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GAZETTE NATIONALE

No 183.

OU

LE MONITEUR UNIVERSEL.

Dimanche 1er Juillet 1792.

POLITIQUE. ÉCOSSE.

On mande de Campbell-Town, ville dans le comté d'Argyle, que plus de 500 personnes sont sorties de Kentyre depuis la Pentecôte dernière, pour aller chercher de l'ouvrage dans les manufactures de coton établies à Glascow, Paisley et autres lieux voisins. La petite ile de Canna, l'une des Hébrides occidentales, est absolument déserte; les habitants, au nombre de plus de 400, se sont rendus, à l'aide d'un vaisseau, à Clyde, pour chercher de l'occupation dans le plat pays. Ce sont les bêtes qui chassent les hommes, forcés d'abandonner leurs chétives possessions aux troupeaux de deux particuliers qui ont loué l'ile pour v faire des nourritures de bestiaux.

L'Amérique va s'enrichir aux dépens de l'Écosse d'une grande quantité de famille de Lissmore, de Juray, d'Islay, ele quis'embarquent au nombre de plus de 3,000 personnes. L'Irlande est parfaitemant tranquille en ce moment. PRUSSE.

De Berlin, le 18 juin.-- La pharmacie de campagne, le grand hôpital, la boulangerie, etc, sont en route pour Coblentz. Le comte de Schulembourg, ministre d'état, prendra aussi ce chemin, le 7 du mois prochain. Le roi parira, dit-on, le 10.- On fait toujours passer beaucoup de farine en Hollande, pour l'approvisionnement de l'armée. Le général Schliefen a donné sa démission; il va passer le reste de ses jours dans ses terres de llesse.

PAYS-BAS.

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De Bruxelles, le 24 juin. Les Valaques, ou plutôt ces hommes des bois dont l'aspect sauvage effraie ici tous les enfants, vont se rendre à l'armée; ils sont partis au nombre de 800. Un bataillon du régiment de ligne les remplacera. Cette ville se réjouit d'être délivrée de ces horribles soldats: ils sont accoutumés au pillage et au meurtre. On n'entendait parler que de vols faits publiquement et en plein jour. On n'en a pas puni un seul. D'ailleurs, il eût été au moins inutile de se plaindre. Rien ne transpire des opérations de l'armée, quoiqu'on expédie trés-fréquemment des estafettes.

-

Armée française. - Extrait d'une lettre de Menin, du 27 juin à midi.

Ce matin nos troupes ont attaqué un avant-poste de l'ennemi, entre Haërlebeck et Courtray. Nous avons eu 20 hommes tués ou blessés par des canons chargés à mitrailles.-L'ennemi paraît toujours occupé à rétablir les ponts d'Haërlebeck que nous avons détruits, Jusqu'à présent ses efforts ont été inutiles.

Signé ALEXANDRE BEAUHARNAIS.

P. S. Le général Duchâtelet conserve toute sa gaité au milieu de ses souffrances; il a passé une nuit plus tranquille que les précédentes. La suppuration commence à s'établir. Îl a peu de fièvre. On le transporte à Lille ce soir.

FRANCE.

MUNICIPALITÉ DE PARIS.

se

Citoyens, on veut à quelque prix que ce soit, mer la division parmi vous, et allumer le flambeau de la guerre civile. On cherche à vous agiter, à vous porter à des mouvements désordonnés, pour avoir le prétexte de vous calomnier et l'occasion de verser le sang. Nous sommes instruits qu'on vous prêche de faire tomber les murs du château, comme vous avez fait tomber ceux de la Bastille. Nous sommes instruits que des hommes affreux préparent cette pétition incendiaire; qu'ils la colportent dans les environs des sociétés populaires, pour faire croire qu'elle est l'ouvrage de ces sociétés; qu'ils ont même forcé un citoyen d'y apposer sa signature, et que ce citoyen, pour se soustraire à leur persécution, a donné un nom emprunté.

Certes, vous avez en horreur de pareils excès! Dénoncez les coupables auteurs de ces sanglantes manœuvres ; livrez-les vous-mêmes entre les mains de vos magistrats. Il est bien important de connaître enfin les véritables instigateurs de toutes ces perfidies.

Citoyens, vos magistrats vous recommandent la paix, l'union et la fraternité.

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Les administrateurs au département de police,
PERRON, VIGUier, Sergent, PANIS.

