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mades, le territoire à parcourir. Il serait trop long d'entrer dans le détail des intrigues et des circonstances de toute nature qui amenèrent successivement sur le sol de l'Empire Romain, tant de peuplades sauvages; il suffit de rappeler que presque tous les chefs des envahisseurs avaient servi l'Empire à un titre quelconque, et qu'ils étaient en général Ariens. Les historiens se sont trop attachés à chercher dans des événemens propres aux sociétés barbares, la cause de la grande invasion du cinquième siècle. Il est évident que le secret de ces puissans mouvemens réside tout entier dans les troubles intérieurs de l'Empire.

La Nationalité Française sortit du sein de ces troubles. Elle fut instituéc autant dans le but de protéger les populations Gauloises, que dans celui de défendre et de fortifier le Catholicisme. La narration suivante va nous en offrir la preuve.

Dans les premières années du cinquième siècle, les habitans des Gaules commencèrent à sentir la nécessité d'un centre militaire, indépendant et national. Cette pensée leur fut évidemment inspirée par les événemens qui se pressèrent à cette époque, et par le peu de confiance que devait leur inspirer un pouvoir impérial, constamment ballotté entre des partis contraires. On avait appris en 400, qu'Alaric, roi des Goths, était entré en Italie, et qu'on ne l'avait arrêté qu'en lui promettant le gouvernement des Gaules et de l'Espagne. En 406, une multitude de barbares, Alains, Vandales, Suêves, Bourguignons, après avoir vaincu les Francs, passèrent le Rhin, et vinrent inonder le pays. Mayence, Worms, Reims, Amiens, Arras, Tournai, Spire, Strasbourg, Langres, Trèves, Toulouse, les provinces d'Aquitaine, la première Lyonnaisc, les Narbonnaises furent saccagées, et l'on disait que ces barbares avaient été appelés par le principal ministre, le favori de l'Empereur d'occident, Stilicon, un Vandale arien. C'était lui qui avait dégarni les frontières; et son but, en introduisant les payens dans l'empire, était de se faire une armée qui le portât sur le trône à la place de son maître. Il leur avait promis la destruction du Catholicisme, et il avait, en garantie de ces promesses, fait élever

son fils dans le culte des faux dieux. En effet, Stilicon, convaincu de ce crime fut assassiné. Enfin, en 410, on apprit que Rome venait d'être prise et détruite par les Goths ariens.

Le retentissement des discussions qui agitaient les parties méridionales de l'Empire, le dégoût des intrigues toujours fatales, qui en étaient l'occasion ou la suite, avaient, sans doute, déjà depuis long-temps, détaché les contrées catholiques du nord. L'histoire fait foi de la tranquillité des Églises des Gaules. Elles étaient encore, dans la première ferveur du sentiment religieux, tout occupées à l'œuvre d'une conversion qui n'était pas complétement achevée. Les Évêques devaient être disposés à saisir la première occasion d'isoler leur troupeau du contact des terres hérétiques.

Cette disposition morale se manifesta par une suite d'événemens sur lesquels les historiens n'ont pas assez insisté, et qui donnent un caractère tout nouveau à l'origine de la monarchie française. D'abord, les troupes romaines, en garnison dans la Grande-Bretagne, cherchèrent un chef capable de chasser des Gaules les barbares qui s'y étaient établis. Après plusieurs essais, elles trouvèrent un homme du nom de Constantin, d'une naissance obscure, sorti de race militaire. Elles le revêtirent de la couronne impériale. Il se montra digne de la fonction à laquelle on l'avait appelé. Il passa dans les Gaules à la tête des soldats qui l'avaient élu. Toutes les cités, et tous les corps de légionnaires épars dans ce vaste pays, le reconnurent. Il se trouva ainsi à la tête de forces assez puissantes pour combattre l'ennemi de la civilisation. Il réussit en effet à reconquérir le sol sur les barbares, dont une partie fut rejetée vers les Pyrénées, et une autre fut reçue parmi les ripuaires des Gaules, à prêter le serment de l'office militaire. Enfin, il rétablit les postes retranchés que les Romains avaient sur la frontière du Rhin.

Vers le même temps, plusieurs cités des Gaules commencèrent à s'associer. Cette confédération, nommée tantôt Armoricaine, et

tantôt, et le plus souvent, Bagaudia (1), comprenait les deux Aquitaines; la deuxième, la troisième, la quatrième Lyonnaise, et une partie de la deuxième Belgique, c'est-à-dire les provinces que nous nommons aujourd'hui l'Auvergne, le Berri, la Bretagne, la Normandie, l'Ile-de-France, l'Artois, la Champagne, etc. Ainsi, d'après la notice d'Honorius, environ quaranteneuf cités s'engagèrent dans un pacte d'union. D'ailleurs, l'insurrection ne tarda pas à devenir complète. Les villes insurgées formèrent des congrès pour délibérer sur les intérêts communs; elles levèrent des troupes; enfin, elles s'attribuèrent l'administration de la justice, des impôts et de la guerre. Il paraît que, dans ce changement, les évêques reçurent généralement le gouvernement des affaires temporelles, et en disposèrent avec la même autorité qu'ils portaient déjà dans l'administration spirituelle. Cette dernière circonstance explique comment, peu d'années après, la politique du pays situé entre la Meuse et la Loire reçut une direction si positivement catholique.

La confédération des Bagaudes n'acquit son complet développement et une publicité entière que vers l'an 409. Elle se serra et se fortifia au fur et à mesure que le besoin qui l'avait créée devint plus pressant. Ainsi, lorsque l'élu des légions, ce Constantin que les légendes grecques appellent tyran, ce Constantin qui avait chassé les Barbares, eut dissipé sa fortune dans des guerres entreprises en Espagne, en Italie, et eut été vaincu et pris par une armée impériale, les Bagaudes présentèrent un faisceau assez puissant pour que le général de la cour de Ravenne n'osât compromettre son armée en les attaquant.

