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Il remet enfin aux prud'hommes le soin de délivrer des livres d'acquit aux chefs d'ateliers et les substitue aux officiers de police dans cette partie de leurs fonctions, qui sera ainsi exercée, sinon avec plus de zèle, du moins avec des lumières plus positives, plus étendues, et une action plus prochaine et plus puis

sante.

Enfin, Messieurs, le dernier titre de la loi contient des dispositions diverses.

L'une de ces dispositions établit que les fonctions des prud'hommes négociants-fabricants seront gratuites les mutations annuelles, n'enlevant à chacun qu'une partie de leur temps, feront de l'exercice de cette charge une honorable contribution dont profitera le commerce de Lyon et celui de la France entière.

Les chefs d'ateliers attachés aux conseils de prud'hommes, n'ayant souvent pour richesse que leur travail, pourront recevoir une indemnité de l'emploi qu'ils feront, pour l'utilité publique, d'un temps qui est leur patrimoine et celui de leur famille.

Une autre disposition appelle les prud'hommes à remplir, par deux visites, ou inspections annuelles, des fonctions que remplissaient jadis les inspecteurs des manufactures.

Ils recueilleront, dans ces tournées, des connaissances statistiques importantes sur le nombre des ouvriers, des métiers, sur les améliorations dont la fabrication est susceptible, sur ses pertes, si elle en éprouvait; sur les moyens de les réparer, et sur tout ce qui peut intéresser l'ordre public et les progrès de l'industrie.

Vous le voyez, Messieurs, la loi que je vous présente crée une institution nouvelle mieux conçue que celle des juges-gardes et des syndies, aussi avantageuse que le fut celle-ci, et n'offrant aucun de ses inconvénients. Elle réalisera des conceptions utiles et en préparera de nouvelles; elle effectuera un bien

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présent, et pourra disposer encore plus de bien pour l'avenir.

Enfin cette loi donnera des règles au commerce, des chaînes à la mauvaise foi, de l'activité à la police, des lumières à l'économie politique, de la fidélité au fabricant, une garantie au consommateur. Elle fera plus, elle contribuera puissamment à ramener le commerce et ses chefs, la fabrication et ses employés, les manufactures et leurs ouvriers, à cette loyauté qui fut jadis et qui redeviendra leur caractère; elle influera sur le retour si désiré de toutes les classes négociantes, à cette vie active qui est un titre d'honneur, à cette économie qui est un moyen de générosité, à ces principes d'ordre sans lesquels il n'est point de richesse, à la simplicité de cette vie domestique sans laquelle il n'est point de cité; enfin à la pureté de ces mœurs antiques sans lesquelles il est peu 'de bonheur.

L'orateur fait lecture du projet de loi.

M. Regnault annonce que Sa Majesté a désigné le 18 de ce mois pour la discussion de ce projet de loi devant le corps législatif.

CORPS LÉGISLATIF.

Séance du 8 mars 1806. Présidence de M. de Fontanes.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant établissement d'un conseil dé prud'hommes pour la ville de Lyon.

On introduit les orateurs du conseil d'état et ceux du tribunat.

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M. Camille Pernon, tribun: Messieurs, la ville de Lyon, pendant le siècle qui vient de s'écouler, renferma dans son sein une population nombreuse

composée d'hommes industrieux dont une grande partie a péri en défendant avec énergie et courage des coutumes et des lois protectrices des mœurs et de la prospérité publique.

Leur industrieuse activité, leur probité sévère, avait donné au commerce dont ils s'occupaient une telle étendue, les produits de leurs manufactures jouissaient dans l'étranger d'une telle confiance, qu'on vit pendant cette période de temps les travaux de cette ville florissante ajouter chaque année à la richesse nationale 60 millions de numéraire. C'est ainsi qu'une cité aussi célèbre par ses malheurs que par la loyauté de ses habitants augmentait les ressources et la force de l'État, et s'acquittait envers lui de la protection sous laquelle s'exerçait son industrie.

Aussitôt que les lois et les coutumes qui avaient fait sa splendeur n'existèrent plus, des hommes pervers, prétendant introduire jusque dans la fabrication des étoffes la licencieuse liberté du temps, leur donnèrent des qualités trompeuses qui devaient lui faire perdre la confiance de l'acheteur.

