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que je me flatte que l'Assemblée voudra bien m'en-, tendre avec quelque indulgence

L'orateur qui m'a précédé dans cette tribune, croyant découvrir et poursuivre une source d'erreurs dans la manière dont le gouvernement a cru devoir envisager la position de la France, s'est efforcé de comparer la situation présente de la liberté à ce qu'elle était au mois de juillet 1789. Il a vu dans ce moment non-seulement une attaque extérieure et menaçante, mais des conspirations intérieures, et il n'a pas dissimulé qu'il regardait comme complices de ces conspirations des hommes qui, selon lui, emportés au commencement de la révolution par un amour vif de la liberté montrent aujourd'hui autant de regrets qu'ils avaient de courage et d'audace. Comme cette opinion pourrait être celle de plusieurs d'entre nous, et que ces méfiances sont la cause unique de nos divisions, parvenus à l'extrême danger, je crois qu'une explication franche et loyale nous est à tous nécessaire. Celle que je vous offre différera beaucoup de celle de M. Vergniaud; mais c'est du choc des opinions que nous ferons jaillir la vérité, cachée sous tant de voiles, comme c'est du concours de toutes les lumières que résultera la découverte du moyen le plus propre à sauver l'empire.

Je ne remonterai pas au commencement de notre session; je ne vous dirai pas par quel tissu d'erreurs on est parvenu à faire croire à nos concitoyens qu'une partie de ceux qu'ils ont honorés de leur choix nourrissaient le coupable dessein de trahir la patrie et leurs serments. Arrivant immédiatement aux circonstances actuelles, je me porterai au point qui a tellement divisé les opinions, et, il faut le dire, fomenté les haines: je veux dire le refus de sanction aux. mesures décrétées pour les troubles religieux et au moyen qui avait été proposé par le ministère dernier, comme l'une des plus solides ressources de défense. Ce sont, en effet, les deux objets sur lesquels M. Vergniaud a fondé les reproches les plus graves. Il a commencé par dire que la retraite de nos troupes montrait assez quelles sont les intentions malveillantes du pouvoir exécutif. (Plusieurs Voix de l'une des extrémités Oui sans doute, elle dévoile le ministère.)

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présider à toutes les délibérations de l'Assemblée. M. DUMAS: Maintenant que la base sur laquelle on comptait le plus pour les opérations offensives se trouve illusoire, on veut faire un crime au maréchal Luckner . (Les murmures interrompent avec plus de force.)

Un grand nombre de membres de l'extrémité du ci-devant côté gauche se levant à la fois: Vous calomniez l'Assemblée. Vous ne connaissez pas ses sentiments. .

M. KERSAINT: Je demande que, pour prouver que les reproches dont parle M. Dumas ne sont dans l'esprit d'aucun des membres de l'Assemblée, elle déclare que M. Luckner a conservé toute la confiance de la nation. (Des applaudissements réitérés se font entendre dans l'Assemblée entière et dans toutes les tribunes. )

M. le président annonce que M. Dumas demande à achever sa phrase. Des cris: aux voix la proposition de M. Kersaint; consultez l'Assemblée! s'élèvent de toutes parts.

L'Assemblée déclare, par une declaration unanime, que M. le maréchal Luckner a conservé toute la confiance de la nation.

M. MAILHE: Je demande que ce décret soit motivé dans un considérant, et envoyé à M. le maréchal par un courier extraordinaire.

M. BRUART: Le décret honorable que l'Assemblée vient de rendre n'a pas besoin d'être motivé pour ceux qui savent que M. le maréchal Luckner ne s'est retiré que parce qu'il a inutilement sollicité les secours dont il avait besoin pour renforcer son armée.

M. ROUYER: Aucune considération particulière ne peut mieux faire sentir que le général Luckner mérite toute la confiance de la nation, que l'unanimité et l'empressement avec lesquels vous venez de porter votre décret, et cette unanimité de suffrages lui sera sans doute plus flatteuse que le froid calcul d'un considéront. Je demande doné que l'on passe à l'ordre du jour.

M. DUMAS: Je pensais bien que je n'aurais point à justifier le maréchal Luckner, et je me félicite d'avoir été l'occasion de la manifestation de sentiments que je partage avec toute l'Assemblée. Cette retraite sur nos frontières n'était donc pas honteuse, puisque M. Luckner l'a ordonnée. Pour entrer dans le sens du préopinant, il faudrait en faire tomber la faute sur le ministère. (Plusieurs voix : Oui, sans doute.)

Un membre de l'extrémité gauche: Il lui a donné carte blanche, après avoir, par le défaut de secours, rendu la retraite inévitable.

