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mais dans la fuite elle fut complettement diffoute, & même en affez grande quantité. La couleur de l'acide, qui, en pareille circonstance, étoit le plus fouvent devenue obfcure, demeura ici conftamment claire. Le mêlange prit une odeur particulière, à-peu-près femblable à celle de la diffolution d'étain (exper. xc), mais plus foible, & il avoit un goût métallique. Cette diffolution fut un peu troublée par l'addition de l'eau diftillée; l'alkali fixe y occafionna un précipité abondant, qui fut rediffous fur le champ par de nouvel acide de la graiffe, & dont l'acide vitriolique ne put rien précipiter; ce qui prouve bien que la manganèfe ne contient point de terre calcaire. Lorfqu'on emploie plus d'alkali qu'il ne faut, la terre fe rediffout; car fi on y verfe enfuite de l'acide, par exempla de l'efprit de fel, on obtient un précipité abondant.

Le foie de foufre volatil donna à cette diffolution une couleur jaune rougeâtre, & il s'y forma beaucoup de précipité, qui, après la defficcation, étoit blanc, tirant un peu au rouge.

Après avoir examiné comment l'acide de la graiffe fe comportoit avec les métaux comme diffolvant, il nous refte à déterminer les précipitations qu'il opere dans les diffolutions métalliques faites par les autres acides.

De l'action de l'acide du Suif fur les métaux diffous par les autres Acides.

XCVIII. L'or. Il s'étoit formé de beaux cryftaux jaunes dans une diffolution d'or par l'eau régale, que j'avois laiffée long-temps dans une fiole à médecine, fans la boucher: ils paroiffoient compofés de feuillets anguleux, appliqués les uns fur les autres; leur forme approchoit de celle du fel marin, & ils reftèrent quelques femaines expofés à l'air, fans en attirer l'humidité. Je fis rediffoudre ces cryftaux dans l'eau diftillée; & ayant ajouté de l'acide de la graiffe, il y occafionna fur le champ un précipité jaunâtre. Je décantai la liqueur, & je verfai fur le précipité de nouvelle cau diftillée, pour enlever le peu d'acide qui y adhéroit encore. Après avoir de nouveau décanté, je continuai d'y verfer beaucoup d'eau diftillée, & je tins le mêlange fur le feu pendant plufieurs jours. Ayant après cela filtré & évaporé, j'obtins un réldu jaune, qui attira l'humidité de l'air.

XCIX. La platine. Ce métal fut précipité de l'eau régale par notre acide. Ce précipité avoit une couleur jaune tirant au rouge. Après avoir été édulcoré, il fut arrofé d'une grande quantité d'eau, & tenu longtemps en digestion. La liqueur filtrée & évaporée, donna un réfidu d'un gris jaunâtre, qui n'attira pas l'humidité de l'air aussi puiffamment que celui de l'or.

C. L'argent, précipité de même de l'eau forte, étoit d'un gris tirant au rouge; il fut édulcoré & mis en digeftion avec une grande quantité d'eau.

Ayant verfé quelques gouttes d'huile de vitriol dans une partie de cette liqueur, il y eut une précipitation imparfaite; une autre partie laissa, après l'évaporation, une poudre blanche, qui attiroit fortement l'humidité de l'air.

L'argent diffous dans l'acide vitriolique, fut précipité très promptement & très-abondamment en blanc.

- La diffolution de l'une cornée ne reçut aucun changement de notre acide, même après avoir été expofée à une douce digestion.

CI. Le mercure fut précipité de l'acide nitreux en blanc.

Mais ce qui eft encore plus remarquable, notre acide le précipita dư fublimé corrofif[ dans lequel cependant l'acide eft fi fortement uni au métal (1)]: car le mêlange devint fur le champ laiteux; il fe dépofa enfuite un peu de poudre blanche, & le dépôt fe fit plus promptement, lorfque le mêlange fut expofé à la chaleur. Ce phénomène de la précipitation du fublimé corrofif en blanc nous fournit un figne caractériftique, pour diftinguer notre acide des autres acides, & particulièrement de l'acide marin.

