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utilité dans la mer, parce qu'ils purgent fes eaux de leurs faletés; qu'ils font venimeux & font éprouver une cuiffon à la main qui les touche; ce qui eft entièrement faux.

Ayant confulté fur ce zoophyte fingulier M. le Profeffeur Fabricius à Kiel, qui y possède un Cabinet d'Hiftoire Naturelle & divers morceaux curieux, il me dit qu'il penfoit que c'étoit une espèce de médufe: auffi eft-il connu ici fous le nom d'étoile de mer. Du moins eft-il certain que s'il a quelque reffemblance avec les vraies étoiles, il en differe effentiellement dans plufieurs points; car celles-ci font toutes recouvertes d'une membrane plus ou moins tendre & molle, calleufe ou granuleufe, munies d'une bouche garnie de dents, avec plufieurs rayons abfolument détachés les uns des autres; tandis que le zoophyte dont je parle n'eft recouvert d'aucune enveloppe membraneufe, mais eft purement gélatineux & même vifqueux & extenfible; fes deux ouvertures centrales, ou bouches, ou fuçoirs, ne font voir aucune apparence de dents; fes rayons, découpés en étoiles l'endroit où ils terminent la circonférence, font réunis dans tout le refte de leur longueur par des jointures: il eft de plus recouvert par une espèce de peau gélatineufe, qui cache même la forme de l'étoile, tandis que rien ne dérobe cette forme dans les vraies étoiles. L'organisation intérieure de ces dernières n'offre pas une différence moins remarquable; toute la charpente de chaque rayon eft formée d'une fuite cofomnaire de vertèbres qui s'emboîtent les unes dans les autres, & qui difpofées fur un ou deux rangs, s'étendent felon toute la longueur du rayon. Il feroit bien difficile de faire voir des vertèbres ou la moindre partie offeufe dans une fubftance auffi délicate & auffi gélatineufe qu'eft les corps de notre zoophyte; d'un autre côté, les petites veinules ou fibre rouges extrêmement déliées qu'on apperçoit dans celui-ci, & qui forment comme la charpente propre à maintenir fa fubftance aqueufe, ne fe trouvent point dans les étoiles de mer. De toutes ces différences, il faut, ce me femble, conclure que le zoophyte en queftion, pour avoir quelque légère reffemblance avec les médules, ne peut cependant être rangé dans

la même claffe.

DESCRIPTION DES FIGURES.

Fig. 1, pl. 1. Le zoophyte vu dans la mer, préfentant une surface un peu concave, ainfi qu'il eft repréfenté; c'eft pourquoi il paroît plus petit dans cette figure. A A A, la peau ou membrane gélatineufe qui paroît bleuâtre & flottante au gré des ondes à caufe de fa molleffe. B B BB, les quatre plaques circulaires formées par autant de bulles d'air dont j'ai parlé dans ma defcription.

Fig. 2. Le zoophyte vu dans la cuiller de bois. A A A, la peau gélatineufe qui pend des deux côtés, & fe termine en gouttes avec les petites

fibres longitudinales, qui paroiffent ici à caufe de leur tenfion, mais qui fe diftinguent toujours aifément à la loupe. B, petit filet gélatineux produit par la tention de la peau & fon écartement en A & en B. CCC, petites fibres qui paroiffent tendues au travers de la membrane gélatineufe.

Fig. 3. Le même, vu fur la cuiller de bois avec l'efpèce de peau géla tineufe relevée. A eft cette peau. BBB, efpèce de graiffe gélatineule en étoile. CCC, faifceaux de fibres longitudinales & latérales. DDD, jointures, des rayons.

Fig. 4. Vu fur l'affiette pleine d'eau du côté où ce zoophyte eft recouvert d'une peau, & fur lequel il fe trouve toujours dans l'eau. Au centre de la figure, on a rendu visibles les ouvertures dont il eft parlé dans la description. A A A, petits rayons vermiculaires. B B B, rayons formés par les jointures au nombre de 17.

L'échelle indique la grandeur naturelle de ce zoophyte.

MÉMOIRE

Sur la Terre des Os, & fur la Terre calcaire en général.

Par M. BERNIARD.

J'ANNONÇAI, dans mon Mémoire fur les fubftances offeufes de

différens animaux, inféré dans le Journal de Phyfique du mois d'Octobre 1781, que les bornes de ce Recueil ne me permettant pas d'entrer dans de trop longs détails, je diviferois mon travail en trois parties, & que la feconde partie feroit uniquement confacrée à l'examen de la terre, base des animaux; c'eft donc pour remplir les engagemens que je contractai alors vis-à-vis des Savans, que je leur préfente aujourd'hui le résultat de mon travail, en les priant de vouloir répéter mes expériences avant de porter aucune espèce de jugement. C'eft, je penfe, le parti le plus fage qu'on puiffe prendre dans une Science dont l'expérience fait la bafe. Comme je ne me contente pas de dire que j'ai obtenu telle chofe, mais que je donne le modus que j'ai employé, tout le monde pourra le répéter, & fera enfuite en état de prononcer avec plus de connoiffance de cause.