De Paris, le 30 juin.— M. DELAFLOTTE a été présenté hier au roi et à la famille royale, en qualité de résident des villes anséatiques de Hambourg, Lubeck et Bremen.

On apprend de Londres que le ministre d'Angleterre à la porte ottomane a fait passer à la compagnie des Indes des nouvelles de Madras, du 29 février, qui rapportent une action sanglante dans laquelle l'armée du lord Cornwallis a battu complètement les Indiens.

Copie de la lettre qu'on fait circuler dans l'armée du Nord.

a La lecture qui a été faite au 13 régiment de cavalerie, de la proclamation du roi, a saisi ce régiment de la plus vive indignation. Il réitère le serment de sa fidélité à la nation, à la loi et au roi, et de ne jamais agir que d'après lui, et non d'après les insinuations perfides des factieux. Il supplie M. le maréchal de vouloir bien faire connaitre à l'Assemblée législative et au roi les sentiments dont cet attentat l'a pénétré, et son respect pour les autorités constituées. »>

M. Charles Lameth colportait hier cette lettre dans tous les régiments qui sont sous ses ordres, et on la faisait signer par un officier, un sous-officier de chaque grade et un cavalier. Dans le 3o régiment de cavalerie, ci-devant Commissaire - Général, personne n'a voulu la signer, ni officiers, ni autres. On ne l'a pas proposé aux dragons, qui, à coup sûr, ne la signeraient pas. Il n'y avait encore que le 8, le 10 et le 13 régiment de cavalerie parmi lesquels on eût pu trouver quelques signataires ; et cela n'empêche pas que ces régiments ne soient bons patriotes. On s'occupe de faire écrire de pareilles lettres dans l'infanterie. Ces faits viennent de bonne part.

N. B. Comme la conduite de M. Lafayette donne de l'importance à tout ce qui vient de lui, nous croyons devoir insérer cette lettre, que nous avions négligée, et qu'il faut joindre à celle de ce général à l'Assemblée nationale. Lettre de M. Lafayette au roi,

Au camp retranché de Maubeuge, le 16
juin 1792, l'an IV de la liberté.
SIRE,

J'AI l'honneur d'envoyer à votre majesté la copie d'une lettre à l'Assemblée nationale, où elle retrouvera l'expression des sentiments qui ont animé ma vie entière. Le roi sait avec quelle ardeur, avec quelle constance j'ai de tout temps été dévoué à la cause de la liberté, aux principes de l'humanité, de l'égalité, de la justice. Il sait que toujours je fus l'adversaire des factions, l'ennemi de la licence, et que jamais aucune puissance que je pensais être illégi time ne fut reconnue par moi : il connaît mon dévoûment à son autorité constitutionnelle, et mon attachement à sa personne. Voilà, Sire, quelles ont été les bases de ma lettre à l'Assemblée nationale; voilà quelles seront celles de ma conduite envers ma patrie et votre majesté, au milieu des orages que tant de combinaisons hostiles ou factieuses attirent à l'envi sur nous.

Il ne m'appartient pas, Sire, de donner à mes opinions, à mes démarches, une plus haute importance que ne doivent avoir les actes isolés d'un simple citoyen; mais l'expression de mes pensées fut toujours un droit, et, dans cette occasion, devient un devoir; et, quoique je l'eusse rempli plus tôt, si ma voix, au lieu de se faire entendre au milieu d'un camp, avait dû partir du fond de la retraite à laquelle les dangers de ma patrie m'ont arraché, je ne pense point qu'aucune fonction publique, aucune considération personnelle me dispensent d'exercer ce devoir d'un citoyen, ce droit d'un homme libre.

Persistez, Sire, fort de l'autorité que la volonté nationale vous a déléguée, dans la généreuse résolution de défendre les principes constitutionnels contre tous leurs ennemis : que cette résolution, soutenue par tous les actes de votre vie privée, comme par un exercice ferme et complet du pouvoir royal, devienne le gage de l'harmonie qui, surtout dans les moments de crise, ne peut manquer de s'établir entre les représentants élus du peuple et son représentant

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héréditaire. C'est dans cette résolution, Sire, que sont, pour la patrie, pour vous, la gloire et le salut. Là, vous trouverez les amis de la liberté, tous les bons français, rangés autour de votre trône, pour le défendre contre les complots des rebelles et les entreprises des factieux. Et moi, Sire, qui dans leur honorable haine ai trouvé la récompense de ma persévérante opposition, je la mériterai toujours par mon zèle à servir la cause à laquelle ma vie entière est dévouée, et par ma fidélité au serment que j'ai prêté à la nation, à la loi et au roi.

