Les jugements du pape ne sont pas irréformables si le consentement de l'Eglise n'intervient. Les preuves de cette proposition sont tirées : 1o de l'Écriture sainte; - 2o de l'ancienne discipline de l'Eglise dans le jugement des causes de foi; 3o des exemples des papes qui se sont écartés de la vérité dans leurs décisions, et qu'il a fallu redresser; - 4o des contradictions qui se trouvent dans quelques décisions des papes; - 5o de l'aveu mème des papes qui ont reconnu qu'ils n'étaient pas infaillibles; - 6o des conciles qui n'ont point reconnu la prétendue infaillibilité des papes; 7o des déclarations conformes à cette doctrine, données par les facultés de théologie et les universités sur cette question; 8o enfin des sentiments des principaux théologiens de toutes les nations. L'ouvrage se termine par le célèbre rapport fait à l'assemblée générale du clergé de France en 4682 par Gilbert de Choiseul du Plessis-Praslin, évêque de Tournay, au sujet de l'autorité ecclésiastique. OPINION DE M. CORMENIN SUR LE MÊME SUJET. (Droit administratif, appendice, page 18.) << Ce qu'on appelle les libertés de l'Eglise gallicane n'est autre chose que le corps des doctrines déclarées, enseignées et pratiquées sur la séparation des deux pouvoirs. Ces doctrines forment une partie du droit public du royaume. Elles établissent que, si les évêques relèvent de Rome dans l'ordre spirituel, ils relèvent du gouvernement français dans l'ordre temporel; que, s'ils doivent vénérer la mère universelle des fidèles, ils ne doivent pas oublier non plus qu'ils sont enfants, sujets et serviteurs de l'Etat, etc. » Et à la fin: << L'épiscopat français, le plus éclairé peut-être de tous les épiscopats de l'univers catholique, a toujours marché sur les traces du GRAND BOSSUET, défendu contre les entreprises d'au-delà des monts les LIBERTÉS de notre Eglise, et honoré son ministère par sa vive soumission à la foi et à la discipline du Saint-Siége, non moins que par sa fidélité aux institutions du pays. >>> RAPPORT A L'ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES, PAR M. DUPIN, sur la publication des travaux inédits de M. Portalis, (Lu à la séance publique de cette Académie du 22 mars 1845 '.) M. le vicomte Frédéric Portalis, conseiller à la Cour royale de Paris, fils du magistrat éminent qui préside la Cour de cassation, et petit-fils de Jean-Étienne-Marie Portalis, conseiller d'État et ministre des cultes sous l'Empire, a conçu la noble entreprise de communiquer au public les travaux législatifs de son illustre aïeul. Déjà, l'an dernier, il a réuni dans un volume les discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, à la rédaction et à la discussion duquel le conseiller d'État a pris une si grande part comme jurisconsulte et comme orateur. Cette fois il donne au public la collection non moins importante des Discours, Rapports et Travaux inédits du même auteur sur le Concordat de 1801 (26 messidor an IX), les articles organiques publiés en même temps que ce Concordat (loi du 18 germinal an X), et sur diverses questions de droit public concernant la liberté dés cultes, la protection qui leur est due, leur établissement dans l'État et leur police extérieure, les associations religieuses, l'instruction et les écoles publiques. Ce recueil reçoit une grande autorité de la double qualité de l'auteur, non plus seulement comme conseiller d'État, ayant eu mission de préparer les bases du Concordat avec Rome et de rédiger les articles organiques destinés à régler les rapports qui allaient s'établir de nouveau entre l'Église et l'État, mais aussi comme ministre des cultes chargé d'imprimer aux affaires ecclésiastiques une marche conforme à l'esprit de la législation. 1 Je consigne ici ce rapport, parce que l'ouvrage de M. Portalis est le commentaire le plus énergique et le plus éloquent des principes contenus dans la Déclaration de 1682. Ce grand fonctionnaire de l'Empire, par sa science et par sa vertu, offrait une égale garantie à l'Église et à l'État. II était attaché à l'une par sa foi, dont l'orthodoxie n'a jamais pu être révoquée en doute; à l'autre, par un patriotisme dont sa vie politique porte la plus vive empreinte. Savant jurisconsulte, également versé dans la connaissance du droit public et du droit privé, du droit canonique et du droit civil; formé à l'étude du droit ancien, mais associé de bonne heure à l'esprit de la législation et des institutions nouvelles; orateur éminent, le plus capable de défendre par des discours parlementaires les rédactions de sa plume et les méditations du cabinet; on peut dire que jamais homme politique n'a été plus complétement identifié avec son œuvre que M. Portalis ne l'a été avec toute la législation qui se rattache au Concordat. Cependant, malgré l'immense bienfait de cette législation, qui avait rétabli et reconstitué parmi nous le culte catholique, la loi de germinal an X venait à peine d'être promulguée que les théologiens d'Italie s'évertuèrent en réclamations, comme si cette loi eût introduit un droit nouveau, attentatoire aux droits du Saint-Siége! Le Pape lui-même, assiégé de leurs cris, crut devoir, dans son allocution portant ratification du Concordat, se réserver de faire au premier consul des représentations sur quelques dispositions des articles organiques, Le bruit de ces représentations fut accueilli et propagé par l'esprit de