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peuvent sortir hors le royaume sans commandement ou licence et congé du roy.

Sans congé du roi.] Loi du 18 germinal an X, art. 20. La raison en est parce qu'ils sont sujets du roi de France, et non d'aucun autre souverain. C'est pour cela que nos lois exigent, pour qu'on puisse être nommé évêque, que l'on soit originaire Français. (Loi du 18 germinal an X. tit. II, art. 16.) Voyez encore la même loi, art. 32; et dans les Opuscules de P. Pithou, p. 600, le fragment intitulé: Estrangers ne peuvent tenir bénéfice en France.

Lorsque le cardinal de Bouillon écrivit à Louis XIV, de Rome, où il avait été envoyé pour les affaires du Quiétisme: Je ne suis plus votre sujet! (ce cardinal prétendait qu'ayant prêté serment au pape, et présidant à Rome le sacré collége, il était par là même dispensé d'obéir aux ordres du roi de France, qui le rappelait), d'Aguesseau, alors procureur-général, consulté sur le caractère de cette arrogante assertion, établit victorieusement, dans le mémoire qu'il nous a laissé sur ce sujet, que M. le cardinal de Bouillon n'avait pas pu, par sa seule volonté, abdiquer les devoirs et les obligations de sujet. Voyez les Annales du Barreau français, publiées par Warée, tom. X, 2e partie, pag. 329.

Jusqu'à quel point est--il permis ou défendu aux prélats français de correspondre avec le saint-siége sans la permission ou l'aveu du gouvernement? Voyez l'arrêt du Conseil du 28 février 1765, dans Durand de Maillane, t. ler, p. 194.

Le code pénal de 4810, art. 207 et 208, prononce des peines contre les ministres des cultes qui entretiendraient des correspondances avec les cours ou puissances étrangères sur des matières de religion sans en avoir préalablement informé le ministre des cultes.

XIV.

Le pape ne peut lever deniers en France. Le pape ne peut lever aucune chose sur le revenu du temporel des benefices de ce royaume, sous pretexte d'emprunt, impost, vacant, despouille, succession, de

port, incompatibilité, commende, neuviesme, decime, annate, procuration, communs ou menus services, propine, ou autrement, sans l'authorité du roy et consentement du clergé : mesmes ne peut par ses bulles de pardons et indulgences charger les sujets du roy de donner deniers ou autres aumosnes pour iceux gagner; ny, en donnant dispenses, se reserver ou attribuer à sa chambre les deniers des amendes : et sont telles causes reputées abusives.

Le pape ne peut lever. ] SAINT LOUIs, en l'année 1247, défendit une levée que le pape Innocent IV voulait faire en son royaume. (MATTH. PARIS, p. 960.) - JOANNES GALLI, quæst. 60, dit que toute tentative de lever un impôt en France sans le consentement du roi (qui omnium est superior in suo regno), est un crime de lèse-majesté. Charles-le-Bel, en 4326, s'opposa à une contribution que le pape prétendait lever en son royaume sur son clergé, « Car oncques, dit l'ancienne chronique, n'avoit été fait en son royaume. Mais le pape lui récrivit. Après, le roi considérant, donne m'en, je t'en donray, lui octroya de lever, dont le pape lui donna la dîme des églises jusqu'à deux ans: ainsi, sainte Église, quand l'un lui tolt, l'autre l'escorche! » (Chronique de Saint-Denis, vie de Charles-leBel, chap. XXVIII.) - Ce passage explique beaucoup de conventions réciproques, inusitées, affligeantes, qui contrastent avec les principes, mais sans avoir pu prévaloir sur leur imprescriptible autorité.

Sous prétexte d'emprunt, impost, etc. ] Toute l'énumération qui suit prouve à quel raffinement on était descendu, et sous combien de formes on s'était déguisé pour obtenir de l'argent. Tout ce cortége de redevances usurpées et prétendues composait ce qu'on a appelé, dans la jurisprudence canonique, les exactions de la cour de Rome. Il n'est point d'article sur lequel les preuves soient en plus grand nombre; car, suivant la remarque d'un canoniste, « cette matière est, de toutes, la plus susceptible d'abus; c'est comme une proie que chacun veut prendre ou retenir. >>> (DURAND DE MAILLANE, Nouv. Comment., t. I, p. 229 ).

Sans l'authorité du roy.] Ajoutons qu'aujourd'hui le pape ne pourrait pas lever un impôt quelconque en France,

même avec l'autorisation du roi. En effet, d'après la loi fondamentale de l'État, « aucun impôt ne peut être établi ni perçu s'il n'a été consenti par les deux chambres et sanctionné par le roi. » (CHARTE, art. 40.) Or, si le roi ne peut lever aucun impôt dans son propre royaume sans le consentement des chambres, il ne pourrait donc pas autoriser un souverain étranger à nous imposer en façon quelconque: Nemo enim plùs juris in alium transferre potest quàm ipse haberet.

Et consentement du clergé. Le roi pouvait consentir comme souverain; mais il fallait que le clergé consentit, de son côté, comme bienstenant. De suo enim quisque largiri debet, non de alieno.

Pardons et indulgences. - Au chap. XXV des Preuves, on trouve de nombreux exemples du soin avec lequel nos rois et leurs parlements ont toujours prohibé cette sorte d'exaction. Lenglet en donne une raison qui mérite d'être remarquée. «L'on a été plus soigneux en France qu'en aucun autre pays, dit-il, de ne point admettre ces sortes de pardons et d'indulgences, qu'on faisait moins servir à la piété du peuple qu'à l'avarice de ceux qui étaient envoyés pour les publier. L'exemple funeste de l'apostasie de Luther, qui a tiré de là son origine, a rendu les princes plus circonspects qu'ils ne l'étaient auparavant. >>> Ainsi cette réserve même a tourné au profit de la foi catholique, en retranchant un des prétextes dont les réformateurs s'étaient le plus autorisés contre le saint-siége.

