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Edit; mais il n'en faut pas induire qu'il ait en cela apporté quelque dérogation aux principes posés dans la Déclaration.

D'abord il n'aurait pas pu, de sa seule autorité, déroger, soit à cette Déclaration en elle-même dans ce qui tient à la foi, ni à son Edit, qui, par l'enregistrement au parlement de Paris, avait reçu le caractère de loi du royaume; car il est de principe que, pour détruire un acte, il faut la même puissance que pour le fonder. Secundum naturam est quæque eodem modo dissolvi quo colligata sunt. Loi 35, Dig., de Reg. Jur.

Ensuite il est très-constant, en point de fait, que Louis XIV n'a jamais rien dit ni écrit qui ait pu porter la moindre atteinte aux principes posés par la Déclaration de

4682.

Si la cour de Rome a voulu induire autre chose des termes de la lettre écrite par Louis XIV à Innocent XII, le 14 septembre 1693, elle a eu de bonnes occasions de se désabuser sur ce point.

Pour en être convaincu, il suffit de lire les instructions que le monarque français adressa le 7 juillet 1743 au cardinal de La Trémoille, chargé de ses affaires à Rome. Dans cette lettre (qui se trouve rapportée dans les Mémoires de d'Aguesseau, tome XIII de ses OŒuvres, pages 424), Louis XIV, parlant des maximes de l'Eglise de France, consacrées par la Déclaration, dit en propres termes : « Le pape Innocent XII ne me demanda pas de les abandonner, lorsque je terminai avec lui les différends commencés sous le pontificat d'Innocent XI: il savait que cette demande serait inutile ; » - et M. de La Trémoille est chargé de le répéter au pape, le roi pensant qu'on ne peut lui en parler avec trop de force.

Une lettre de Louis XV adressée au pape Clément XIII, à l'occasion d'une ordonnance de M. de Fitz-James, évêque de Soissons, censurée par l'inquisition, prouve évidemment que le roi ne jugeait pas que la lettre écrite par Louis XIV à Innocent XII, en 1693, eût porté atteinte a l'édit de 1682. « Je meltrai toujours, dit le roi dans cette lettre, ainsi que les rois mes prédécesseurs, au rang de mes devoirs les plus stricts, de maintenir dans son intégrité la doctrine tenue et enseignée de tout temps par les évêques et les écoles de mon royaume. Les maximes qui résultent de cette doctrine, et qui n'en sont que le précis, réunissent le double caractère de lois civiles et religieuses de mon Etat. J'ai si fort à cœur de les faire observer, que je regarderai comme infidèle à son roi et à sa patrie quiconque en France osera y porter la moindre atteinte. »

Ainsi la doctrine de la Déclaration n'a été abandonnée ni par le clergé ni par le roi. J'ajoute qu'elle a été retenue par l'école.

En effet, cette doctrine se trouvait déjà en substance dans la déclaration faite, dès l'année 1663, par la Faculté de théologie; et c'est ce qui fait dire à Bossuet, qu'indépendamment même de la déclaration du clergé, les principes qu'elle consacre n'en seraient pas moins constants 1. D'ailleurs ils sont inhérents à l'essence même de la souveraineté.

La déclaration de 1682 a été enregistrée à la Sorbonne et dans la Faculté de droit canon 2.

Elle y a été constamment enseignée 3.

Et c'est pour servir de base à cet enseignement que Louis-Ellies Dupin, savant docteur de Sorbonne, publia, en 4707, son célèbre TRAITÉ DE L'AUTORITÉ ECCLÉSIASTIQUE ET DE LA PUISSANCE TEMPORELLE, conformément à la déclaration du clergé de France, en 1682, à l'Edit de Louis XIV, même année, et à l'arrét du Conseil du 24 mai 4766; - à l'usage de ceux qui enseignent et qui étudient dans les universités, dans les colléges et dans les séminaires de l'Eglise gallicane. « Excellent livre, dont on ne peut trop >> recommander la lecture, » dit l'auteur de l'Essai historique sur les Libertés de l'Eglise 1.

Abeat ergo declaratio quò libuerit; manet inconcussa et censuræ omnis expers prisca illa Sententia Parisiensium. (DISSERT. prævia Declarat. cleri gallicani, cap. X.) C'est pour cela que j'ai rapporté le texte entier de cette déclaration, page 104.

2 DUPIN, Hist. du XVIIe siècle, p. 340.

3 Une déclaration de Louis XVI, du 7 juin 1777, confirme l'obligation imposée aux ecclésiastiques de maintenir et professer les libertés de l'Eglise gallicane, et notamment les quatre articles de la Déclaration de 1682.

C'est pour cela qu'au lieu de me borner à indiquer l'ouvrage par son titre, j'ai donné (page 122 et suiv.) une analyse suivie de la doctrine développée par l'auteur 2.

La loi organique rendue à la suite du concordat de 4804 a renouvelé la disposition de l'édit de Louis XIV sur l'enseignement des quatre articles; et c'est peut-être ce qui a donné le plus d'humeur à la cour de Rome contre cette loi. Peut-être aussi faut-il attribuer à ce renouvellement de la défense la tentative que l'auteur du Mémorial de Sainte-Hélène atteste avoir été faite par le pape Pie VII auprès de Napoléon pour en avoir une rétractation, que celui-ci n'était pas plus disposé à lui donner que Louis XIV.

Aussi voit-on qu'en 1840 il a fait de nouveau promulguer la Déclaration de 1682 comme loi générale de l'empire, et qu'il l'a fait insérer dans le Bulletin des lois.

En 1811, cette déclaration a encore reçu une confirmation solennelle. Le 8 janvier, l'archevêque de Paris introduisit auprès du chef de l'État le chapitre de la métropole, qui avait demandé à lui presenter une adresse.