Tels sont, Sire, les sentiments inaltérables dont je joins ici l'hommage à celui de mon respect.

Signe, LAFAYETTE.

Correspondance du ministre de l'intérieur
Roland, avec le général Lafayette.

Première lettre du ministre au général.

osent encore parler d'honneur Ce nom magique, avec lequel on éblouissait la tourbe imbécille, et qui ne signi fiait ordinairement qu'une illusion mise à la place de la vertu, est employé dans le même instant où ces hommes passent à l'ennemi, avec les gratifications reçues pour leur équipage, et même en emportant le prêt de leurs soldats. Voilà les lâches

Il auront un même sort avec ceux qu'emporte la vengeance de l'orgueil irrité, ou la séduction d'aveugles préjugés vainement révoltés contre la majorité d'une nation qui sera maîtresse, par cela seul qu'elle veut l'être; indifférents à la personne du roi, qu'ils n'envisagent que comme un moyen de servir et de consacrer leur intérêt particulier, ils périront dans leurs efforts, ou s'éteindront dans le mépris.

Pour quiconque veut calculer froidement nos donneés politiques, indépendamment de toute opinion personnelle, il est évident que la révolution s'achevera, c'est-à-dire, que la constitution sera maintenue. Des altérations passagères ne s'opéreraient que par le sang, et seraient bientôt effacées par lui. Oui, lors même que les Allemands auraient pénétré en France, lors même qu'établis dans Paris, ils auraient égorgé la moitié de la nation, l'autre moitié finirait par les anéantir. Il n'y a plus de lâcheté chez le peuple dans lequel les idées de justice, de liberté, d'égalité se sont une fois répandues: elles fermentent dans les esprits, elles élèvent les ames; celui qui a pu les concevoir, ne les abandonne jamais; il les réalise, ou il meurt. Le peuple et les soldats que l'on calomnie, ne veulent que la jouissance des droits qui leur sont reconnus par la constitution; ils feront tout pour les défendre, et ils en assureront le triomphe. C'est ce qui fait la force et la joie des hommes en place dévoués à la constitution; dussent-ils périr pour elle, ils savent que leur sang meme servirait à la cimenter.

