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145. Et c'eft-là vraisemblablement la raifon pour laquelle les petites Ifles ont communément tant de fources, des fources fi abondantes, tandis que les grandes, celles fur - tout qu'on appelle des Continens, ont tant & de fi grandes régions prefqu'arides. Les moindres Illes font sèches dans les parties principalement qui partagent la malheureuse propriété des grandes, c'est-à-dire, qui font fort éloignées des hautes montagnes. S'il ne pleut prefque point fur certaines Ifles, c'eft ordinairement qu'elles font prefque plates on peut les confidérer comme appartenantes aux grandes plaines des grands Continens. Il faut, pour ainfi dire, y guetter le nuage que certaines caufes font naître, pour emprifonner avec religion le peu d'eau qu'il laiffe échapper. Ce n'eft donc pas le voifinage des mers qui donne la pluie; les mers en fourniffent la fubftance, l'air la charrie & les montagnes la criblent. Les Ifles prefque rafes n'ont donc que peu de pluie. II pleut un peu plus fur celles qui font élevées, beaucoup fur celles qui le font beaucoup, & par averfes fur les plus hautes.

146. Dans l'évaluation de l'eau que les montagnes font descendre du ciel, il faut confidérer encore la manière dont fe préfente au vent actuel la principale dimenfion de l'Ifle: tout le refte étant fuppofé, la quantité de pluie que reçoit la totalité d'une Ifle eft comme la dimension horizontale perpendiculaire au vent. Soit 1 lieue la largeur d'une Ifle & 100 fa longueur; que la longueur foit dans le plan du méridien, & la largeur dans le plan de la ligne; que les fommets de cette Ifle atteignent la région des nuages; qu'un vent d'eft faturé les franchiffe, tout l'air que ce vent pouffera dans cette Ifle y dépofera toute fa charge. Or, la quantité de cet air eft comme la longueur de l'Ifle, puifque cette longueur eft perpendicu

laire au vent.

147. Puis faifons fouffler fur cette Ifle un vent fud également faturé: tout l'air que ce vent pouffera dans cette Ifle y dépofera toute fa charge. Or, la quantité de cet air eft comme la largeur de cette Ifle, puifque cette largeur eft perpendiculaire au vent. Ainfi ces deux vents, dans lefquels on ne confidère d'autre inégalité que la direction, verfent fur cette Ifle le vent d'eft cent fois plus d'eau que le vent fud, uniquement parce qu'ils font perpendiculaires l'un à la longueur, l'autre à la largeur de cette. Ile.

148. Le vent fud, qui, par fa nature fuppofée, eft auffi pluvieux fur cette Ifle que le vent d'eft, le paroîtra donc cent fois moins ; il le paroîtroit dix fois moins, quand il le feroit dix fois plus. Si cette Ifle avoit eu fes deux dimenfions dans un état oppofé, toutes ces conféquences auroient été oppofées, puifque le phénomène qui nous occupe dépend uniquement

de leur fire.

149. La latitude ou plutôt la chaleur locale eft encore un des grands. élémens à introduire dans l'évaluation des pluies, puifque cette chaleur

OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, détermine, en partie, la quantité d'eau néceffaire à la faturation d'un air donné. Si la chaleur de la Torride rend la faculté diffolvante de l'air décuple de ce qu'elle eft fous le pôle, l'air faturé de la Torride contiendra dix fois plus d'eau que l'air faturé du pôle; lorfqu'une caufe quelconque raréfie également ces deux airs, celui de la Torride dépofera dix fois plus que celui du pôle; ear dans la Torride & fous le pôle, en tout temps & par-tout, le dépôt eft proportionnel à la charge, tout le refte étant fuppofé.

150. Auffi les pluies de la Torride font-elles communément des averses, & celles du pôle des bruines. Aufli la fomme annuelle des pluies équinoxiales eft-elle décuple des pluies circonpolaires. Nos pluies d'hiver font beaucoup plus menues en général que celles d'été; car en hiver l'air tient beaucoup moins d'eau en diffolution que l'été, & n'en peut dépofer autant en hiver qu'en été, lorfqu'il eft raréfié par des caufes femblables. Auffi peut-on conclure de tous les relevés eudiométriques qu'il tombe beaucoup plus d'eau en été qu'en hiver, quoiqu'il pleuve beaucoup plus fouvent en hiver qu'en été. Par exemple, il pleuvra trois fois plus fouvent en hiver, mais chaque pluie d'été fera neuf fois plus forte. La fomme des pluies d'été. fera donc triple de la fomme des pluies en hiver. On éprouve auffi peu de bruines dans les Pays & les temps chauds, que peu d'averfes dans les Pays & les temps froids.

