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puifqu'on trouve des poiffons, des oifeaux & d'autres animaux, qui, en Te décompofant, ont laiffé une trace vraiment bitumineuse, je crois qu'on doit rapporter l'origine du bitume, non-feulement aux matières végétales décomposées, comme on le fait ordinairement, mais encore aux matières animales.

Voici comment il me paroît qu'on peut expliquer les divers états de compreffion des foffiles, felon la différence des matières qui les contien

nent.

Je remarquerai d'abord, 1°. que les poiffons qu'on trouve dans les pierres gypfeufes, au lieu d'être pleins comme ceux que contient la pierre calcaire; font comprimés comme ceux qui font renfermés dans les fchyftes & les ardoises; 2°. on voit le plus fouvent un relief d'un côté & une empreinte de l'autre ; 3°. le relief eft toujours dans la couche fupérieure, & l'empreinte dans la couche inférieure; 4. le relief eft de la même matière que la pierre.

Cela pofé, & en prenant l'ornitholithe de Montmartre pour exemple, je dis que les eaux lacueftres (car je prouverai bientôt que ce ne font pas les eaux de la mer) ont dépofé peu-à-peu la terre qu'elles tenoient en diffolution. Le nombre des couches nous prouve encore aujourd'hui la fucceffion des dépôts. L'oiseau étant mort, eft tombé au fond de l'eau ; & comme la dernière couche dépofée étoit encore molle, l'oifeau y a fait fon empreinte : l'eau continuant de dépofer, il n'a pu foutenir le poids de tous les dépôts, fans fouffrir une grande compreffion.

Si la même chofe n'eft pas arrivée aux pétrifications contenues dans la matière purement calcaire, c'eft parce qu'elle a durci plutôt, & que les corps inclus n'ont eu à fupporter que les premières couches, qui, bientôt confolidées autour d'eux, les ont garanties de la preffion des dépôts furve

nus.

Dans le gypfe, comme dans les pierres argileuses, la matière a été plus long-temps boueufe; l'oifeau a fupporté la preffion de toutes les couches fuperpofées : de-là, l'impreffion forte qu'il a laiffée sur la couche inférieure.

II

Il y a eu enfuite équilibre entre la réfiftance de la couche inférieure confolidée, & la preffion des couches fupérieures: de-là, fon état de compreffion & d'aplatiffement.

Le corps s'eft enfuite pourri, la matière des couches fupérieures a coulé dans le creux que l'oifeau avoit fait dans la couche inférieure: de- là, le relief qu'on voit encore fous la couche fupérieure après la féparation, & qui a à-peu-près quatre lignes de hauteur.

La couche fupérieure étoit plus molle que la couche inférieure antérieurement déposée : de là, la facilité qu'on a de les féparer, & que dans la féparation il y a une grande partie de l'oifeau qui a resté attachée au

La couche inférieure étoit donc encore molle lorfque la fupérieure été déposée; cet état de demi-liquidité a duré très-long-temps. La différence dans l'état de molleffe des couches a été affez grande pour qu'elles ne s'amalgamaffent pas entr'elles; mais elle ne l'étoit pas affez pour qu'elles n'adhéraffent en partie l'une à l'autre. Dans la pierre calcaire, la fépara-` tion des couches fe fait plus difficilement que dans le gypfe, les pierres argileufes, &c.; & les corps inclus y confervent ordinairement leur forme primitive, parce que la partie inférieure de la couche calcaire a été plutôt durcie, & que la partie fupérieure qui touchoit l'eau a refté plus long-temps

molle.

On peut donc connoître, par l'état actuel des pétrifications, l'état antérieur des pierres qui les renferment. Celles que nous trouvons dans le gypfe & dans les matières argileufes, nous font voir qu'en général elles fe font confolidées beaucoup plus tard que les pierres calcaires. C'est par cet état lent de confolidation qu'on pourroit expliquer les prifmes gypfeux des environs de Paris, fi bien décrits par M. Definaretz, ainfi que de grands retraits rhomboïdaux, que j'ai obfervés dans les fchyftes de Normandie & de Bretagne. J'ai trouvé auffi des retraits réguliers dans les granits; mais je parlerai ailleurs de ces pierres, que plufieurs Naturalistes regardent comme inexplicables, & je prouverai, par Fobfervation & les faits, qu'elles ont une origine calcaire & animale.

§. III. Offemens foffiles de divers animaux.

M. Guettard a décrit (1) plufieurs offemens trouvés dans les carrières à plâtre des environs de Paris. Après avoir bien examiné une omoplate, une vertèbre, plufieurs côtes & une mâchoire mutilée, ce Savant conclut que l'anatomie des animaux, & fur-tout celle des poiffons, eft fi imparfaite, qu'il n'eft prefque pas poffible de déterminer à quels animaux ces os fofiles ont appartenu; il conjecture cependant qu'on ne doit point les rapporter à des fquelettes d'animaux terreftres, mais plutôt à des animaux aquatiques.