Vous entendez quel mouvement naturel d'indignation, quel murmure se mêle à l'énoncé de cette proposition. Il est donc important de voir si elle est juste et fondée. Je ne jette aucun nuage sur les motifs de M. Vergniaud je m'attache aux choses. Et M. DUMAS: Il faudrait, dis-je, en faire porter ce mouvement que j'ai senti, ce murmure que j'ai tout le reproche sur le ministère, qui ne l'a point entendu, me prouvent que l'amour de la liberté ordonnée, et dire qu'il a refusé de porter des sebrûle dans tous les cœurs (Il s'élève quelques mur- cours à l'armée du marécha!. Or, il s'indignerait mures dans l'une des extrémités.); mais aussi qu'il lui-même d'une pareille inculpation; car il sait bien est très-important de n'en pas altérer les bons effets. que toutes les forces disponibles ont été de préféD'abord, la retraite de nos troupes sur le terri-rence employées à l'opération qu'il a entreprise, et toire français n'est point une chose honteuse. Il ne vous est pas donné de régler le sort des batailles, de prévenir et d'arranger à votre gré les circonstances des opérations de la guerre. Sans doute le maréchal Luckner a asssez bien mérité de la patrie, sans doute il mérite assez notre confiance, pour que nous devions croire que, s'il s'est retiré, il a cru le devoir. On n'a cessé de représenter nos premières marches dans la Belgique comme des conquêtes, et on les a fait précéder de la certitude d'éveiller l'amour de la liberté chez un peuple qui l'avait déjà si fortement manifesté, et, maintenant que ses espérances ont été trompées.... (Il s'élève un violent murmure.

M. LE PRÉSIDENT: Je demande, pour l'opinant et pour l'importance de la discussion, le calme qui doit

Vous savez que le nouveau ministère, depuis qu'il est chargé de ces dispositions, n'a rien épargné pour remplir les vues de l'Assemblée.

Une voix de la gauche: C'est pour cela qu'il fait camper les troupes de ligne de Paris dans le château des Tuileries.

M. DUMAS: Tout ce qui a été fait antérieurement était le résultat des conférences des généraux, ratifiées par le conseil du roi. Tout est clair et net dans cette question; ét, si je fais tant d'efforts pour ramener à mon opinion ceux qui ont pensé différemment, c'est qu'il est bien important que le peuple sache que la direction de nos efforts a été tout ce qu'elle a pu être pour le succès des opérations de la guerre. (Il s'élève quelques murmures. ) Sans doute, je suis dans la question: car, puisque nous traitons des

Je réfute cette proposition par deux motifs principaux. 1o Aucun ministre ne peut voir sa responsabilité engagée par un velo; elle ne pourrait l'être que dans le cas où un plan de défense manquerait par sa négligence. Mais je vais plus loin, et je dis que les mesures qui viennent d'être prises, ou qui sont proposées par le roi, sont beaucoup meilleures que celles que l'on regrette. J'en demande pardon à l'Assemblée. (Il s'élève des murmures. -On observe que la discussion n'est pasencore ouverte sur les mesures proposées par M. Vergniaud.)

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Je crois pouvoir remarquer qu'en prenant la parole, j'ai annoncé que j'avais à faire des observations précisément sur la proposition de M. Vergniaud, et que j'ai cru que cette discussion contradictoire éclairerait la discussion générale. Je disais donc j'en demande pardon à l'Assemblée... (On entend des murmures et des ris dans une partie de l'Assemblée.) Comme je ne suis point préparé, et que je suis obligé d'improviser, je ne puis répondre du choix de mes expressions. Je demande pardon à l'Assemblée de ce que, malgré mon respect pour les dispositions qu'a prononcées la majorité, je parle du décret rendu pour les 20,000 hommes; je me crois obligé de dire que ce moyen nous ôtait celui de recruter l'armée, d'alimenter nos bataillons de volontaires nationaux déjà existants. (Les murmures recommencent.)

M. HUA: Si l'on parvient une fois à persuader à la partie saine de la nation qu'il n'y a pas de liberté d'opinion dans l'Assemblée, tout est perdu.

