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dans le monde, au lieu de leur accorder une liberté qu'elles ne vous demandent point, vous les réduisez à une véritable captivité. Souvenez-vous de cet homme qui, au sortir de la Bastille où il avait gémi quarante ans, se trouvant isolé dans le monde, sans parents, sans amis, sans connaissances, demanda a retourner dans son cachot. J'appuie le projet du comité, et je demande qu'on réunisse les religieuses au nombre de quarante dans chaque maison.

M. ROUYER: Quoiqu'en ait dit le préopinant, je crois qu'il est de la justice et de l'humanité d'accorder la liberté même à ceux qui ne la veulent pas. La liberté est une pierre d'aimant qui attache aussitôt qu'on la touche. Ce serait un reste d'aristocratie que de tenir renfermées, que de victimer plus long-temps d'innocentes créatures, dont la plupart sont retenues par une fausse honte qu'il faut leur éviter. Les principes d'un gouvernement libre sont de ne renfermer que les fous. Je conclus en demandant que vons laissiez ces pauvres filles jouir des droits de l'homme. (On applaudit.)

M. LECOZ Je connais beaucoup de religieuses à qui leur patriotisme avait occasionné des désagréments. Elles ont demandé leur liberté. A peine étaient-elles dans le monde qu'elles ont regretté leur retraite. Elles sont dans la plus grande misère. Plusieurs d'entr'elles m'ont chargé de solliciter des secours de l'Assemblée. Je demande le renvoi des propositions au comité.

M. HENRYS: Les maisons religieuses sont des bastilles monastiques dont les prêtres réfractaires sont les guichetiers. Un des pères de la révolution, Voltaire, écrivait, en 1763, qu'il était nécessaire d'extirper les moines pour la patrie et pour eux-mêmes. Ce sont des hommes, disait-il, que Circé a changés en pourceaux. Le sage Ulysse doit leur rendre leur forme humaine. (Quelques applaudissements.)

La discussion est fermée.

L'Assemblée renvoie toutes les propositions aux comités des domaines et de l'extraordinaire des finances.

Une députation de citoyens de Soissons et de volontaires du camp de réserve, introduite à la barre, se plaint de manquer d'armes, d'équipements, d'habillements, et de recevoir du pain contraire à leur santé. Ils réclament la prompte sollicitude de l'Assemblée à ce sujet.

Ils sont admis aux honneurs de la séance.

M. TARDIVEAU : La commission extraordinaire est occupée en ce moment d'un rapport relatif au camp. Elle m'a chargé d'engager l'Assemblée à ne pas se séparer avant de l'avoir entendu.

M. Pétion, à la tête d'une députation de la municipalité de Paris, demande que l'Assemblée accorde à cette municipalité, à titre de prêt, une somme de 4,800,000 liv. pour satisfaire aux engagements qu'elle a contractés, afin d'approvisionner la capitale de manière à n'avoir d'inquiétudes ni du grand nombre de fédérés qui auraient pu y arriver, ni des événements qui pourraient nuire la récolte. Invitée aux honneurs de la séance, la députation traverse la salle au milieu des applaudissements des tribunes et d'une partie de l'Assemblée.

La pétition est renvoyée au comité de l'extraordinaire des finances.

Une députation des citoyens de la section du Roi de Sieilę, vient offrir une somme de 4,771 liv. pour la guerre. {On applaudit.)

M. Guadet, au nom de la commission extraordinaire, fait un rapport sur deux pétitions présentées à la séance du matin; l'une par les citoyens fédérés de Marseille, pour se plaindre d'insultes qu'ils ont reçues de quelques grenadiers de Paris, et demander le licenciement de l'état-major de la garde nationale parisienne; l'autre, par cette même garde

nationale, qui dénonce des provocations à elle faite par les fédérés de Marseille, et sollicite leur prompt départ. Le rapporteur annonce que la commission s'est dû borner à ce dernier objet; mais il ajoute qu'elle a pensé qu'il serait dérisoire d'inviter les fédérés de Marseille à se rendre à Soissons, lorsqu'il était plus que probable que rien n'était prêt pour les recevoir. A l'appui de cette conjecture, il lit d'abord une lettre du ministre de la guerre, qui instruit la commission que tous les ordres ont été donnés par son prédécesseur pour mettre en état le camp de réserve; ensuite une lettre de la municipalité de Soissons, qui annonce au contraire qu'il n'y a pour le camp ni tentes, ni armes, ni habits, ni linge, ni même assez de vivres. Il propose en conséquence d'envoyer à Soissons trois commissaires pris dans le sein de l'Assemblée, pour vérifier les faits.

