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gallicane toujours fidèle dans l'union inviolable qu'elle a conservée avec le saint-siége; en même temps qu'il évite toutes les expressions qui pourraient blesser les tendres oreilles des Romains, il montre aussi que cette Eglise n'a pas cessé d'être ferme et constante dans le maintien de ses maximes et de ses droits. Il rappelle l'exemple de saint Louis, « qui publia une pragmatique pour maintenir dans son royaume le droit commun et la puissance des ordinaires, selon les conciles généraux et les institutions des saints pères. >>

« Qu'on ne nous demande plus, ajoute-t-il, ce que c'est que les libertés de l'Eglise gallicane? Les voilà toutes dans ces précieuses paroles de l'ordonnance de saint Louis; nous n'en voulons jamais connaître d'autres.... Ce n'est pas diminuer la plénitude de la puissance apostolique. L'Océan même a ses bornes dans sa plénitude; et, s'il les outrepassait sans mesure aucune, sa plénitude serait un déluge qui ravagerait tout l'univers. Mais conservons ces fortes maximes de nos pères, que l'Eglise gallicane a trouvées dans la tradition de l'Eglise universelle. >>>

On voit dans ce discours les sentiments, les pensées et les vues que Bossuet se proposait de faire adopter par l'assemblée. CONSERVER L'UNITÉ, telle a été sa plus forte, sa grande pensée, celle qui domine dans tous ses écrits, et qui semble avoir été l'œuvre de sa vie entière: maintenir avec fermeté les véritables libertés de l'Eglise gallicane; consacrer dans la forme la plus authentique l'indépendance de la puissance temporelle, et réprimer les esprits inquiets qui ne cherchaient qu'à enflammer les passions et à perpétuer la division, telle était la noble et religieuse ambition de Bossuet.

Il ne voulait pas que l'assemblée travaillât pour un jour, mais pour les siècles. « Puissent nos résolutions, s'écriait-il, être telles qu'elles soient dignes de nos pères, et dignes d'être adoptées par nos descendants, dignes enfin d'être comptées parmi les actes authentiques de l'Eglise, et insérées avec honneur dans ces registres immortels où sont, compris les décrets qui regardent non-seulement la vie

présente, mais encore la vie future et l'éternité tout entière! >>>

L'affaire de la régale fut bientôt terminée à la satisfaction commune du roi et de l'assemblée 1. Le pape refusa néanmoins d'y donner son approbation, et rendit par là d'autant plus nécessaire de fixer enfin les principes par une Déclaration sur la puissance ecclésiastique.

Bossuet fut chargé d'en rédiger les articles.

Qu'on lise cette Déclaration2, on y retrouve Bossuet tout entier. On lui doit d'y avoir apporté autant de modération dans les termes que de fermeté dans les maximes.

Cette déclaration fut adoptée à l'unanimité. L'assemblée crut devoir l'adresser (avec une lettre circulaire que rédigea Gilbert de Choiseul, évêque de Tournai) à tous les évêques de France, pour leur demander leur approbation et leur adhésion aux quatre articles.

La Déclaration fut homologuée par le parlement le 23 mars 1682, en même temps que l'édit du roi qui prescrit d'enseigner la doctrine contenue dans cette Déclaration. Cette injonction a été réitérée par l'arrêt du Conseil du 24 mai 4766, dans lequel S. M. veut que les maximes consacrées par la Déclaration « soient invariablement ob>> servées en tous ses Etats, et soutenues dans toutes les >> universités, et par tous les ordres, séminaires et corps >> enseignants. »

Après tant de précautions prises pour ne point offenser le pape, on pouvait se flatter de l'espoir qu'il saurait adhérer aux principes de la Déclaration. On voit, dans les lettres de Bossuet, que ce prélat insistait sur cette adhésión, dans l'intérêt même du saint-siége. S'attachant à l'article relatif à l'indépendance de la temporalité des rois, il écrivait à Rome à M. Dirois 3: « Il ne faut que condamner cet article pour achever de tout perdre. Quelle espérance peut-on avoir jamais de ramener les princes du Nord et de convertir les infidèles, s'ils ne peuvent se faire catholiques sans se donner un maître qui puisse les déposséder quand il lui plaira? Cependant je vois, par votre lettre et par toutes les précédentes, que c'est sur quoi Rome s'émeut le plus... On m'a dit que l'inquisition avait condamné le sens favorable à cette indépendance!... On perdra tout par ces hauteurs. Dieu veuille donner des bornes à ces excès! Ce n'est pas par ces moyens qu'on rétablira l'autorité du saint-siége, etc. »

Voyez l'édit de janvier 1682.

2 Voyez page 104.

3 Tome XXXVII des Œuvres de Bossuet, p. 272.

Les instances furent inutiles. Innocent XI n'approuva point la Déclaration, mais du moins il ne la censura pas. « Il se borna, dit M. de Bausset, à encourager et à récompenser, avec plus de générosité que de jugement, les nombreux écrivains qui se dévouèrent à combattre l'assemblée de 1682. »

Ces écrits firent en général assez peu de sensation '; mais, dans le nombre, on doit remarquer celui que RocaBERTI, ancien général de l'ordre de Saint-Dominique, archevêque de Valence, grand-inquisiteur d'Espagne, publia, en 4694, à Valence, en 3 vol. in-fol., sous ce titre : De Romani Pontificis auctoritate.

