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de verre plufieurs fois dans le courant de la journée; il s'étoit dépofé, au bout de ce temps, une matière faline blanche: alors je filtrai la liqueur à travers une toile double, & je lavai ce qui étoit resté sur le filtre avec de l'eau chaude, jufqu'à ce que les dernières portions fuffent fans goût. Après avoir mêlé toutes ces lotions avec la première liqueur, je fis évaporer avec les mêmes précautions que j'ai décrites dans mon premier Mémoire, à l'article de l'acide phofphorique (1); j'obtins, par ce moyen, fix gros de félénite foyeuse, une livre de félénite ou plâtre qui s'étoit précipité par le repos dans la terrine, & trois onces un gros & demi de verre phofphorique très-blanc & tranfparent.

Quoique ces deux espèces de félénites ne laiffaffent aucun doute qu'elles ne fuffent formées de l'union de la terre calcaire avec l'acide vitriolique, je foumis cependant aux expériences fuivantes celle qui s'étoit précipitée pendant le féjour du mêlange dans la terrine.

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1o. Je calcinai à un très grand feu, dans un creufet, fix onces de cette félénite après que la matière fut refroidie, je la pefai; je trouvai qu'elle ne pefoir plus que quatre onces fept gros & vingt-un grains : il y eut par conféquent une once & cinquante un grains de perte pendant la calcination. Ayant mêlé cette matière ainfi calcinée avec une fuffifante quantité d'eau diftillée pour faire une pâte qui ne fût ni trop molle ni trop dure, je ne tardai pas à m'appercevoir que j'avois formé une espèce de gypfe, vu qu'il fe durciffoit & qu'il devenoit de plus en plus impénétrable à l'eau. Cette expérience acheva de me raffermir dans l'idée où j'étois avec M. de Morveau, que non- feulement le gypfe étoit un compofé de la terre calcaire & de l'acide vitriolique, mais encore que la terre des os étoit la vraie terre calcaire (2).

2°. Je fis bouillir dans quatre pintes d'eau diftillée fix onces de cette félénite fans être calcinée: après que la liqueur fut réduite à une chopine environ, je la filtrai par le papier; j'ajoutai à la liqueur filtrée de l'alkali fixe bien pur, jufqu'à ce qu'il ne fe précipitât plus rien. Je trouvai dans le fond de la bouteille, après vingt-quatre heures de repos, une terre fort atténuée & fort blanche, qui, après avoir été bien édulcorée & combinée avec les différens acides, préfenta les phénomènes fuivans.

Avec l'acide nitreux, elle forma un fel déliquefcent; avec l'acide marin, le même fel; avec l'acide vitriolique, une félénite prefque insoluble; avec

(1) Voyez le Journal de Phyfique, Octobre 1781.

(2) Depuis la compofition de mon Mémoire, j'ai trouvé, dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences de Stockholm, que Cronstedt avoit obtenu avec la pierre à chaux commune & l'acide vitriolique, un gypse semblable à celui que j'ai obtenu avec la terre des os. Je m'empreffe d'autant plus à parler de cette expérience, qu'elle vient à l'appui de celles de M. de Morveau & des miennes. Le favant Minéralogifte Suédois fut conduit à cette expérience dans fes recherches fur le gypfe ou pierre à plâtre.

l'acide du vinaigre, un fel crystallifé en fils foyeux, dont les crystaux sề divergeoient du centre à la circonférence. Les mêmes expériences comparatives ayant été faites avec un gypfe crystallifé de Montmartre, les résultats furent parfaitement femblables.

Examinons à préfent les caractères de la terre calcaire la plus pure, telle que le marbre blanc.

Cette terre n'a-t-elle pas la propriété de fe convertir en chaux lorfqu'elle eft expofée à la violence du feu? ne fe diffout-elle pas entièrement avec effervefcence dans l'acide? ne forme-t-elle pas des fels déliquefcens avec les acides nitreux & marin? ne forme-t-elle pas avec l'acide vitriolique un fel connu fous le nom de félénite prefque infoluble dans l'eau ? de fon union avec l'acide du vinaigre n'en réfulte-t-il pas un fel cryftallifé en fils foyeux? la terre précipitée de ces différentes combinaisons par les alkalis, foit fixes, foit volatils, n'a-t-elle pas toutes les mêmes propriétés qu'elle avoit auparavant? Les Chymiftes & les Naturaliftes peuvent-ils refufer à la terre calcaire quelqu'un des caractères que je viens de lui affigner? S'ils font obligés de convenir de tous ces faits, je demande donc, comment eft-il poffible que la terre des fubftances offeufes & du gypse préfente les mêmes phénomènes, fi elle n'est pas elle-même terre calcaire?