Pour compléter l'analyse des fubftances offeufes dont j'ai fait mention dans mon premier Mémoire, je devois naturellement. porter mon attention fur la terre qui fait la base de ces fubftances, afin d'en déterminer le genre. Je me fuis cru d'autant plus intéreffé à faire cet examen, que malgré que les plus célèbres Chymiftes & Naturaliftes, tant anciens que modernes, n'euffent laiffé aucun doute fur le caractère de cette terre, en la

nommant terre calcaire, quelques Chymiftes & Naturalistes de nos jours, enthoufiafmés pour les nouveautés, & conduits par de faux principes, ont répandu une théorie nouvelle & inintelligible fur les expériences les mieux vues, les plus réfléchies & les plus confommées, par les Beccher, les Stalh, les Poth, les Cronstedt, les Margraff, les Rouelle, &c., &c. Je le répète, cette fureur de vouloir avoir à foi un fyftême, loin de concourir à l'avancement de la Science, tend au contraire à l'embrouiller à un tel point, que fi cette maladie continue encore quelque temps, la Chymie deviendra un jargon inintelligible. Eh! pourquoi des fyftêmes dans une Science qui eft uniquement fondée fur des faits? C'est donc en partant de ce principe, que je vais préfenter les expériences que j'ai faites fur la terre des os.

J'ai commencé par faire digérer dans de l'acide nitreux affoibli une partie de chaque efpèce d'os entiers; j'ai vu, au bout de quatre jours, que l'acide s'étoit chargé d'une affez grande quantité de terre. Cette terre, après avoir été précipitée par un alkali fixe bien pur & lavée à plufieurs eaux chaudes pour lui enlever tout ce qu'elle pourroit contenir d'alkalin, a acquis les propriétés fuivantes :

1o. Combinée avec l'acide vitriolique, elle a formé une félénite semblable à celle qui résulte de l'union de la craie avec cet acide.

2o. Avec l'acide nitreux & l'acide marin, des fels déliquefcens, moins à la vérité que s'ils euffent été formés avec la pierre à chaux ordinaire (1).

3°. Avec l'acide du vinaigre, une terre foliée à base terreuse crystallisée en fils foyeux.

4°. Cette terre, calcinée dans un creufet, ou mieux encore dans la moufle d'un fourneau à coupelle, produit tous les phénomènes de la chaux-vive ordinaire. Comme elle, elle décompofe le fel ammoniac, & donne un alkali volatil-fluor très-cauftique; elle fe diffout fort bien dans l'eau, & forme, par le repus, à la furface de l'eau, une pellicule terreufe qui n'eft autre chofe qu'une vraie crême de chaux. Cette diffolution verdit promp

(1) Quoique la déliquefcence foit un caractère propre aux fels nitreux & marin calcaires, & qu'on ait cru pendant long-temps que ces fels ne cryftallifoient point, on peut cependant lesfaire cryftallifer à volonté. J'ai dans mon Laboratoire de petits cryftaux de fel nitreux calcaire, refultans de la terre des os avec l'acide nitreux. M. Pelletier, Elève de M. Darcet, jeune Chymifte, dont le zèle & l'amour de l'étude annoncent les plus grands fuccès dans la partie qu'il a embraffée, m'a donné un nitre calcaire qu'il a obtena de la combinaison de la craie avec l'acide nitreux cryftallife en beaux prifmes hexaedres bien tranfparens, terminés par des pyramides hexaedres à plans triangulaires trapézoïdaux, dont l'angle du fommet de la pyramide eft de 110°.

Cette cryftallifation tenant à des caufes étrangères au fujet que je traite dans ce Mémoire, je ne m'étendrai pas plus au long; je dirai feulement que le nitre calcaire, foit qu'il réfulte de la combinaison de la terre des os, ou bien de la terre ordinaire, ne fufe point fur le charbon.

tement le fyrop de violettes, ne fait point d'effervefcence avec les acides, précipite le mercure des acides nitreux & marin en une couleur briquetée, comme fait l'eau de chaux ordinaire; mêlée avec les alkalis fixes & volatils aërés, elle fe trouble & laiffe précipiter une terre qui a tous les caractères de la terre calcaire: elle fe réduit en chaux au feu, & eft entièrement foluble dans les acides avec effervefcence.

En combinant la terre des os avec l'acide vitriolique, il s'en dégage un gaz qui précipite l'eau de chaux; en un mot, la terre des os a toutes les propriétés de la terre calcaire. Mais ceux qui m'ont intéressé à soutenir la non-existence de la terre calcaire dans les os, ne manqueront pas de me dire fans doute que ce n'eft pas une terre calcaire, mais une terre abforbante, une terre fimple & primitive, la même qui fert de base à la terre calcaire ordinaire, aux gypfes, aux végétaux, &c., &c. Je répondrai, 1°. que terre calcaire & terre abforbante font deux mots fynonymes; mais que, comme l'a très-bien fait remarquer M. de Morveau, le mot terre absorbante étant uniquement confacré à l'ufage de la Médecine, pour défigner une terre qui abforbe les aigres, on doit employer le mot générique de terre calcaire, pour exprimer une terre qui eft entièrement foluble dans les acides, & qui, expofée à la violence du feu, fe convertit en chaux; 2°. que je ne connois point de terre fimple ou primitive; 3°. que la terre qui fert de bafe au gypfe, aux végétaux & aux animaux, eft la vraie terre calcaire différemment modifiée. Les expériences fuivantes viennent à l'appui de ce que j'avance.