On eût peut-être laissé cet ouvrage dans l'oubli où semblait le condamner son énorme format. Mais à côté de ce livre marchaient les approbations les plus emphatiques; et le vaniteux Rocaberti avait fait imprimer en tête deux brefs d'Innocent XI, qui exaltait « la diligence, l'étude, >> l'affection, le zèle, l'érudition et l'esprit que l'auteur avait >> employés à l'avantage de l'Eglise. >>>

Bossuet eut la patience de lire cet ouvrage, et il présenta au roi un Mémoire qui contenait le résultat de cet examen, et qui est un modèle parfait d'analyse 2.

En voici le précis :

Rocaberti traite les Français comme hérétiques sur l'infaillibilité du pape. - Il traite d'impie, hérétique et schismatique la doctrine de l'indépendance des rois dans leur temporel, et cite à ce sujet le décret de l'inquisition de Tolède : « Comme si la France, dit Bossuet, était obligée à reconnaître l'autorité de l'inquisition de Tolède ! » - Les approbateurs de l'ouvrage de Rocaberti calomnient les libertés de l'Eglise gallicane, qu'ils qualifient de priviléges, ajoutant que tous ceux dont elle a joui ne procèdent que de la grâce du pape et de sa parole révocable; « sans songer, dit encore Bossuet, qu'une très-grande partie de ces libertés est fondée sur des concordats exprès entre le pape et le saint-siége, et les rois et le royaume de France. » Bossuet relève ensuite d'autres outrages contre la France, et plusieurs manquements de respect envers le roi; et il ne peut s'empêcher de remarquer que M. le grand-inquisiteur s'est montré plus Espagnol que chrétien. -En conséquence, Bossuet, en gardant d'ailleurs tous les ménagements vis-àvis le saint-père, propose au roi de déférer le livre au parlement, et d'en faire défendre le débit. Ce qui fut effectivement ordonné par arrêt du 20 décembre 1695.

L'auteur de l'Essai historique sur les Libertés de l'Eglise a consacré un chapitre exprès à l'exposé des attaques dirigées par divers écrivains contre la Déclaration de 1682.

2 Ce Mémoire est à la fin du tome XXXIII des Œuvres de Bossuet, p. 662 et suiv. J'en recommande spécialement la lecture à ceux qui sont chargés de poursuivre les délits de la presse.

Bossuet ne s'en tint pas là: il sentit qu'il était temps de dérouler aux yeux du monde chrétien les preuves qui appuyaient la doctrine de la Déclaration de 1682, et de faire taire ses contradicteurs. Il les confondit par l'admirable ouvrage auquel il avait travaillé depuis long-temps, et qu'il publia seulement alors sous le titre de Défense de la Déclaration du Clergé de France; ouvrage que l'on doit regarder comme l'un des monuments les plus imposants de la prodigieuse érudition de son auteur et de son dévouement à la gloire de l'Eglise gallicane et aux vrais intérêts de la catholicité.

Il y démontre, avec la dernière évidence, que la doctrine de l'Eglise gallicane, renfermée dans les quatre articles, n'est que la doctrine même de l'Ecriture et de la tradition, et que, loin d'affaiblir et de diminuer la primauté et l'autorité du souverain pontife et du saint-siége, elle lui rend toute sa force, tout son éclat et son ancienne majesté, en écartant les prérogatives odieuses et fausses dont l'ignorance et la flatterie se sont efforcées, dans les derniers temps, de la charger et de l'obscurcir.

b.

Les ultramontains ont prétendu que le clergé de France, et même Louis XIV, avaient abjuré la doctrine contenue dans cette immortelle Déclaration. C'est une erreur.

Il est très-vrai qu'Innocent XI, dont l'exemple en cela fut suivi par Alexandre VIII, son successeur, ayant refusé d'accorder des bulles aux évêques nommés qui avaient été membres de l'assemblée de 1682, on entama des négociations qui se continuèrent jusque sous Innocent XII. Dans le désir de se réconcilier avec le saint-siége, les évêques écrivirent au pape des lettres pleines de cette soumission qu'ils ne lui ont jamais déniée; mais ils n'ont répudié ni leur propre ouvrage, ni les doctrines de l'Eglise gallicane '.

Et Louis XIV, ce monarque si soumis dans les choses de foi, mais si fier dans le juste maintien des droits de sa couronne, aurait-il donc désavoué le clergé français, dont il avait demandé l'appui? Ceux qui aiment à représenter ce grand roi agenouillé aux pieds de madame de Maintenon, et subjugué par un jésuite devenu son confesseur, ont cherché à accréditer cette idée; mais que l'on consulte d'Aguesseau, et l'on saura que, loin de se montrer à ce point différent de soi-même, Louis XIV, au contraire, refusa avec fermeté tout ce qui pouvait avoir l'APPARENCE d'une rétractation.

Ce fut même à cause de ce refus, qu'il n'avait pu vaincre, qu'Alexandre VIII, en cela trop fidèle émule de son prédécesseur, déclara casser les délibérations et résolutions de l'assemblée de 1682, par une bulle en date du 4 août 1690, qu'il n'osa néanmoins publier que le 30 janvier 1691, veille de sa mort.

C'est ainsi qu'en partant je vous fais mes adieux.

Louis XIV, par amour pour la paix, et lorsqu'il n'en coutait rien à son autorité, a pu se montrer disposé à se relâcher un peu de la sévère exécution de son propre

Ce fait est amplement démontré par Louis-Ellies Dupin, Histoire du XVIIe siècte, p. 722. Il est également expliqué dans ce même sens par Bossuet, dans le chap. X de la Dissertation préliminaire de sa fense de la declaration du clergé.

2 Tome XIII de ses Œuvres, p. 418.

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