Ce précipité blanc édulcoré, fut rediffous par la digeftion dans l'eau diftillée. La diffolution blanchit une pièce de monnoie (pfenning) qui y fut plongée; après l'évaporation, elle laiffa une pouffière blanche, qui n'attira pas l'humidité de l'air.

CII. Le plomb fut précipité de l'acide nitreux en cryftaux blancs aiguillés; il fut édulcore & mis à digérer dans l'eau diftillée, dans laquelle fut ailément diffous. L'acide vitriolique occafionna un précipité dans cette diffolution. La liqueur évaporée laiffa une pouffière, qui n'attira foiblement l'humidité de l'air.

que

CIII. Le bifmuth. Ce demi-métal fut diffous, à l'aide de la chaleur, dans de l'acide nitreux étendu de beaucoup d'eau; de manière que cette diffolution ne fe laiffoit pas précipiter par l'eau pure. Mais l'addition de quelques gouttes d'acide de la graiffe y occafionna fur le champ un précipité blanc abondant. Après l'édulcoration, la digeftion dans l'eau diftillée, la filtration & l'évaporation, il refta une matière blanche, qui attira fortement l'humidité de l'air.

CIV. Le régule d'antimoine. Je préparai une diffolution d'antimoine dans l'eau régale, bien faturée par une forte digeftion ; j'y verfai de l'eau diftillée qui le troubla; je la filtrai, & j'y verfai encore de l'eau, qui

(1) Le mercure n'eft pas même précipité du fublimé corrofif par l'acide vitriolique; & fi les eaux féléniteufes donnent avec le fublimé corrofif un précipité jaune (Baumé, tom. 2. pag. 434), comme je l'ai moi-même obfervé, il paroît que cela vient d'une double affinité, & que l'acide marin ne cède le métal à l'acide vitriolique, que parce qu'il eft en même temps attiré par la terre calcaire, ce qu'il n'auroit pas fait s'il n'eût rencontré un corps auquel il fat difpofé à s'unir.

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n'en précipita plus rien: alors j'y ajoutai de l'acide de la graiffe, & dans l'inftant il y eut un précipité blanchâtre. Ayant traité ce précipité de la manière tant de fois décrite, j'ai eu, après l'évaporation, un réfidu d'un blanc jaunâtre, qui étoit un peu déliquefcent, & dans lequel il y avoit quelques petites aiguilles cryftallines.

CV. L'étain. Ce métal a été précipité de l'eau régale par notre acide en jaune tirant au brun. Le précipité édulcoré & mis en digeftion, la liqueur a laiffé, après l'évaporation, une pouffière blanchâtre, qui étoit très-déliquefcente (1).

CVI. Le cuivre ne fut précipité ni de l'acide nitreux, ni du vitriol bleu, par l'acide de la graiffe.

CVII. Le fer. Ses diffolutions par l'acide nitreux & par l'acide vitriolique ne font pas précipitées par notre acide.

CVIII. Le zinc. Notre acide n'occafionne aucun changement dans fes diffolutions par l'acide nitreux & par l'acide vitriolique.

CIX. Le cobalt ne fut pas précipité de l'eau forte par notre acide. CX. Le nickel. Ses diffolutions par l'eau forte & par l'efprit de fel ne donnèrent aucun précipité.

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CXI. L'arfenic uni à l'acide nitreux, n'en fut point féparé par notre acide.

CXII. La manganèfe. L'eau forte n'en avoit pris qu'une petite quantité au feu de digeftion & même pouffée en partie à la diftillation; car. avec l'alkali, elle ne donna qu'un léger précipité d'un blanc grisâtre, & le foie de foufre volatil en précipita la manganèfe en gris tirant au jaune. Cette foible diffolution ne fut point précipitée par notre acide.

