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les fucs digeftifs, en même temps qu'ils la diffolvoient, la préservoient donc de la corruption.

L'Auteur a fait fur ce fujet une multitude d'expériences, defquelles il réfulte que la vertu diffolvante de la liqueur digeftive s'affoiblit plutôt que fa vertu antifeptique. Il raconte qu'il a obfervé pendant l'hiver deux vafes pleins de fuc gaftrique & de chair, qui reftèrent trente-fept jours fans qu'il fe fit la moindre diffolution ni le plus petit commencement de putréfaction, quoique dans cette même faifon la chair placée dans l'eau se corrompît en fept jours. Il s'eft affuré de plus que cette liqueur ne perdoit fon pouvoir antifeptique qu'au bout de deux mois, quoiqu'à cette époque elle ne devînt pas elle-même putrefcible.

Ce n'eft pas tout encore: après avoir démontré que les fucs gaftriques 'étoient antifeptiques, M. Spallanzani a voulu favoir s'ils ne pouvoient point rétablir les chairs déjà corrompues; & fes expériences lui ont appris qu'ils avoient auffi ce pouvoir. Plus la chaleur eft grande, & mieux ils rétabliffent les viandes gâtées; c'eft qu'alors la diffolution fe fait mieux, & que le rétabliffement paroît dépendre de la diffolution.

Cette découverte induifoit à penfer que fi un animal avaloit de la chair corrompue, elle perdroit fa mauvaise odeur dans fon ventricule, & qu'en fe diffolvant dans les fucs gaftriques, elle reprendroit fa douceur originelle; & ce foupçon s'eft trouvé très-jufte. Après l'avoir ainfi vérifié fur plufieurs animaux, l'Auteur a ofé en faire l'expérience fur lui-même : il a avalé des tubes de bois remplis de différentes efpèces de viandes corrompues ces tubes, en fortant de fon corps, retenoient tous quelque petite portion de dépôt impur qui leur avoit été confié, mais parfaitement régénéré, qui ne donnoit plus de mauvaise odeur.

Si donc il y a des animaux qui refutent abfolument de fe nourrir de viandes gâtées, ce n'eft pas qu'ils ne puffent les digérer: c'eft plutôt parce que les miafmes déteftables qui s'en exhalent les dégoûtent ou les effraient.

Reste à favoir auquel de leurs principes compofans les fucs gaftriques doivent leur vertu antifeptique ; il femble d'abord que c'est au fel ammoniacal, dont, fuivant l'analyfe de M. Scopoli, ils contiennent une bonne quantité. Mais il n'en eft point ainfi; car en faifant diffoudre dans l'eau pure du fel ammoniac en même dofe qu'en contient la liqueur digeftive de Peftomac, cette eau falée n'eft pas, à beaucoup près, auffi antifeptique ; il faut lui en faire diffoudre dix-huit fois plus pour qu'elle l'égale en ce point.

Il ne paroît pas plus probable que les fucs gaftriques foient antifeptiques, parce que, fuivant l'idée de M. Macbride fur les antiputrides en général, ils rendent aux corps, prêts à fe corrompre, l'air qui tendoit à s'en échapper. Sans qu'il foit befoin d'entrer dans un long détail, on voit d'avance que cette théorie ingénieufe ne peut pas trop s'appliquer ici.

1

C'est donc un fujet que l'Auteur abandonne aux méditations des Chymiftes.

Ici finiffent les recherches fur la digeftion. Nous aurions trop alongé cet Extrait, fi nous avions rendu compte des précautions que l'Auteur a prifes pour éviter l'erreur: mais nous ne tairons point que nous avons été frappés de la fimplicité de fa marche & du choix de fes expériences; elles font toutes décifives, & ne laiffent aucun doute dans l'efprit. Il feroit à fouhaiter maintenant que quelque Phyfiologifte, qui poffederoit auffi-bien que i. Spallanzani l'art d'obferver, examinât, par des procédés analogues, les phénomènes ultérieurs de la digeftion, la diffolution des alimens dans la bile, leur paffage dans les vaiffeaux du méfentère & leur converfion en chyle; nous aurions alors un enfemble de faits fur la digeftion, dont la Médecine tireroit le plus grand parti.

Le fecond volume, dont nous donnerons le précis, traite de la génération de quelques cfpèces d'amphibies, de la fécondation artificielle de leurs œufs, & de la fécondation naturelle & artificielle des graines des plantes.

Defcription d'un Zoophyte fingulier de la mer Baltique ;

DANS

Par M. le C. G. de R.

ANS ma traverfée de Copenhague à Kiel, dans le courant du 30 au 10 du mois de Septembre 1781, en approchant du Holstein, je vis une quantité de corps ronds dans la mer, formés d'une fubftance flexible, molle, d'un verd bleuâtre semblable à celui de certaines feuilles de plantes aquatiques, ayant à fon centre quatre plaques circulaires (fig. 1, pl.1), & ayant, dans fa totalité, une certaine reffemblance avec une tulipe: auffi penfé-je d'abord que la mer étant peu profonde dans ces endroits refferrés, ce devoit être quelque plante marine réfléchie de fon fond à fa furface; mais je fus bien défabufé quand je lui apperçus de temps à autre un mouvement périftaltique fenfible de la furface au fond, & vice versa. Ceci ayant excité ma curiofité, je voulus abfolument voir cet animal, que je reconnus alors pour tel de plus près. On m'en apporta quatre qu'on avoit pêchés dans un baquet, où ils n'étoient plus reconnoiffables que par la couleur qu'ils avoient eue dans la mer; en ayant retiré un avec une cuiller de bois, il étoit encore bien moins reconnoiffable. (fig. 2).