M. LASOURCE: Le vrai siége de la contre-révolution n'est pas seulement dans le cœur des ministres ; il est aussi dans leurs bureaux, il est surtout dans les bureaux de la guerre. Les ministres sont trompés par leurs commis, comme l'Assemblée est trompée par les ministres. Il faut, lorsque les ministres n'auront pas donné promptement les ordres nécessaires à l'exécution d'un décret sanctionné, au lieu de s'en tenir au mot vague de responsabilité, les faire punir de mort. (Les tribunes applaudissent.) Il faut, lorsque les commis n'auront pas exécuté les ordres donnés par les ministres pour l'exécution des décrets sanctionnés, il faut qu'ils soient aussi punis de mort. (Mêmes applaudissements. —L'Assemblée murmure.)

M. GUADET: La commission doit présenter demain un rapport à ce sujet.

M. BERNARD, (de Saintes): Je demande le décret d'accusation contre M. Lajard, ex-ministre de la guerre. (On applaudit.)

Après quelques débats la discussion est fermée.

On demande la question préalable sur le projet de décret proposé par M. Guadet.

La question préalable est rejetée.

M. Roux: Je demande par amendement que pour accélérer le départ des trois commissaires, ils soient choisis par la commission extraordinaire.

Cet amendement est écarté par la question préalable.

M. CAMBON Je propose un autre amendement, c'est que les commissaires soient pris parmi les membres de la municipalité, du district, ou du départe

ment.

L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.

M. Ducos Les nominations doivent se faire comme les décrets, en présence et sous la surveillance du peuple. Je ne crains pas de faire connaître mon choix. Je demande que les trois commissaires soient élus par appel nominal, séance tenante. On réclame la question préalable. La question préalable est rejetée.

On demande qu'ils soient nommés à la majorité absolue des suffrages.

L'Assemblée décide qu'ils seront nommés à la majorité relative.

M. Lacépède, au nom de la commission extraordinaire, propose et l'Assemblée adopte le projet d'adresse suivant:

Acle du corps législatif. ›

L'Assemblée nationale, après avoir entendu sa commission extraordinaire, décrète que le présent acte du corps législatif, ainsi que l'adresse suivante, seront envoyés dans le plus court délai par le pouvoir exécutif, au département et à la municipalité de Paris, pour être publiés, affichés et envoyés à tous les bataillons de la garde nationale de Paris.

L'Assemblée nationale aux gardes nationaux de Paris, et à leurs frères d'armes les gardes nationaux des divers départements du royaume, venus à Paris pour se rendre au comp de Soissons, ou pour se réunir aux armées qui sont sur les frontières.

CITOYENS-SOLDATS,

Les représentants du peuple, dont la vive sollicitude veille sans cesse sur toutes les parties de l'Empire, croient devoir vous annoncer eux-mêmes le danger qui vous menace. Les ennemis de la constitution redoublent leurs efforts pour détruire votre force en la divisant. C'est au nom de la liberté que vous adorez; c'est au nom de la loi à laquelle vous avez juré d'être fidèles, qu'ils osent semer parmi vous de funestes dissensions. Changeant à chaque instant de masque et de langage, saisissant avec art toutes les circonstances, ranimant toutes les préventions, enflammant tous les esprits, ils voudraient de méfiances en méfiances, de divisions en divisions, vous entraîner au crime et vous forcer à tourner vos armes les uns contre les autres. Ils voudraient amener au milieu de vous, l'anarchie et les discordes civiles, ces terribles précurseurs du despotisme; ils voudraient vous livrer sans défense aux puissances liguées contre votre liberté, votre indépendance et votre bonheur.