De la manière d'agir des divers Acides fur le Sel neutre de Segner.

On a déjà vu qu'il étoit décomposé par l'acide vitriolique qui en dégageoit l'acide de la graisse.

CXIII. Acide nitreux. Sur deux drachmes de fel neutre, je verfai deux drachmes de bonne eau forte précipitée & redistillée (2), fon action ne

(1) On voit que notre acide ne détermine ces précipités, que parce qu'en fe combinant avec les métaux, il produit des fels neutres métalliques peu folubles.

(2) Je remarquai dans cette opération une forte de volatilisation du cuivre (car j'avois diffous dans l'eau forte une monnoie courante). L'acide étant déjà prefque tout paffé, je vis au col de la cornue une goutte de liqueur verte. Après une recherche plus exacte, je trouvai près du col de la cornue plufieurs cryftaux en aiguilles, d'un vert de pré, qui avoient grimpé jufqu'à la partie fupérieure, & avoient en cet endroit une couleur de vert de mer. Vers le milieu du ventre de la cornue, il y avoit un cercle du même vert de pré, formé par des aiguilles cryftallines, au-deffus de l'endroit où la liqueur avoit été précédemment. Je trouvai au fond une petite montagne de cuivre, d'un gris abfcur, avec de jolies végétations; mais cette maffe ne tenoit nullement au

fut pas fenfible. Après la diftillation, je trouvai dans le récipient une liqueur femblable pour le goût à l'acide de la graiffe, mais qui avoit encore un peu de l'odeur de l'eau forte: ce qui fit voir cependant que l'acide étoit réellement féparé de fon alkali, c'eft que la liqueur fut précipitée fur le champ & abondamment par l'addition de la dissolution de plomb

dans l'acide nitreux,

CXIV. Acide marin. Sur deux drachmes de fel neutre, je verfai pareille quantité de bon efprit de fel; le mêlange fe fit fans aucun mouvement fenfible. Je trouvai après la diftillation deux drachmes de fort acide de la graiffe, qui avoit abfolument fon odeur propre, & qui précipita en blanc le fublimé corrofif.

CXV. Vinaigre. Sur deux drachmes de fel neutre, je verfai fix drachmes de fort vinaigre la distillation achevée, ce qui étoit paffé se trouva avoir la même odeur que le vinaigre; auffi n'occafionna-t-il aucun précipité blanc dans la diffolution de fublimé. Pour une plus grande démonftration, je verfai de l'efprit de fel fur la maffe faline reftée dans la cornue; afors la liqueur du récipient fe fit reconnoître à la feule odeur pour de l'acide de la graiffe, & elle précipita en blanc le fublimé corrosif.

CXVI. Acide fluor. Sur deux drachmes de notre fel, je versai partie égale de cet acide. Il s'unit fi promptement au fel, que le tout parut fec: if fallut un feu violent avant qu'il pafsât quelque chofe. A en juger par l'odeur, c'étoit de l'acide fluor fans altération. Je m'en affurai cependant encore, en en verfant dans la diffolution nitreufe de plomb, qui n'est pas troublée par l'acide fluor (1), au lieu qu'elle donne un précipité avec l'acide de la graiffe.

CXVII. Acide phofphorique. Je verfai une demi-once de cet acide diffous dans l'eau fur deux drachmes de notre fel neutre: il s'éleva à un feu modéré un peu de liqueur, que je reconnus à fa faveur n'être que du flegme. Je l'ôtai du récipient, & j'augmentai le feu (2). Il paffa encore un peu de liqueur; mais elle n'avoit pas la moindre faveur acide, & ne précipita nullement la diffolution du fucre de Saturne,

CXVIII. Arfenic blanc, Je pulvérifai exactement deux drachmes d'arfenic blanc, & pareille quantité de notre fel neutre (il étoit un peu jaune), ce qui forma une poudre blanchâtre. Pour favorifer leur action réciproque, j'ajoutai dans la cornue à-peu-près une drachme d'eau distillée, & je donnai une chaleur douce. Un quart-d'heure après tout au plus, toute la poudre qu'elle couvroit fe trouva noire. Je l'agitai, mais il resta à

(1) Scheele, Mém. de l'Acad. de Suède. Chemifches Journal, &c. de M. Crell, part. 2, pag. 203.