Je l'ai trouvé entièrement gélatineux, ou plutôt muqueux ou plutôt muqueux & extensible comme une gomme ou réline ramollie; fi bien qu'en appliquant un

corps folide fur une partie quelconque de l'animal, & en l'éloignant peu-à-peu, il fe forme un fil fort long, fort délié, qui finit par être plus fin qu'un cheveu, & dans lequel on apperçoit un mouvement de vibration tendant à la contraction & réunion des parties de tout animal; ce qui fe voit encore mieux lorfque la peau pendante fur les côtés de la cuiller de bois, & formant par fon propre poids de pareils fils terminés par de groffes gouttes, qui, examinées à la loupe, font voir de petites fpirales rouges enveloppées d'une liqueur extrêmement limpide, on obferve que ces gouttes remontent avec plus ou moins de promptitude, felon leur plus ou moins d'extenfion, jufqu'à l'endroit d'où elles étoient parties, en englobant tous les points des longs fils qu'elles terminoient, & augmentant de volume par leur réunion, & que parvenues à cet endroit inacceffible, le même poids qui les avoit précipitées d'abord les faifoit retomber auffi une autre fois en fils terminés par des gouttes. Ce manège répété fouvent, & avec les parties quelconques de ce zoophyte fingulier, qui feront décrites, même féparées du tout, prouvent, ce me femble, une existence & une organisation individuelle de chacune d'elles; cette dernière, fur tout, paroît évidemment par la petite fibre de chaque fil, qui fe contourne en fpirale dans la goutte qui le termine, & qu'on ne voit qu'à la loupe; & qui fait ce que le microscope y feroit encore découvrir?

Si l'on fait éprouver à une goutte ainfi fufpendue la chaleur de la flamme d'une bougie, on la voit remonter avec plus de vîteffe; & fi on approche la flamme plus près d'elle, elle tombe & laiffe à fa place le filet ou fibrille mince dont on a parlé, & qui femble alors tordu.

Dans la figure 2, l'animal eft tel qu'il étoit fur la cuiller de bois; aa a l'efpèce de peau gélatineufe qui fe termine dans les endroits où elle déborde le plus en longs filets terminés par des gouttes; en cec font les petites fibres qui paroiffent au travers de l'efpèce de peau gélatineufe, tant celles qui appartiennent à l'organisation intérieure de l'animal, que celles qui, paroiffant fous cette forme, ne font formées en effet que par la tenfion d'une infinité de petits bras ou rayons mouvans, dont il fera parlé, & qui fans doute ont la faculté de le contracter & fe replier fous cette peau. Celle-ci peut fe relever de deffus le corps, ainsi qu'on le voit dans la figure 3. A eft la peau relevée & jettée en arrière. En a a a eft une espèce de graiffe gélatineufe en étoile; quoique fort molle & tendre, elle approche cependant un peu de la confiftance du cartilage, & l'on a peu de peine à la couper en deux. Chaque rayon de l'étoile eft refferré entre deux jointures cc, que la loupe fait voir traverfées par des faisceaux de filets longitudinaux, & qui fervent aux mouvemens de contraction & de dilatation de l'animal pout le faire avancer dans l'eau. Ce mou-, vement confifte dans une tendance des jointures à fe rapprocher les unes vers les autres jufqu'à un certain point, & à s'en écarter de nouveau ; ce qui peut fe comparer à l'effet des rames d'un bateau.

Chaque rayon, refferré entre les deux jointures, eft lui-même traversé de filets longitudinaux coupés par d'autres latéraux (bbb).

Si l'on pofe cet animal fur un plat de faïence ou de porcelaine avec des deffins quelconques, fa tranfparence eft fi grande, que les deffins n'en font pas moins vifibles dans toute leur netteté au travers de fon

corps.

La figure 4 repréfente ce zoophyte tel qu'il eft fur une affiette remplie d'eau. A fon centre font placées deux ouvertures oblongues fort difficiles à diftinguer, qui paroiffent comme des bouches ou deux fuçoirs l'un à côté de l'autre, où l'on ne fauroit diftinguer rien qui reffemblât à des dents. En a aa font de petits bras ou rayons mouvans & vermiculaires très-fins, très-gélatineux, comme toute fa fubftance, & dans l'intérieur de chacun defquels la loupe fait également appercevoir comme un feul petit filet ou petite fibre de la plus grande fineffe. En bbb font les rayons formés par les jointures, & dont j'ai parlé plus haut. J'en ai compté feize ou dix-fept à l'animal, d'après lequel j'ai pris le deffin de la figure 4, parce que commençant un peu à fe deffécher, l'ayant gardé un jour fans eau, que j'avois prefque toute vuidée (1), fes parties s'étoient un peu contractées & ridées, & étoient devenues plus visibles (2); mais il commençoit, au bout de ce temps-là, à exhaler une puanteur infoutenable lorfqu'on en approchoit trop près, quoiqu'il fût encore plein de vie : d'où l'on peut conclure, ce me femble, avec raison, qu'il avoit fubi une certaine décompofition, fans doute par l'évaporation d'une partie de fon humidité, ayant toujours refté fur la fenêtre de ma cahute, expofé aux ardeurs du foleil.

