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>> Les protestants français n'ont point de chef, mais ils ont des ministres et des pasteurs; ils ont une discipline qui n'est pas la même dans les diverses confessions. On a demandé les instructions convenables, et, d'après ces instructions, les articles organiques des diverses confessions protestantes ont été réglés.

>> Toutes ces opérations ne pouvaient être matière à projet de loi; car s'il appartient aux lois d'admettre ou de rejeter les divers cultes, les divers cultes ont par euxmêmes une existence qu'ils ne peuvent tenir des lois, et dont l'origine n'est pas réputée prendre sa source dans des volontés humaines.

>> En second lieu, la loi est définie par la Constitution un acte de la volonté générale; or ce caractère-là ne saurait convenir à des institutions qui sont nécessairement particulières à ceux qui les adoptent par conviction et par conscience. La liberté des cultes est le bienfait de la loi; mais la nature, l'enseignement et la discipline de chaque culte sont des faits qui ne s'établissent pas par la loi, et qui ont leur sanctuaire dans le retranchement impénétrable de la liberté du cœur.

>> La convention avec le pape et les articles organiques de cette convention participent à la nature des traités diplomatiques, c'est-a-dire à la nature d'un véritable contrat. Ce que nous disons de la convention avec le pape s'applique aux articles organiques des cultes protestants, On ne peut voir en tout cela l'expression de la volonté souveraine et nationale; on n'y voit au contraire que l'expres sion et la déclaration particulière de ce que croient et de ce que pratiquent ceux qui appartiennent aux différents cultes.

>> Telles sont les considérations majeures qui ont déterminé la forme dans laquelle le gouvernement vous présente, citoyens législateurs, les divers actes relatifs à l'exercice des différents cultes dont la liberté est solennellement garantie par nos lois; et ces mêmes considérations déterminent l'espèce de sanction que ces actes comportent.

>> C'est à vous, citoyens législateurs, qu'il appartient de consacrer l'important résultat qui va devenir l'objet d'un de vos décrets les plus solennels.

>>>> Les institutions religieuses sont du petit nombre de celles qui ont l'influence la plus sensible et la plus continue sur l'existence morale d'un peuple; ce serait trahir la confiance nationale que de négliger ces institutions : toute la France rélame à grands cris l'exécution sérieuse des lois concernant la liberté des cultes.

>>> Par les articles organiques des cultes on apaise tous les troubles, on termine toutes les incertitudes, on console le malheur, on comprime la malveillance, on rallie tous les cœurs, on subjugue les consciences mêmes, en réconciliant pour ainsi dire la révolution avec le ciel.

>> La patrie n'est point un être abstrait : dans un État aussi étendu que la France, dans un Etat où il existe tant de peuples divers sous des climats différents, la patrie ne serait pas plus sensible pour chaque individu que ne peut l'être le monde si on ne nous attachait à elle par des objets capables de la rendre présente à notre esprit, à notre imagination, à nos sens, à nos affections; la patrie n'est quel que chose de réel qu'autant qu'elle se compose de toutes les institutions qui peuvent nous la rendre chère. Il faut que les citoyens l'aiment; mais pour cela il faut qu'ils puissent croire en être aimés. Si la partie protége la propriété, le citoyen lui sera attaché comme à sa propriété même.

>> On sera forcé de convenir que, par la nature des choses, les institutions religieuses sont celles qui unissent, qui rapprochent davantage les hommes; celles qui nous sont le plus habituellement présentes dans toutes les situations de la vie; celles qui parlent le plus au cœur; celles qui nous consolent le plus efficacement de toutes les inégalités de la fortune, et qui seules peuvent nous rendre supportables les dangers et les injustices inséparables de l'état de société; enfin celles qui, en offrant des douceurs aux malheureux et en laissant une issue au repentir du criminel, méritent le mieux d'être regardées comme les compagnes secourables de notre faiblesse.

» Quel intérêt n'a donc pas la patrie à protéger la religion, puisque c'est surtout par la religion que tant d'hommes destinés à porter le poids du jour et de la chaleur peuvent s'attacher à la patrie!

>> Citoyens législateurs, tous les vrais amis de la liberté vous béniront de vous être élevés aux grandes maximes que l'expérience des siècles a consacrées, et qui ont constamment assuré le bonheur des nations et la véritable force des empires. »

LOI

RELATIVE A L'ORGANISATION DU CULTE.

Du 18 germinal an X (8 avril 1802).

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, BONAPARTE, premier consul, PROCLAME loi de l'Etat le Décret suivant, rendu par le Corps législatif le 18 germinal an X, conformément à la proposition faite par le gouvernement le 15 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.

DÉCRET.

La convention passée à Paris, le 26 messidor an IX, entre le pape et le gouvernement français, et dont les ratifications ont été échangées à Paris le 23 fructidor an IX [10 septembre 1801], ensemble les articles organiques de ladite convention....., dont la teneur suit, seront promulgués et exécutés comme des lois de l'Etat.

Le mot ensemble, qui est dans cet article, indique que le concordat et la loi sont indivisibles: l'une est la condition de l'autre.