Paris, le 23 mai 1792, l'an ve de la liberté. Je sais, Monsieur, que la partie du ministère dont je suis chargé ne me met point dans le cas de correspondre officiellement avec vous; aussi n'est-ce point ainsi que j'ai l'honneur de vous écrire. Mais je crois devoir vous rendre compte d'une conversation que j'ai ene avec deux officiers de votre armée; car, il importe également à ceux qui servent la chose publique, et de connaitre les personnes qu'ils emploient, et de juger des effets de leurs discours. MM. Lacolombe et Berthier se sont présentés chez moi, hier, se disant venir de la part M. le ministre de la guerre, pour conférer sur le choix des bataillons qu'on pourrait retirer des environs de Paris, et dont il était besoin d'augmenter votre armée. J'ai répondu que M. le ministre de la guerre avait fait sans doute, à cet égard, des dispositions que je ne traverserais point, mais que vous aviez déjà, Monsieur, des forces de l'usage desquelles on devait beaucoup espérer. Cette proposition parut étonner assez ces Messieurs, pour que je dusse la justifier. J'observai donc qu'à la tête de 64 mille hommes, dont environ la moitié était répartie dans les places qu'elle servait à conserver, Lafayette saurait, avec l'autre moitié, faire voir ce qu'on doit attendre des défenseurs de la liberté; que, d'ailleurs, cette armée pouvait se concerter avec celle du Nord, et qu'enfin, nos forces sur la frontière présentaient environ 100 mille hommes armés, auxquels les ennemis ne pouvaient en opposer actuellement plus de 40 mille. Ces Messieurs répartirent que la supériorité du nombre ne saurait être trop grande; que « les soldats étaient des >> lâches; que les gens qui disent tant qu'ils verseraient, » pour la liberté, jusqu'à la dernière goutte de leur sang, » ne voudraient seulement pas en répandre la première. » Je l'avouerai, Monsieur, et la chose et le ton dont elle fut prononcée me causèrent autant d'indignation que de surprise. Je manifestai l'une et l'autre avec la franchise qui est également dans mes principes et dans mon caractère. Cette propositien, dis-je à ces Messieurs, est aussi fausse en général, à l'égard de la nation qu'elle outrage, qu'elle l'est par rapport aux soldats en commun, auxquels vous en faites une application immédiate. L'échec de Mons (que ces Messieurs voulurent citer en preuve) n'est point un échec militaire, mais l'effet évident d'une odi-pondance avec tous les départements. euse machination. Les lâches ne sont point les soldats qui, depuis le commencement de la révolution, n'ont cessé de montrer leur zèle, malgré les persécutions dont ils ont été les victimes; insultes, mauvais traitements, cartouches jaunes, supplices, tout a été employé contre eux, pour les détacher de la cause dont ils sont les défenseurs, et qu'ils feront triompher. Les laches ne sont point les soldats qui, désespérés de l'erreur de quelques-uns d'entre eux, bralent de la réparer, de voler à l'ennemi, et ferons bientôt leurs preuves, si les généraux, renonçant à une défensive qui nous mine et nous tue, profitent de leurs avantages avant que la réunion des troupes étrangères nous oppose des forces supérieures. Vous parlez des fréquents exemples d'insubordination; où en est donc la cause? Dans l'incivisme des officiers, dans la méfiance qu'il doit faire naitre. Voilà l'unique source des irrégularités, des fautes dont on fait des reproches si amers, et de la rareté desquelles ont peut encore s'étonner. Les laches sont les officiers eux-mêmes, indignes d'avoir une patrie qu'ils trahissent, déserteurs odieux, ou démissionnaires infidèles, ayant joui dans la paix de leur traitement, de leurs avantages, mais abandonnant leur poste en face de l'ennemi. Dans quelle nation fut-il jamais permis de quitter ainsi l'armée, au moment de l'action, sans encourir l'infamie et mériter une éclatante punition? Ils

MM. Lacolombe et Berthier me parurent étonnés de ce langage, et se retirérent avec quelque embarras. J'ignore s'ils étaient venus pour me connaître; car j'ai appris de M. le ministre de la guerre qu'ils ne m'avaient point éte adressés par lui, quoiqu'ils se fussent annoncés de sa part. Ils m'auront vu tout entier: rien n'est si facile; je n'ai jamais rien à cacher, rien à quoi je ne puisse et ne veuille donner la plus grande publicité, même au récit de cette conversation, dont je pourrais seulement retrancher le nom de ces Messieurs, vis-à-vis de tout autre que de leur général. Au reste, eux-mêmes se sont exprimés chez moi en présence d'un témoin; j'ai du croire que des officiers qui accusaient hautement de lâcheté les soldats, devant moi qu'ils n'avaient jamais vu et devant une personne qu'ils ne connaissaient point, ne se gênaient pas pour tenir dans Paris le même langage. Je vous laisse à juger, Monsieur, de l'effet qu'il doit produire, et combien il doit étonner de la part de vos agents.

C'est à cause de cela même que je me suis senti obligé présumé d'ailleurs que, si vous étiez porté à vous former de vous exposer ce qui s'était passé entre eux et moi. J'ai une idée de l'opinion publique sur le témoignage de ces Messieurs, il était juste que je misse le mien en opposition; il est fondé sur les lumières que me procure ma corres

Partout la masse du peuple est saine, excellente; partout elle veut la constitution, de cette volonté que suit l'effet parce que l'on est prêt à l'accompagner des plus grands sacrifices.

Je dois le dire, Monsieur, parce que je le vois ainsi, les souplesses, l'astuce, les promesses, les menaces de ravage et de mort, tous ces moyens par lesquels on cherche à soulever le peuple contre l'ordre actuel des choses, ne lui présentent plus que l'envie des deux chambres à l'Assemblée nationale, et la faculté par elles de ressusciter la noblesse. Or, cette chimère demeurera toujours chimère; on ne compose point avec liberté dès qu'on l'à connue toute entière.