Les petits rayons vermiculaires fe trouvent en quantité innombrable, comme fortant du bout de chaque efpace renfermé entre deux jointures ou grands rayons, mais partant réellement d'un centre commun, qui eft celui de l'animal, & fe dirigeant à la circonférence; ce qui n'eft pas aifé

à voir.

Sur un corps plat comme une affiette, & où l'eau a plus de dimenfion ou d'étendue en largeur qu'en largeur qu'en profondeur, il eft à préfumer que l'animal ne pouvant embraffer ni affez d'eau ni affez d'efpace, par conféquent ne pouvant fe replier ni contracter fes membres au même point qu'il le fait même dans un baquet plein d'eau, il eft obligé de les tenir tous étendus: de- là vient que, dans le baquet, les rayons vermiculaires ne

(1) Quoique j'euffe cru avoir vuidé toute cette eau, il eft certain que le lendemain j'en trouvai une certaine quantité environnant l'animal; feroit-ce donc qu'une partie de fa fubftance s'évapore, & qu'une autre partie fe diffout elle-même & se réduit à ses principes aqueux ?

(2) Lorfque l'animal n'a point fubi de décompofition antérieure, fes rayons, marqués par leurs jointures, ne font pas bien fenfibles.

paroiffent

paroiffent nullement, & que l'animal y préfente une figure un peu concave (figure 1); au lieu que fur l'affiette, ces mêmes rayons débordent fon corps, & jouent autour de lui comme de petits ferpens, La distance d'un des grands rayons, dont il a été queftion plus haut, à l'autre, n'est pas toujours égale, ainfi qu'on peut le voir dans la figure.

Les petits bras vermiculaires font placés au-deffous de la peau gélatineufe, & au-deffus de la fubftance qui conftitue l'étoile & que j'ai décrite. C'eft eux fans doute qui cachent cette forme étoilée, & fe voient ici comme de petits filets longitudinaux au travers de la peau à l'œil nud. Quant à cette espèce de peau gélatineufe elle-même, elle ne paroît point dans la figure, fe trouvant appliquée fort jufte fur le corps de l'animal, dont elle ne contribue pas peu fans doute à cacher la fubftance étoilée qu'elle recouvre, & étant débordée par les petits rayons vermiculaires.

Ayant coupé cet animal en deux, trois ou quatre parties, & séparé des bras vermiculaires, les ayant enfuite fubdivifés eux-mêmes en plufieurs petites parcelles, j'ai obfervé, tant à l'oeil nud qu'avec le fecours de la loupe, une exiftence individuelle dans chacune de ces parties. Pendant la section, l'animal tranquille ne fembloit éprouver aucune douleur, & aucune liqueur ne fuintoit des parties coupées. Quel peut donc être l'ufage des faifceaux de petites fibres longitudinales & latérales dont j'ai parlé plus haut, & dont celles qui paroiffent les moins fines & déliées font rouges? Quelle que foit la caufe de cette couleur, il eft bien à préfumer que plufieurs de ces fibrilles ne font que des vaiffeaux propres à donner paffage à l'air, de véritables trachées, que le microfcope pourroit peutêtre faire mieux diftinguer & reconnoître. Ce qui me le fait penfer, c'eft qu'ayant preffé l'animal à différens endroits, j'y voyois des bulles d'air fe former dans l'intérieur de fon corps prefque tout aqueux.

Dans la figure 5, on voit très- imparfaitement repréfenté un morceau tranfparent comme la plus belle eau, où l'efpèce de peau gélatineufe de l'animal est adhérente & prend fon origine (Voyez a). En b étoit fon centre. Ce morceau paroît être de la nature de l'efpète de graiffe étoilée; exposé à la flamme d'une chandelle, il a bouillonné, en se réduisant en partie en eau, en partie en vapeurs noirâtres, & en moindre partie en une Tubftance charbonneufe.

Une de ces prétendues étoiles marines qu'on m'avoit apportées dans un baquet, ayant été plongée dans le vinaigre, éprouva une espèce de diffolution, accompagnée d'une très-légère effervefcence, & fe couvrit d'une

matière blanchâtre.

Ces animaux font de différentes grandeurs: ceux que j'ai vus ont en circonférence toute la largeur de la paume de la main. Il y en a de plus grands; & ceux qui fe trouvent aux environs de Copenhague font plus petits. On fait dans ces parages plufieurs contes à leur fujet je ne fais trop fur quoi ils font fondés ; comme, par exemple, qu'ils font d'une grande

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