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trouve le sous-cuisse, qui a pour but d'empêcher l'appareil de se déplacer de bas en haut.

Sera-ce uniquement parce qu'elle détermine l'inclinaison du tronc, que cette ceinture est nouvelle? Mais, comme nous l'avons vu, l'appareil de Delpech incline. Nous lisons dans le précis du docteur Lachaise, que l'inclinaison de la colonne est le meilleur moyen de faire cesser l'inégalité d'épaisseur des deux côtés des cartilages inter-vertébraux dans les courbures du rachis; sera-ce, enfin, parce que cette inclinaison est provoquée par un levier? Mais encore, le levier de Venel, appliqué aux déviations du pied, incline également celui-ci sur le plan vers lequel il l'a dirigé, en le ramenant à la direction normale.

Cependant, si l'on consulte les travaux des orthopédistes de toutes les époques, on ne trouve point parmi les machines employées pour le redressement de la colonne, un ensemble analogue à la ceinture à inclinaison, et même un instrument dont l'action soit basée sur les mêmes principes; aussi la propriété de la ceinture à inclinaison est-elle assurée, à son auteur.

Voici quel est cet instrument, que la figure suivante (B) représente appliqué sur une jeune personne (Voyez Fig. A.) atteinte d'une double courbure, présentant sa convexité à droite dans la région dorsale, à gauche dans la région lombaire.

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Cette machine se compose, comme on voit, d'une très-large cein

ture rembouriće et fixée autour du bassin, mais sans y opérer de pression doulourense, attendu qu'on n'a pas besoin de la serrer fortement. Sur la partie de cette ceinture qui correspond au sacrum, se trouve une pièce en acier, ou cadran à crémaillère destiné à recevoir l'extrémité d'un levier ou busc d'acier, et à lui conserver le degré d'inclinaison qu'on aura jugé nécessaire. Ce busc offre sur sa face postérieure une série de boutons auxquels s'attache une grande courroie à quatre chefs, dont deux inférieurs sont reçus dans deux boucles que porte la ceinture à sa partie antérieure et latérale, et deux supérieurs trèslarges, qui vont se fixer aux boutons du buse. Le plein de cette large courroie, dirigée de bas en haut et de gauche à droite, détermine une pression de dehors en dedans et de bas en haut, sur la saillie que forment les côtes correspondantes à la convexité de la courbure. Dans certains cas, on ajoute une autre courroie qui, bouclée à droite de la ceinture et passant obliquement au-devant de l'abdomen, va s'attacher aux boutons inférieurs du busc, en agissant sur la partie lombaire comme sur la région dorsale; enfin, la troisième pièce est un souscuisse très-large et très-fort, qui, placé à la partie interne et supéricure de la cuisse, se trouve fixé en avant et en arrière à la ceinture.

Get appareil se compose donc de trois pièces principales et d'une ou deux bandes de cuir. Il n'y a pas encore eu en orthopédie un instrument plus simple; sous ce rapport, il doit donc mériter la préférence à valeur égale. La manière de s'en servir varie, comme on le pense bien, suivant les nombreuses variétés de courbures du rachis; cependant, voici comment se fait son application dans les cas les plus simples et les plus communs, tels que le représente la figure A.

La ceinture étant fixée autour du bassin, à la hauteur des crêtes iliaques, on engage l'extrémité inférieure du levier dans le cadran à crémaillère, en lui donnant une obliquité plus ou moins grande vers le côté concave; fuis, ramenant les deux chefs de la courroie au-devant de l'abdomen, au-dessous du sein, et enfin sur la saillie formée par les côtes du côté de la convexité de la courbure, on engage les boutons du busc dans les œillets dont se trouvent garnis ses deux chefs supérieurs, et plus ou moins haut, suivant l'indication, après avoir fait incliner le malade au même degré et du même côté que le busc.

Le mode d'action de cet appareil est facile à concevoir. Le point d'appui étant pris sur le bassin, ou plutôt à la partie interne de la cuisse, précisément dans la région du corps où les muscles offrent le plus d'épaisseur et où la pression pourrait être très-considérable, sans offrir le moindre danger, la courroie, fixée invariablement en bas à la cein

ture, en haut au busc, maintient le tronc dans la position inclinée qu'on lui avait donnée pour l'application de l'appareil, en agissant par sa partie moyenne sur la saillie présentée par les côtes, vis-à-vis et audessous de la courbure.