CONVENTION

Entre le gouvernement français et Sa Sainteté PIE VII. Le gouvernement de la république française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français.

Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls de la république.

En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit.

ART. Mer. La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France: son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.

Ce droit de règlement a toujours fait partie de notre droit public. Il est rappelé dans l'article X des Libertés.

2. Il sera fait par le saint-siége, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français.

De concert.] L'Église primitive a toujours cru que, pour le bon ordre et l'avantage de la société, il convenait de régler les démarcations territoriales ecclésiastiques sur celles du gouvernement politique. En conséquence, le concile œcuménique de Chalcédoine (canon 17) statua que, pour le spirituel, les paroisses de campagne dépendraient des villes épiscopales dans le ressort desquelles elles étaient placées pour l'administration civile.

Le territoire n'est pas de droit divin; le cardinal d'Auvergne, abbé de Clugny, l'a très-hien prouvé dans son mémoire contre l'évêque de Mâcon. Le dogme est immuable; les bornes des diocèses ne le sont pas. Toutes les fois qu'il y a conquête et démembrement dans les états, il y a uécessité de faire de nouvelles démarcations de territoire pour faire cadrer les circonscriptions ecclésiastiques avec les nouvelles frontières politiques. Il pent aussi surgir de trèsbonnes raisons administratives pour modifier, dans l'intérieur d'un même Etat, les ressorts primitivement établis.

Dans les premiers siècles, si l'autorité civile n'intervenait pas, il suffisait, pour la formation d'un nouveau diocèse, qu'il y eût concert du métropolitain et des évêques de la métropole: on n'invoquait pas l'autorité du pape. Quand saint Augustin voulut ériger un siége à Sassale, il n'envoya pas à Rome; il ne s'adressa qu'au primat de Numidie; et si le pape en entendit parler, ce ne fut qu'à l'occasion des fautes personnelles de l'évêque Antoine. Mais il ne se plaignit point que l'érection de cet évéché eût été fajte sans sa participation, Saint Remi n'eut pas non plus recours an pape pour ériger le siége de Laon; mais il le fit, dit Hinemar, de l'autorité des conciles, c'est-à-dire du canon ci-dessus indiqué, et qui dispose en ces termes: Si quæ civitas potestate imperiali novata est, aut protinus innovetur, civiles dispositiones et publicas ecclesiarum quoque parochialium ordines subsequantur.

L'autorité civile, si elle jugeait à propos d'intervenir, exerçait alors sans conteste ce droit de délimitation des diocèses et paroisses que, depuis, les fausses décrétales ont prétendu transporter au pape. Le fait suivant suffira comme exemple entre un grand nombre d'autres qu'on pourrait citer. L'empereur Valens, par des motifs assez peu raisonnables, s'était décidé à diviser la Cappadoce en deux provinces: il voulait surtont mortifier saint Basile, qui était évêque de Césarée et métropolitain de la Cappadoce entière. La ville de Tyane devint alors simultanément la capitale civile et la

métropole ecclésiastique de la seconde Cappadoce. Antyme, évêque de Tyane, fut reconnu pour métropolitain par saint Basile même, quoique l'empereur n'eût aucunement consulté la puissance spirituelle, et qu'au fond l'opération fút mauvaise, Saint Basile n'y opposa aucune résistance; seulement il essaya de retenir sous sa juridiction une bourgade appelée Sasymes, où il établit, en qualité d'évêque, saint Grégoire de Nazianze, Mais, sur ce point même, l'autorité impériale l'emporta encore: saint Grégoire quitta ce siége, et Sasymes resta adjugée à la seconde Cappadoce. (Voyez TILLEMONT, Mém. sur l'Hist. ecclés., t. IX, p. 176-182; BAILLET, Vies des saints, 14 juin, etc.)

En 1802, il y avait à faire un grand remaniement des diocèses de l'empire français. Le gouvernement ne voulant pas établir un évêché pour chaque département, des coupures devenaient nécessaires : les deux puissances se sont accordées à dire que la nouvelle circonscription se ferait de concert,

Voyez ci-après le tableau ce cette répartition, p. 236 et suiv.

3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évéchés français qu'elle attend d'eux avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l'unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs siéges.

D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice commandé pour le bien de l'Église (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu par de nouveaux titulaires au gouvernement des évèchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante.

Cet article contient un excès de pouvoir manifeste : c'a été de la part du pape un attentat au droit des évêques de France, un véritable coup d'Etat! Tout ce que les conjonctures avaient de grave a bien pu servir de texte pour essayer de l'excuser ou de l'expliquer, mais ne saurait le légitimer, Il ne faut donc pas que les ultramontains regardent un fait aussi exorbitant comme un précédent dont la cour de Rome puisse jamais s'autoriser pour croire qu'elle est en droit de priver et déposséder à son bon plaisir les évéques français de leurs siéges, on pour attenter d'une manière quelconque à leurs droits.

4. Le premier consul de la république nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de Sa Sainteté, aux archevêchés et évéchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l'institution canonique, suivant les formes établies par rapport à la France avant le changement de gouvernement.

Voyez la note sur l'art. 68 des Libertés.

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