On lit dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1694 que M. Morin fit voir à cette Compagnie une côte trouvée dans les plâtrières de Montmartre: M. Mery crut y reconnoître la côte d'une fort grande tortue; cette conjecture m'a d'autant plus frappé, que j'ai trouvé dans une pierre calco-gypfeufe, des environs d'Aix, des écailles entières de tortues, qu'on avoit prifes pour des têtes d'hommes, ou des noyaux de

nautiles.

En 1767, le Père Cotte trouva à Montmorency, dans une carrière de

(1) Mém. fur les Sciences & Arts, T. I, p. 1.

gypfe,

,

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gypfe, une mâchoire mutilée ; il en eft fait mention dans les Mémoires de l'Académie.

Divers Auteurs, d'ailleurs eftimables, n'ont pas imité la réserve avec laquelle M. Guettard a parlé de ces offemens. Ils ont avancé, fans en donnerla moindre preuve, & même contre toute vraisemblance, qu'ils avoient appartenu à des fquelettes humains. Il n'y a qu'à jeter les yeux fur les planches jointes au Mémoire de M. Guettard & à celui-ci, pour être convaincu de la légèreté de cette affertion (1).

J'ai fouvent vifité les carrières à plâtre de l'Ile de France, & me fuis procuré plufieurs des os foffiles qu'elles renferment. Après les avoir exam minés attentivement, ainfi que la plupart de ceux que j'ai trouvés dans les Cabinets d'Hiftoire Naturelle de la Capitale, je les ai comparés avec les os des animaux décrits par les Auteurs, ou confervés dans le Cabinet du Roi. On pourra juger, par la fuite de ce Mémoire, jufqu'à quel point j'ai réufli dans mes recherches.

Les animaux renfermés dans les pierres fe confervent ou s'altèrent, felon leur nature propre & celle des différens acides que ces pierres contiennent. J'ai vu un chat, trouvé il y a quelques années à Paris dans l'épaiffeur d'un mur du Palais; il n'a perdu que les parties molles & les poils: fes offemens font entiers, & fa peau eft unie & sèche comme un parchemin. Aen juger par l'ancienneté du mur qu'on a détruit, ce chat momie a près de cinq cents ans. Il eft à préfent chez Madame Moreau, Peintre en cheveux, visà-vis du Palais.

Tous les offemens qu'on rencontre dans les maffes gypfeufes des environs de Paris ont prefque confervé leur état naturel, & donnent chymiquement les mêmes réfultats que les offemens des animaux vivans. M. Darcet en a fait publiquement l'analyse au Collége Royal, & il en a retiré un flegme inodore, un efprit alkali volatil, de l'alkali volatil concret, du verre phofphorique & une fubftance terreufe. M. Berniard avoit déjà obtenu les mêmes produits des offemens foffiles du Margraviat de Bareith, & ils ne different point de ceux que lui ont donné des os de bœuf, d'éléphant, de baleine & de marfouin,

Voici les différences que j'ai remarquées entre les os fofiles de Montmartre & les os naturels. 1°. Ils font plus friables, & fe délitent quelquefois en plein air, ou expofés dans des lieux humides; ce qui peut venir du gaz qu'ils ont perdu pendant leur féjour dans la pierre, & qu'ils re prennent avec avidité. 2°. Ils ont une couleur jaune à-peu - près comme

(1) Il paroit que l'erreur dans laquelle on eft tombé, au fujet de ces offemens, eft, tr`s-ancienne. Mont-Martre fignifie en Celtique montagne de la demeure des morts. On y a enfuite placé le Dieu de la Guerre, en l'appellant Mons-Martis ; & dans les temps modernes, on lui a donné le nom de Mons-Martyrum,

le marbre blanc & l'ivoire qui ont refté long-temps en plein air. Cette couleur leur donne une fauffe apparence d'agate, en rendant leur poli plus fenfible à l'œil. 3°. Expofés au feu dans des vaiffeaux ouverts, ils ne s'enflamment pas comme les os naturels; ce qui prouve que les offemens foffiles de Montmartre ont perdu cette partie graiffeufe logée dans le tiffu réticulaire, qui eft la caufe de l'inflammation, de la fumée épaiffe & de l'odeur empyreumatique des autres os pendant leur calcination, Les offemens fofiles d'Aix en Provence, & d'autres que j'ai trouvés dans les carrières de Léognan près de Bordeaux, ne répandent non-plus aucune odeur, & ne s'enflamment point fur des charbons ardens; tandis que l'os foffile de la rue Dauphine, ceux du Margraviat de Bareith, & les offemens des animaux amphibies qu'on trouve dans le Canada & la Sibérie, brûlent en général au feu comme les os des animaux vivans.

