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Monographie des irritations intermittentes, ou Traité pratique des
maladies périodiques des fièvres larvées, locales, etc., etc.,
par P. J. MONGELLAS, 2 vol. in-8°

Il est des ouvrages que leur date même doit protéger contre la sévé-
rité d'une critique rigoureuse composés sous l'influence d'une idée
nouvelle, accueillie de partout avec acclamation et enthousiasme,
était presque impossible qu'ils se tinssent dans les limites du vrai, soit
qu'ils se missent au service de l'idée nouvelle, soit qu'hostiles à celle-
ci, ils défendissent contre elles la science telle que le passé l'avait
faite. Quelques esprits optimistes, qui constamment supposent les hom-
mes tels qu'ils devraient être, au lieu de les voir tels qu'ils sont, ont
de la peine à s'avouer que les passions viennent ainsi à la traverse d'une
science, que son but seul devrait mettre à l'abri de leur atteinte; cela
n'est point nouveau pourtant, car il en a toujours été ainsi; mais il en
a été ainsi surtout de la doctrine physiologique : la vérité scientifique
telle que la fait saillir la lutte passionnée provoquée par la mise au
jour de cette doctrine fameuse, n'est certes tout entière ni dans le
camp de l'attaque ni dans le camp de la défense; elle est placée plus
haut que ces mesquines rivalités; elle est dans les principes inatta-
quables que la médecine a laborieusement établis, elle est dans les
données nouvelles que l'observation moderne a conquises. Mais il n'en
était point ainsi il y a quelques dix ans ; c'est précisément à cette épo-
que de réforme radicale, de complète réédification de la science, qu'a
paru, pour la première fois, l'ouvrage de M. Mongellas, dont il s'agit
en ce moment; or, dire que M. Broussais a été en quelque sorte le
parrain de ce livre, c'est en exprimer par un seul mot et la tendance
et l'esprit, c'est le caractériser de la manière la plus générale et la
plus complète. Plusieurs médecins, non sans parti, et disciples fervents
de M. Broussais autant que M. Mongellas lui-même, firent pendant plus
ou moins longtemps route commune avec ce hardi marcheur; mais la
plupart restèrent à mi-chemin, d'autres, mieux avisés encore peut-
être, rétrogradèrent; nous étions fort désireux de savoir ce qu'était
devenu M. Mongellas au milieu de cette déroute, lui qui avait toujours
été à l'avant-garde, eh bien! il y est encore; seulement il nous a sem-
blé qu'il était un peu là en sentinelle perdue.

Qu'il y a vingt ans on acceptât l'ensemble de la doctrine de M. Brous-
sais, même dans ses conséquences les plus éloignées et les plus aventu-
reuses, nous le comprenons, car le maître était là qui, avec l'éloquence
abrupte de sa parole ardente, forçait l'entrée même chez les esprits
les plus rebelles; jeune comme l'était encore alors M. Mongellas, ces

idées ont dû s'empreindre chez lui comme sur une cire molle; mais
qu'aujourd'hui M. Mongellas en soit encore à l'enthousiasme naïf de
la première jeunesse, voilà, nous l'avouerons, ce que nous ne compre-
nons pas; non, nous ne comprenons pas qu'aujourd'hui on ose écrire que
les fièvres intermittentes sont des inflammations périodiques ou du cerveau
ou du poumon, mais surtout des irritations gastro-intestinales; que les
irritations intermittentes se trouvent naturellement divisées en quatre es-
pèces principales et bien distinctes, qui sont : 1o celles qui se développent
particulièrement dans le système capillaire sanguin, et dont les symptô-
mes absolument semblables à ceux d'une congestion sanguine ou d'une
inflammation ordinaire, les ont fait appeler inflammatoires; 2o les irri-
tations intermittentes, qui, ayant leur siége dans le même système, sont
caractérisées par une effusion sanguine plus ou moins remarquable; de
là le nom d'hémorrhagiques qu'elles ont reçu ; 3° celles qui se déclarent
dans le système lymphatique, exhalant, secréteur, absorbant, et qui
pour cette raison ont été nommées sub-inflammatoires, ou lymphatico-
sécrétoires; 4° les irritations intermittentes nerveuses, qui portent le
nom du système qu'elles attaquent plus spécialement; franchement, ne
croyez-vous pas rêver? mais cette étrangeté de doctrine, j'allais presque
dire cette excentricité éclate d'une manière bien plus inquiétante en-
core, lorsque l'auteur arrive à établir les bases générales du traitement
des fièvres intermittentes; pour lui le seul traitement rationnel de ces
maladies, c'est le traitement anti-phlogistique; ce traitement assure,
bien mieux que tout autre, une guérison radicale et sans retour : n'est-
ce point là, dit-il, un trait de lumière et qui tend à faire voir qu'il ne
faut jamais compter sur les remèdes empiriques, qu'il faut y avoir re-
cours avec réserve, et qu'on finira peut-être par y renoncer quand on
aura perfectionné les méthodes rationnelles de traitement. Vous enten-
dez, le sulfate de quinine devra un jour céder le pas à la saignée dans
le traitement des fièvres intermittentes; dites-moi, croyez-vous mainte-
nant qu'il soit nécessaire de pousser plus loin l'analyse?