Pour répondre à l'objection qu'on pourroit me faire que la terre qui fert de bafe aux fubftances offeufes n'eft pas la terre calcaire, mais au contraire la terre abforbante unie à l'acide phofphorique, comme dans la craie elle eft unie à l'air fixe, à l'acide crayeux, ou bien à l'acide méphitique, je crus devoir faire l'expérience fuivante.

Après avoir calciné au blanc le charbon réfultant de la diftillation des fubftances offeufes, je le mêlai avec du fel ammoniac; fur le champ l'alkali volatil fe manifefta d'une manière très-vive: mais cette expérience ne prouvant point d'une manière aflez démonftrative que la décompofition du fel ammoniac fût due à une chaux, mais que cette décompofition pourroit être attribuée au natrum que quelques Chymiftes ont cru appercevoir dans les os calcinés au blanc, je fis bouillir dans l'eau distillée le charbon bien calciné; la liqueur filtrée verdit fortement le fyrop de violettes mais elle ne fit point d'effervefcence avec les acides (1). Les alkalis cauftiques n'y occafionnèrent aucun changement; les alkalis aërés

(1) On fe rappellera que j'ai dit dans mon premier Mémoire, en parlant de la manière de calciner le charbon des fubftances offeufes pour en obtenir le natrum, que fi on le calcinoit jufqu'au blanc, on n'obtenoit pas un atôme de fel; qu'il falloit fe

au contraire troublèrent la liqueur, & il fe dépofa une terre entièrement foluble dans les acides avec effervefcence. Les fels mercuriaux nitreux & marin furent précipités en une couleur briquetée, comme avec l'eau de chaux ordinaire. En vain m'objectera-t-on que tous ces phénomènes font dûs au natrum ; je nie formellement que les os parfaitement bien calcinés, comme ceux qu'on emploie pour faire des coupelles, contiennent un atôme de ce fel. Une expérience faite fur la terre des coupelles prouvera fans replique que cette terre ne differe en rien de la terre calcaire ordi

naire.

La leffive des os calcinés ayant été mife dans une cucurbite de verre à large ouverture, couverte d'un fimple papier, pour la garantir de la poufière; au bout de vingt-quatre heures, la furface fut couverte d'une pellicule terreufe, que j'enievai avec une plume, & que je fis fécher fur du papier à filtrer. Vingt-quatre heures après, il s'étoit formé une femblable pellicule, & il s'en formoit fucceffivement de nouvelles à mesure que je les enlevois. Cette terre, expofée au feu, redevient chaux; combinée avec l'acide vitriolique, fe diffout avec effervefcence, & fait une félénite crystallifée en aiguilles applaties. Toutes ces expériences prouvent donc que la terre des os eft la vraie terre calcaire, & qu'elle entre comme telle dans leur compofition. Les expériences fuivantes vont le démontrer d'une manière plus péremptoire.

Comme on a avancé que la terre des coupelles n'étoit point la terre calcaire, mais une terre fimple ou primitive; que cette terre, combinée avec l'acide vitriolique, forme une vraie felénite à base de terre abforbante, & non pas de terre calcaire, comme le répetent tous les Chymiftes, j'ai cru devoir porter mon attention particulièrement fer les coupelles, pour voir fur quelle bafe étoit fondée cette affertion. Le résultat de mon travail m'a convaincu que les Chymiftes qui raifonnoient ainfi partoient plutôt d'après leur imagination que d'après leurs expériences. Les faits fuivans vont prouver ce que j'avance.

Perfuadé, depuis long-temps, que la terre des os bien calcinée, telle que celle qui fert à faire des coupelles, n'étoit autre chofe que l'union de la terre calcaire avec l'acide phofphorique, je mis en poudre trèsfine douze onces de coupelles, prifes au Bureau des Orfévres; je mêlai peu-à-peu cette poudre avec douze onces d'huile de vitriol étendue de huit pintes d'eau : la diffolution fe fit avec effervefcence. Je laiffai ce mêlange dans une terrine de grès pendant fix jours, en remuant avec une fpatule

tenir en garde contre les propriétés que la liqueur avoit de verdir le fyrop de violettes & de précipiter les fels métalliques; qu'on fe laifferoit induire en erreur, en s'en rapportant à ces feuls caractères. C'étoit en dire affez aux Chymiftes, accoutumé à faire des expériences, pour voir que je voulois parler d'une eau de chaux.

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