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d'injure successivement sous une face, puis sous une autre, croyant qu'après avoir défini ce qu'était la «< diffamation injurieuse,» il lui restait à définir ce qu'elle n'était pas.

Le Code général des États prussiens a procédé de la même manière : il commence par poser cette définition générale et complexe :

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Quiconque, par des manières, des paroles ou des actes accompagnés de mépris, manifeste l'intention de manquer à quelqu'un ou de l'outrager injustement, se rend coupable d'injure 1. »

Puis le législateur s'aperçoit aussitôt qu'il n'a rien éclairci s'il ne précise les cas où doit se présumer cette volonté coupable, sans laquelle le fait matériel le plus blessant n'est pas un outrage.

Et aussitôt, mettant une double série de présomptions légales à la place du pouvoir discrétionnaire des magistrats, il détermine, d'une part, certaines circonstances de fait ou certains rapports de position qui excluent l'intention injurieuse 2, et, d'autre part, certaines circonstances qui ne l'excluent pas3.

Après ces règles imposées au discernement des juges, le Code prussien détermine quels sont les cas où la personne qui n'est pas directement

Art. 538 du tit. XX de la 2e partie.

2 Voir les art. 546 à 551 du titre XX.
3 Voir les art. 552 à 563 du même titre.

outragée peut poursuivre la réparation d'une injure qui rejaillit indirectement sur elle 1.

Il s'occupe ensuite de la classification des injures et, les considérant à un triple point de vue, il les qualifie d'abord quant à leur forme extérieure, puis quant à ce qu'on pourrait appeler leur intensité, puis quant à la qualité des personnes auxquelles s'adresse l'outrage ou l'offense.

Pour ce qui concerne la forme extérieure des injures, la loi les répartit en trois classes, suivant qu'elles sont réelles, verbales ou symboliques 2.

Par le nom d'injures réelles, le Code prussien désigne celles qui consistent en voies de fait d'où résulte une violence ou lésion physique. Il donne à ce mot une telle étendue que l'injure peut aller, dans certains cas, jusqu'à l'assassinat.

Sous le nom d'injures verbales, ce Code comprend à la fois les injures proférées de vive voix et celles qui sont contenues dans un écrit. L'injure écrite prend le nom de libelle lorsque l'écrit qui la contient est exposé ou publié par son auteur.

La qualification d'injure symbolique s'applique à toutes les autres démonstrations de mépris, soit qu'elles consistent en actes ou en omissions, en propos, gestes, peintures ou autres images sensibles.

1 Voir les art. 564 à 568. Voir les art. 569 à 575.

Ces trois classes d'injures se subdivisent ensuite, quant à leur intensité, en injures graves et en injures légères, d'après les rapports qui existent entre l'offenseur et l'offensé, et suivant que l'intention injurieuse est plus ou moins manifeste.

Enfin, les peines portées contre les injures varient non - seulement suivant les distinctions qui viennent d'être indiquées, mais encore suivant la position sociale des deux parties.

Ainsi, par exemple, pour les injures verbales, lorsqu'elles sont légères, la peine est de vingtquatre heures à trois jours de prison, si l'agresseur et l'offensé appartiennent tous deux à l'ordre des paysans ou à celui des communs bourgeois 1.

Elle est de huit à quatorze jours de prison si l'offense a été faite entre personnes de la « haute bourgeoisie 2. »

Entre nobles et officiers, la même injure emporte un emprisonnement de quatorze jours à un mois 3.

D'autres distinctions sont faites dans la loi pour le cas où l'offenseur est d'une classe supérieure à celle de l'offensé, et pour le cas où l'injure atteint, au contraire, une personne d'une classe inférieure à celle de l'auteur de l'offense.

1 Voir l'art. 607. 2 Voir l'art. 608.

3 Voir l'art. 609.

La durée de l'emprisonnement s'accroît proportionnellement au caractère et aux circonstances diverses de l'injure.

La loi y ajoute, dans les cas les plus graves, des peines afflictives, ou bien elle change la prison en réclusion dans un fort pour une durée plus ou moins longue.

Les nobles qui offensent grièvement un de leurs inférieurs sont déclarés déchus des prérogatives de la noblesse.

Entre gens du peuple, les batteries n'entraînent qu'un emprisonnement de huit jours à un mois 1.

Entre nobles, les voies de fait, même légères, entraînent la réclusion dans un fort pour six mois au moins; si elles sont graves, la réclusion doit durer de deux à quatre ans 2.

Indépendamment des peines prononcées dans l'intérêt de la vindicte publique, la loi prussienne pourvoit, par des dispositions particulières, à ce que l'offensé obtienne une réparation morale du tort que sa réputation a pu souffrir.

On peut même dire que, à cet égard, elle transforme les tribunaux de répression en véritables tribunaux d'honneur.

Quelque soin que prenne le législateur de tout définir et de tout régler, il est des matières où il

1 Voir l'art. 628.

2 Voir l'art. 632.

faut bien laisser quelque chose à faire au juge; la justice qui s'écrit dans les lois n'est qu'un chapitre de ce code immense qui est gravé par Dieu dans la conscience humaine.

La loi prussienne a cependant essayé de formuler des hypothèses qui échappent aux prévisions ordinaires; elle ne se borne pas à déterminer dans quelle forme la satisfaction sera donnée lorsque la procédure aura prouvé la réalité de l'intention outrageante qui constitue l'injure, elle s'occupe aussi du cas où l'inculpé, sans être convaincu d'avoir voulu « faire injure », « laisse » cependant présumer une telle intention. » On peut l'obliger, dans ce cas, « à détruire tous les » soupçons par une déclaration claire et for» melle 1. >>>

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Ce n'est pas tout encore. « Alors même que » l'acte qui a motivé la plainte ne serait pas inju»rieux en lui-même, ou alors qu'il serait claire>>ment établi que l'auteur de cet acte n'a pas prétendu faire injure ; si le plaignant estime qu'il » en résulte dans l'opinion publique des impres>>sions défavorables à son honneur, il peut requérir qu'il soit déclaré expressément que sa » réputation n'a pas dû souffrir d'atteinte par la démonstration dont il s'agit 2. »

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Mais revenons au cas où il y a preuve manifeste d'une intention injurieuse.

1 Voir l'art. 586. 2 Voir l'art. 587.

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