On peut voir à la planche I la figure d'une dent enclavée en partie dans un morceau de pierre gypfeufe. Elle eft deffinée d'après Nature; on l'a trouvée, il y a fix mois, à Montmartre, & je l'ai dans mon Cabinet. Elle n'a rien de commun avec celle que M. Guettard a décrite, & qui paroît être une dent, incifive. La forme de celle-ci indique une dent molaire; elle a deux racines, à l'une defquelles eft une petite faillie en forme de cro chet (pl. I, fig. 3, lettre D). Ces racines ont chacune une inclinaifon dans un fens contraire; ce qui devoit contribuer à les mieux fixer dans la mâchoire. Le corps de la dent forme un quarré long, dont les angles font abattus & on n'apperçoit aucun fillon fur fa furface convexe: fa furface plane a un poli extraordinaire. Elle eft d'un tiers plus étroite d'un côté que de l'autre, & a deux lignes du côté le plus étroit (lettre A). Il y a une faillie en dos-d'âne ( lettre B), qui partage cette furface en deux parties inégales. On voit fur le côté de la partie la plus grande (lettre C) un petit creux qui part de la furface convexe & s'étend en ligne affez droite jufqu'au milieu de la furface plane. Cette même furface plane est partagée dans le fens de la longueur par une raie liferée de blanc; ce qui, joint à l'émail de la dent, la fait reffembler à une agate cuillée. La furface convexe, ainfi que la racine, ont un poli beaucoup moins lui

fant.

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J'ai tâché de décrire exactement cette dent, pour qu'on puiffe la comparer avec celles qu'on découvrira dans la fuite. Si les Naturaliftes, qui ont parlé des offemens foffiles, avoient tous eu la même attention, l'Oftéologie minérale feroit une Science plus avancée.

La planche II, fig. 1, repréfente la plus belle pétrification de ce genre qu'on connoiffe; c'eft une partie de mâchoire avec toutes fes dents, enclavée dans une pierre gypfeufe de Montmartre. Ce morceau curieux appartient à M. de Joubert, Tréforier - Général des Etats de Languedoc qui a bien voulu me le communiquer. Je l'ai fait deffiner fous mes yeux, & il a été rendu avec beaucoup d'exactitude. Comme on a confervé dans

ce deffin la grandeur naturelle du foffile, on pourra prendre, avec un compas, les dimenfions de chacune des parties qui le compofent.

La pierre qui contient cette mâchoire a été caffée de façon qu'on voit un côté de la mâchoire inférieure, le côté correfpondant de la mâchoire, fupérieure & une partie du crâne. La mâchoire intérieure a fix pouces de longueur, & contient quatre dents molaires, groffes à-peu-près comme celles d'un mouton; elles font féparées par un petit intervalle, des dents incifives. La plus courte de ces dernières dents' eft conique (fig. 1, lett. c), & a 10 lignes de longueur, en y comprenant la racine. On voit enfuite l'empreinte de deux autres dents qui ont à-peu près la forme des dents incifives du cerf ( lett. d) ; & tout-à-fait au bout de la mâchoire (lett. i), il y a une autre empreinte de dent. Comme on voit exactement la moitié de la mâchoire, on peut affurer que l'animal avoit huit dents incisives à la mâ

choire inférieure.

Il n'y a que trois dents molaires à la mâchoire fupérieure; elles font extrêmement plates, entourées & partagées, à la face qui broie par un petit bourrelet offeux, qui correfpond aux intervalles des dents inférieures. Ces dents ont fouffert une compreffion par les couches fuperpofées; & c'est pour cela qu'on apperçoit leur bafe (lett. c ). Il n'y a que le côté des dents inférieures qui paroît, & leur furface (lett. f) eft enclavée dans la pierre, La dent molaire du fond de la mâchoire (lett. g) eft plus courte que les autres, & on n'y voit point le collet qui fépare les racines des dents, de leur

couronne.

Il y a deux alvéoles à la mâchoire fupérieure (lett. h); & je juge, d'après leur forme & leur direction, qu'ils contenoient deux dents incifives, coniques femblables à celle qu'on y voit encore (lett. c ).

La mâchoire fupérieure tient à une partie du crâne; on reconnoît la cavité du nez, celle de l'œil & des morceaux du coronal.

L'animal que nous examinons avoit donc fix dents molaires & fix dents incifives à la mâchoire fupérieure, huit dents molaires & huit dents incisives à la mâchoire inférieure.

La forme plate des dents molaires, la position des dents incisives, ainsi que leur figure, l'éloignent des animaux carnivores, Les animaux de cette claffe, comme les lions, les loups, les chiens, &c., ont en général les molaires furmontées de pointes; celles de l'animal foffile font très-plates. Les dents incifives des carnivores font rangées de façon que les plus longues font fur les côtés, & les plus courtes au milieu; celles de l'animal fofile ont une pofition contraire. Les dents molaires du fond de la mâchoire des animaux carnivores font les plus longues & les plus groffes; les dents molaires de l'animal fofile ont à-peu-près les mêmes dimenfions, excepté celle du fond de la mâchoire inférieure, qui eft la plus petite & la plus courte, comme dans l'homme. Enfin, les dents molaires fe ren

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