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Avec clause satisfactoire.] Il est constant qu'autrefois les officiaux excommuniaient les débiteurs lorsqu'ils ne satisfaisaient pas leurs créanciers à jour préfixe. Et quoique les canonistes crussent qu'il n'était pas permis de se soumettre par convention à la peine d'encourir les censures d'Église, néanmoins le mauvais usage l'avait emporté sur la raison; de manière que les notaires apostoliques, qui recevaient toutes sortes de contrats et d'obligations entre personnes séculières et pour choses profanes, dans le désir qu'ils avaient de favoriser, autant qu'il était en eux, la juridiction ecclésiastique, n'oubliaient jamais d'insérer dans leurs actes la clause: « Et si le débiteur ne paye pas aussitôt après le premier commandement qui lui en sera fait, il se soumet à la sentence d'excommunication qui sera encourue à défaut de payement: ET NISI debitor satisfecerit statim post denuntiationem, sententiæ excommunicationis se summittet, eam incursurus, nisi solverit. » Aussi Le Maistre fait-il remarquer, dans son Traité de l'abus, qu'un monitoire expédié en cour ecclésiastique avec la clause de NISI était abusif.

Pardevant l'ordinaire.] Cet article suppose l'existence des tribunaux ecclésiastiques que la loi ne reconnaît plus (loi du 18 germinal an X, art. 10). Les fidèles ne sont justiciables de l'autorité ecclésiastique qu'au tribunal de la pénitence, pour les affaires de leur conscience, et, pour le reste, devant les tribunaux ordinaires institués par la loi. - Mais, une simple monition, pour obtenir une révélation d'un crime ou dělit, ou amener les coupables à résipiscence, n'a rien de dangereux pour l'ordre public, et peut avoir souvent un résultat avantageux.

XXXVI.

De l'absolution à cautèle.

Pendant l'appel comme d'abus de l'octroy ou publication d'une monition, la cour du roy peut ordonner que, sans prejudice du droit des parties, le benefice d'absolution à caute'e sera imparty à l'appelant, soit clerc ou lay; et qu'à ce faire et souffrir l'evesque sera contraint, mesme par saisie de son temporel, et son vicegerent par toutes voyes deuës et raisonnables.

La cour du roy.] Les excommunications peuvent engendrer l'appel comme d'abus devant la juridiction séculière, pour empêcher l'effet extérieur de ces sortes de censures. Moins redoutées aujourd'hui, elles sont aussi bien moins fréquentes qu'autrefois. Il faut se reporter aux temps anciens pour se faire une idée du triste état d'un еxсоттиnié! Comme ces excommunications pouvaient être injustes, il fallait bien que les sujets qui s'en prétendaient victimes pussent recourir à la cour du roi, pour y chercher la protection qu'il doit à ses sujets contre toute espèce de violence et d'oppression; et pour premier secours, on avait introduit les absolutions à cautèle, sorte de provisoire qui, en prévenant tout scandale, donnait à l'excommunié la liberté de pourvoir à la défense de son droit,

XXXVII.

Liberté individuelle est à l'abri de l'inquisition. Un inquisiteur de la foy n'a capture ou arrest en ce royaume, sinon par l'ayde et authorité du bras seculier.

Un inquisiteur.] Nos libertés vont plus loin aujourd'hui que du temps du P. Pithou. Il ne s'agit pas seulement des libertés de l'Eglise gallicane, mais des libertés de tous les Français. Or, d'une part, « leur liberté individuelle est garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. » (Charte, art. 4.) D'autre part, la loi, bien loin d'autoriser l'inquisition ou de donner capture ou arrét en ce royaume pour cause d'hérésie, dit au contraire : « Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection >> (Charte, art. 5). Voilà le droit public des Français! (Voyez l'Histoire de l'inquisition par le savant et malheureux Llorente, et l'abrégé in-18 qu'en a donné M. Gallois.)

XXXVIII.

Droit du roy sur ses officiers clercs.

Le roy peut justicier ses officiers clercs, pour quelque faute que ce soit, commise en l'exercice de leurs charges, nonobstant le privilege de clericature.

Privilége de cléricature. Ce privilége n'existe plus. (Voyez la note dernière sur l'article XVI et les articles du Code pénal qui y sont cités; voyez aussi la note sur l'article XXXIII.)

ΧΧΧΙΧ.

Les étrangers ne peuvent tenir bénéfice en
France.

Nul, de quelque qualité qu'il soit, ne peut tenir aucun benefice, soit en tiltre ou à ferme, en ce royaume, s'il n'en est natif, ou s'il n'a lettres de naturalité ou de dispense expresse du roy à ceste fin, et que ses lettres ayent esté verifiées où il appartient.