Citoyens-soldats, voilà le précipice dans lequel on veut vous faire tomber. Les représentants de la nation viennent de vous le montrer, ils ne le redoutent plus pour vous. Votre civisme, votre fidélité, l'intérêt de la patrie, le vôtre, tout les assure qu'avertis des perfidies tramées contre votre propre sûreté, aucune force ne pourra vous vaincre, parce qu'aucune séduction ne pourra vous désunir. (On applaudit.)

On procède à l'appel nominal.

MM. Carnot l'aîné, Gasparin, Lacombe-Saint-Michel, obtiennent la majorité des suffrages.

La séance est levée à minuit et demi.

SÉANCE DU MERCREDI 1er AOUT.

M. Lequinio annonce que les jeunes citoyens de la ville de Lorient, département du Morbihan, viennent de former une compagnie de chasseurs nationaux de cent cinquante hommes : ils demandent que cette compagnie porte le nom de chasseurs nationaux de Lorient. Cette demande est appuyée par un arrêté du directoire du département du Morbihan.

L'Assemblée décrète comme article additionnel au décret du 17 du mois dernier, le principe que chaque commune qui aura formé à elle seule une compagnie de chasseurs nationaux de cent cinquante hommes, sera autorisée à lui faire porter le nom de la commune, et renvoie pour la rédaction au comité militaire.

M. Carez annonce que la commune de Toul, département de la Meurthe, a fourni promptement le contingent de gardes nationaux requis pour se porter dans l'armée du Rhin. M, Gérard, chef de légion, et plusieurs officiers ont déposé leurs épaulettes et se sont inscrits comme volontaires. Une somme de 2,000 livres, recueillie dans les premiers moments, est destinée aux besoins des familles dont les chefs vont défendre les frontières. Cette commune, qui n'a que douze cents citoyens actifs, a fourni six cents hommes pour la défense de la patrie. L'Assemblée nationale décrète mention honorable du zèle et du patriotisme des officiers municipaux et des citoyens de Toul.

Le ministre de la justice adresse à l'Assemblée une proclamation du roi et différentes lettres écrites par les ordres du roi, soit au commissaire près du tribunal criminel, soit à des officiers de police, relatives à l'événement d'une rixe particulière aux Champs-Elysées.

On lit une lettre de l'administration du département de la Corrèze, qui dénonce les retards ou même les omissions qu'éprouve l'envoi des lois, tandis que le pouvoir exécutif s'est empressé de publier avec la plus grande profusion les proclamations nouvelles, les arrêtés inconstitutionnels de quelques directoires, les lettres et pétitions de M. Lafayette et autres productions de ce genre.

On fait lecture d'une lettre du conseil-général du département des Bouches-du-Rhône.

Le danger imminent où se trouvent nos contrées, nous a fait prendre l'arrêté suivant. Nous le soumettons à la sagesse de l'Assemblée nationale, et nous espérons qu'elle voudra bien lui donner son approbation. »

Extrait de la délibération prise le 26 juillet, par les corps administratifs réunis d'Aix et de Marseille.

«Le conseil-général du département, vu la délibération prise, le 23, dans l'assemblée générale des corps administratifs et judiciaires, commandant de bataillons: évêque métropolitain, vice-président de la société de Marseille ; vu les lettres du département des Basses-Alpes et de M. DuboisCrancé, les délibérations du conseil de la commune d'Aix, de l'administration du district, ainsi que les lettres du département de la Drôme et de l'état-major de l'armée du midi à l'Assemblée nationale; considérant que le rassemblement de soixante-dix mille hommes, formé dans les Etats du roi sarde, vers les frontières de nos départements; que les préparatifs de cette armée ne laissent plus de doute sur l'invasion dont nous sommes menacés ; que les avis du département des Basses-Alpes, qui réclame avec instance des secours comme étant le plus exposé, ne permettent plus le moindre délai ; que la ville de Marseille est surtout désignée comme le théâtre du pillage, des meurtres, des incendies; que si, dans un péril aussi imminent, les administrateurs ne prenaient pas tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour prévenir ces malheurs, ils en deviendraient responsables à la nation entière; considérant, d'ailleurs, que l'état délabré des chemins exige de grandes avances, pour que le commerce ni les transports militaires ne soient interrompus, arrête, 1° de faire dans le départe ment des Bouches-du-Rhône une levée de six mille volontaires nationaux, conformément à la loi du 8 de ce mois, pour renforcer l'armée du Midi, et que, pour fournir à leur paiement, les avances seront faites, sur les ordonnances du conseil de département, par les caisses publiques, à l'effet de quoi défenses sont faites à tous caissiers, trésoriers, receveurs de districts, de se dessaisir des revenus qni sont entre leurs mains, sous peine d'en devenir responsables, et ce, conformément au vœu des pouvoirs constitués et administrations réunis de la ville de Marseille; 2o que cet arrêté soit envoyé aux départements voisins pour les inviter à prendre les mêmes mesures, et qu'il sera envoyé au corps législatif et au roi par un courrier extraordinaire. »

