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matière ecclésiastique, qui abondent dans notre législation ancienne et moderne.

Sous leur nom et authorité. ] On peut citer pour exemple l'ordonnance de Blois. Plusieurs articles de cette ordonnance, concernant la discipline de l'Eglise, sont conformes aux décrets du concile de Trente. Cependant, on ne peut pas dire qu'ils tirent leur autorité de ce concile, mais du roi, qui, de l'avis des Etats de son royaume, en a fait une ordonna ordonnance. Et de fait, Henri IV, par son édit de 1606, confirmant l'art. 40 de l'ordonnance de Blois, touchant les mariages, et enjoignant aux juges d'Eglise de le garder, ne dit pas qu'ils seront tenus de garder les décrets du concile de Trente dont cette ordonnance est tirée, mais seulement l'ordonnance, « à la charge, porte l'édit, qu'ils se> ront tenus de garder les ordonnances, même celle de >> Blois en l'art. 40. »

Nous présenterons ici, comme un excellent résumé des principes sur cette matière, ce qu'a dit, de la pragmatique de Charles VII, M. Dubois, dans son Recueil des Maximes, et après lui Durand de Maillane, t. II, p. 29: « La pragmatique est composée de trois parties. La première, qui est la préface, nous apprend, 10 que le concile de Bâle, ayant député des ambassadeurs vers le roi Charles VII pour le supplier de recevoir quelques-uns de ses décrets, reconnut que la réception d'un concile, dans toutes les matières de police, dépend absolument de nos rois; et cette reconnaissance justifie le refus que l'on fait d'avoir égard aux bulles du pape qui ne sont point accompagnées de lettres patentes; - 2o que le roi, dans son conseil composé de tous les Ordres de son État, peut faire des règlenients touchant la discipline ecclésiastique.

>> La seconde, qui contient les articles du concile de Bâle, avec les modifications de l'assemblée de Bourges, justifie que nos rois n'acceptent les règlements de la police ecclésiastique faits par les conciles, qu'autant qu'ils sont convenables au bien de l'Etat, quoiqu'ils reçoivent avec soumission et déférence filiales les définitions qui regardent la foi; ce qui sert à faire voir que la manière avec laquelle nous avons reçu le concile de Trente n'est pas nouvelle, mais conforme aux règles de l'Eglise gallicane.

>> La troisième, qui est la conclusion, dans laquelle l'assemblée de Bourges ayant arrêté qu'il sera fait instance au concile pour autoriser les modifications, et que néanmoins elles seront exécutées par provision, est une excellente preuve de l'autorité du roi pour les règlements provisionnels sur les affaires ecclésiastiques, et du pouvoir légitime de ses parlements pour le secours de ses sujets, en cas de refus ou des papes, ou des ordinaires. >>>

On peut voir aussi, sur le même sujet, le savant ouvrage d'Etienne Mignot, docteur de Sorbonne, en 2 vol. in-12, imprimé à Paris, en 1766, sous ce titre : « Histoire de la réception du concile de Trente dans les différents Etats catholiques, avec les pièces justificatives, servant à prouver que les décrets et règlements ecclésiastiques ne peuvent et ne doivent être exécutés sans l'autorité des souverains. »

Voyez ci-après les notes sur l'article XVII.

X I.

Des légats à latere, et de leurs pouvoirs en

France.

Le pape n'envoye point en France legats à latere avec saculté de reformer, juger, conferer, dispenser, et telles autres qui ont accoustumé d'estre specifiées par les bulles de leur pouvoir, sinon à la postulation du roy tres-chrestien ou de son consentement ; et le legat n'use de ses facultez qu'après avoir baillé promesse au roy par escript sous son seing, et juré par ses saincts ordres, de n'user desdites facultez és royaumes, pays, terres et seigneuries de sa sujettion, sinon tant et si longuement qu'il plaira au roy; et que si tost que ledit legat sera adverty de sa volonté au contraire, il s'en desistera et cessera. Aussi qu'il n'usera desdites facultez sinon pour le regard de celles dont il aura le consentement du roy, et conformement à iceluy, sans entreprendre ny faire chose prejudiciable aux saincts decrets, conciles generaux, franchises, libertez et privileges de l'Église gallicane, et des universitez et estudes publiques de ce royaume. Et à ceste fin se presentent les facultez de

tels legats à la cour de parlement, où elles sont veues, examinées, vérifiées, publiées et registrées sous telles modifications que la cour voit estre à faire pour le bien du royaume, suivant lesquelles modifications se jugent tous les procés et differends qui surviennent pour raison de ce, et non autrement.