On me dira peut-être ce que M. Romé de l'Ifle a dit à M. de Morveau que je confonds la terre absorbante avec la terre calcaire; qu'on doit entendre par terre absorbante, terre fimple ou primitive, celle qui fert de bafe à la terre calcaire, au gypfe, aux fubftances offeufes, aux végétaux, &c., &c., &c. Je répondrai à cela ce que j'ai répondu plus haut; que l'expreflion eft vague, puifque terre calcaire & terre abforbante font deux mots fynonymes, & qu'il n'y a que ceux qui ne font pas d'expériences qui peuvent faire ces objections. Mais comme, avant tout, je me dois à la vérité, je dois dire ici, à la gloire du favant Auteur de la Cryftallographie, à qui l'Hiftoire Naturelle eft redevable de plufieurs belles découvertes, qu'ennemi d'intrigues, de partis & de cabales, ne cherchant que le vrai de la chofe, il fera le premier à fe rétracter, s'il veut prendre la peine de répéter les expériences contradictoires à celles du Docteur Demeste; & dès qu'il aura vu de quelle importance il eft en Chymie de ne prononcer que d'après fes propres travaux, & non pas d'après les travaux des autres, alors il conviendra qu'après avoir obtenu des félénites par la combinaison de l'acide vitriolique avec le marbre, avec la craie, avec la terre des fubftances offeuses, avec la terre bafe du gypse, &c, &c., & que ces félénites ne différeront point entr'elles ; il conviendra, dis-je, qu'on eft tout auffi autorifé à dire que ces félénites font composées d'acide vitriolique & de terre calcaire, qu'on l'eft à dire que le tartre vitriolé eft compofé de cet acide avec l'alkali fixe végétal.

En vain m'objectera-t-on encore qu'en combinant la terre calcaire

avec

avec l'acide vitriolique pour faire du gypse ou de la félénite, l'acide chaffe l'air fixe, & ne s'empare que de la terre abforbante pour former ce fel prefque infoluble. Je répondrai, que c'eft prononcer avec trop de confiance; & que fi l'on vouloit faire un peu plus d'attention aux phénomènes qui fe paffent dans les diffolutions, on feroit plus circonfpect à prononcer. N'importe; fi la terre calcaire n'eft plus la même une fois qu'elle eft combinée avec un acide, l'alkali fixe ne devroit donc non-plus être alkali lorfqu'il eft combiné. Toutes les expériences cependant prouvent qu'il est toujours le même, puifqu'en décompofant le fel de nitre par l'acide vitriolique, on obtient un tartre vitriolé femblable à celui qui réfulte de la combinaison immédiate de l'acide vitriolique avec l'alkali fixe. De même, fi on ajoute de l'acide vitriolique à une diffolution de nitre calcaire, on obtient une vraie félénite. Donc, la terre calcaire n'avoit perdu aucune de fes propriétés en fe combinant avec l'acide ni¬ treux. Il s'exhale cependant une grande quantité de gaz dans cette diffolution; mais tout ce gaz vient-il de la terre? Il eft cependant une expérience journalière qui prouve le contraire; & il est bien étonnant qu'elle ait échappé aux yeux de tous les Phyficiens & les Chymiftes, qui ont donné de fi fublimes théories fur le gaz je veux parler de la diffolution des métaux.

Je ne finirois pas fi je voulois rapporter toutes les expériences qui prouvent combien peu font fondées les opinions des Chymiftes, qui veulent diftinguer la terre calcaire d'une terre imaginaire (terre absorbante); & j'avoue que je n'eusse jamais traité cette question, fur-tout après avoir été fi bien éclaircie par M. de Morveau dans un excellent Mémoire inféré dans le Journal de Physique du mois de Mars 1781, fi je n'y avois été conduit par le genre de travail que j'entrepris l'année dernière fur différentes fubftances offeufes. Quoi qu'il en foit, les expériences inférées dans mon premier Mémoire, celles que je donne dans celui-ci, celles de M. de Morveau, celles que M. Quatremère d'Isjonval a confignées dans un Mémoire couronné par l'Académie de Rouen (1); ces expériences, disje, ne me permettent plus de douter que la terre des os & celle du gypse ne foient la vraie terre calcaire, & non pas la terre absorbante, terre fimple ou primitive, qui, comme je l'ai déjà dit, n'est qu'une terre idéale. Pour s'en convaincre, il ne faut qu'une réflexion.

En lifant avec attention la Lettre de M. Romé de l'Ifle à M. de Morveau fur les terres fimples, & principalement fur celle que M. Sage a défignée fous le nom de terre abforbante, on a de la peine à concevoir comment ces deux Savans, d'une terre qui eft le résultat d'une opéra

(1) M. d'Isjonval regarde, avec raison, la terre des os, une fois qu'elle eft dégagée de l'acide phosphorique, comme la terre calcaire la plus pure.

tion chymique, & qui a tous les caractères de la terre calcaire, ont pu en faire un genre particulier & l'appeller terre fimple ou primitive; je dis le réfultat d'une opération chymique, parce que ce n'eft qu'après avoir décomposé les corps qui contiennent cette prétendue terre fimple ou primitive, qu'on auroit pu y trouver des caractères différens (à fuppofer qu'elle en eût) de ceux de la terre calcaire.