151. Voilà une complication de circonftances que je n'ai point épuisées, qu'on n'épuifera peut-être jamais, qu'on étudiera bien tard d'une manière efficace. Pour tirer quelqu'avantage de ce qu'on a lu, il faut l'avoir préfent à l'efprit comme il l'eft dans la Nature, ou s'expofer à prendre fouvent pour contraire au principe ce qui fuffiroit pour le démontrer. On trouve des exceptions très-embarraffantes. M. le Marquis Poleni, Trans. Philof., 1737, Trad. de M. de Bremond, dit « que le vent nord > eft pluvieux à Padoue de 1731 à 1736 », pag. 210. Et l'on ajoute, pag. 262, comme une chofe non extraordinaire, « que le même vent donna 2 pouces d'eau en vingt-quatre heures le 7 Novembre 1732 »; ce qui paroît choquer de front mon principe. M. Ferber, dans fes Lettres fur la Minéralogie, traduites par M. Dietrich, déclare, pag. 426, « que· » le firoco donnoit la pluie à Rome, & la tramontane le beau temps » pendant l'hiver de 1772; ce qui s'arrange très-bien avec ce que j'ai dit: mais que, depuis le premier Avril, ce fut tout le contraire; qu'il pleuvoit par la tramontane fur toute la route de Rome à Florence, tandis qu'il faifoit beau fur la côte Adriatique; ce qui femble me contredire. Mais en donnant une caufe aux pluies, aux pluies même les plus ordinaires & les plus générales, je n'ai pas prétendu les montrer toutes. Celles que j'ignore peuvent fouvent déranger celles que j'explique, tout comme des caufes inconnues peuvent ôter à un plomb fufpendu fa direction ver

ticale. Il faudroit avoir étudié long temps fur les lieux, & leur configuration, & leur afpect, & leur nature, pour pouvoir fuivre avec quelque fécurité tout ce qui y réfulteroit même de ma règle feule.

152. D'ailleurs ceci n'eft pas un principe que je dois établir: fon feul énoncé fait fa démonftration. L'air eft pluvieux en montant, parce qu'il fe refroidir, fe raréfie; fec en defcendant, parce qu'il fe condenfe & s'échauffe. On n'a pas befoin d'autre preuve; tous les développemens que j'ai ajoutés ne font deftinés qu'à rendre cettte règle utile au progrès de nos connoiffances; & les faits les plus contraires en apparence, ne peuvent l'infirmer. Il n'en eft pas ainfi des principes de l'attraction, de la réfraction de l'aberration, de l'électricité, du magnétifme; ils ne réfultent d'au cune loi connue: il faut les établir fur la multitude & fur l'unanimité des faits; une feule contradiction les renverfè, au lieu que mon principe réfulte de toutes nos connoiffances phyfiques; ce qui peut le combattre doit être attribué à ce qu'on ignore.

EXPÉRIENCES

Sur la quantité d'Air pur qui fe trouve dans notre Atmosphère ;

ON

Par M. SCHEELE (I).

N fait que l'on ne doit pas regarder notre air comme un fimple fluide élastique, parce que fi on en fépare tout l'hétérogène qui s'y trouve mêlé, on trouve, fuivant les nouvelles expériences qui ont été faites fur l'air, qu'il confifte en deux efpèces très-diftinctes l'une de l'autre : l'une s'appelle air vicié (skamd luft), parce qu'il eft abfolument dangereux & mortel, foit pour les animaux, foit pour les végétaux, & qu'il altère, en partie, toute la maffe de l'air; l'autre au contraire s'appelle air pur ou air de feu (eldsluft), parce qu'il eft tout-à-fait falutaire & qu'il entretient la refpiration, conféqueminent la circulation du fang. Nous ne pouvons donner aucune idée claire & diftincte, ni fur fa nature ni fur la formation; nous favons feulement qu'il ne fait que la plus petite partie de toute la maffe atmofphérique.

Comme nous favons encore que ce dernier eft de la plus grande néceffité pour la confervation de notre fanté, & qu'on n'eft pas sûr s'il y en a toujours la même quantité préfente dans notre atmosphère, je me fuis propofé de faire, pendant tout le cours de l'année, des expériences fur ce fujet.

(1) Traduites du Suédois par M. M. de Dijon.

L

1

Il eft certain que lorfque l'air pur rencontre une matière inflammable mise en liberté, il s'en approche, fe fépare de l'air vicié, & difparoît, pour ainfi dire, à vue d'oeil (1).

Dès-lors, fi une quantité donnée d'air ordinaire est renfermée dans quelque vafe & qu'il y rencontre du phlogistique, on peut juger, par la quantité d'air vicié qui y refte, combien ce même air contenoit d'air pur. Quoiqu'il y ait plufieurs mêlanges phlogistiques capables de remplir cet objet, j'ai obfervé cependant que le foufre & la limaille de fer étoient jufqu'à préfent ce qui convenoit le mieux.

Je réduifis en poudre très-fine une partie (2) de foufre; j'y mêlai deux parties de limaille de fer non rouillée: j'humectai le tout avec un peu d'eau; je mis ce mêlange dans plufieurs petites bouteilles, que je bouchai trèsexactement (3); j'eus encore attention que la poudre fût bien preffée au fond: car comme après l'efpace de douze heures de temps, pendant lequel fe fait l'union du foufre & du fer (ce qui eft indiqué par une couleur noire), le volume de cette mixtion augmente fenfiblement, les vaiffeaux auroient bien pu fe rompre. Je vais préfentement rendre compte du procédé que j'ai fuivi, pour contenter là-deffus ma curiosité.