M. CAMBON Des arrêtés d'administrations de département, qui arrêteraient le versement des fonds dans les caisses publiques, mettraient véritablement la patrie en danger; il est essentiel que l'Assemblée réprime un pareil abus d'autorité. Si l'Assemblée nationale négligeait le soin urgent de défendre la patrie, le peuple sans doute devrait la sauver luimême mais ici elle a pris d'avance toutes les mesures propres à éloigner les dangers dont nous sommes menacés. Tout est réglé et déterminé, puisque vous avez donné aux généraux la réquisition des gardes nationales sédentaires. Si la mesure prise par le département des Bouches-du-Rhône pouvait être imitée par les autres; il en résulterait le renversement de la monarchie et de la constitution, car bientôt la France serait divisée en quatre-vingt-trois républiques fédératives. Je demande donc que cet arrêté soit improuvé.

La proposition de M. Cambon est appuyée par plusieurs membres. D'autres observent que cet arrêté n'a été pris que sous la réserve de l'approbation du corps législatif.

L'Assemblée renvoie cet arrêté à la commission extraordinaire, pour en être fait un rapport dans le jour.

On lit une adresse du département de la Marne, qui est ainsi conçue :

Législateurs, une lutte violente s'est établie entre le

pouvoir exécutif et les représentants du peuple; quelle sera l'issue de ce combat qui met la chose publique en péril? Si vous connaissez les traîtres, pourquoi ne frappezvous pas leurs têtes coupables? Le pouvoir exécutif a tous les moyens de nuire, vous n'êtes forts que de la confiance publique, aussi ne néglige-t-il rien pour vous la ravir. Des libelles incendiaires sont répandus à pleines mains dans les départements, tous les arrêtés inconstitutionnels qui tendent à désapprouver vos décrets, de nombreux journaux qui ne respirent que la guerre civile, sont gratuitement distribués, et cependant rien de ce qui pourrait contrebalancer l'effet de ce poison ne nous arrive. La plupart des lois ne sont point officiellement connues; par exemple, l'honorable décret que vous avez rendu pour un ministère patriote, et que nous espérions consigner dans nos registres, ne nous est pas encore arrivé ; il en est de même de votre adresse au peuple, de la lettre énergique du vertueux Roland; enfin de tous les discours dont vous ordonnez l'impression et l'envoi dans les départements. Le pouvoir exécutif met une négligence plus coupable encore dans les approvisionnements de l'armée.

Législateurs, reconnaissez enfin les ennemis dont vous étes environnés. Quant à nous, si nous somnies obligés de faire un choix, le parti de nos représentants sera toujours le nôtre.

MM, Cambon et Lacroix ajoutent quelques développements aux chefs d'accusation énoncés dans les adresses des administrations de la Meurthe et de la Corrèze, et demandent que M. Terrier (de Montciel) soit décrété d'accusation.

L'Assemblée ajourne cette proposition, en ordonnant au comité des décrets de vérifier si les pièces dont la non publication est dénoncée, ont été remises au pouvoir exécutif.