Traité pratique des hernies; déplacements et maladies de la ma-
trice; affections considérées sous leurs rapports anatomiques
médical et chirurgical, etc., par P. L. VERDIER, chirurgien-
herniaire de la marine royale, des hôpitaux militaires de
France, etc. 1 vol. in-8°.

Le titre de ce livre est fort ambitieux, et il est inutile d'ajouter qu'il ne
tient pas exactement tout ce qu'il promet. Nous croyons du reste que

cela eût été un peu difficile à l'auteur. Il a parfaitement compris que,
dans la position où il se trouve placé, s'il lui était possible de servir la
science chirurgicale, pour laquelle il semble pénétré d'un sincère res-
pect, il était une première et indispensable condition à remplir, c'é-
tait d'étudier au moins les éléments de cette science. M. Verdier a voulu
le faire; il a déposé la lime et l'aiguille du bandagiste pour pren-
dre le scalpel de l'anatomiste, et étudier par lui-même et de plus près
les organes pour les maladies desquels les secours de son art sont cha-
que jour invoqués. Ces études ont dû, nous le croyons, simplifier
beaucoup, en la rationnalisant, la pratique de sa profession; nous
croyons encore que ces études l'ont plus d'une fois mis à même de faire
des remarques importantes, et qui ont pu échapper aux chirurgiens ;
mais tous ces avantages, quelque grands qu'ils soient, n'imposaient peut-
être pas rigoureusement à M. Verdier l'obligation de faire un traité pra-
tique des hernies, déplacements et maladies de la matrice, etc. Nous ne
lui dirons certainement point: sulor ne ultra crepidam; l'anatomiste
a le droit d'aller plus loin, mais pas si loin peut-être qu'il a tenté de le
faire ici. Cependant le praticien qui ne se laissera point arrêter par
l'âpreté, l'incorrection d'un style inculte et sans couleur, ne trouvera-
t-il dans ce livre rien dont il puisse faire son profit? Nous ne le pensons
pas. Il y a dans la pratique chirurgicale en général, et en particulier
dans celle qui appelle à son secours divers moyens de l'art mécani-
que, une infinité d'imprévus pour l'éventualité desquels on peut avec
avantage s'éclairer des lumières de l'expérience de M. Verdier. Du
reste, il y a dans ce livre plus d'un genre d'enseignement. Écoutez la
petite historiette suivante que rapporte M. Verdier :

« Il me souvient, dit-il (pag. 200), que dans le temps où je revoyais
mon anatomie pour me préparer à mon premier examen, un culotier,
qui avait commencé son éducation médicale par l'application de vieux
bandages sur des porteurs d'eau ou autres pauvres gens, vint me prier
de lui montrer ce que c'était que les boyaux, parce qu'il était sur le
point de se présenter devant le jury médical de Paris pour obtenir un
diplôme d'officier de santé, à l'aide duquel il pût exercer la médecine
sans crainte d'être poursuivi. Je fis devant lui l'ouverture du ventre
d'un cadavre d'homme de cinquante à cinquante-cinq ans, et, malgré
les détails minutieux auxquels je crus devoir entrer dans la description
des divers organes qui se trouvaient sous ses yeux, il me fut impossible
de lui faire comprendre le mécanisme des hernies. Trois mois après, ce
culotier était officier de santé et exerçait à Paris la médecine. Plus tard,
il a réussi à se faire une assez belle clientèle pour avoir un cabriolet. >>
Que pensez-vous de ce culotier-là?..

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BULLETIN DES HOPITAUX.

Abcès, tumeurs fluctuantes du bassin, ouvertes par le vagin
avec l'instrument tranchant. · - Il est des affections obscures et gra-
ves pour le diagnostic et le traitement desquelles ce n'est pas assez
pour le praticien d'avoir un tact ordinaire et une hardiesse commune.
Personne ne pourra nier qu'il n'en soit ainsi pour les cas dont nous
allons esquisser l'histoire.