> Je mis au fond du vafe A (Voyez fig. 1, pl. II) un fupport formé d'un tuyau de verre fixé fur un petit piédestal de plomb; l'extrémité fupérieure du tuyau portoit un petit plateau horizontal, fur lequel je plaçai le petit vaiffeau C, rempli du mêlange de fer & de foufre, dont j'ai parlé plus haut; je renverfai fur le tout le verre cylindrique D, & je remplis d'eau le vaiffeau A.

Comme le froid étoit très-vif & que l'eau fe congeloit, j'employai de l'eaude-vie au lieu d'eau.

J'avois difpofé le verre cylindrique de la manière fuivante. Il contenoit trente-quatre onces d'eau ; mais comme le petit vaiffeau C, le mêlange qui

(1) J'ai fait voir, dans mon Traité de l'Air & du Feu, d'où provenoient la chaleur & même la lumière. ( Ce Traité, traduit par M. le Baron de Dietrich, a été annoncé au mois de Décembre 1781 dans notre Journal, & fe vend rue & hôtel Serpente ).j

(2) Il y a dans l'original skalpund; ce qui indique la 20 partie d'une livre, qui eft à celle de France :: 8848: 10193: mais on voit qu'il ne s'agit ici que des proportions d'une compofition qui doit fervir à plufieurs expériences. L'Auteur ne fixe même pas la dofe qu'il emploie; il fuffit fans doute qu'elle foit toujours la même & capable d'abforber tout l'air pur qui peut fe trouver dans l'air commun enfermé fous le récipient. L'appareil de M. Scheele ayant été exécuté au Laboratoire de l'Académie de Dijon, on a obfervé que le mêlange d'un gros de fonfre & deux gros de limaille de fer pouvoit abforber deux fois & plus l'air pur dans un récipient de capacité égale à celle déterminée par

M. Scheele.

(3) Si on fe fervoit d'une feule bouteille, l'air nouveau qui s'y introduiroit à chaque fois que l'on feroit obligé de l'ouvrir, affoibliroir à la fin confidérablement la mixtion.

devoit

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devoit le remplir & fon fupport déplaçoient la valeur d'une once d'eau, n'en reftoit plus que trente-trois onces.

il

Comme j'étois déjà convaincu, par les expériences des autres & par les miennes propres, que l'air pur n'excède jamais le tiers de toute la maffe, je collai en E, à l'extérieur du récipient cylindrique, une bande de papier, qui, par fa longueur, marquoit le tiers de fa capacité, favoir onze onces d'eau; je divifai la bande en onze parties égales, & à côté de ces divifions, tracées à l'encre, j'écrivis les nombres en petits caractères : de forte que chaque ligne indiquoit de ce qui étoit renfermé dans le récipient; j'appliquai un vernis fur cette bande de papier pour empêcher la diffolution de la colle & de l'écriture.

Le premier Janvier 1778, je commençai mes expériences. Après avoir rempli de mon mêlange de fer le vaiffeau C, je renverfai deffus le récipient de verre ainfi difpofé, & j'obfervai la hauteur du baromètre & du thermomètre: l'eau commença à monter dans le verre cylindrique D, & huit heures après, elle s'arrêta à la hauteur de 9 degrés.

Quoique j'euffe encore laiffé le verre dans la même pofition pendant fix heures, je trouvai cependant que l'eau n'avoit pas monté plus haut: le baromètre & le thermomètre n'avoient non- plus éprouvé aucune variation.

Le jour fuivant, je répétai la même expérience, après avoir fait paffer du nouvel air dans le récipient (1): mais l'eau s'arrêta encore au même point. Le 3 Janvier, l'air étoit de même.

Le 4 Janvier, je vis l'eau monter plus lentement dans une nouvelle expérience; car il fe paffa quatorze heures entières avant que l'eau reprît fa première hauteur. De-là je conclus que le mêlange du vaiffeau avoit perdu la plus grande partie de fon phlogistique; en conféquence, pour me rapprocher de la 4 expérience, je remplis toujours par la fuite le vaiffeau avec un nouveau mêlange.

Je continuai chaque jour ces expériences pendant tout le mois de Janvier, & je remplis fouvent le verre de nouvel air, même pendant la nuit ; mais je trouvai toujours la même proportion d'air dans notre atmosphère. Quelquefois, à la vérité, l'eau s'élevoit un peu plus, quelquefois elle s'arrêtoit un peu plus bas; mais cela provenoit de ce que le baromètre & le thermomètre montoient & defcendoient fucceffivement. Je crus donc que

(1) Pour m'affurer qu'il ne rette point dans le récipient C d'air corrompu de la précédente expérience, je le remplis d'eau pour en chaffer tout l'air, & je verfe enfuite l'eau dans l'air libre. J'ufe de la même méthode lorfque je veux éprouver l'air d'une chambre ou de quelqu'autre lieu, c'est-à-dire, que je commence toujours par remplir d'eau le récipient en cet endroit.

!

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