différentes causes de troubles et des remèdes qu'il convient d'y apporter, pourquoi ne voudriez-vous pas reconnaître avec moi que le dissentiment des opinions par rapport à la guerre est l'une des sources de nos divisions. Ce dissentiment porte sur la question du système offensif adopté par l'ancien conseil du roi, ou du système défensif. Je n'entrerai pas,quant à présent, dans l'examen de cette question. Je ne vous porterai qu'à cette époque où le ministre actuel ayant pu suivre des opérations commencées n'a pu en devenir responsable qu'autant qu'il aurait négligé de prendre les mesures nécessaires à leur succès. Or je dis qu'il n'a pu agir plus simplement, plus patriotiquement (Il s'élève quelques murmures dans une partie de l'Assemblée.), que de laisser au général en qui réside la confiance de l'Assemblée nationale et du roi toute liberté pour poursuivre ou suspendre ces opérations. A qui a-t-on pu persuader que c'est dans l'intervalle de quelques Couriers que ce ministère aurait pu rassembler dans l'intérieur des forces suffisantes pour en renforcer l'armée ? Pourquoi l'ancien ministère n'a-t-il pas prévu que ce renfort serait nécessaire? Pourquoi n'a-t-il pas fait ce qu'on exige de celui qui ne fait que d'entrer en fonctions? Détruisons ces fantômes d'inculpations harsardeuses. Si nous voulons nous réunir, si nous voulons que le peuple concoure avec nous à déposer toutes les haines et les suspicions, donnons-lui pour gage l'amour sincère de là vérité. M. Vergniaud voudrait rendre les ministres responsables de toute invasion du territoire français, dans cette supposition qu'ils devaient porter sur les M. LE PRÉSIDENT: Je rappelle inutilement à l'orfrontières des forces suffisantes pour les garantir. dre les interrupteurs; je les prie de se rappeler cuxEh bien! cette responsabilité, fort injuste, puis-mêmes à ce qu'ils doivent et à eux et à l'Assemblée. qu'elle porterait au hasard, frapperait toute entière sur l'ancien ministère, qui a fait les premiers plans de campagne. (Il s'élève quelques murmures.) Je ne fais point de fausse supposition; je ne veux point embrouiller la question par des démonstrations militaires qui ne pourraient être énoncées et entendues que la carte en main; je ne cherche qu'à réunir les opinions sur ce que je crois la vérité. Je dis que cette responsabilité, dont on veut faire l'arme de toutes les passions, serait injuste et vicieuse dans son principe. Songez que, si vos frontières sont dégarnies dans la partie actuellement menacée, c'est parce qu'on a cru qu'il était bon, au moment où nous commencions la guerre, de rassembler tout ce que nous avions de forces d'élite pour envahir la Belgique (Murmures.) et pour saisir un premier avantage sur l'ennemi avant qu'il ne fût renforcé dans une partie. S'il en résulte aujourd'hui qu'une portion de nos frontières est découverte; si même alors on a calculé sur des bases qui aient varié depuis par la politique des puissances étrangères; s'il en est ainsi dans ce moment, soyons de bonne foi, que restait-il à faire au ministère actuel? Se réduire à un plan de guerre défensif d'abord, éventuellement offensif, qui puisse cou-sévère, dans le cas ou ils négligeraient d'exécuter vrir toutes les places menacées, et donner à la nation, pour les differentes frontières, une égale sécurité. Ici je réponds à M. Vergniaud, qui objecte que toutes les mesures qui pouvaient concourir à la défense des frontières n'ont pas été prises. On a refusé, dit il, de sanctionner le moyen le plus prompt, le plus vif, le plus incitant d'avoir une forte réserve pour soutenir et renforcer les armées, et c'est au défaut de cette mesure qu'il veut poursuivre la responsabilité des ministres; de manière que, s'il arrive que la frontière soit attaquée dans la partie où cette réserve eût pu être portée, ils soient responsables de tous les événements.

M. CARNOT: Dites à ce qu'ils doivent à la nation. Il y a bien long-temps que la nation est fatiguée de nos dissensions. Il n'y a pas un de nous qui ne reçoive journellement des lettres à cet égard. Nos séances sont l'image fidèle de ce qui se passe dans le royaume; les haines et les dissensions se communiquent rapidement, et, le jour que nous serons réunis, le royaume sera en paix. (On applaudit. ) Ne doit-on pas s'étonner de ce que les plus grands amis de la liberté, au moins ceux qui veulent pas-er pour tels, troublent presque toujours nos séances?

M. DUMAS: Mon opininion est donc qu'il ne peut y avoir aucun délai dans les mesures à prendre pour le rassemblement de la réserve; mais, comme les ministres ne peuvent être responsables du veto, comme d'ailleurs ils ont pourvu à ce que la sûreté du royaume exigeait, je crois qu'il ne peut y avoir lieu à la

responsabilité. Je demande donc la question préalable contre cette partie des conclusions de M. Vergniaud. Je la demande encore contre la responsabilité qu'il a invoquée relativement aux troubles religieux; non que je pense que plus les mesures ordonnées contre les perturbateurs sont instantes, plus la responsabilité des ministres ne doive être