Voilà donc l'inclinaison comme la produisent les autres appareils imaginés dans ce but; mais l'action de ces appareils se borne là, tandis que, avec la ceinture à levier, on obtient un effet secondaire d'une extrême importance, et qui constitue le caractère essentiel de la méthode d'inclinaison.

Le premier effet de l'appareil est donc l'inclinaison du tronc et de la tête à gauche (en supposant toujours les cas ordinaires de deux courbures en sens opposé, comme dans les figures précédentes), c'est-à-dire une position telle que la perte de l'équilibre et la chute du sujet résulteraient infailliblement de la moindre impulsion communiquée de droite à gauche, si cette position était conservée; toutefois, pour rétablir l'équilibre, un mouvement instinctif de réaction s'opère du côté opposé à l'inclinaison; le tronc se relève et est ramené du côté droit; mais, arrêtée dans ce mouvement par la courroie qui passe obliquement sur les côtes, sa partie inférieure conserve son inclinaison, tandis partie supérieure, restée libre au-dessus de la courroie, se dirige du côté opposé, et s'y incline autant qu'il est nécessaire pour le rétablissement de l'équilibre. Dans ce mouvement de redressement, l'épaule gauche, qui était fortement abaissée, se relève entraînée par les muscles qui, de l'omoplate, s'insèrent à l'occiput et à la partie supérieure de l'épine; tandis que l'épaule opposée, qui était plus élevée, tend à s'abaisser, en raison de l'inclinaison de la tête et du cou, de son côté.

que sa

Tandis que s'opèrent ce redressement et cette inclinaison à droite de la partie supérieure de l'épine, les côtes, que presse assez fortement la courroie vers leur tiers postérieur, rapprochent de la ligne médiane les vertèbres correspondantes qui en avaient été éloignées par l'incurvation; celle-ci tend donc à s'effacer, et les fibro-cartilages inter-vertébraux, cessant d'être comprimés du côté de la concavité de la courbure, reprennent leur forme normale, circonstance qui concourt puissamment à la persistance du redressement. Les fibro-cartilages n'étant plus comprimés inégalement, reprennent leur forme ordinaire. En :nême temps, les muscles, qui, par leur rétraction, avaient en partie causé l'incurvation, ou qui, tout au moins, contribuaient à la rendre permanente, se trouvent distendus, allongés; et ceux qui, placés du côté de la convexité, avaient perdu leur ressort par l'allongement de leurs fibres et leur inactivité, tendent à reprendre leur dimension et leur énergie premières.

Ce n'est pas tout. Dans les cas où la déformation des vertèbres et des côtes est peu ancienne, peu considérable, l'action de l'appareil ne se borne pas au redressement des courbures, mais elle produit l'affaissement de la saillie des côtes, en ouvrant l'angle formé par celles-ci, et en opérant un mouvement de rotation de l'épine, opposé à celui qu'elle avait éprouvé pendant la formation de ses courbures.

On conçoit tout d'abord quelles importantes modifications doit éprouver le rachis sous l'influence de cet appareil si simple, et doué d'une si grande énergie, et ce qui doit se passer dans ces deux mouvements successifs d'inclinaison à gauche et de redressement à droite.