Si les premiers événements de la guerre sont ce que nous donnent droit d'éspérer et nos forces et nos généraux, la victoire n'est pas très-éloignée, et nous jouirons par elle des fruits de la paix ; s'ils ne sont pas heureux, nous nous formerons toujours de plus en plus à la défense de la liberté, mais nous l'acheterons, pour nos enfants, de tout ce qu'il faudra d'épreuves et de courage.

Le ministre de l'intérieur, ROLAND. Lettre de l'aide-de-camp Lacolombe, au ministre

Roland.

Au camp de Rançennes, le 30 mai 1792.
Ex arrivant ici, Monsieur, j'apprends avec indignation

le compte infidèle que vous ayez rendu au général Lafayette de ma conversation avec vous. Je n'ai que le temps de démentir hautement l'indigne calomnie que vous me prétez contre les soldats français avec lesquels j'ai déjà partagé l'honneur de combattre et de vaincre. Le mot de lache, que j'ai prononcé en votre présence, était l'expression de mon mépris pour les hommes qui ont fui au lieu de combattre sous les ordres du général Biron.

Signé, LACOLOMER. Deuxième lettre du ministre, au général Lafayette. Paris, le 5 juin 1792, l'an IV de la liberté. J'AI l'honneur, Monsieur, de vous faire passer copie d'une lettre que je reçois de M. Lacolombe. Je m'abstiens de la qualifier; et je me dois de n'y pas répondre. C'est à vous de la juger et de faire justice à son auteur. Je sais ce qu'on doit laisser aux soins d'un homme en place qui apprécie les choses, et qui connait les convenances; je ne manquerai pas plus aux procédés qu'à la raison: mais j'ai | droit de m'étonner que ce soit de M. Lacolombe que je reçoive une lettre, tandis que c'est à vous, Monsieur, que j'ai eu l'honneur d'écrire; et pourquoi ? Pour vous prévenir des propos étranges que se permettaient ici vos agents, et du mauvais effet qu'ils produisaient. Quel intérêt avais-je à relever ces propos auprès de vous? Aucun. Je n'avais nulle espèce de relation avec ceux qui les avaient tenus; je n'éprouvais que la surprise de l'inconsidération avec laquelle ils étaient venus les répéter devant moi; et je la leur avais assez exprimée en personne, pour me dispenser de la manifester autrement: mais, aimant à croire à la pûreté de vos vues, , j'ai senti que je devais, au général, sur lequel repose une partie de nos forces et de la confiance de notre armée, l'exposé de faits qui tendaient le compromettre. Votre silence, Monsieur, répond mal aux egards que je vous ai témoignés. La lettre de M. Lacolombe m'autoriserait à vous demander si vous avez pensé pouvoir ajouter plus de foi au déni de la personne inculpée, qu'à l'exposé de l'homme impartial qui avait la générosité de vous prévenir; mais le sentiment de ce que je suis m'interdit la comparaison; et l'opinion que je me plais à conserver de ce que vous êtes m'encourage à repousser

encore le doute.

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a dit que ma lettre du 16 à l'Assemblée nationale n'était pas de moi; on m'a reproché de l'avoir écrite au milieu du camp: je devais peut être, pour l'avouer, me présenter seul, et sortir de cet honorable rempart que l'affection des troupes formait autour de moi.

Une raison plus puissante m'a forcé, Messieurs, à me rendre auprès de vous. Les violences commises le 20 aux Tuileries ont excité l'indignation et les alarmes de tous les bons citoyens, et particulièrement de l'armée. Dans celle que je commande, où les officiers, sous-officiers et soldats ne font qu'un, j'ai reçu, des différents corps, des adresses pleines de leur amour pour la constitution, de leur respect pour les autorités qu'elle a établies, et de leur patriotique haine contre les factieux de tous les partis. J'ai cru devoir arrêter sur le champ les adresses, par l'ordre que je dépose sur le bureau. Vous y verrez que j'ai pris, avec mes braves compagnons d'armes, l'engagement d'exprimer seul nos sentiments communs; et le second ordre que je joins également ici, les a confirmés dans cette attente. En arrêtant l'expression de leur vau je ne puis qu'approuver les motifs qui les animent. Plusieurs d'entre eux se demandent si c'est vraiment la cause de la liberté et de la constitution qu'ils défendent.

