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concorde entre les divers ordres, et à réaliser les espérances que sa majesté a conçues pour le bonheur et la prospérité de l'État.

M. Rabaud de Saint-Etienne. Je propose de reprendre les conférences; d'entendre les ouvertures de conciliation, même sur le vote par tête, sans que les commissaires puissent rien décider; de déclarer en même temps que les communes ne consentent à reprendre les conférences, que parce qu'elles ne voient dans les commissaires du roi que de simples témoins, et dans les expressions de sa lettre, que la volonté de sa majesté de ne faire intervenir aucun ordre.

Les débats sont prolongés jusqu'à trois heures et demie.

La séance est levée et remise à cinq heures du soir.

SÉANCE DU VENDREDI 29 MAI AU SOIR.

Communes.

Les députés des communes, assemblés dans la salle nationale, arrêtent, à la pluralité des voix,que, pour répondre aux intentions paternelles du roi, les commissaires déjà choisis par eux reprendront leurs conférences avec ceux choisis par MM. du clergé et de la noblesse, au jour et à l'heure que sa majesté voudra bien indiquer; que procès-verbal sera dressé de chaque séance, et signé par tous ceux qui y auront assisté, afin que le contenu ne puisse être révoqué en doute.

Il est aussi arrêté qu'il sera fait au roi une députation solennelle pour lui présenter les hommages respectueux de ses fidèles communes, les assurances de leur zèle et de leur amour pour sa personne sacrée et la famille royale, et les sentimens de la vive reconnaissance dont elles sont pénétrées pour les tendres sollicitudes de sa majesté sur les besoins de son peuple.

La séance est levée à dix heures et demie du soir.

ADRESSE AU ROI,

< Sire,

› Depuis long-temps les députés de vos fidèles communes auraient présenté solennellement à votre majesté le respectueux té

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moignage de leur reconnaissance pour la convocation des ÉtatsGénéraux, si leurs pouvoirs avaient été vérifiés.

Ils le seraient, si la noblesse avait cessé d'élever des obstacles.

› Dans la plus vive impatience, ils attendent l'instant de cette vérification, pour vous offrir un hommage plus éclatant de leur amour pour votre personne sacrée, pour son auguste famille, et de leur dévoûment aux intérêts du monarque, inséparables de ceux de la nation.

La sollicitude qu'inspire à votre majesté l'inaction des ÉtatsGénéraux est une nouvelle preuve du désir qui l'anime de faire le bonheur de la France.

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Affligés de cette funeste inaction, les députés des communes ont tenté tous les moyens de déterminer ceux du clergé et de la noblesse à se réunir à eux pour constituer l'assemblée nationale.

› Mais la noblesse ayant exprimé de nouveau sa résolution de maintenir la vérification des pouvoirs faite séparément, les conférences conciliatoires entamées sur cette importante question se trouvaient terminées.

› Votre majesté a désiré qu'elles fussent reprises en présence de M. le garde-des-sceaux et des commissaires que vous avez nommés.

› Les députés des communes, certains que, sous un prince qui veut être restaurateur de la France, la liberté de l'assemblée nationale ne peut être en danger, se sont empressés de déférer au désir qu'elle leur a fait connaître ; ils sont bien convaincus que le compte exact de ces conférences, mis sous ses yeux, ne lui laissera voir dans les motifs qui nous dirigent que les principes de la justice et de la raison.

› Sire, vos fidèles communes n'oublieront jamais ce qu'elles doivent à leur roi: jamais elles n'oublieront cette alliance naturelle du trône et du peuple contre les diverses aristocraties, dont le pouvoir ne saurait s'établir que sur la ruine de l'autorité royale et de la félicité publique.

› Le peuple français, qui se fit la gloire, dans tous les temps,

de chérir ses rois, sera toujours prêt à verser son sang et à prodiguer ses biens pour soutenir les vrais principes de la monarchie.

» Dès le premier instant où les instructions que ses députés ont reçues, leur permettront de porter un vœu national, vous jugerez, sire, si les représentans de vos communes ne seront pas les plus empressés de vos sujets à maintenir les droits, l'honneur et la dignité du trône, à consolider les engagemens publics, et à rétablir le crédit de la nation.

» Yous reconnaîtrez aussi qu'ils ne seront pas moins justes envers leurs concitoyens de toutes les classes, que dévoués à votre majesté.

SÉANCE DU LUNDI 1er JUIN.

Communes.

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M. Rabaud de Saint-Étienne. Les commissaires que vous ayez autorisés à conférer avec les commissaires des ordres du clergé et de la noblesse, en présence de M. le garde-des-sceaux et de MM. les commissaires du roi, se rendirent samedi dernier, à l'heure indiquée, chez M. le garde-des-sceaux, où se trouvèrent MM. le comte de Montmorin, le duc de Nivernais, le comte de Puységur, le comte de Saint-Priest, Necker, de la Michodière, d'Ormesson, Vidaud de la Tour, de la Galaisière et de Lessart, nommés par sa majesté.