Sur la proposition de M. Jean Debry, au nom de lá commission extraordinaire, le décret suivant est rendu :

L'Assemblée nationale, considérant que les officiers et soldats gardes nationales volontaires, et les gardes nationaux sédentaires des différentes communes sont, comme les officiers et les soldats des troupes de ligne, armés en vertu de la loi, pour la défense de la liberté; considérant qu'ils doivent en conséquence, dans le cas où ils seraient pris les armes à la main, être traités suivant les règles établies entre les nations policées à l'égard des prisonniers de guerre; et voulant à la fois veiller à la sûreté des citoyens français, maintenir l'égalité des droits entre les hommes, et ne pas s'écarter des lois sacrées de l'humanité, décrète qu'il y a urgence. »

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. Ier. Tout noble étranger, tout officier, tout général, quel que soit sa dignité ou son titre, qui sera pris les armes à la main contre la nation française, sera traité de la même manière que l'auront été les citoyens français, les officiers ou soldats des bataillons volontaires, les officiers ou soldats des troupes de ligne pris les armes à la main. › II. On suivra envers tous les étrangers pris les armes à la main, les règles établies dans le décret du.....

* III. Dans le cas où les lois ordinaires de la guerre seraient violées par les puissances étrangères, on suivra, à l'égard des soldats des troupes ennemies les règles ordinaires de la guerre. »

M. ROUYER : J'ai annoncé à l'Assemblée, il y a quelques jours, que je lui proposerais un moyen d'avoir, dans trois semaines, cent mille hommes d'infanterie, et douze mille hommes de cavalerie. Je vais vous développer ce que j'ai conçu à cet égard. Vous avez déjà décrété que la moitié des compagnies de grenadiers et de chasseurs des gardes nationales seraient à la réquisition des généraux. Vous avez senti que ces compagnies étant très-bien armées et équipées, et ayant été, depuis la révolution, exercées avec soin, pouvaient opposer, dans très-peu de temps, une masse redoutable aux ennemis qui nous menacent d'une invasion. Le calculs les moins ha

sardés portent à environ deux millions d'hommes le nombre des gardes nationales. Le cinquième à peu près est formé en compagnies de chasseurs et de grenadiers. Ce n'est donc pas exagérer nos ressources que de porter le nombre de ces deux espèces de troupes à quatre cent mille hommes. Sans doute vous ne comprendrez pas dans cette partie les pères de famille qui paient à la patrie un tribut de chaque jour, et qui ne devront marcher à l'ennemi que lorsque le serment de vivre libre ou de mourir, leur imposera la loi de s'eusevelir sous les ruines de la liberté. Mais c'est aux jeunes citoyens qui éprouvent aujourd'hui le besoin de défendre cette même liberté, qu'appartient l'immortel honneur de donner à la France une juste confiance dans leur intrépide fermeté. Ce sont eux qu'il faut appeler particulièrement à la défense de la patrie. Je suppose que dans les compagnies de grenadiers et de chasseurs, les trois quarts de ceux qui les composent soient attachés à leurs pays par des liens de famille, il vous restera tou jours cent mille hommes que vous pourrez opposer à l'ennemi. Je pense qu'ils doivent être employés à la défense de la patrie, non pas sur la réquisition des généraux, mais sur celle du corps législatif. Les généraux peuvent être arrêtés par des méfiances, par des obstacles de tout genre que vous devez prévenir. Jamais les citoyens ne marcheront à la voix d'un seul homme avec la même confiance qu'à celle des représentants du peuple. Vous ne devez pas non plus abandonner entièrement le soin des grandes mesures propres à sauver la patrie, à quelques individus qui pourraient les retarder par ignorance, par négligence, ou enfin par mauvaise foi.

Mais, dira-t-on, pourquoi enlever des bras à l'agriculture, au commerce, tandis que déjà d'autres levées sont ordonnées par l'Assemblée nationale, et s'effectuent avec activité. Je réponds que deux cent mille hommes vont attaquer nos frontières du Nord, soixante-dix mille celles du Midi, et que ces troupes, les meilleures de l'Europe, peuvent encore être augmentées; qu'elles n'ont pas, comme nous, des places fortes à défendre. Ils se réuniront en plusieurs corps d'armées, et alors multipliant leurs mouvements offensifs, menaçant à la fois plusieurs de nos places, ils forceront nos généraux à disséminer nos forces qui, dans leur état actuel, sont évidemment insuffisantes pour la défense de quatre cents lieues de frontières. Voilà nos véritables dangers. Mais on trouve plus commode de crier à la trahison contre le pouvoir exécutif et les généraux.