Messieurs, c'est comme citoyen que j'ai l'honneur ds vous parler; mais l'opinion que j'exprime est celle de tous les Français qui aiment leur pays, sa liberté, son repos, les lois qu'il s'est données, et je ne crains pas d'être désavoué par aucun d'eux. Il est temps de garantir la constitution des atteintes qu'on s'efforce de lui porter, d'assurer la liberté de l'Assemblée nationale, celle du roi, son indépendance, sa dignité; il est temps enfin de tromper les espérances des mauvais citoyens, qui n'attendent que des étrangers le rétablissement de ce qu'ils appellent la tranquillité publique, et qui ne serait, pour des hommes libres, qu'un honteux et intolérable esclavage.

Je supplie l'Assemblée nationale:

Au reste, Monsieur, je ne vous ai parlé que du propos tenu chez moi, et je puis citer pour témoin l'homme respectable qui était present, et dont nul homme de bien ne revoquerait le témoignage; mais j'ajoute aujourd'hui que des propos du même genre ont été tenus partout par 1° D'ordonner que les instigateurs et les chefs des M. Lacolombe; que partout ils ont causé le même scandale, au point que l'opinion publique faisait un tort au ministre violences commises le 20 juin, aux Tuileries, soient de la guerre de ne pas renvoyer plas promptement à l'ar- poursuivis et punis comme criminels de lèze-nation; mée M. Lacolombe; c'est ce que M. Servan m autorise à 2° De détruire une secte qui envahit la souveraivous dire, Monsieur, parce qu'il le sait aussi bien que moi.neté nationale, tyrannise les citoyens, et dont les déJ'observerai de plus qu'ayant communiqué au roi, dans bats publics ne laissent aucun doute sur l'atrocité de son conseil, la lettre que je vous avais adressée, ce n'est ceux qui la dirigent; plus moi seul qui attend son effet, et qui juge ce qu'il doit étre. Je ne me suis abstenu de la faire imprimer, que par cet amour et ce respect pour la tranquillité publique qui me font redouter, jusqu'au scrupule, la plus légère cause d'altération. Je ne doute pas, Monsieur, que votre propre cause ne soit tellement liés à tout ce qui intéresse cette tranquillité, que vous ne trouviez, dans mes ménagements pour elle, une part dont vous vous applaudissez. Je n'ai pas besoin de répéter qu'avec la franchise de mes principes et de mon caractère, on n'a jamais rien à faire pour soi, et qu'on finit par tout dire quand la justice que fait toujours la publicité est devenue nécessaire.

Le ministre de l'intérieur, ROLAND.
(La suite à demain ).

RULLETIN

DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

PREMIÈRE LÉGISLATURE. Présidence de M. Girardin. DISCOURS DE M. LAFAYETTE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE, PRONONCÉ DANS LA SÉANCE DU 28. Je dois d'abord, Messieurs, vous assurer que, d'après les dispositions concertées entre M. le maré chal Luckner et moi, ma présence ici ne compromet aucunement ni le succès de nos armes, ni la sûreté de l'armée que je commande.

Voici maintenant les motifs qui m'amènent. On

3oJ'ose enfin vous supplier, en mon nom et au nom de tous les honnétes gens du royaume, de prendre des mesures efficaces pour faire respecter toutes les autorités constituées, particulièrement la vôtre et celle du roi, et de donner à l'armée l'assurance que la constitution ne recevra aucune atteinte dans l'intérieur, tandis que de braves Français prodiguent leur sang pour la défendre aux frontières.

Ordre général de l'armée. Au camp retranché de Maubeuge, ce 25 juin, l'an IV de la liberté.

Le général de l'armée a reçu hier au soir et ce matin des adresses où les différents corps de toutes les armes expriment leur devoùment à la constitution, leur attachement pour elle, leur zèle à combattre les ennemis du dehors et les factieux du dedans.