parti et par des publications faites à Londres par d'anciens évêques émigrés: c'est ce qui faisait dire à M. Portalis, dans son rapport du 5 jour complémentaire de l'an XI au premier consul: « Je me suis convaincu >> que les ennemis de l'ordre actuel, à la fois malveillants » et peu éclairés, s'étaient imaginé qu'on avait voulu créer >> une nouvelle Eglise et une nouvelle discipline! De là >> leurs déclamations absurdes contre la loi du 18 germinal » an X. » Cela néanmoins fit sentir au gouvernement la nécessité de dresser un exposé des principes qui avaient motivé les dispositions de cette loi. Nul n'était plus en état de rédiger cet exposé que M. Portalis, puisqu'il avait été le rédacteur de la loi. Pressée par le gouvernement français de réaliser et de préciser les protestations qu'elle avait annoncées, la cour de Rome chargea le cardinal-légat de faire connaître par une Note officielle les articles que ces protestations concernaient. M. Portalis, prenant les choses en cet état, dit dans son rapport: <<< Après avoir pris les ordres du premier consul, >> je répondrai séparément à la Note de M. le cardinal-légat; >> ma réponse ne roulera que sur les choses qui font la ma>> tière précise de cette Note. Dans ce moment je réponds à >> tout; j'embrasse le système entier des articles organi>> ques; je rappelle sur chacun de ces articles les canons et >> les anciennes lois qui lui servent d'appui. Je prouverai » que les articles organiques n'introduisent point un droit >> nouveau, et qu'ils ne sont qu'une nouvelle sanction des >> antiques maximes de l'Église gallicane. >>> Un fait essentiel à remarquer (et l'éditeur a raison de le constater et d'en prendre acte), c'est que ces documents, produits pour réfuter les objections proposées contre ces articles par la cour de Rome, demeurèrent sans réplique. Aussi, lorsque quelques voix, sous la Restauration, ont essayé de reproduire ces objections, et surtout lorsque, depuis, des voix plus nombreuses et surtout plus ardentes ont converti ces objections en attaques, on a dù s'étonner de ne pas voir divulguer la réponse que, dès l'origine, M. Portalis avait préparée..... C'est, au surplus, ce que M. Frédéric Portalis vient de faire, en livrant au public ce qui appartient de droit au public, je veux dire l'exposé officiel des motifs sur lesquels a été fondée une législation qui importe si essentiellement à l'ordre public. C'est sur cette grave et importante publication que nous appelons l'attention de l'Académie: elle tient à la fois à l'histoire et à la morale, à la politique et à la législation, c'est-à-dire à tout ce qui fait le principal objet de nos travaux et de nos méditations. La première partie comprend les rapports et les exposés de motifs devant le conseil d'État et le Corps-Législatif. Ces rapports, déjà imprimés plusieurs fois, sont parfaite ment connus. Mais ce qui ne l'était que d'un petit nombre de personnes, c'est le rapport apologétique dont je viens de rappeler l'origine, et qui était resté dans les archives du gouvernement. Ce rapport est daté du 5e jour complémentaire an XI (1802). Il se divise en deux parties. Avant d'entreprendre la défense et la justification de chacun des articles organiques, l'homme d'État a voulu faire connaître les principes généraux qui leur servent de base. << Les fondements sur lesquels reposent ces articles, >> dit-il, sont : l'indépendance du gouvernement dans le >> temporel; la limitation de l'autorité ecclésiastique aux >> choses purement spirituelles; la supériorité des conciles >> généraux sur le Pape; l'obligation, commune au Pape ➤ et à tous les autres pasteurs, de n'exercer leur autorité >> ou leur ministère que d'une manière conforme aux ca>> nons reçus dans l'Église et consacrés par le respect du >> monde chrétien. >>> Dans le développement de ces propositions, M. Portalis s'élève à toute la hauteur de son sujet; on voit qu'il ne stipule pas seulement pour un peuple ou pour un gouvernement, mais pour tous les peuples, quelle que soit la forme de leurs institutions politiques: c'est à l'essence même des pouvoirs, à la nature des choses, qu'il emprunte ses plus puissants arguments. Voici comment il entre en matière : « Avant la révélation >> et l'institution du sacerdoce, il y avait des gouverne>> ments, et ces gouvernements étaient légitimes. Les droits >> de la société humaine ne reconnaissent d'autre auteur >> que l'auteur même de la nature, créateur et conservateur >> de l'ordre social. D'où il suit que le gouvernement civil est >> en soi indépendant de quelque autre puissance que ce soit. » La révélation et l'institution du sacerdoce n'ont point >> altéré les pouvoirs de la société civile, ils n'ont point >> diminué les droits de l'Empire, car l'Église n'a reçu au>> cune puissance directe ou indirecte sur le temporel des >> États, ni parmi les nations chrétiennes, ni parmi celles >> qui ne le sont pas... >>> Il est sans doute une autorité qui est propre à l'Église ; >> mais cette autorité ne ressemble, sous aucun rapport, à >> celle qui s'exerce dans chaque État sous le nom de puis>> sance publique. >>> Viennent les autorités : le divin fondateur du christianisme a lui-même déclaré que son royaume n'était pas de ce monde. Nous lisons partout dans les Écritures que les apôtres et leurs successeurs n'ont reçu de pouvoir que sur les choses qui intéressent le salut. |