Un autre inconvénient dont tous les militaires ont reconnu l'importance et le danger, est notre infériorité en cavalerie et en troupes légères. Cependant nous avons en France et parmi les gardes nationales un grand nombre de citoyens qui ont servi dans la cavalerie, et qui sont très-propres à ce service. Quant aux chevaux, nous avons mille quatre cent soixante-dix relais de postes qui peuvent en fournir chacun huit, etc.

M. Rouyer résume ses propositions dans un projet de décret que l'Assemblée renvoie à l'examen du comité militaire.

M. CARNOT le jeune : Je vais vous faire le rapport sur les armes, dont était chargé M. Carnot l'ainé, qui est parti ce matin pour Soissons.

La pénurie des armes à feu a fait naître l'idée de composer en partie nos armées de corps de piquiers et de lamiers qui ont si bien servi dans plusieurs guerres, et dont l'utilité a été reconnue par nos ineilleurs généraux modernes. Votre commission des armes s'est convaincue par la punérie des armes a toujours été exagérée par les ministres, et qu'il y a

dans nos arsenaux, un nombre de fusils suffisant pour armer tous les volontaires nationaux qui marcheront pour la défense de nos frontières. En conséquence, elle ne vous proposera pas de faire entrer des corps de piquiers dans la composition de nos armées. Rien n'est plus dangereux, dans le courant d'une guerre, que les innovations dans la tactique militaire; mais elle vous propose d'armer de piques les citoyens de l'intérieur du royaume qui n'ont pu être armés de fusils. La pique est l'arme de la liberté; c'est la meilleure de toutes entre les mains des Français; elle a l'avantage d'être peu dispendieuse et promptement exécutée.

Nous avons déclaré la patrie en danger; et cependant aucune grande mesure n'a été prise. Un fait qu'on ne saurait aujourd'hui révoquer en doute, c'est que tous les gouvernements qui nous entourent veulent tous notre destruction, c'est que ceux qui conservent encore le ton de l'amitié ne le font que pour nous tromper; c'est qu'enfin nous n'avons plus d'autre politique à suivre que celle d'être les plus forts. Tous les citoyens doivent à l'avenir être armés. I artout où une portion du peuple seulement est constamment armée, l'autre sera bientôt esclave, ou plutôt toutes les deux seront asservies par ceux qui sauront s'emparer du commandement. Il faut, a dit Rousseau, que dans un Etat libre tout citoyen soit soldat par devoir, aucun, par métier. Il faut donc qu'à la paix toutes les troupes de ligne deviennent gardes nationales, et que tous les volontaires nationaux soient chargés tour à tour de la défense des frontières, que chaque bataillon nomme ses officiers parmi ceux qui, dans les fêtes militaires, auront remporté des prix.

M. Carnot lit un projet de décret.

L'Assemblée en adopte la première disposition, conçue à peu près en ces termes :

1° Toutes les municipalités du royaume sont autorisées à faire fabriquer, aux frais du trésor public, des piques du genre de celles connues sous le nom de piques du maréchal de Sare; la longueur de ces piques sera de six à dix pieds, elles devront être fabriquées sous un mois.

M. Carnot fait lecture de la seconde disposition.

2° Il sera distribué de ces piques à tous les citoyens en état de porter les armes qui n'auront pas de fusils. Il n'en sera pas confié aux mendiants, aux vagabonds, et aux personnes notoirement connues pour leur incivisme, entre les mains desquelles ces armes pourraient devenir nuisibles.

M. JOUNEAU : Tous les citoyens sont admis à défendre la patrie; mais c'est en contractant des engagements soit dans la troupe de ligne, soit dans la gendarmerie. L'article II du titre IV de la constitution, porte: « La force publique est composée de l'armée de terre et de mer, de la troupe spécialement destinée au service intérieur, et subsidiairement des citoyens actifs et de leurs enfants en état de porter les armes, inscrits sur le rôle de la garde nationale. Il y a une exception en faveur de ceux qui ont servi dans la garde nationale depuis le commencement de la révolution. Je demande donc la question préalable sur l'article proposé par le comité.