les lois; mais parce qu'ils ne peuvent répondre que de l'exécution des lois. C'est à vous à prendre les mesures qui ne sont pas dans les lois, mais des mesures qui ne soient pas contraires à la constitution. C'est d'après ce principe que les ministres vous ont demandé une addition au Co le pénal, qui définisse cette espèce particulière de perturbateurs. Ce n'est que quand cette loi additionnelle sera faite, que les ministres pourront en devenir responsables. N'entravez plus alors les autorites constituées ; laissez-leur une libre action dans la sphère de leur pouvoir; qu'elles ne soient plus entravées par des hommes trop ardents, et les lois pourront être ap

pliquées; le méchant tremblera; le prêtre ne se livrera plus impunément à ses manoeuvres séditieuses, ou il sera saisi à l'instant même où l'éclat de ses démarches le dénoncera à la surveillance des magistrats.

Dans tous les départements où la loi a pu être appliquée, où la déclaration des droits a pu être proclamée et sentie, où la liberté des cultes a été respectée, dans ces départements, dis-je, la tranquillité publique a été rarement troublée par les fanatiques; et, à cet égard, ai-je besoin de recourir à des exemples, quand le plus fort, le plus éclatant est au milieu de nous? C'est à Paris qu'etait le grand arsenal des foudres sacerdotales, que la Sorbonne luttait avec la philosophie, et que le fanatisme a fait le plus d'efforts pour exciter des troubles religieux. Que l'on se rappelle l'époque où l'Assemblée constituante réalisa la liberté des cultes, par son décret sur l'arrêté du directoire du département de Paris; eh bien, depuis ce décret tolérant, les troubles religieux ont été éteints. Cette liberté indéfinie a eu très-peu d'inconvéniens, contre lesquels on voudrait s'armer aujourd'hui d'armes qui détruiraient la liberté elle-même.... Je demande donc la question préalable sur toute responsabilité ministérielle pour fait de troubles religieux, qui n'aurait pas pour objet l'exécution des lois.

Je passe à la seconde partie de l'opinion de M. Vergniaud. Elle porte sur un objet très-important. Il est remonté à l'époque de la déclaration de guerre; il a voulu établir que le pouvoir exécutif, ou plutôt que le roi n'avait pas fait ce qu'il aurait pu et dû faire pour la prévenir. Il a trouvé des trahisons partout; il a supposé des connivences entre le roi et les puissances étrangères; en un mot, il a dit que le roi n'a pas fait ce qu'il aurait dù faire pour maintenir la constitution qu'il a jurée, et que c'est là la cause de la guerre.

faillibilité? Je n'accuse point; mais je dis que, pour n'avoir point déclaré la guerre, nous avons manqué de prévenir la guerre avec les deux grandes puissances du Nord, et que nous en avons déplacé le véritable théâtre. D'après cela, et il est important de le dire à notre conscience, à notre union, à notre force, d'après cela, dis-je, il est évident que le roi, qui, avant vos décrets comminatoires à l'égard de l'empereur, n'avait négocié qu'avec les princes d'Allemagne, a fait tout ce qu'il a pu et dù pour prévenir la rupture.

M. Vergniaud a argué, dans une supposition à la vérité qu'il n'a pas adoptée ni rendue positive jensuite, mais dont sans doute vous sentez tous les dangers, de l'article de la constitution qui dit que : «Si le roi se met à la tête d'une armée, et en dirige les forces contre la nation, ou s'il ne s'oppose pas, par un acte formel, à une telle entreprise, qui s'exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué la royauté. » Eh bien ! que les émigrés, que ceux qui ne rougissent pas de porter le fer et la flamme au milieu de leur patrie, osent se targuer du nom du roi: que doit-on en conclure autre chose, sinon l'insolence de ces traîtres, lorsque l'on sait qu'aucune circonstance, aucun acte du roi n'autorisent ce langage?

Une voix de l'extrémité de gauche: Et son voyage à Varenne ?