Le général reconnaît, dans ces démarches, le patriotisme pur et inébranlable d'une armée qui, ayant juré de maintenir les principes de la déclaration des droits, de l'acte constitutionnel, est disposée à les défendre envers et contre tous; il est profondément touché de l'amitié et de la confiance que les troupes lui témoignent, et sent combien les derniers désordres que des perturbateurs ont excités dans la capitale doivent indigner tous les vrais amis de la liberté, tous ceux qui, dans le roi des français, reconnaissent un la constitution et nécessaire às défense. pouvoir établi par Mais en même temps que le général partage les sentiments

de l'armée, il craindrait que les démarches collectives d'une force essentiellement obéissante, que les offres énergiques des troupes particulièrement destinées à la défense des frontières ne fussent traitreusement interprétées par nos ennemis cachés ou publics. Il suffit, quant à présent, à l'Assemblée nationale, au roi, et à toutes les autorités constituées, d'ètre convaincus des sentiments constitutionnels des troupes; il doit suffire aux troupes de compter sur le patriotisme, sur la loyauté de leurs frères d'armes de la garde nationale parisienne, qui saura triompher de tous les obstacles, de toutes les trahisons dont on l'environne. Quelque soigneux que soit le général, d'éviter pour l'armée jusqu'à la moindre apparence d'un reproche, il lui promet que, dans toutes les démarches pers nnelles qui pourront contribuer au succès de notre cause et au maintien de la constitution, il bravera seul, avec constance et avec dévoûment, toutes les calomnies comme tous les dangers. Ordre du 26 au soir.

Le général a cru devoir mettre des bornes à l'expression des sentiments de l'armée, qui ne sont qu'un témoignage de plus de son devoument à la constitution, de son respect pour les autorités constituées; mais dont la manifestation collective, ou trop vivement prononcée, aurait pu donner des armes à la malveillance.

Mais plus le général d'armée a été sévère sur les principes qui conviennent à la force armée d'un peuple libre, et par conséquent soumis aux lois, plus il se croit personnellement obligé à dire, en sa qualité de citoyen, tout ce que les troupes sentent en commun avec lui.

C'est pour remplir ces devoirs envers la patrie, ses braves compagnons d'armes et lui-même, qu'après avoir pris, d'après ses conventions avec M. le maréchal Luckner, les mesures qui mettent l'armée à l'abri de toute atteinte, il va, dans une course rapide, exprimer à l'Assemblée et au roi les sentiments de tout bon français, et demander en méme temps qu'on pourvoie aux differents besoins des troupes.

Le général ordonne le maintien de la plus exacte diseipline, et espère, à son retour, ne recevoir que des comptes satisfaisans.

M. Dhangest, maréchal de camp, prendra le commandement.

Le général d'armée répète que son intention et son vœu sont de revenir ici sur le champ.

Lettre du maréchal Luckner au roi. Au quartier-général, à Menin, le 28 juin. SIRE, appelé par le choix de votre majesté au commandement d'une des armées françaises, comme au grade le plus éminent, et honoré de plusieurs témoignages éclatans de confiance que l'Assemblée nationale m'a donnés au nom de la nation, qui a daigné ne pas les désavouer, je consacrais tous mes moments et tous mes efforts à mériter un sort aussi flatteur pour un étranger. Cette disposition particulière, mon inviolable attachement pour la France, et ma vieille habitude militaire, qui me rend encore plus étranger à toutes les questions politiques, mon caractère, mon devoir, tout contribuait à absorber mon temps et mon attention dans les soins du service.

Je ne connaissais que la constitution, ouvrage d'un peuple libre; j'ai fait le serment de la défendre. J'étais uniquement occupé de rétablir la discipline, de perfectionner l'instruction, d'assurer nos premiers pas dans le pays ennemi. Déjà même ils avaient été heureux, quoiqu'un succes plus complet ne puisse s'appuyer que sur des promesses qui sont indépendantes de moi, et elles ne se sont pas réalisées; déjà meme je pouvais me flatter de quelques progrès et de beaucoup de zèle dans mon armée, lorsque d'affligeantes nouvelles sont venues me soustraire à mes occupations.

Un grand trouble, que je n'ose caractériser, a régné dans la capitale et jusque dans votre palais. Tous les citoyens de l'empire en ont été instruits par une proclamation où chaque sentiment exprime un nouveau titre à la reconnaissance. Je l'ai fait sur le champ distribuer à toute mon armée; je connais trop bien les officiers et soldats que je commande, pour douter qu'ils ne partagent la vive émotion que j'ai éprouvée, mon indignation contre les factieux, mon respect pour votre impassible courage; et je me trouve heureux d'être en ce moment l'interprète de mes braves compagnons d'armes, en ayant l'honneur de vous envoyer cette lettre

Tous ont vu avec admiration que jamais votre majesté n'avait montre une contenance plus encourageante pour les vrais amis de la liberté et de la constitution, et plus impo

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sante pour ses ennemis. Que votre Majesté, forte de notre confiance et de ses intentions, continue à déjouer les complots; qu'elle soit sûre que, par une semblable conduite, elle ne peut manquer de donner toute confiance aux uns, et d'oter toute espérance aux autres.