S'il n'en est natif.] « Aucun étranger ne pourra être employé dans les fonctions du ministère ecclésiastique sans la permission du gouvernement » (loi du 18 germinal an X, art. 32). Mais cette permission pourrait-elle être accordée à un étranger pour posséder un évêché? Non; l'article 16 de la même loi portant que « l'on ne pourra être nommé évêque, si l'on n'est originaire Français. » D'où il semble résulter que des lettres même de naturalisation ne suffiraient pas pour rendre apte à posséder un évêché. << Eh! qu'on ne regrette pas cette exclusion donnée aux étrangers qui, comme le dit Dupuy, ignorent les droits du pays où ils n'ont pas été élevés, insinuent aux peuples et les mœurs et les coutumes étrangères, et n'ont pas l'affection telle que les naturels! Aussi, ajoute-t-il, tous les princes sont soigneux de l'observer. >>>

Lettres de naturalité.] Charles VIII en avait trop accordé; Louis XII les révoqua toutes par son ordonnance de l'an 1499. L'ordonnance de Blois porte (art. 4) qu'aucun ne pourra être pourvu d'évêchés, ni d'abbayes de chefd'ordre, soit par mort, résignation ou autrement, qu'il ne soit originaire français, nonobstant quelque dispense ou clause dérogatoire qu'il puisse obtenir. Malgré cette sage disposition, Charles VIII a trouvé plus d'imitateurs que Louis XII.

Quant aux bénéfices dont il est question dans cet article, il n'était pas dans le vœu de la loi du 18 germinal an X de rétablir ces sinécures ecclésiastiques, à en juger du moins par la disposition des articles suivants. - Art. 6. « Les archevêques et évèques pourront, avec l'autorisation du gouvernement, établir dans leur diocèse des chapitres cathédraux et des séminaires. Tous autres établissements ecclésiastiques sont supprimés. » - Art. 73. « Les fondations qui ont pour objet l'entretien des ministres et l'exercice du culte ne pourront consister qu'en rentes constituées sur l'État; elles seront acceptées par l'évêque diocésain, et ne pourront être exécutées qu'avec l'autorisation du gouvernement. » Art. 74. « Les immeubles autres que les édifices destinés au logement et les jardins attenants ne pourront être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte, à raison de leurs fonctions. >>>

Depuis, à la vérité, d'autres lois ont permis au clergé d'accepter des donations et legs de biens immeubles, et n'ont pas renouvelé la défense d'attacher ces immeubles à des titres quelconques: ainsi, avec le temps, il y aura des bénéfices!

Alors, tous les articles de nos libertés qui avaient pour objet de mettre la collation des bénéfices à l'abri des entreprises de la cour de Rome, retrouveront leur équitable et utile application.

Nota. Voyez pour l'ancienne législation l'édit de Charles VII, publié le 10 mars 1431, l'ordonnance de Louis XIII de l'an 1499, celle de François 1o de 1525, l'article 4 de l'ordonnance de Blois et une ordonnance du 1er mars 1683.

XL.

Le concile universel est au-dessus du pape.

De la seconde maxime dépend ce que l'Église gallicane a tousjours tenu, que combien que, par la reigle ecclesiastique, ou (comme dit saint Cyrille escrivant au pape Celestin) par l'ancienne coustume de toutes les Eglises, les conciles generaux ne se doivent assembler ni tenir sans le pape, clave non errante, recogneu pour chef et premier de toute l'Eglise militante, et pere commun de tous chrestiens, et qu'il ne s'y doive rien conclure ny arrester sans luy et sans son authorité : toutesfois il n'est estimé estre par dessus le concile universel, mais tenu aux decrets et arrests d'iceluy, comme aux commandemens de l'Eglise, espouse de notre Seigneur Jésus-Christ, laquelle est principalement representée par telle assemblée.

Seconde maxime. ] Tous les articles qui précèdent sont une suite de la PREMIÈRE, touchant l'indépendance de nos rois et de leur gouvernement dans tout ce qui est du ressort de la puissance temporelle. La SECONDE maxime, posée dans l'art. 40, domine tous ceux qui vont suivre, et consacre la doctrine de l'Église gallicane sur l'autorité du concile universel. (Voyez tout le chapitre XII des Preuves.)

Concile universel.] Ultimum Ecclesiæ judicium generale Concilium.

Le gouvernement de l'Église n'est pas un gouvernement despotique ni absolu: c'est un gouvernement constitutionnel et représentatif. Il a sa charte, qui est l'Évangile; son chef monarchique, qui est le pape; ses états-généraux, qui sont les conciles œcuméniques, autrement dits universels; ses précédents, qui sont attestés par la tradition; et une loi électorale, dont anciennement le premier article était: Vox populi, vox Dei.

Le clergé de France a été jusqu'à dire la république chrétienne 1: non par esprit d'insubordination à l'égard du saint-siége, dont il n'a cessé de reconnaître la prééminence; mais pour exprimer que le gouvernement de l'Eglise n'avait rien d'absolu, et qu'il avait pour base l'intérêt commun de la chrétienté. (Voyez la note Ire sur les articles V et VI.)

M. l'évêque d'Hermopolis s'exprime ainsi sur le même sujet : « Les ultramontains, dit-il, portant plus loin que nous la puissance du chef, en font un monarque absolu. Quant à nous, nous ne regardons point le pape comme l'unique législateur dans la société chrétienne : nous n'en faisons pas le principe unique de toute juridiction; nous pensons que les évêques participent avec lui à la puissance suprême dans les choses de la religion, et sont appelés, quoiqu'avec une autorité moindre, à juger, à gouverner comme lui. Ainsi le saint-siége est pour nous le centre

Lettre de l'assemblée du clergé de France aux autres prélats,

du 19 mars 1682.

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