(2). Il fut pouffé plus qu'il n'avoit été néceffaire pour la fublimation du fel ammoniacal animal (Voyez l'exp. cxx). Je ne voulus pas donner un degré de feu plus fort, notre fel s'étant déjà décompofé de lui-même dans le feu. (Exp. LVI.)

l'endroit où elle s'étoit placée un cercle noir folide (1). Il paffa très-peu de chofe à la diftillation (environ une drachme); cequi paffa n'avoit aucune faveur, & ne précipita pas la diffolution de fucre de Saturne. Le feu étoit le même que dans la précédente expérience: il s'étoit élevé au col de la cornue quelque peu de fublimé, qui y formoit une couche très

mince.

CXIX. Nitre de cobalt. Je jettai une drachme de notre fel neutre dans une demi-once de diffolution de cobalt faite par l'eau forte, & je diftillai prefque jufqu'à ficcité. Le fel formé par l'évaporation dans la cornue paroiffoit d'un beau vert, mais il devint tout blanc en refroidiflant. Je fis diffoudre le réfidu dans l'eau diftillée, & j'obfervai que l'écriture tracée avec cette diffolution devenoit verte à la chaleur, & difparoiffoit au froid, comme l'encre de fympathie ordinaire de cobalt; feulement elle étoit d'un vert plus herbacé & plus obfcur que celle de la XCIV expérience. On peut les regarder toutes les deux comme deux nouvelles espèces d'encre de fympathie.

CXX. Je mêlai très-exactement dans deux drachmes de fel ammoniac animal (compofé d'acide de la graiffe & d'alkali volatil), avec quinze grains de pierre fanguine (2), & je mis le tout dans une cornue à laquelle j'adaptai un récipient. La fublimation commença à un feu modéré. Je l'augmentai; & l'opération achevée, tout le fel ammoniacal se trouva au-deffus, & la fanguine au fond. Je remêlai ces deux fubftances, & les humectai pour favorifer leur action; mais le résultat fut le même (3). De la manière dont l'acide de la Graiffe fe comporte avec quelques Sels neutres.

CXXI. Le nitre. Sur deux drachmes de nitre purifié (je l'avois fait diffoudre encore une fois, & j'avois féparé les premiers cryftaux), je vérfai deux drachmes d'acide de la graiffe qui commença tout de fuite à diffoudre le fel avec un peu de mouvement. A peine eus-je mis la cornue fur un bain de fable chaud, qu'elle parut déjà d'une couleur jaunâtre. En augmen

(1)Il me paroît que ce n'est autre chofe qu'une réduction fubite & imprévue de l'arfenic blanc à fa lurface; auffi, après la distillation, étoit-il encore noir & folide. (Le rette de la maffe avoit été féparé de ce cercle pendant toute l'opération.) On enleva la partie noire, & il fe trouva deffous une fubftance blanche affez folide. Il faut donc que ce foit la matière inflammable, contenue dans le sel jaunâtre, qui ait opéré cette prompte réduction.

(2) Suivant le confeil de M. Baumé, qui croit qu'une trop grande quantité de fer eft très-défavantageufe. (Chym. Expér., tom. 2, pag. 618.)

(3) On ne voit pas pourquoi M. Crell emploie ici la pierre fanguine ou l'hématite (blut-ftein), au lieu de limaille de fer porphyrifée, qui eût été fans contredit plus füre pour tenter la décomposition. (Note du Traducteur.)

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