N. THURIOT: Et le veto sur le décret contre les émigrés ?

M. DUMAS: Je dis que tous les actes émanés du roi dénient formellement ces inculpations . Je ne sais quel effet on veut supposer aux manoeuvres prétendues des factieux; mais je ne vois pas d'acte plus ostensible en opposition aux intérêts des émigrés, que les actes de liberté qu'il a eu le courage de faire. Il n'aurait eu qu'à se laisser opprimer par des factieux, prouver par là qu'il n'était pas librel, Nous rentrerions ici dans une discussion impor- c'est bien alors qu'il aurait donné un texte aux contante; il faudrait rapporter l'extrait des corresponjurés; mais c'est alors seulement qu'on aurait pu dances diplomatiques, et les réponses faites par les lui appliquer l'hypothèse de M. Vergniaud. puissances étrangères à nos provocations; il faudrait même prouver que le système de coalition des puissances, qui était offensif avant l'acceptation de la constitution, est resté tel depuis la notification de cette acceptation, ce qui est faux; il faudrait démontrer que ces preux de la prérogative royale, qui sont à Coblentz et dont il vous a parlé, ont été réellement et sont encore soutenus par le roi, tadis qu'au contraire toutes les déclarations du roi, tous les actes qu'il a faits, tant par rapport aux princes qui leur donnaient asile, qu'envers la cour de Vienne, démontrent qu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour dissiper ces rassemblements. Il est donc patent que le roi a fait tout ce qui a été possible pour préserver la constitution de toute atteinte. puisque niême les électeurs ont été obligés de défendre les rassemblements des émigrés, et qu'ils ont été dissous de fait.

Mais voici quelle a été la grande faute de notre déclaration de guerre. On aurait dù séparer soigneusement les intérêts des princes, qui sont le prétexte de cette horrible guerre, de la conduite des grandes puissances; au contraire, on ne les a séparés que depuis la guerre. Nos ennemis les plus grands étaient ces princes; ce sont eux qui ont tissu dans le secret la trame de cette conjuration générale; et peut-on comparer le danger de faire la guerre même à tout l'empire, ou de la faire aux deux grandes puissances qui nous attaquent en ce moment. (Il s'élève quel ques rumeurs.) On a pu se tromper. Quel homme, quelle assemblée, quel conseil, peut se targuer d'in

Il a ajouté, pour servir de base à cette supposition, que le roi est coupable de n'avoir pas encore rappelé un général qui a violé la constitution. De pareils reproches ne menacent-ils pas l'armée de sa désorganisation? Mais où donc le roi devait-il choisir les généraux, si ce n'est parmi les hommes qui se sont les premiers dévorés à la cause de la liberté ? Il ne serait pas digne, ce général, d'être appelé le héros de la liberté, si, commne son frère d'armes et son modèle, il ne buvait jusqu'à la lie le calice de l'ingratitude populaire. Oui, comme lui, nous avons vu Washington parlant le langage d'un citoyen, quand ses citoyens étaient divi-és; comme lui, nous l'avons vu supporter toutes sortes d'injustices et n'être jamais plus grand que quand il prêtait une obéissance absolue à ceux qui avaient conjuré sa ruine.

Je me réunirais à M. Vergniaud pour tenir au roi le langage qu'il vous propose de lui adresser, si je pouvais croire que, d'aucune manière, il eût provoqué la ruine de la constitution, arrêté le progrès de nos armes, et fait aucun effort contre la nation qui l'a placé sur le trône; mais le contraire est démontré. (Il s'élève quelques murmures dans l'extrémité gauche.)

Non, Messieurs, non, le roi ne vous dira jamais: je veux être despote; il ne vous dira pas qu'il n'a voulu la constitution que pour n'être pas précipité du trône; il connaît trop bien ses faux amis; il a appris à les connaître depuis la révolution; il sait comment ils l'ont trahi dans toutes les circonstances.

Ainsi je crois que nous pouvons fonder toute sécuri té surl'intérêt commun des deux pouvoirs constitués. Au reste, le préopinant, en faisant cette supposition, s'est transporté à une époque à laquelle j'espère que nous ne viendrons jamais. Il a comparé notre situation actuelle à la première époque de notre révolution. Eh! que n'y sommes-nous! Alors nous étions tou le peuple, nous étions tous unis; alors on n'osait pas mettre en question, devant le peuple, le patriotisme de ceux qui lui sacrifiaient leur sang et leurs veilles; alors on ne l'aurait pas osé impunément. Un mème intérêt animait tous les citoyens, et ils auraient tous désiré, tous regardé comme le port du salut notre état actuel ; tous auraient voulu avoir pour gage de ieurs travaux et de leurs efforts une constitution établie, des lois respectées, des autorités légales en fonctions. Pourquoi faut-il donc retourner sans cesse sa pensée en arrière, et vouloir faire recommencer la contre-révolution? A quoi nous servirait-il d'agiter encore les flots qui ont amené le vaisseau dans le port.

Quant aux autres conclusions de M. Vergniaud, la proposition d'adresser un message au roi, sur les circonstances actuelles, me paraît propre à fonder une fois et pour toujours, d'une manière solide, l'accord des deux pouvoirs; mais il faut que ce message soit rédigé dans des termes convenables, et je demanderais que la commission extraordinaire des douze en fût chargée. Cette mesure pourra rassurer les esprits, et ramener la paix dans le royaume, et il faut que le peuple soit tranquille, si vous voulez qu'il puisse défendre sa liberté. Je ne suis pas de l'avis de M. Vergniaud, quant à la proposition de déclarer que la patrie est en danger. Ce cri d'alarme qu'il veut faire entendre dans l'empire ne peut avoir que de mauvais effets: c'est une démarche qui ne coincide pas du tout avec la première. La patrie est en danger sans doute; ses dangers sont connus ; mais votre déclaration n'est pas un remède.