Je me joins, pour l'en supplier, à un autre généra!, qui a aequis le droit de faire entendre sa voix, toutes les fois qu'il s'agit de la liberté et du succès d'une révolution à laquelle il a si utilement coopéré.

Je ne croirai j'amais compromettre l'intérêt de mon armée, lorsque je dirai, avec ma franchise ordinaire, qu'elle doit ressentir une funeste influence là où le chef suprême que la constitution nous a donné ne serait pas respecté partout comme il mérite de l'étre; lorsque j'ajouterai que notre activité extérieure serait nécessairement entravée par des troubles interieurs, qui viennent affliger les bons citoyens, désunir les volontés, inquiéter le courage et la bonne foi.

Telle est la déclaration franche que j'ai l'honneur d'adresser à votre majesté, avec l'hommage de mon respect. Je prie le roi d'ordonner à son ministre de se rendre en cette occasion l'interprète de mes seutiments auprès de l'Assemblée nationale.

Signé, le maréchal de France, général de l'armée,

LUCKNER. Nous avons demandé à M. le maréchal Luckner la permission de signer la lettre qu'il a l'honneur de vous adresser, et de nous associer à tous les sentiments qu'elle exprime. Signé, tous les aides-de-camp du maréchal Luckner. SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU VENDREDI AU SOIR. M. Aubert Dubayet occupe le fauteuil.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre par laquelle M. Duprat, maire d'Avignon, et les officiers municipaux de cette ville, réfutent comme calomnieux le rapport fait par les commissaires civils au ministre de l'intérieur, et répété par celui-ci à l'Assemblée nationale. Ils déclarent qu'il est faux que la tranquillité ait été troublée dans leurs murs.

Cette lettre est renvoyée au comité chargé de l'affaire d'Avignon.

On lit un arrêté des administrateurs du département du Pas-de-Calais, par lequel ils témoignent qu'ils ont appris avec horreur ce qui s'est passé dans le palais du roi, le 20 de ce mois, et déclarent que, fidèles à leur serment, ils maintiendront jusqu'au dernier soupir la constitution; qu'ils regarderont comme traitres à la patrie tous ceux qui y proposeraient des changements autres que par les formes voulues par la constitution, et même ceux qui, d'après ces formes, proposeraient des changements attentatoires à l'égalité, à la liberté, aux droits de l'homme. (On applaudit.

L'Assemblée renvoie cet arrêté à la commission extraor

dinaire.

On fait lecture d'une adresse individuelle des citoyens actifs de la ville de Rouen.

LEGISLATEURS,

La patrie est en danger. Des scélérats trament sa perte : c'est contre eux que nous élevons la voix.

Nous ne vous ferons point entendre les accents de la flatterie; c'est le langage des esclaves. Hommes libres, nous vous dirons la vérité; vous êtes dignes de l'entendre, vous êtes les représentants du peuple français.

Nous avons voulu une constitution qui fixât les devoirs et les droits du peuple et du monarque: il fallait alors déraciner des préjugés, détruire des habitudes, anéantir des abus. Une révolution était nécessaire, et les français l'ont faite. Mais actuellement que la constitution est établie, que le dépôt en est confié à la fidélité du corps législatif, comme à l'attachement de tous les citoyens, il ne faut pour la maintenir que du courage et de la sagesse.

Fiers de ce dépôt, nous en avons juré le maintien: législateurs, vous l'avez juré comme nous. Nous tiendrons nos serments; vous tiendrez aussi les vôtres.

Que la joie insultante de nos ennemis ne soit donc plus provoquée par l'accueil qu'on vous a vu faire aux perfides conseils d'un faux patriotisme, dont les agents soudoyés s'efforcent de vous faire perdre la ligne de la constitution!

Qu'ils ne puissent plus fonder d'espérance sur les dissentions qui existent entre les deux pouvoirs garants de notre liberté, et sur celles qui déchirent le sein même du corps législatif.

Qu'il ne soit plus permis de détourner votre attention des vraies causes de nos troubles, pour l'arrêter sur des complots chimériques ou de vaines déclamations, dont le

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