tête de cet homme que le

(1) On raconte qu'en 1814, dans une dépêche qu'il adressait au vice-roi, le jeudi-saint, Iturbide, alors officier supérieur, lui annonçait qu'il venait de fêter ce grand jour en faisant fusiller 300 excommuniés, ce qui signifiait dans son langage, 300 prisonniers libéraux.

peuple aimait cependant, en dépit de son manque de foi. Ce rêve de monarchie, cet appareil fantastique de majesté, tout s'évanouit en un instant comme la fumée à travers les airs, et l'année ne s'était point écoulée que déjà il ne restait au parjure que le souvenir de sa trahison.

Iturbide essaya, mais inutilement, de colorer aux yeux des masses son usurpation de motifs plausibles. SantaAnna, alors colonel du 8e d'infanterie, et qui, naguère, avait été un des plus plats adulateurs du despote, se réunit aux généraux Guerrero et Bravo, et tous trois ils le contraignirent à rappeler le congrès qu'il avait chassé une année auparavant. Le congrès, à son tour, annula l'élection de cet empereur coup d'Etat, lui ordonna de quitter pour toujours le territoire de la République, et le gratifia, par un sentiment de générosité qui l'honore, d'une pension de 25,000 piastres, soit 123,000 fr. par an.

Cet empire élevé si facilement par l'armée le lendemain de sa victoire, et renversé moins d'une année après avec autant de facilité par ceux-là mêmes qui l'avaient élevé, surprendra sans doute ceux qui ne sont point au fait des habitudes et des choses de ce pays; mais pour peu qu'on réfléchisse à son passé, il est peut-être plus facile encore de se rendre compte de la chute de l'empire que de son élévation.

La monarchie, en effet, a besoin de s'appuyer sur la tradition et le Mexique, il faut bien en convenir, ne possède en tradition, ni habitude, ni éléments monarchiques.

Depuis la conquête jusqu'en 1821, il avait été gouverné, cela est vrai, par la cour d'Espagne, mais les Mexicains ne connaissaient la majesté royale que par la figure du roi apposée sur les pragmatiques et les cédules. Puis la cour d'Espagne exerçait son autorité non seulement par les vice-rois, mais par les audiences (1) et les Ayuntamientos (2). La plupart des vice-rois, soit qu'ils ne voulussent pas éveiller de soupçons à la cour, soit qu'ils désirassent économiser sur leur traitement, afin de se constituer un beau

(1) On appelait ainsi l'administration de toute une province. (2) Municipalités.

revenu à leur retour en Europe, vivaient sans faste, expédiaient les affaires avec un seul secrétaire, et se montraient aussi modestes que bienveillants dans leur conduite privée.

Leur autorité était monarchique si l'on veut, mais elle était en quelque sorte équilibrée par celle de l'Ayuntamiento; et l'ayuntamiento, suivant l'analogie des anciennes. communautés espagnoles détruites par Charles-Quint, représentait réellement et positivement le principe populaire.

Pour peu que l'on connaisse l'histoire, il est facile de se rendre compte de ce que devaient être dans leur temps des hommes comme Fernand Cortez et Nuño de Guzman. Et pourtant l'ayuntamiento les priva de l'usage de l'eau, leur imposa une amende et les réprimanda, parce que dans les moulins qu'ils possédaient près de la ville, ils avaient transgressé les lois qu'avait imposées la municipalité. Les procès-verbaux du chapître de Mexico fourmillent de cas où l'Ayuntamiento de cette ville en a défendu le peuple contre les usurpations des vice-rois eux-mêmes, des moines et des membres du clergé. C'est-à-dire, que sur cette terre que les défenseurs à gages de l'expédition représentaient chaque jour à la France comme étant essentiellement monarchique, le principe républicain triomphait dès le temps où la tyrannie, par suite des mœurs de l'époque, aurait dù plus facilement l'étouffer.

Puis la monarchie engendre la noblesse et je me demande où sont les Montmorency, les Rohan, les Coucy du Mexique.

La noblesse, au temps des vice-rois, se composait, dans sa plus grande partie, des descendants des premiers conquérants, et pour dire toute la vérité, les prouesses de ceux-ci, quelque grandes qu'elles nous paraissent à la distance qui nous sépare d'eux, n'avaient rien de bien extraordinaire au fond. Ils avaient combattu contre des tribus divisées, ignorantes dans l'art militaire, privées d'armes à feu, et si l'on a tant exalté leurs entreprises, c'est plutôt en souvenir des avantages qu'ils ont procurés à leur mère patrie, qu'à cause des dangers personnels auxquels ils se sont exposés.

Et pourtant ce n'est pas encore tout. Bien qu'elle fût à

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