Dans cette situation, le chef auguste qui nous gouverne, dont l'œil est partout, et qui sait que si les mœurs, l'ordre et l'économie n'existent pas dans les ateliers, aucune entreprise de l'industrie ne saurait avoir de succès permanents, s'est hâté d'y ramener ces institutions tutélaires qui, formant l'homme au travail et à la vertu, assurent le bonheur des individus et la fortune publique. Déjà, par ses arrêtés du 20 floréal dernier, il a ordonné que les tissus principaux des fabriques de Lyon fussent revêtus de marques qui assurent dans les uns leurs qualités intrinsèques; dans d'autres, la valeur des métaux qui en font partie, de manière que le consommateur ne peut plus aujourd'hui être trompé dans les étoffes qu'il achète sous cette garantie.

La loi que j'ai l'honneur de vous présenter en ce moment, Messieurs, est une suite de ces dispositions

qui tendent à régénérer les manufactures françaises. Son premier et second titre établissent et organisent un conseil de prud'hommes dans la ville de Lyon, et règlent ses attributions.

Ce conseil doit remplacer l'ancien corps des jugesgardes, débarrassé, dans ses formes, de tout ce que l'expérience a montré ètre nuisible au progrès de l'industrie et à la liberté du commerce.

Ce tribunal, par la nature de sa composition et dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont délégués, a un avantage sur ceux qu'il remplace. Il doit être composé d'hommes qui, par leurs habitudes et leur éducation, auront acquis toutes les connaissances qui doivent faire présumer la justesse et l'équité de leurs décisions. Appelés à terminer les différends entre leurs égaux, il leur sera facile de gagner leur confiance, et souvent ils pourront s'en servir avec avantage pour les concilier entre eux, par des invitations paternelles, en évitant de prononcer des jugements qui laissent fréquemment de l'aigreur entre les parties intéressées.

La surveillance qu'ils doivent exercer, les communications journalières et bienveillantes qu'ils doivent entretenir avec tous les artisans, redonneront aux membres de cette famille industrieuse cet esprit d'ordre qui leur convient, cette rigidité de principes nécessaire dans toutes les transactions commerciales, et surtout cette émulation qui, fécondant le vaste et fertile domaine de l'imagination, multiplie les arts par lesquels les diverses substances de notre globe sont forcées à revêtir les formes et les qualités qu'exigent nos goûts ou tos besoins, et constituent l'ensemble de tous les objets commerçables.

La 5e section du second titre charge les prud'hommes des mesures conservatrices de la propriété des dessins. La propriété indéfinie des dessins que la loi permet d'acquérir a appartenu de tout temps aux manufacturiers qui les ont produits. Cet usage

assurait à chacun le produit de ses découvertes. Il faisait rechercher et permettait de payer les artistes les plus distingués: c'est à cet usage que les manufactures ont dû la faculté de varier à tel point leurs inventions, qu'elles ont pu satisfaire à tous les caprices de la mode, en même temps qu'elles ont contribué à les multiplier chez presque tous les peuples de l'ancien et du nouveau monde, au grand avantage de ces mêmes manufactures.

Vous observerez, Messieurs, que la facture d'un dessin ne saurait être assimilée aux inventions dans les arts pour lesquels s'obtiennent des brevets d'invention.

Ceux-ci sont toujours le résultat d'une découverte ou du perfectionnement d'un objet utile qu'il importe de faire connaître ou de multiplier. Il n'en est pas de même du dessin d'une étoffe qui n'a le plus souvent d'intéressant que de fournir aux consommateurs la facilité de faire un choix qui lui plaise davantage. L'intention de la loi sur les brevets se trouve cependant remplie.

L'un des articles de cette section ordonne le dépôt à faire au conservatoire de Lyon, dans un temps déterminé, de tous les échantillons des inventions nouvelles.

Cette disposition met tous les manufacturiers à portée de profiter de leurs découvertes mutuelles, avec cet avantage pour les progrès de l'art que chacun se trouve forcé de perfectionner, ou de créer une nouveauté pour obtenir la préférence sur ses rivaux. Cet établissement précieux, fondé par S. M., et qui a pour but de rassembler toutes les découvertes anciennes et modernes, relatives aux arts et manufactures, avec toutes les parties d'enseignement qui peuvent servir à les perfectionner, leur offre encore une ressource dont l'avantage est incalculable.

Le titre 5 de la loi est une interprétation ajoutée à

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