M. LECOINTE-PUYRAVEAUX : L'an 4e de la liberté, on ose jeter de pareilles semences de divisions, et placer encore entre les citoyens des lignes de démarcation. Lorsqu'il faut résister aux ennemis de tous les genres, on s'oppose à la seule mesure efficace pour les arrêter. L'ennemi a envahi votre territoire; on égorge les citoyens, pille les maisons, et Monsieur ne veut pas qu'on mette à l'abri des insultes sa femme et ses enfants. C'est une horreur. Aux voix l'article.

M. LASOURCE: J'ai la parole; mais comme je ne pense pas que personne ose encore soutenir ici que ceux qui ne paient pas une certaine somme doivent se laisser égorger constitutionnellement. Je demande aussi qu'on aille aux

voix.

M. Thuriot lit le dernier paragraphe de la constitution.

« L'Assemblée nationale constituante en remet le dépôt à la fidélité du corps législatif, du roi et des juges, et à la vigilance des pères de famille, aux épouses et aux mères, à l'affection des jeunes citoyens, au courage de tous les Français.

» Les décrets rendus par l'Assemblée nationale constituante, qui ne sont pas compris dans l'acte de constitution, seront exécutés comme lois; et les lois antérieures auxquelles elle n'a pas dérogé, seront également observées, tant que les uns ou les autres n'auront pas été révoqués, ou modifiés par le pouvoir législatif. »

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GAZETTE NATIONALE

N° 216.

De Paris.

OU

LE MONITEUR UNIVERSEL.

Vendredi 3 AOUT 1792. 4. Année de la Liberté.

POLITIQUE.

FRANCE.

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gouvernement légitime; exercé contre la personne sacrée du roi, et contre son auguste famille, des attentats et des violences qui se sont encore perpétuées et renouvelées de jour en jour, ceux qui ont usurpé les rênes de l'administration, ont enfin comblé la mesure, en faisant déclarer une guerre injuste à Sa Majesté l'empereur, et en attaquant ses provinces situées aux Pays-Bas. Quelques-unes des possessions de l'Empire germanique ont été enveloppées dans cette oppression, et plusieurs autres n'ont

Il paraît une espèce de manifeste, sous le nom de M. le duc de Brunswick. C'est, dit-on, l'avant-coureur du manifeste des rois coalisés contre la France. On aura voulu peut-être essayer par là jusqu'où peut aller la patience de la nation française, ou plutôt à quel degré de bassesse on peut se flatter de la réduire. En attendant que dans sa juste colère le peuple français ait brisé ce calice d'oppro-échappé au même danger, qu'en cédant aux me

bre, disons que si cette pièce est en effet sortie de la main de M. le duc de Brunswick, un tel monument d'une hardiesse si coupable survivra dans l'histoire à tout l'éclat d'un nom déjà fait par les armes, et qui pourra même s'accroître encore un moment par nos premières infortunes. Jamais un grand homme ne s'est fait l'instrument d'une faction fût-elle des rois) contre une nation toute entière qui a pour elle la justice, et qui combat pour sa liberté. Le peuple français n'a pour ennemis que des monstres qui depuis trois ans n'aspirent qu'à déchirer le sein de leur propre patrie, et des tyrans qui méditent pour eux seuls la ruine d'une monarchie libre. Pourquoi le nom de M. de Brunswick se trouve-t-il la? Nous n'y voyons (et c'est un mince avantage), qu'un démenti donué d'une manière éclatante à la faction dominatrice qui a eu l'audace d'attribuer aux Amis de la Constitution l'absurde dessein d'appeler M. le duc de Brunswick au trône constitutionnel de France. Attendons d'autres événements, et il en sera de même de toutes les menées des cinq ou six hommes qui, conseillers perfides de Louis XVI, se jouent de la couronne de ce inonarque, ainsi que de la souveraineté nationale.