Une parfumeuse, âgée de trente-deux ans, la nommée Raimbaud,
entra à l'Hôtel-Dieu le 22 janvier 1840 et y fut couchée salle Saint-
Lazare, no 51, service de M. Récamier. Il y avait dix-huit mois
qu'elle avait fait une fausse couche. Depuis quatre mois seulement sa
santé s'était altérée, elle éprouvait des douleurs dans le bas-ventre, ses
digestions s'étaient troublées, elle avait des borborygmes, quelquefois
un peu de dévoiement, mais plus souvent de la constipation. Ses épo-
ques menstruelles étaient douloureuses, il y avait un écoulement leu-.
corrhoïque abondant, et depuis un mois une fièvre lente accompagnée
d'une faiblesse extrême. A son entrée à l'hôpital, M. Récamier avait
porté le diagnostic d'un abcès dans le bassin, mais la palpation de
l'hypogastre et le toucher par le vagin ne lui avaient rien fait découvrir,
malgré la délicatesse exquise de son toucher; il fallut attendre. Le
11 janvier, M. Récamier sentit une petite tumeur dans le côté gauche
de l'hypogastre, et dans cette tumeur il perçut de la fluctuation. Pour-
suivant son examen, il toucha à l'instant la malade par le vagin et
par le rectum, et il trouva de la fluctuation entre les parois de
ces deux organes. Sûr de lui, sûr de l'impression que son doigt a reçue
et de l'existence d'une collection purulente dans la profondeur de ces
parties, ce professeur fait une incision à la paroi vaginale en arrière
et à gauche, et à l'instant il sort une grande quantité d'un pus san-
guinolent d'une odeur fétide et alliacée, et la tumeur hypogastrique
disparaît; aucun accident ne suit cette opération, la fièvre cesse, l'ap-
pétit revient, et la malade sort complétement guérie quinze jours après,
le 25 juillet.

no

Autre fait. Le 1er août dernier est entrée à l'Hôtel-Dieu, salle Saint-
Julien, no 6, une couturière, âgée de vingt-quatre ans, sujette aux in-
flammations du bas-ventre et accouchée depuis huit mois; M. Récamier
constate une tumeur fluctuante entre le vagin et le rectum. Le 2 août
il pratique une incision sur la paroi postérieure du vagin; il s'écoule un
liquide mélangé de pus, de viscosité et de sang, et la tumeur revient
sur elle-même, des accidents sérieux ont suivi cette opération. L'inté➡

rieur de la poche a donnée issue pendant une quinzaine de jours à des
détritus ayant une odeur gangreneuse. Des injections abondantes et
répétées plusieurs fois par jour, en entraînant les matières décomposées,
ont empêché les accidents généreux de résorption, et la malade a par-
faitement guéri.

Voici encore un cas non moins remarquable. La nommée Lassaigne,
brossière, âgée de vingt ans, accouchée il y a six semaines de son
premier enfant et souffrant depuis sa couche, entre à l'Hôtel-Dieu le
1er février 1840, salle Saint-Julien, no 1, avec une tumeur fluc-
tuante dans l'hypogastre, s'étendant en bas sur la partie postérieure et
latérale droite du col utérin, en faisant une légère saillie dans le va-
gin. M. Récamier trouve de la fluctuation dans ce point et incise le
vagin le 2 février; il s'écoule à l'instant un flot de pus phlegmoneux,
et la malade est soulagée; les accidents cessent et tout fait espérer une
guérison rapide. Mais bientôt de nouveaux troubles surviennent, et
M. Récamier en cherche pendant quelque jours la source. Cependant il·
découvre, dans les derniers jours de février, une nouvelle tumeur
fluctuante dans la fosse iliaque droite; il y applique un fragment de
potasse caustique, et, sur l'escarre qui en résulte, il pratique le 1er mars
une incision, laquelle donne lieu à une assez grande quantité de pus.
Cette malade est sortie complétement guérie de l'Hôtel-Dieu le 29 mars.

Une autre observation, que nous devons encore rapporter, est celle
de la nommée Breda, joigneuse en botterie, âgée de trente-un ans,
entrée à l'Hôtel-Dieu le 24 février 1840, et couchée salle Saint-Lazare,
no 37. Cette femme, qui n'avait jamais eu d'enfant, avait depuis plus
de cinq ans éprouvé plusieurs inflammations de bas-ventre. En tou-
chant cette malade, M. Récamier trouva en arrière du col de l'utérus
une tumeur du volume d'un gros œuf de dinde; l'étroitesse du vagin
ne permettait d'introduire qu'un seul doigt, cependant le professeur,
croyant reconnaître de la fluctuation dans cette tumeur, y pratiqua le
25 février une incision. En retirant l'instrument, il parut couvert d'un
enduit purulent, cependant il ne s'écoula qu'un peu de sang. Cette
circonstance faisant craindre que le parallélisme des incisions n'eut pas
été conservé, on fait le 2 mars suivant une nouvelle incision par le
vagin sur un point culminant de la tumeur qui paraît fluctuant; mais
il n'en sort pas de liquide, malgré la profondeur à laquelle parvient
l'instrument. Néanmoins, à partir de cette époque, la tumeur diminue
peu à peu, et elle avait complétement disparu à la sortie de la malade,
le 17 mars.

M. Récamier a encore opéré en ville deux autres malades durant ces
derniers mois; une femme de la rue de Vaugirard, 61, qui, à la

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