Je suis de l'opinion de ceux qui croient qu'il est inutile de répéter des serments une fois prononcés ; mais aucun de nous ne souffrira que l'égalité soit violée, et je demande que nous opposions une égale résistance et à cette faction qui voudrait détruire l'égalité, et à ces patriotes niveleurs qui voudraient tout désorganiser et tout dissoudre. Il faut que le peuple sache qu'il n'y a point d'aristocratie dans l'inégalité des richesses; que le riche est le meilleur distributeur et le meilleur économe du pauvre. (II s'élève, dans une grande partie de l'Assemblée, des murmures et des éclats de rire.) Je veux dire que dans l'inégalité des fortunes se trouve le gage et le salaire de la partie industrielle, de la partie la plus importante ei la plus intéressante du peuple, dont nous devons soigner les véritables intérêts; et je conclus de là qu'il faut apprendre au peuple à respecter les propriétés.

Je me résume, et 1° je demande que l'Assemblée décrète que, sur la proposition de rendre les ministres responsables des troubles religieux et des événements de la guerre, il n'y a pas lieu à délibérer; 2° j'adopte le message au roi; 3o j'appuie encore la proposition d'envoyer et le inessage et une adresse aux Français, dans les 83 départements. Je désire que ces grandes mesures nous donnent enfin la paix dont le peuple a besoin. En vous soumettant ces observations, j'ai fait ce que mon devoir me prescrivait. Je cède la parole à ceux qui auraient quelque chose de mieux à dire:Si quid novisti rectius istis. On demande l'impression du discours de M. Dumas. La question préalable est réclamée. Elle est rejetée. L'impression est mise aux voix. M. LE PRÉSIDENT: L'Assemblée décrète l'impression. Il s'élève des réclamations. On demande une seconde

épreuve.

L'Assemblée rejette l'impression.

Le directeur de l'imprimerie royale est à la barre.
L'Assemblée decide qu'ayant reçu du ministre les éclair-
sements nécessaires, il est inutile d'entendre M. Anisson.
On fait lecture d'une lettre du maréchal Luckner.
(Voyez la notice de la séance dans le n° d'hier.)
La séance est levée à trois heures et demie.

N. B. Dans la séance du mardi 3, il a été décrété que les ci-devant gardes françaises seront incorporés dans la gendar merie du département de Paris. Il a été rendu un autre décret sur la comptabilité et sur le remplacement des receveurs généraux et particuliers des finances.

Voulez-vous exciter le zèle patriotique, et non pas la fermentation, comme l'a dit M. Vergniaud; l'énergie des sentiments, et non pas, comme il l'a dit, l'exaltation? Eh bien! que le message que vous ferez au roi soit le gage de votre accord parfait; que la paix soit ici, et elle sera partout l'Empire. Et ce peuple agité, fatigué, non pas des efforts de son zèle, mais des convulsions que des frénétiques voudraient lui imprimer sans cesse; ce peuple qui demande le repos dont il a besoin pour combattre, n'aura plus à craindre de ses ennemis extérieurs, quand vous l'aurez assuré qu'il n'a plus rien à redouter de ceux de l'intérieur. Défaisons-nous donc de cette terreur panique qui nous énerve, que chacun de nous ne cherche plus autour de lui des conspirateurs. Quoi de mieux pourrait désirer Coblentz que cette extrême défiance que nous avons récipro-Faux Insouciant, comed. nouv. en 5 aet.; la JeuneIndienne. quement de nous-mêmes!

Plusieurs voix de la partie droite: Qu'il n'y ait plus ni jacobins ni feuillans.

:

M. GAREAU Je demande que les interrupteurs soient rappelés à l'ordre. Il n'y a ici ni des jacobins ni des feuillans: il n'y a que des législateurs. M. DUMAS: Dans tout ce que j'ai dit, je me suis livré aux mouvements naturels de mon cœur, qui me font pressentir que nous pouvons faire de cette époque la plus glorieuse de la révolution. Il est temps que le peuple connaisse la confiance qu'il peut avoir dans ses représentants. Méritons son respect, et nous n'aurons pas besoin de l'exiger. Montrons-lui une obéissance profonde à la constitution, et il obéira à nos lois. Ne souffrons pas qu'on lui disc qu'une nouvelle aristocratie se forme au milieu de nous.

