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charge et à procurer à cet égard la stricte exécution des lois.

Mais, soit défiance de la magistrature, soit désir d'échapper aux formes judiciaires jusque dans la punition de ce délit, on alla plus loin encore : on imposa à tout citoyen élu ou nommé à une fonction quelconque la signature d'un de ces formulaires qui vont chercher dans le secret du for intérieur des motifs d'exclusion que le pouvoir social se déclare inhabile à découvrir.

Tous les officiers civils ou militaires, judiciaires ou administratifs, furent astreints à signer avant leur entrée en fonctions la déclaration suivante: « Je jure solennellement que je ne me suis pas >> battu en duel, que je n'ai pas donné ou accepté » de défi pour me battre en duel, depuis la promulgation du Code pénal de cet État, et qu'à l'avenir je me considérerai comme engagé par les >> lois de l'honneur, aussi bien que par la sanction » de ce serment et des lois, à ne commettre aucun délit contre les dispositions de ce code rela>>tives au duel 1. »

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Quelle que soit ma répugnance à voir ainsi la loi employer son autorité pour se faire ouvrir de vive force les portes de la conscience humaine, j'avoue qu'il y a dans cette manière de procéder à l'égard des duellistes quelque chose qui me plaît.

1 Voir l'article 567 du Système de loi pénale pour l'État de la Louisiane.

J'aime assez que pour guérir le faux point d'honneur on fasse un appel à l'honneur véritable; c'est s'appuyer sur la partie saine pour guérir celle que la contagion a gagnée.

L'homme qui se résignait à la mort pour tirer vengeance d'un démenti ne sera pas capable, sans doute, de racheter sa place au prix d'un mensonge.

Aussi ce moyen paraît-il avoir réussi.

Voici ce qu'écrivait à M. Livingston, pendant qu'il composait son Code, le chancelier (chiefjustice) des États-Unis1.

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«La source de cette coutume est un sentiment » d'honneur; il faut, si nous voulons détruire les » duels, consulter la passion qui les produit. Il >> faut mettre l'ambition aux prises avec le faux » honneur; c'est le seul rival à lui opposer dans une >> âme jeune et bouillante. La privation des droits politiques que vous proposez me paraît parfaite»ment adaptée à ce délit. L'efficacité du remède dé» pend, comme dans beaucoup d'autres cas, de la cer>> titude que la loi sera exécutée, et cette certitude » n'existera pas si vous ne comptez que sur le mi

1 En exécution de la résolution prise par l'assemblée générale de l'État de la Louisiane, le projet de code de M. Livingston a été publié en langue française et en langue anglaise. L'édition anglaise que nous avons sous les yeux a paru à Philadelphie en 1833.—L'édition française porte la date de 1825, Nouvelle-Orléans.-Nous nous servirons pour les citations comprises dans ce chapitre de l'une et de l'autre édition, en cherchant l'expression la plus propre à faire bien comprendre la pensée de l'auteur.

>>nistère public. Lors même que la mort aura été le » résultat du duel, les poursuites ne seront pas tou» jours intentées: à plus forte raison, quand l'issue >> sera moins funeste, et surtout quandil n'y aura » pas eu combat effectif, toute l'affaire sera généra>>lement passée sous silence, et les cartels ne seront » pas complètement réprimés. Le serment que vous >> exigez de toute personne élue ou nommée à un emploi, avant qu'elle entre en fonctions, est, je » pense, la meilleure sinon l'unique mesure que >> puisse inventer la sagesse humaine. Son efficacité » a été prouvée en Virginie, où un serment sembla>> ble a été prescrit et rigoureusement exigé. Il en » est résulté que les duels, si fréquents aupara»vant, sont maintenant presque inconnus dans cet État, et que l'opinion publique, sur ce point, >> a considérablement changé1. >>>

Cette haute autorité, appuyée, comme dit M. Livingston, sur «l'argument irréfragable » de l'expérience, le confirma dans son dessein de faire de la privation des droits politiques la base du système répressif à établir pour l'État de la Louisiane en matière de duel.

1 Rapport déjà cité, p. 191 de l'édit. anglaise; p. 208 et 209 de l'édition française.

§ Ier.

DISPOSITIONS RELATIVES A LA RÉPRESSION DE L'INJURE.

Diverses manières de s'y prendre pour définir un délit dont la forme est multiple. M. Livingston a recours à une définition générale dont il précise ensuite les termes par des exemples. Formes de procédure établies par M. Livingston pour le jugement de l'injure.

Tendance

à convertir, en tout état de cause, la plainte judiciaire en arrangement amiable. Réparations d'honneur ménagées par la loi.

On trouve, à chaque page de l'exposé qui précède le projet de Code pour la Louisiane, des vues aussi larges qu'élevées.

M. Livingston y développe ses doctrines en philosophe avant de les formuler en législateur. Il va s'occuper de punir le duel, et ses premiers mots semblent l'excuser.

<< Partout, dit-il, où la loi ne donnera pas sa>>tisfaction suffisante à ceux qui se croient lésés » par des imputations contre leur intégrité ou leur » honneur, tant que l'honneur et l'intégrité se>> ront nécessaires au bonheur de l'homme en société, les passions humaines s'efforceront de suppléer à l'insuffisance de la loi. »

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Il paraît qu'à cette époque la législation de la Louisiane sur les offenses privées était à peu près ce qu'est la nôtre aujourd'hui, c'est-à-dire que la diffamation seule était punie, tandis que les autres injures étaient reléguées dans la classe de ces faits dont le législateur s'occupe à peine.

Il en arrivait ce que trop souvent on observe aussi parmi nous.

« Les reproches de mensonge ou de quelque >> faute contre les bienséances sociales devien» nent, disait M. Livingston, des causes de duel » plus fréquentes que les plus sérieuses imputa» tions. La raison en est simple: la loi donne quel» que satisfaction dans ce dernier cas; elle n'en >> donne aucune dans l'autre. »

Cette conviction, profondément arrêtée dans l'esprit de M. Livingston, lui fit juger qu'une législation plus complète sur l'injure devait être le préliminaire indispensable d'une répression efficace du duel.

Mais il y a plusieurs manières d'étendre les termes d'une loi pénale à des cas qu'elle ne prévoyait pas auparavant.

On peut multiplier les catégories de délits, en appliquant à chacune d'elles une pénalité distincte.

On peut aussi s'en tenir à une définition générale qui embrasse tous les cas divers, en ayant soin d'élargir alors les limites de la pénalité en proportion de l'élasticité qu'on donne à la loi.

Dans la première hypothèse, le domaine du juge se trouve circonscrit et resserré par la prévoyance détaillée du législateur.

Dans la seconde, au contraire, il semble que le législateur, pour abréger sa tâche, s'en remette au pouvoir discrétionnaire des magistrats

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