Leur résistance n'était que juste, et ce fut un bienfait dans ce temps d'anarchie. Elle signalait un besoin de conservation auquel l'empire romain ne pouvait plus satisfaire. Bientôt les deux pro

(1) Le nom de Bagaude est le nom gaulois; il signifie attroupement. Le nom armorique est le nom romain; c'était le titre du commandement maritime des côtes de l'Océan. Il fut ensuite étendu à toutes les provinces qui successivement, et par des causes diverses, furent attachées à ce commandement. Les historiens ont préféré le mot armorique à celui de bagaude, parce que celui-ci avait été employé comme terme d'injure.

T. I.

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vinces germaniques essayèrent de prendre part à ce mouvement d'indépendance, mais elles agirent avec moins de sagesse que leurs aînées; et, au lieu, d'un congrès, elles mirent à leur tête, comme empereur, un noble Gaulois, Jovinus (1). Celui-ci s'adjoignit, comme auxiliaires, des Francs et d'autres barbares.

La Cour de Ravenne, dans l'impuissance de rompre cette grande association formée de la république des Armoriques et du nouvel empire des bords du Rhin, livra les Gaules aux Visigoths pour y faire le service militaire. Elle en délivra ainsi l'Italie en 412. Ceux-ci accomplirent en partie leur mission. Ils réussirent à détruire l'union qui formait l'empire de Jóvinus, et le livrèrent lui-même vivant aux Romains; ils entamèrent même la première confédération des Bagaudes, à laquelle ils enlevèrent une partie des Aquitaines. Ces victoires furent sans doute obtenues difficilement, car bientôt les Romains pensèrent à recourir aux négociations pour obtenir la soumission des Bagaudes. En conséquence, ils firent passer les Visigoths en Espagne, et chargèrent, en 417, un Exupérantius, citoyen du diocèse de Poitiers, de traiter avec les cités indépendantes: il réussit en partie. Ainsi, il obtint des cités d'Aquitaine, et de la seconde Belgique, qu'elles renonçassent au pacte d'union, et qu'elles reçussent les officiers de l'Empereur. Mais les villes des trois Lyonnaises résistèrent à ses avances. Ainsi, vingt-deux cités, Paris, Meaux, Auxerre, Troyes, Chartres, Sens, Rouen, Bayeux, Avranches, Évreux, Séez, Lisieux, Coutances, Tours, Le Mans, Rennes, Angers, Nantes, Quimper, Vannes, et deux autres villes de Bretagne qui n'existent plus, conservèrent leur indépendance.

Pour assurer la fidélité des provinces ramenées à l'obéissance, soit par les armes des Visigoths, soit par les négociations d'Exupérantius, Honorius et Théodose, Empereurs, publièrent, en 448, un édit qui renferme les dispositions suivantes : Il devait y avoir, chaque année, depuis le 15 août jusqu'au 13 septembre, à Arles, un concile ou une assemblée civile, composée des juges et des autres officiers des sept provinces, ainsi que des Évêques et des no

(1) Jovinus, vir Galliarum nobilissimus. (Oros., lib. 7, cap. ult.)

tables, c'est-à-dire des députés de la propriété. L'assemblée devait être présidée par le préfet du prétoire. Une amende considérable était prononcée contre ceux des élus qui manqueraient de s'y rendre. Les sept provinces étaient la Viennoise, la province des Alpes, la seconde Narbonnaise, la première Narbonnaise, la Novempopulanie, la seconde Aquitaine et la première Lyonnaise, c'est-à-dire tout ce qu'on appelle aujourd'hui le midi de la France. Quant aux deux Germanies et aux Belgiques, on y envoya un général et une armée, et Exupérantius fut nommé préfet du prétoire à Arles, capitale des sept provinces du midi.

Ces dispositions, qui semblaient faites dans l'intérêt de garantir la tranquillité et l'indépendance des Gaules, eussent réussi, sans doute, à rattacher l'opinion publique aux Romains, et à ramener les Bagaudes à reconnaître les officiers de l'empereur; mais, six ans après, on apprit que de nouveaux troubles s'élevaient en Italie: Honorius et Constance, Empereurs d'Occident, étaient morts, et l'on se battait de l'autre côté des Alpes, et jusqu'en Afrique, pour recueillir ou partager leur succession. Peu de temps après, l'on sut que l'Empereur d'Orient l'avait emporté; mais c'était en introduisant sur le vieux sol romain une nouvelle nation barbare, une bande de Huns dont on racontait avec frayeur les mœurs féroces. En même temps, à Arles, les troupes romaines massacrèrent le préfet du prétoire. Les Visigoths, qui étaient revenus d'Espagne, et qui étaient rentrés dans les provinces méridionales, recommencèrent leurs courses; et vers le Nord, des Bourguignons et des Francs se mettaient à piller deux cités gauloises, Metz et Trèves. Il était donc évident qu'il n'y avait plus rien à espérer de l'Empire, et qu'il fallait chercher des secours seulement en soi-même. Il est vrai qu'une armée impériale, commandée par Aétius, vint d'Italie forcer les Visigoths à reconnaître l'Empire, et à lui prêter le serment militaire; elle poussa, le long du Rhône et de la Saône, jusque vers Metz, rejetant, dans leurs limites, quelques bandes de Francs et de Bourguignons; mais cette armée fut bientôt rappelée, et alla se dissiper dans une guerre civile. Aussi toutes les

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