Un mot encore sur la proclamation de M. le duc de Brunswick. On y retrouve toutes les idées et les expréssions mêmes des deux ministres qui ont si bien dispose l'Europe contre nous. L'anarchie qui régné en France, et les attaques portées au trône et à l'autel, et cette SAINE PARTIE de la nation qu'une faction subjugue; tous ces grands motifs d'envahir le sol français sout transcrits ici avec la plus exacte fidélité. Mais rien ne s'attirera davantage l'indignation des Français dans l'insultante proclamation que le paragraphe qui contient l'ordre aux gardes nationales, aux magistrats, etc., de mainlenir PROVISOIREMENT la tranquillité des villes et des campagnes.... Quelle ignorance ou quelle audace! S'il était un Français capable de rester calme en lisant ce libelle, qu'il se range parmi cette poignée d'hommes que nos anciens ministres et l'étranger, d'après eux, ont appelé la partie saine de la nation, il est indigne de tenir ses serments et de combattre pour la liberté publique. Déclaration du duc de Brunswick aux habitants de la France.

Leurs Majestés l'empereur et le roi de Prusse m'avant confié le commandement des armées combinées qu'ils ont fait rassembler sur les frontières de France, j'ai voulu annoncer aux habitants de ce royaume, les motifs qui ont déterminé les mesures des deux souverains, et les intentions qui les guident.

Après avoir supprimé arbitrairement les droits et les possessions des princes allemands en Alsace et Lorraine, troublé et renversé le bon ordre, et le 2 Série. Tome IV.

naces impérieuses du parti dominant et de ses émissaires.

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Sa Majesté prussienne avec Sa Majesté impériale, par les liens d'une alliance étroite et défensive, et membre prépondérant lui-même du corps germanique, n'a donc pu se dispenser de marcher au secours de son allié et de son co-Etat; et c'est sous ce double rapport qu'il prend la défense de ce monarque et de l'Allemagne.

A ces grands intérêts se joint encore un but également important, et qui tient à cœur aux deux souverains, c'est de faire cesser l'anarchie dans l'intérieur de la France, d'arrêter les attaques portées au trône et à l'autel, dé rétablir le pouvoir légal, de rendre au roi la sûreté et la liberté dont il est privé, et de le mettre en état d'exercer l'autorité légitime qui lui est due.

Convaincu que la partie saine de la nation frånçaise abhorre les excès d'une faction qui la subjugue, et que le plus grand nombre des habitants attend avec impatience le moment du secours pour se déclarer ouvertement contre les entreprises odieuses de leurs oppresseurs, Sa Majesté l'empereur et Sa Majesté le roi de Prusse, les appellent et les invitent à retourner sans délai aux voix de la raison et de la justice, de l'ordre et de la paix. C'est dans ces vues, que moi soussigné, général commandant en chef les deux armées, déclare :

"

10 Qu'entraîné dans la guerre présente par des circonstances irrésistibles, les deux cours alliées ne se proposent d'autre but que le bonheur de la France sans prétendre s'enrichir par des conquêtes.

2o Qu'elles n'entendent point s'immiscer dans le gouvernement intérieur de la France, mais elles veulent uniquement délivrer le roi, la reine et la famille royale de leur captivité, et procurer à Sa Majesté très-chrétienne la sûreté nécessaire pour qu'elle puisse faire sans danger, sans obstacle, les Convocations qu'elle jugera propos, et travailler à assurer le bonheur de ses sujets, suivant ses promesses et autant qu'il dépend d'elle.

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30 Que les armées combinées protégeront les villes, bourgs et villages, et les personnes et les biens de tous ceux qui se soumettront au roi, et qu'elles concourront au rétablissement instantané de l'ordre et de la police dans toute la France.

» 40 Que les gardes nationales sont sommées de veiller provisoirement à la tranquillité des villes et des campagnes, à la sûreté des personnes et des biens de tous les Français, jusqu'à l'arrivée des troupes de Leurs Majestés impériale et royale, ou jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, sous peine d'en être personnellement responsables; qu'au contraire, ceux des gardes nationaux qui auront combattu contre les troupes des deux cours alliées, et qui seront prises les armes à la main, seront trai

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