CONGRÈS MUSICAL BELGE PREMIÈRE SECTION SÉANCE DU 18 AOUT 1884 PRÉSIDENCE DE M. H. WARNOTS La section aborde la discussion de la 1re question: De la propriété artistique, des droits qu'elle confère, considérés au point de vue des intérêts des compositeurs, des éditeurs et des sociétés musicales. M. CATTREUX.Mesdames et Messieurs, je viens exposer devant vous l'état de la question de la propriété des œuvres musicales. Dans l'exposé que je compte vous présenter, j'écarterai toutes les considérations philosophiques, pour rester sur le terrain pratique. Je ne rechercherai pas non plus l'origine ni la justification de la propriété littéraire et artistique, je me placerai uniquement au point de vue des faits et de leurs conséquences. J'espère ainsi rendre moins aride le sujet que je suis appelé à développer. Le droit des auteurs dramatiques et des compositeurs de musique prend sa source dans la législation de la Révolution française. Le point initial du droit est l'article 3 du décret des 13-19 janvier 1791, qui porte: « ART. 3. Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être >> représentés sur aucun théâtre public, dans toute l'étendue de la » France, sans le consentement formel et par écrit des auteurs, >> sous peine de confiscation du produit total des représentations » au profit des auteurs. » La même disposition se trouve reproduite dans le décret du 19 juillet-6 août 1791, qui porte: « ART. 1er. Conformément aux dispositions des articles 3 » et 4 du décret du 13 janvier dernier, concernant les spec>> tacles, les ouvrages des auteurs vivants, même ceux qui étaient >> représentés avant cette époque, soit qu'ils fussent ou non gravés » ou imprimés, ne pourront être représentés sur aucun théâtre. >> public dans toute l'étendue du royaume, sans le consentement >> formel et par écrit des auteurs, ou sans celui de leurs héritiers » ou cessionnaires, pour les ouvrages des auteurs morts depuis » moins de cinq ans, sous peine de confiscation du produit total » des représentations au profit de l'auteur ou de ses héritiers ou >> cessionnaires. >> Cet article est la confirmation du droit et consacre même une extension, en ce sens qu'il stipule la confiscation du produit des représentations dans le cas où le consentement des auteurs n'aurait pas été obtenu. Le même décret mentionne dans son article 2 que les conventions entre les auteurs et les entrepreneurs de spectacles seront libres et il ajoute que les droits d'auteur sont une partie de la recette appartenant aux auteurs et qu'elle est insaisissable. Cet article 2 porte: << La rétribution des auteurs, convenue entre eux ou leurs >> ayants-cause et les entrepreneurs de spectacles, ne pourra être »> ni saisie ni arrêtée par les créanciers des entrepreneurs du >> spectacle. »> Le législateur de cette époque plaçait si haut le droit des auteurs, qu'il décrétait en sa faveur une sorte de dérogation au droit commun. Vient maintenant l'article 428 du Code pénal de 1810, ainsi conçu : « ART. 428. Tout directeur, tout entrepreneur de spectacles, 3/11/32 >> toute association d'artistes, qui aura fait représenter sur son >> théâtre des ouvrages dramatiques au mépris des lois et règle»ments relatifs à la propriété des auteurs, sera puni d'une » amende de 50 francs au moins, de 500 francs au plus et de la >> confiscation des recettes. >> Tel est, au point de vue du droit de représentation des ouvrages dramatiques et de l'exécution des œuvres musicales, l'ensemble de la législation commune à la Belgique et à la France. Nous avons ensuite, au point de vue exclusivement belge, l'article 4 du décret du 21 octobre 1830, ainsi conçu : « ART. 4. Toute composition dramatique d'un auteur belge » ou étranger, représentée pour la première fois sur un théâtre de » la Belgique, ne pourra être représentée sur aucun théâtre pu>> blic, dans toute l'étendue du territoire belge, sans le consente>>ment formel et par écrit de l'auteur, sous peine de confiscation, » à son profit, du produit total des représentations. »> Vous remarquerez que ces dispositions légales ne parlent que d'ouvrages dramatiques, mais les commentaires de ces lois et la jurisprudence qui les a consacrées établissent l'assimilation complète entre les ouvrages dramatiques et les oeuvres musicales. D'ailleurs, une œuvre musicale destinée à l'exécution publique est incontestablement une œuvre dramatique, plus dramatique même que l'ouvrage ne contenant que des paroles. Ici la musique exprime l'action dramatique par des sons au lieu de le faire par des paroles. C'est l'art par excellence, qui émeut et procure des impressions et des sensations par l'action dramatique et la combinaison des sons et des rhythmes. Une composition musicale est à tous les points de vue une œuvre dramatique, et nous ne signalons la distinction que l'on a cherché à établir, que pour démontrer qu'elle est aussi inadmissible en fait qu'en droit. L'étymologie même exclut la distinction que l'on a voulu établir et qui est à tous égards injustifiable. Pourrait-on concevoir, en effet, que le législateur eut voulu protéger les ouvrages dramatiques proprement dits et écarter systématiquement et intentionnellement les compositions dramatiques musicales? Cela ne saurait être sérieusement soutenu. Quoi qu'il en soit, je tiens à faire connaître quel était l'état de |