Le legat.] Les légats ne sont que des ambassadeurs sans juridiction. Toute notre histoire dépose du soin avec lequel le parlement et la cour de France ont veillé au maintien de cet article de nos libertés. (Voyez les pièces qui composent le chap. XXIII des Preuves des Libertés, ainsi que les articles 44, 45, 58, 59 et 60 des Libertés.) On retrouve une règle précise sur ce point dans l'art. 2 du titre Ier de la loi du 10 germinal an X, et l'on a un exemple de son observation dans l'arrêté relatif à l'enregistrement des bulles du cardinal Caprara, légat à latere, qui prescrit les formalités à observer par ce légat pour l'exercice des facultés énoncées dans lesdites bulles. Cet arrêté, en date du 18 germinal an X, est ainsi conçu :

<< Art. Jer. Le cardinal Caprara, envoyé en France avec le titre de légat à latere, est autorisé à exercer les facultés énoncées dans la bulle donnée à Rome le lundi 6 fructidor an IX, à la charge de se conformer entièrement aux règles et usages observés en France en pareil cas, savoir:

>> 1o Il jurera et promettra, suivant la formule usitée, de se conformer aux lois de l'Etat et aux libertés de l'Eglise gallicane, et de cesser ses fonctions quand il en sera averti par le premier consul de la république.

>> 2o Aucun acte de la légation ne pourra être rendu public, ni mis à exécution, sans la permission du gouver

nement.

>> 3o Le cardinal légat ne pourra commettre ni déléguer personne sans la même permission. >> 4o Il sera obligé de tenir ou faire tenir registre de tous les actes de la légation.

> 5o Sa légation finie, il remettra ce registre et le sceau de sa légation au conseiller d'Etat chargé de toutes les affaires concernant les cultes, qui le déposera aux archives du gouvernement.

>> 6o Il ne pourra, après la fin de sa légation, exercer directement ou indirectement, soit en France, soit hors de France, aucun acte relatif à l'Eglise gallicane.

» Art. 2. La bulle du pape contenant les pouvoirs du cardinal légat, sera transcrite en latin et en français sur les registres du conseil d'Etat, et mention en sera faite, sur l'original, par le secrétaire du conseil d'Etat; elle sera insérée au Bulletin des lois. >>>

Le cardinal lui-même se conforma aux termes de cet arrêté lors de sa présentation « auprès de notre très-cher fils en Jésus-Christ Napoléon Bonaparte, premier consul de la République Française', » à l'audience du 19 germinal an X, en présence des ministres, des conseillers d'Etat, du corps diplomatique, etc...

DISCOURS DU CARDINAL LÉGAT.

<< Général premier consul, c'est au nom du souverain pontife, et sous vos auspices, général premier consul, que je viens remplir au milieu des Français les augustes fonctions de légat à latere.

» Je viens au milieu d'une grande et belliqueuse nation, dont vous avez rehaussé la gloire par vos conquêtes et assuré la tranquillité extérieure par une paix universelle, et au bonheur de laquelle vous allez mettre le comble en lui rendant le libre exercice de la religion catholique. Cette gloire vous était réservée, général consul; le même bras qui gagna des batailles, qui signa la paix avec toutes les nations, redonne de la splendeur aux temples du vrai Dieu, relève ses autels et raffermit son culte.

» Consommez, général consul, cette œuvre de sagesse si long-temps désirée par vos administrés, je ne négligerai rien pour y concourir.

>> Interprète fidèle des sentiments du souverain pontife, le premier et le plus doux de mes devoirs est de vous exprimer ses tendres sentiments pour vous et son amour pour tous les Français. Vos désirs règleront la durée de ma demeure auprès de vous; je ne m'en éloignerai qu'en déposant entre vos mains les monuments de cette importante mission, pendant laquelle vous pouvez être sûr que je ne me permettrai rien qui soit contraire aux droits du gou

Les mots soulignés appartiennent au Texte de la bulle de nomination du cardinal Caprara,

vernement et de la nation. Je vous donne pour garant de ma sincérité et de la fidélité de ma promesse, mon titre, ma franchise connue, et, j'ose le dire, la confiance que le souverain pontife et vous-même m'avez témoignée. >>>

Universitez et estudes publiques.] Cette réserve quant aux estudes publiques est remarquable. Elle atteste le droit que l'Etat a toujours exercé sur l'enseignement.

XII.

Du ci-devant légat d'Avignon, et de ses
pouvoirs.

Semblablement le legat d'Avignon, quand ses facultez s'estendent outre le comtat de Venise et terres dont le pape jouit à present, auparavant qu'user de ses facultez és pays de l'obeissance et souveraineté du roy, fait pareil serment et baille semblable promesse par escrit, et notamment de n'entreprendre aucune chose sur la juridiction seculiere, ny distraire les sujets, interdire ou excommunier les officiers du roy, ou faire chose contre les libertez de l'Église gallicane, edicts, coustumes, statuts et privileges du pays. Et sous ces modifications et à la charge d'icelles, sont ses facultez et celles de ses vice-legats verifiées en la cour de parlement de Dauphiné, et autres respectivement pour ce qui est de leur ressort, apres qu'elles ont esté presentées par eux avec placet et lettres du roy.

Legat d'Avignon.] Avignon fait actuellement partie intégrante du royaume de France, et ne reconnaît d'autre souveraineté que celle du roi, ni d'autres lois que celles de la France.

XIII.

Les prélats français ne peuvent sortir du royaume sans permission du roi.

Les prelats de l'Église gallicane, encore qu'ils soient mandez par le pape pour quelque cause que ce soit, ne

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