Seconde édition, chap. V, p. 117.

2 Louis-Ellies Dupin était ami de Bossuet et de Rollin. Le célèbre recteur de l'Université fit son épitaphe, où il lui rend ce témoignage qu'il n'oublia jamais que les injures. En voici le texte :

HIC JACET

LUDOVICUS ELLIES DUPIN,

SACRE THEOLOGIE PARISIENSIS DOCTOR,
VERITATIS CULTOR ET INDAGATOR NON OTIOSUS,

VETERA ECCLESIE MONUMEΝΤΑ

INDEFESSO LABORE ILLUSTRAVIT;

REGNI JURA

ET ECCLESIÆ GALLICANÆ LIBERTATES

ACRYTER ET NON MINUS QUAM ERUDITÈ PROPUGNAVIT.

IMMENSE IN OMNI GENERE LECTIONIS ET DOCTRINE

LAUDE CONSPICUUS;

IDEMQUE ANIMO MITI AC MODESTO,

NIHIL, IN OMNI VITA, VISUS EST OBLIVISCI,
PRÆTER INJURIAS.

ECCLESIE MUNITUS SACRAMENTIS,
OBIIT SEXTO JUNII, ANNO R. S. H.
M. DCC, XIX., ETATIS VERO LXII.

C'était M. Jalabert, vicaire-général, qui portait la parole. Après avoir protesté de son respect, de sa fidélité, de son dévouement, de son amour, il ajouta ces paroles, que les journaux de l'époque ont recueillies :

« Nous déclarons unanimement et solennellement que nous sommes tous réunis par une adhésion pleine et entière à la doctrine ainsi qu'à l'exercice des libertés de l'Eglise gallicane, dont l'Université de Paris, l'une des plus belles restaurations de votre génie, a toujours été la plus zélée dépositaire, et dont l'immortel évêque de Meaux, notre oracle, sera toujours regardé comme le plus sage et le plus invincible défenseur; qu'invariablement fidèles à notre éducation et à nos engagements, nous soutiendrons jusqu'à la mort les quatre propositions du clergé de France proclamées dans l'assemblée à jamais mémorable de 1682, telles que le grand Bossuet, suffragant de cette métropole, les a rédigées, développées et justifiées avec cette mesure qui est la véritable force de la raison, en prouvant que depuis plusieurs siècles elles avaient été librement enseignées dans l'Église catholique.

>> Nous ne nous séparerons dans aucun temps de ce noble enseignement héréditaire dans l'Eglise de France, dont la doctrine canonique, selon le langage de saint Louis dans la pragmatique sanction, langage consacré par le même Bossuet à l'ouverture des séances de 1682, n'est autre chose que l'ancien droit commun et la puissance des ordinaires, suivant les conciles généraux et les institutions des saints pères. »

Cette adresse, lue par M. Jalabert, était signée Coriolis, chanoine-secrétaire.

Depuis le rétablissement de la Faculté de Théologie, la déclaration a toujours été rappelée dans toutes les thèses 1;

Une thèse soutenue devant cette nouvelle faculté, le 11 décembre 1823, contenait l'énonciation suivante: "Anno 1682, Declarationem de ecclesiasticâ potestate edidit clerus gallicanus, quam ad sedis apostolicæ auctoritatem labefactandam editam non fuisse declarant satis et Bossuetii de unitate Ecclesiæ disertissima oratio, et constans erga romanos

et c'est en présence même de Bossuet, dont la statue orne la salle des exercices de l'ancienne Sorbonne, que les candidats doivent argumenter.

Des actes encore récents attestent que le gouvernement royal ne permettrait pas impunément que l'on pût déconseiller en ce point la juste exécution des lois.

Et la Cour royale de Paris, par l'arrêt à jamais célèbre qu'elle a rendu le 3 décembre 1825, en rappelant que la Déclaration de 1682 a toujours été reconnue et proclamée loi de l'Etat, a suffisamment annoncé qu'elle ne laisserait pas impunies les infractions qui y seraient apportées, toutes les fois qu'il lui appartiendrait de les réprimer.

J'ai rapporté toutes ces autorités à la suite de la déclaration.

§ 6. Concordat de l'an IX et loi du 18 germinal an X, contenant les articles organiques.

Malgré les critiques de quelques esprits intraitables qui veulent toujours voir dans les affaires, non le possible, mais l'absolu, il restera éternellement vrai de dire que le Concordat de 1804 fut un grand bien pour la religion catholique et pour l'État. Je fais abstraction de tous les préjugés particuliers, je ne vois que la chose, et je dis hautement: Ce concordat, qui rétablit la religion parmi nous, fait honneur au pape Pie VII de vénérable mémoire, et ce sera toujours un des plus beaux titres de gloire pour l'homme qui présidait alors aux destinées de la France. L'Église avait voulu que son royaume fût de ce monde, et les révolutions de ce monde atteignirent cruellement ses

pontifices gallicanorum episcoporum reverentia et obedientia. » - Mais est-ce donc là toute la question? Sans doute Bossuet et les autres évêques français ont fait constamment preuve de révérence et soumission pour le saint-siége; sans doute encore la Déclaration n'a pas été donnée pour diminuer la véritable puissance du saint-siége; mais toujours est-il vrai qu'elle a eu pour objet de la renfermer dans de justes bornes. Sous ce point de vue, on peut aller plus loin que la thèse, et dire non-seulement que la déclaration n'a pas été portée ad labefactandam Sedis Apostolicæ auctoritatem, mais qu'elle a été donnée ad firmandam istam auctoritatem, puisque l'autorité légitime n'est jamais plus forte que dans ses propres limites.

Voyez notamment l'ordonnance du 10 janvier 1824.

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