Dans la séance du 4 au matin, l'Assemblée, délibérant termine les mesures qui devront être prises par les directoisur le projet de décret présenté par M. Jean Debry, a dénationales, lorsque le corps législatif aura déclaré que la res des départements pour le prompt armement des gardes patrie est en danger.

SPECTACLES.

ACADÉMIE Royale de musique. Vendredi la reprise de Corisandre, avec des changements.

THEATRE DE LA NATION. La première représentation du

THEATRE ITALIEN. La Belle Arsène; Nina ou la Folle par amour.

THEATRE FRANÇAIS, rue de Richelieu. La Surprise de l'amour; la Gageure.

THEATRE DE LA RUE FEYDEAU. Lodoïska.
Samedi la prem. représ. des Visitandines, opéra en 2 actes.
Roi et le Pèlerin; le Devin du Village.
THEATRE DE Mile MONTANSIER. M. de la Canardière; le

THEATRE DU MARAIS. L'Autre Tartufe ou la Mère coupable; le Consentement force.

AMBIGU COMIQUE. L'Impromptu de campagne; les Trois Léandre; le Dénicheur de merles; le Villageois clairvoyant. THEATRE DE MOLIÈRE. Les Deux Chambres; les Infidélites; les Ensorcelés.

THEATRE DE LA RUE DE LOUVOIs. Arèlaphile; les Dégui

sements amoureux.

THEATRE DU VAUDEVILLE. Nice, parodic de Stratonice; le Petit Sacristain; l'lle des Femmes.

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No 188

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

Vendredi 6 JUILLET 1792.

POLITIQUE.

DANEMARK.

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De Copenhague, le 29 juin. Le prince royal a passé en revue, le 14, les troupes de cette garaison et les miliciens de l'ile de Séelande, formant un corps de 8 à 9000 hommes. M. de Vibraye, ministre plénipotentiaire du roi de France à cette cour, a eu le 15 sa première audience de sa majesté dano se, au château de Fridericsberg, où il a été présenté à toute la famille royale

Le prince royal est parti le 16 pour le camp de Holstein, avec une suite trés-nombreuse. Ce camp sera placé prés de Hadersleben, et compose de 16 à 20,000 hommes, et de 5000

chevaux.

ALLEMAGNE.

Quatrième année de la Liberté.

résultat de ces conférences est l'ouverture d'un jubilé, à l'occasion des maux qui désolent actuellement l'église romaine. Le pape vient d'assigner une somme assez considérable, destinée à mettre en état de defense les côtes de la mer Adriatique et de la Méditerranée. On assure que la cour de Naples a demandé le passage sur le territoire ecclesiastique, pour trois mille hommes.

De Gênes, le 12 juin. Il y a eu dernièrement ici un mouvement assez violent. Les paysans avaient enfermé vingt nobles dans une église, et menaenient de les Y brüler, si quelqu'un s'avisait de les vouloir délivrer. On a eu recours à l'appareil militaire; on avait trouvé quelques jours avant ces mots écrits sur la porte du sénat : Toutes les modes nous viennent de France; prenez-y garde. La republique fait des armements, et l'on ne néglige rien pour inspirer sominé de coups de baton, pour avoir dit qu'il était Franla haine du nom français. Un malheureux mendiant fut as

De Vienne, le 16 juin. — On a, dit-on, répondu positivement au prince Czartorinsky que la cour ne se mêlerait de rien dans les affaires de Pologne, et qu'au reste on conseil-gais. On ne parle qu'en frémissant de la rabbia francese; on fait mille contes absurdes au peuple, et le peuple,qui ne sait et ne lit rien, est bien obligé de tout croire.

lait à la republique de convoquer prudemment une nouvelle diete, pour rétablir l'ancienne constitution.

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HOLLANDE.

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Rien

Extrail d'une lettre de la Heye, du 29 juin. n'égale l'activité de M. de Maulde, depuis son arrivce à La Haye; non seulement il a empêché l'explosion d'une fabrication de faux assignats, mais encore il a présenté plusieurs mémoires concernant des ventes d'armes, que des négocian's de Zélande avaient entrepris de fournir, tant aux emigrés qu'aux autres ennemis déclarés de la France; de plus, l'assiduité qu'il apporte à dévoiler les intrigues employees pour entrainer la république dans une guerre étrangère, contribue infiniment à empêcher que les états-généraux ne cedent à toutes les importanités dont on les accable à ce sujet. Cependant il ne faut pas se le dissimuler, les derniers événements arrivés en France vont, à ce qu'il paraît, décider la republique à se joindre à l'Autriche et à la Prusse ; du moins depuis avant-hier le système négatif a perdu considérablement, d'après les relations qui sont arrivées de Paris. En combinant le résultat de toutes ces commotions, on conclut, 1° que les généraux français, ou au moins M. Lafayette, sont décidés à ne rien entreprendre et même à se laisser battre; qu'en conséquence l'Autriche n'a rien à