Quelles expériences peut-on donner pour prouver que la terre des os & celle du gypfe n'étoient pas calcaires avant de fe combiner avec l'acide phofphorique pour former la terre offeufe, & avec l'acide vitriolique pour former le gypfe aucune; au lieu que les expériences de M. de Morveau, celles de plufieurs autres habiles Chymiftes & les miennes, prouvent d'une manière bien évidente que cette terre étoit calcaire dans fon origine, puifqu'elle en a encore toutes les propriétés après avoir été séparée des principes avec lefquels elle étoit combinée.

Les os ne font pas les feules parties des animaux qui aient pour base la terre calcaire. Les dents & la chair contiennent la même terre; & les expériences que j'ai faites tant fur les os naturels que fur les os & les dents foffiles, m'ont convaincu que cette terre étoit conftamment la même, qu'elle étoit dans les uns & dans les autres combinée avec l'acide phosphorique. Les expériences fuivantes vont le prouver.

M. le Baron de Servières m'ayant donné des fragmens d'une dent molaire d'éléphant, qui avoit été arrachée de la roche qui fait le fond de la rivière d'Yonne à Auxerre, j'en fis l'analyfe comparée avec celle d'une dent bien confervée d'un autre éléphant. Toutes les deux diftillées à la cornue, la dernière donna du flegme, de l'huile & de l'alkali volatil, tandis que l'autre ne donna qu'une très-petite quantité d'eau, mais pas un atôme d'huile ni d'alkali volatil. Traitées avec l'acide vitriolique pour en avoir le verre phosphorique, elles en donnèrent toutes les deux la même quantité. Mifes dans l'acide nitreux aux mêmes dofes & pendant le même temps, précipitées enfuite par l'alkali marin, il fe dépofa la même quantité d'une terre, laquelle, après avoir été lavée à plusieurs eaux & bien féchée, acquit les propriétés fuivantes.

Ayant fait calciner pendant deux heures au feu du même fourneau demi-once de chacune de ces terres dans deux creufets de Heffe, l'une perdit quarante-cinq grains de fon poids, & l'autre cinquante-un grains. Cette différence de fix grains ne vient vraisemblablement que du point de ficcité que l'une devoit avoir acquis plus que l'autre. Ces deux terres ainfi calcinées, mêlées avec le fel ammoniac, en dégagèrent un alkali volatil auffi pénétrant que l'auroit pu faire la chaux ordinaire. Mêlées avec de l'eau distillée pendant deux jours, & agitées de temps en temps, la liqueur fut troublée par l'addition de l'alkali fixe aëré, & le précipité eut une

couleur brunâtre.

Il réfulte donc, d'après les analyfes comparées des dents naturelles &

des dents foffiles, que le fel phofphorique calcaire des fubftances offeufes ne fe décompofe point pendant le féjour de ces fubftances dans la terre, puifque les foffiles ont donné autant de verre phofphorique & de terre calcaire que les autres. Il paroît démontré, par l'analyfe que j'ai faite à la cornue, qu'il n'y a que les parties fufceptibles de putréfaction qui fubiffent une décompofition; c'eft pourquoi les os pétrifiés ne donnent à la diftillation. ni huile ni alkali volatil, tandis qu'ils donnent la même quantité de verre phofphorique & de terre calcaire. J'aurai occafion de revenir à ces différentes fubftances dans le Mémoire que je donnerai fur l'acide phofphorique.

D'après les expériences que j'ai rapportées dans mon premier Mémoire fur les fubftances offeufes (1), & d'après celles que je préfente ici, je crois pouvoir conclure que la terre qui leur fert de bafe n'eft autre chofe que la terre calcaire unie à l'acide phofphorique, comme le gypfe eft l'union de la terre calcaire & de l'acide vitriolique. Mais fi cela eft ainfi, me dira-t-on, vous pourrez donc à volonté régénérer la terre offeufe & le gypse? affurément. Pour fe convaincre de la régénération du gypfe, il ne faut que faire attention à ce qui fe paffe dans le procédé que j'ai décrit pour le verre phofphorique. Quant à la régénération de la terre offeufe, elle est tout auffi fimple; & je le démontrerai bien clairement, lorfque je traiterai de l'acide phofphorique pur. Je ferai voir que nonfeulement on peut régénérer la terre offeufe en recombinant l'acide phofphorique à fa première bafe, mais encore avec une terre calcaire quelconque.

De la terre végétale.

Ayant promis, dans mon premier Mémoire fur les différentes fubftances offeufes, que lorfque je parlerois de la terre qu'elles ont pour bafe, je parlerois en même temps de la terre qui conftitue les végétaux, que je croyois que cette terre étoit auffi calcaire, c'eft ici le moment de Communiquer le travail qui m'a prouvé que mes foupçons étoient juftes, & qu'ils étoient fufceptibles d'être appuyés par l'expérience.

Comme je n'avois point à ma difpofition la quantité de terre végétale qu'il me falloit pour faire fuffifamment d'expériences, je priai M. Darcet, qui en avoit, de m'en céder; je m'adreffai avec d'autant plus de confiance à ce célèbre Chymifte, que m'honorant depuis long-temps de fes fages confeils & de fon amitié, j'ai été témoin, plus d'une fois, de l'attention fcrupuleufe qu'il apportoit dans tous fes travaux, & que par-là

(1) Voyez le Journal de Physique, Octobre 1781.

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