Les quêtes elles-mêmes doivent être permises et réglées par l'autorité temporelle. (DURAND DE MAILLANE, t. Jer p. 245.) Voyez l'ouvrage de M. Vuillefroy, au mot Quétes.

XV.

Sujets du roi ne peuvent être dispensés pur te pape du serment de fidélité.

Le pape ne peut exposer en proye ou donner le royaume de France et ce qui en dépend, ni en priver le roy ou en disposer en quelque façon que ce soit: et quelques monitions, ou excommunications, ou interdictions qu'il puisse faire, les sujets ne doivent laisser de rendre au roy l'obeissance dene pour le temporel, et n'en peuvent estre dispensez ny absous par le pape.

Le pape ne peut.] Conçoit-on qu'il ait été besoin d'un pareil article? Hélas! oui. « Cet article a pour but de combattre la doctrine de Grégoire VII, qui l'a réduite en art, et qui a été suivie par ses successeurs. » (DUPUY.) Ils ont cherché à la mettre en pratique en France, et sont venus à bout d'y former des ligues et d'exciter des troubles et des guerres civiles; mais jamais le principe de la franchise et de l'indépendance de la couronne n'a succombé sous leurs attaques. Ces papes abusaient étrangement de la faiblesse des rois et de la crédulité des peuples! Sans doute, les rois, comme chrétiens, reconnaissent la puissance spirituelle du père commun des fidèles, ils lui ont voué à ce titre une obéissance filiale. Mais, si la personne des princes est ainsi sujette à la puissance du saint-siége dans les choses spirituelles, elle en est totalement indépendante pour ce qui concerne le droit des couronnes et le pouvoir temporel de la souveraineté ; car c'est Jésus-Christ lui-même qui, sous ce rapport, a commandé à ses propres ministres d'être soumis partout aux puissances temporelles, parce qu'elles viennent aussi de Dieu. Omnis potestas à Deo.

L'indépendance que la couronne de France a su garder contre de telles attaques est donc conforme aux droits de l'Évangile; eile est justifiée par le droit naturel et légitime des souverains, et par la sage discrétion avec laquelle les pontifes de la primitive Église ont usé de leur autorité. Saint Ambroise, fermant la porte de l'église à Théodose, ne laissa pas de prècher l'obéissance que l'on devait à ce prince. Il obéissait à ses lois et à ses officiers. L'empereur ne sentit aucune diminution de sa puissance; il était obéi dans tout son empire comme s'il n'eût point failli. Réduite à ces termes, l'excommunication purement spirituelle fùt devenue un moyen précieux d'avertir les rois de leurs fautes, et de les rappeler à l'exercice modéré de leur puissance, sans y porter la moindre atteinte. Mais l'excommunication qui dépouillait les rois de leur pouvoir, qui déliait les sujets du serment de fidélité, qui livrait les princes à la persécution, et appelait l'assassinat sur leurs personnes, qui exposait les royaumes en proye, divisait les peuples, et les excitait à la guerre civile en servant de prétexte aux factions; cette excommunication est un altentat; c'est un crime de lèse-majesté divine et humaine. La personne de nos rois est inviolable et sacrée, non-seulement pour leurs sujets, mais pour le pape. Ils sont aussi les oints du Seigneur! fils aînés de l'Église, ils ont été de tout temps ses plus zélés protecteurs, mais sans jamais lui laisser le droit d'attenter a une puissance qu'ils exercent par la grâce de Dieu et non par celle du pape.

Voyez tout le chap. IV des Preuves des libertés.

Dispenses.] Voyez ci-après article 47. - Je n'ai jamais pu comprendre la dispense du serment! Le serment est un contrat fait avec Dieu; et, lorsqu'il est valable dans son principe, c'est-à-dire lorsqu'il s'applique à une obligation dont la cause est légitime, et qu'il a été librement consenti et juré par personne capable de s'engager, nulle puissance, à mon avis, ne peut dispenser de tenir ce qu'on a ainsi promis.

J'ai eu occasion de rappeler et de développer ces principes devant la Cour de cassation dans une question de discipline portée devant elle au commencement de cette année (1844). Il s'agissait précisément de réfuter les funestes doctrines alors employées par les partis pour affaiblir la foi due au serment. J'avais à parler tout à la fois sur le serment judiciaire et sur le serment politique : je le fis en ces termes.....

« La nomination ne suffit pas pour constituer le juge; il faut aussi l'institution avec les formalités requises, c'est-àdire la prise de possession, l'installation après prestation de serment. « Et c'est ce serment, dit un de nos plus grands >>> jurisconsultes', qui attribue et accomplit dans l'officier >> l'ordre et le grade, et, s'il faut ainsi parler, le caractère >> de son office; et qui lui défère la puissance publique. >>> C'est par le serment que le juge nommé déclare accepter les fonctions qui lui sont déférées, et qu'il s'engage solennellement à les exercer au nom du prince, en gardant la fidélité qu'il doit à sa personne, à la constitutiou de l'État et aux lois du royaume qu'il est chargé de faire observer.

>> Les plus graves auteurs ont insisté sur la sainteté de ce serment, et ce qu'il paraîtrait superflu de rapporter à ce sujet, en d'autres temps et surtout devant une compagnie

Loyseau, Traité des offices, ch. 4, n° 71,

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