De Francfort, le 29 juin. Quinze cents hommes du régiment de Hohenlohe et deux compagnies de mineurs autrichiens ont passé par cette ville. Les troupes de Hesse sont rentrées dans les états du Landgrave, qui, dit-on, a réformé 30 hommes par compagnie. On dit que ce prince parait très-mécontent, et que sa plus chère espérance, celle du 9 électorat, est évanouie. L'empereur, le 5 juillet, jour de son élection, se trouvera au château d'Eisenstein, à deux lieues de cette ville. De Fribourg, le 25 juin. Déjà la première colonne autrichienne, qui n'est que de 3609 hommes, au lieu de 7868, est aux portes de Donnechingen. Ses cantonnements s'etendent depuis Huningue jusqu'à Brissach. Les troupes cantonnées depuis Fribourg jusque vers Strasbourg, formeront un camp d'observation vis-à-vis Blobsheim. La seconde colonne, composée de 7 bataillons et 3 divisions, ne sera entièrement arrivée que le 12 juillet. Avec cette seconde colonne, les forces du Brisgaw seront de 8 bataillons d'infanterie et 6 divisions de cavalerie, pour couvrir une éter due de 60 lieues. Le prince de Hohenlohe commande en chef. - Plusieurs régimens de la garnison de Brunn doivent partir pour les frontières de Pologne. L'inté-craindre pour les Pays-Bas; 2o que M. Lafayette, nommérieur du pays sera sans troupes. Celles des Cercles vont oc- ment, s'étant entièremont dévoile par sa lettre écrite à l'Ascuper les gorges de la Forei-Noire. L'armée est travail- semblée, on peut compter sur son appui pour la rintégralee par les maladies, ce qui double le service. — - On va le- tion de la cour dans tout son ancien pouvoir; 3° que le roi ver le camp près de Kaltenherberg. ayant pu résister à la scène du 20, et maintenir son refus, De Liège, le 20 juin. La constante majorité des voix ne mollira plus, et qu'ainsi on peut désormais compter sur pour l'election est en faveur du comte de Méan. On voit ici lui. La juste conséquence en est que l'on peut ouvertement depuis quelques jours M. de Crumpipen, chancelier de Bra- prendre son parti, et que la république ne court aucun risbant. Le gouvernement des Pays-Bas, qui, sans doute, a ses que maintenant à se déclarer pour sa cause, qui paraît deraisons, l'envoie, dit-on, auprés du futur prince, pour parvoir obtenir le triomphe sur tous les efforts de la cause poler de paix, d'accommodement, de conciliation, d'oubli gé-pulaire ou des patriotes, qu'on est enfin parvenu à décrier néral, excepté sur certains griefs, de tout ce qui touche à la révolution. Le chef du chapitre a déja fait ces mêmes propositions. Tous ses membres, excepte ou 8, ont déclaré qu'ils ne voulaient pas entendre parler de conciliation.

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Les petites villes du pays sont pleines d'emigrés français; ils arrêtent sur la route les liegeois qui se rendent

Givet.

sous le nom de factieux et de jacobins. Tel est le sens d'un long discours prononcé aux Etats par le grand pensionnaire, à la suite duquel plusieurs membres, qui votaient contre la guerre, ont changé tout à coup de sentiment; de sorte que l'on s'attend d'un moment à l'autre à voir paraitre la résoàlution d'adhésion au concert des puissances armées contre

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la France.

On a quelque lieu de croire aussi que M. de Maulde est traversé dans ses efforts pour maintenir la paix, par l'homme qu'on a envoyé ici comme secrétaire d'ambas-ade, et qui, ancien serviteur de M. de la Vauguyon, a un intérêt direct au retour de l'autorité despotique du roi. Qu'on ne soit donc point étonné à Paris, si l'on y apprend incessamment que la république des Provinces-Unies a pris parti contre la constitution de France: la seule chance contre cette probabilité est la répugnance que témoigne la cour d'Angleterre à voir la Hollande s'engager dans cette guerre. Milord Auckland est tous les jours occupé à faire des représentations à cet égard, préchant la neutralité; mais il est contre-carré par tous ceux qui tiennent au système prussien, et qui ne sont pas en petit nombre en ce pays; enfin la ville d'Amsterdam est gagnée, et cet évènement est peut-être le plns décisif, puisque la ville d'Amsterdam est celle qui paie le plus, et qui, par son refus,

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