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doctrines pernicieuses, et du poison de l'immoralité. Où trouveroit-elle ailleurs que dans les œuvres des fameux génies dont nous avons parlé, une plus ample provision d'idées justes et saines, de maximes solides et lumineuses plus capables de la soutenir et de la diriger dans la conduite de la vie? Non, il n'est point d'auteurs, dans la longue série des siècles, qui aient pensé avec plus de justesse, et écrit avec une éloquence plus sublime, que les génies en question.

Quoique nous ayons, dans le cours de ees observations, cité les écrivains du premier ordre que l'on doit d'abord faire entrer dans une collection choisie, nous ne prétendons point frapper d'exclusion des auteurs estimables qui marchent à la suite de ces hommes illustres, et qui occupent le second et même le troisième rang dans la république des lettres. Combien d'ouvrages utiles et instructifs sont sortis de leurs plumes consacrées, soit à la religion, soit à la morale, soit aux lettres ou à l'histoire ; mais, nous ne nous lasserons point de le répéter, le goût le plus pur, le tact le plus fin, le talent d'écrire avec autant de délicatesse que de solidité, ne s'acquerront jamais que dans la société des auteurs vraiment classiques, qui ont immortalisé les siècles de Périclès, d'Auguste et de Louis XIV; et c'est de leurs ouvrages seuls qu'il faut dire sans cesse aux amateurs et surtout aux jeu, nes gens:

Nocturna versate manu, versate diurna, Que l'on en forme donc un trésor à soi, un trésor que l'on ait toujours sous la main et où l'on puisse

puiser à chaque instant. On ne court point le risque d'être trompé ; ce qui a passé à travers les siècles avec l'assentiment, disons plus, avec l'admiration de tous les hommes de goût, ce qui jouit du suffrage unanime de tous les peuples, doit être nécessairement marqué au coin de la perfection, du moins autant que ce qui est humain peut en approcher ; et que n'a-t-on pas à gagner en mettant continuellement son esprit en contact avec ces productions des plus beaux génies du monde? Leur réputation n'est point le résul tat d'une vogue passagère; le temps finit toujours par confirmer ou annuller les jugemens des contemporains, selon qu'ils sont bons ou mauvais, et rarement il tarde à mettre chacun à sa place. A Rome, 'on a eu beau louer à outrance Stace, Ausone, Claudien, et même Silius-Italicus que l'on n'a pas craint de comparer à Virgile; combien la couronne que l'enthousiasme du moment avoit décernée à ces écrivains s'est ternie sous la main du temps ! tandis que celle de Virgile et d'Horace brille chaque jour d'un nouvel éclat ; et chez les modernes, Balzac, Voiture, Renserade étoient portés aux nues, dans leur siècle, et maintenant ensevelies dans la poussière, leurs œu vres, si brillantes autrefois, disputent aux vers un reste d'existence éphémère. Racine n'étoit pas trés goûté de son temps, même de madame de Sévigné qui lui préféroit Pradon; qu'est devenu Pradon? tandis que Racine a pris place près de Virgile pour la pureté du style, et sa gloire ne fera que s'accroître avec les siècles.

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Si notre goût n'est pas encore épuré, méfionsnous donc des éloges pompeux donnés à certains ouvrages; ils sont presque toujours jugés avec précipitation et loués par une aveugle bienveillance, ou déchirés par une partialité révoltante; c'est pourquoi il faut s'abstenir de les admettre dans une collection choisie, jusqu'à ce que les hommes d'un goût assuré, de principes solides, et dégagés de toutes pas sions, leur aient donné leur sanction. Dans tous les cas, le parti le plus sûr est de s'en tenir d'abord aux ouvrages consacrés par le temps et par le goût, qui ont résisté à la dent des Zoïles et des Aristarques comme la lime de la fable à celle du serpent.

Nous croyons avoir suffisamment démontré la nécessité de faire un choix dans l'immense quantité de livres qui surchargent l'horizon littéraire ; nous avons indiqué les écrivains sur lesquels ce choix doit se fixer, et nous avons exposé les motifs qui doivent leur faire donner la préférence. Nous allons maintenant, dans la seconde partie de notre travail, faire voir que les chefs-d'œuvre de ces auteurs du premier ordre ont été l'objet de la prédilection particulière d'une infinité de grands hommes, et n'ont pas peu contribué à les former tels; ces détails qui, d'après le plan que nous avons adopté, tiennent autant à l'histoire littéraire qu'aux principes même de la littérature, compléteront ce que nous venons d'exposer, et prouveront d'une manière encore plus évidente la nécessité de s'attacher particulièrement à la littérature classique.

DU CHOIX DES LIVRES

SECONDE PARTIE.

De la prédilection particulière que des hommes célèbres de tous les temps ont eue pour certains ouvrages et surtout pour les chefs-d'œuvre littéraires.

La réputation des auteurs anciens qui ont mérité la dénomination de classiques, est tellement établie, qu'il eût dû suffire de les nommer, comme nous l'avons fait dans notre première partie, pour engager les amateurs de livres et surtout les jeunes gens à les placer au premier rang, dans toute collection qu'ils se proposent de former. Aussi leur avons-nous vivement recommandé de fixer d'abord leur choix sur les chefs-d'œuvre que ces grands écrivains nous ont laissés, et d'en faire l'objet spécial de leurs études ou du moins l'objet favori de leurs lectures; mais de simples recommandations, surtout dans le siècle où nous vivons, ne produisant pas toujours l'effet qu'on en attend, il est bon de les appuyer d'exem

ples qui fassent davantage sentir la nécessité d'y adhérer. C'est ce que nous allons tâcher de faire dans cette seconde partie, en appelant à notre secours c'est-à-dire, en présentant comme d'excellens modèles à suivre, des hommes célèbres de tous les siècles, des littérateurs, des savans, des historiens, des hommes d'état et même des rois, sur le goût littéraire desquels nous avons fait quelques recherches, et qui, dévorés, dès leur jeunesse, du désir de s'instruire solidement, ne se sont attachés qu'à un petit nombre d'ouvrages bien choisis, et en ont fait l'objet constant de leur application. Il n'y a aucun doute que c'est en se nourrissant uniquement l'esprit de bons ouvrages, d'ouvrages solides, qu'ils ont fait preuve, dans les différentes carrières que le sort leur a ouvertes, de connoissances très profondes, d'une grande sagacité, d'un tact fin, de talens garans immanquables du succès, enfin de toutes les qualités qui les ont illustrés. Ce n'est cependant pas que tous, comme on le verra, aient porté leur choix sur des productions du premier mérite ; mais le plus grand nombre s'est conformé à ce que l'on peut prescrire de mieux à cet égard.

Rien n'est donc plus propre que l'exemple de ces grands hommes à confirmer ce que nous avons dit précédemment, que ce n'est point la lecture d'un grand nombre de volumes qui développe le génie qui alimente l'esprit, qui forme le goût, mais que c'est plutôt un choix sévère et circonscrit d'ouvrages du premier ordre, lus, relus et bien médités.

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