Dans le premier, dont le centre ne se trouve pas, comme on l'a dit, à l'articulation sacro-vertébrale, à cause des nombreux et forts ligaments qui l'entourent, et notamment du ligament iléo-lombaire, mais bien dans la série des vertèbres lombaires, dans ce mouvement d'inclinaison, qui est d'autant plus étendu qu'il se passe plus près de l'extrémité inférieure du levier représenté par le rachis. Ce qu'il y a surtout d'important à remarquer, c'est d'abord qu'en raison même de cette dernière circonstance, les vertèbres qui forment l'extrémité supérieure de la courbe lombaire, décrivant un arc de cercle plus étendu, sont portés plus loin à gauche, d'où il résulte que la courbure s'efface nécessairement. En même temps, le poids du tronc qui, inégalement réparti par le fait même de l'incurvation, agissait avec plus d'intensité à droite, est reporté presque tout entier sur le côté opposé. Alors la forme angulaire affectée par les fibro-cartilages se modifie; la moitié droite de ces corps élastiques s'affaisse sous le poids des parties, tandis que l'autre, en vertu du ressort qui est propre à ces tissus, se relèveet tend à reprendre son volume primitif. En même temps, les muscles situés du côté de la concavité, notamment les intertransversaires, s'allongent, et, soit qu'ils aient été une des causes premières de l'incurvation par leurs contractions convulsives, ou que, raccourcis par le fait seul du rapprochement passif de leur point d'attache, ils soient devenus ainsi un obstacle secondaire au redressement de chaque vertèbre inclinée, leur allongement forcé vient faciliter et la réaction du coussin intervertébral comprimé, et l'action paralysée des muscles antagonistes.

Ainsi se trouvent remplies deux des principales indications : le transport du poids des parties supérieures vers le côté le plus épais des fibro-cartilages, et l'allongement des parties dont le raccourcissement était une des causes ou une des complications les plus fâcheuses de la

courbure.

Une telle inclinaison de l'axe du tronc et de la tête sur le bassin aurait pour effet général d'éloigner ces parties du centre de gravité, de

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rendre ainsi la base de sustentation insuffisante, de troubler ainsi les conditions d'équilibre, et d'exposer le sujet à cheoir au moindre mouvement. Elle ne pourrait donc être conservée longtemps sans inconvénient d'ailleurs, la présence d'une seconde courbure opposée dans la région dorsale serait seule une contre-indication; car le poids de la tête entraînant à gauche l'extrémité de la courbure dorsale, celle-ci devrait nécessairement augmenter, par le fait même de l'affaissement partiel des coussins intervertébraux. Cependant le contraire a lieu; voici com

ment.

En vertu de la loi d'équilibre dont nous avons parlé précédemment, et par laquelle une courbure de l'épine, tendant à rompre l'équilibre, entraîne nécessairement dans les circonstances ordinaires la formation d'une courbure secondaire, dite de balancement ou de compensation, un nouveau mouvement instinctif de gauche à droite s'opère dans les parties supérieures du tronc, qui sont ainsi ramenées vers la ligne de gravité. Ce mouvement de réaction serait sans effet si toute l'épine y participait; car il ne produirait autre chose que le retour à la position habituelle; mais il est nécessairement borné à la partie de l'épine qui se trouve audessus du point sur lequel la courroie latérale exerce son action par l'intermédiaire des côtes, c'est-à-dire au-dessus du centre de la courbure; toute la portion inférieure de celle-ci, ainsi que le reste de l'épine, restent dans la position inclinée qui leur avait été donnée d'abord. La colonne se redresse donc, à la manière d'une tige flexible courbée qu'on saisit par deux extrémités, tandis qu'on appuie en sens contraire sur sa partie moyenne.

Dans ce mouvement qui, poussé au delà des limites voulues par le rétablissement de l'équilibre, tendrait à produire une courbure dans le sens opposé, (ce qui est possible, quoiqu'on ait dit le contraire), l'aspect du tronc se modifie; l'épaule gauche abaissée se relève, la dépression qui existait au-dessus de la hanche, du même côté, disparaît, le tronc s'allonge, se redresse, et l'équilibre est rétabli.

Comment se fait-il qu'un instrument si simple produise des modifications aussi grandes sur l'état de l'épine, lorsque des machines comme les minerves, corsets suspenseurs et redresseurs les mieux conçus, les plus compliqués, restent tellement impuissantes qu'elles sont complétement abandonnées, pourquoi la ceinture à inclinaison obtint-elle ce qu'on ne croyait plus possible, c'est-à-dire le redressement de la colonne pendant la station du sujet, et sans qu'on ait besoin de l'extension? C'est parce que le puissant levier qu'elle représente trouve dans la partie du corps où se rencontrent l'os le plus solide, la masse musculaire la plus considérable, à la partie supérieure et interne de la

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