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La séance fut ouverte par M. le garde-des-sceaux, qui exposa l'état de la question, témoigna le désir qu'avait sa majesté de voir, les différens ordres se porter à des ouvertures de conciliation et demanda si on allait procéder à l'examen de ces ouvertures ou si on avait encore à discuter les principes. . :

Un des membres de la noblesse lut ur mémoire tendant à établir, par une discussion historique, que d'après les anciens usages les députés de la noblesse aux États-Généraux ne 'pouvaient se conduire autrement qu'ils n'avaient fait.

Vos commissaires, Messieurs, représentèrent que leur mandat les bornait à conférer sur la question de la vérification des

pouvoirs; et ils ajoutèrent qu'obligés de vous porter un rapport écrit des conférences et signé par les commissaires, ils proposaient d'écrire journellement les conférences et de les signer. - MM. les commissaires de la noblesse et du clergé représen tèrent qu'ils n'ont à ce sujet aucuns pouvoirs de leurs ordres.

Après quelques débats, il fut résolu du consentement des commissaires des trois ordres, qu'il serait dressé un rapport signé des commissaires des communes et d'un secrétaire agréé par les commissaires des trois ordres, et il en fut dressé acte.

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Un commissaire de la noblesse a observé que, dans cet arrêté, on employait le mot communes pour désigner le tiers-état; que cette innovation de mots pouvait amener une innovation de principes, si elle n'en dérivait pas déjà; qu'il devait donc protester contre cette expression, et déclarer ne pouvoir consentir qu'il subsistât dans l'arrêté. Cette observation n'a été appuyée par aucun des autres commissaires; l'arrêté a été regardé comme convenu, et la discussion a été reprise.

Dans la suite de son rapport, M. Rabaud de Saint-Étienne dit que les commissaires de la noblesse ont sans cesse présenté ensemble la question de délibération par ordre ou par tête dans les États-Généraux, avec celle de la vérification des pouvoirs dans les ordres réunis. Il ajoute que les commissaires des communes ont toujours représenté que ces deux questions sont indépendantes l'une de l'autre, et que les fondés de pouvoirs se borneront à discuter la dernière.

M. Malouet. Je demande que les commissaires conciliateurs du Tiers soient autorisés à discuter avec les commissaires conciliateurs des autres ordres, la question de la délibération par tête ou par ordre.

ནཾ

Cette motion avait été proposée par amendement, le 29 mai, et rejetée. Un membre rappelle l'amendement et veut que l'on décide quel nombre de voix il faut pour le reproduire.

M. Camus. Il y a changement d'état dans la question; elle peut être ainsi présentée. Les commissaires ayant rapporté que, suivant les ordres privilégiés, les deux questions de la vérifica

tion et de la votation sont nécessairement liées et se prêtent un secours mutuel, il est de l'intérêt et de la dignité de l'assemblée de repousser les reproches que les commissaires de la noblesse pourront faire aux commissaires du tiers-état d'éluder une question majeure par faiblesse de moyens. La question actuelle diffère évidemment de celle qui a été rejetée, et mérite, par son importance, un mûr examen.

D'autres membres pensent que l'on ne peut séparer les deux questions, sans retarder les travaux.

On répond que la proposition qui vient d'être faite n'est pas nouvelle, qu'on l'a déjà présentée, qu'elle a été rejetée, et qu'il n'y a point de changement essentiel dans les circonstances, qu'ainsi l'on ne doit point s'arrêter à cette motion.

La motion a été presque unanimement rejetée.

MM. Biauzat et Camus désirent que la question de la votation ne soit décidée qu'après qu'ils seront constitués.

Ainsi, on avait encore mis en discussion les questions qui étaient restées insolubles dans les premières conférences. M. Necker vint y compromettre son crédit de courtisan, en prouvant qu'il n'avait rien de cette influence qu'il annonçait posséder sur le Tiers. Il proposait quelque chose de plus difficile encore que tout ce dont il avait été question antérieurement. Il soutenait d'abord la vérification séparée, ou par ordre; ensuite, dans les cas de difficultés, qui seraient sans doute très-rares, disait-il, il offrait de s'en rapporter au conseil du roi. Or, positivement, personne ne voulait accepter cette dépendance. Ainsi, le ministre sutd'un seul coup mécontenter le tiers-état, et blesser les prétentions de la noblesse. Les conférences furent fermées le 9 juin, par un procès-verbal qui prouvait qu'elles avaient été sans résultat: la noblesse refusa de lc signer. La question de la vérification en commun ou séparée restait tout entière. Il était seulement prouvé que les propositions du Tiers-état n'avaient point été acceptées.

Pendant la durée de ces conférences, les séances des communes avaient lieu tous les jours; mais comme on ne voulait

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