Page images
PDF
EPUB

sur la formation des graviers par les aliments avec excès d'azote, théorie chimique inadmissible, qui repose sur des expériences incomplètes, sur des faits mal interprétés ou mal compris. Voici, en regard de l'opinion du savant physiologiste, celle de M. Civiale, qui nous paraît beaucoup plus logique, plus en harmonie avec les faits observés. Laissons parler M. Civiale: << La prédominance de la matière solidifiable dans l'urine et la formation du sable me paraissent liées essentiellement à un état de surexcitation des reins; que cette excitation soit directe et qu'elle ait son point de départ dans l'appareil urinaire, ce qui est le plus commun, ou qu'elle soit indirecte et vienne de toute autre région de l'économie animale. Un grand nombre de faits appuient cette observation, qui est de la plus haute importance dans la pratique. La principale difficulté du traitement consiste alors à déterminer la cause qui provoque cette surexcitation rénale. »

Nous arrivons à la dernière partie de l'ouvrage, où l'auteur discute de point en point les assertions émises par plusieurs médecins pour dissoudre les graviers dans l'intérieur du corps vivant. Les dissolvants des calculs urinaires ne semblent pas lui inspirer une grande confiance; il serait même disposé à croire qu'ils agissent quelquefois comme cause déterminante de la maladie. « Les partisans de la dissolution ou de la disgrégation, dit-il, affirment être convaincus de la propriété dissolvante des remèdes alcalins, bien qu'ils ne fassent que reproduire, sous d'autres formes de langage, les opinions non moins nettement formulées par les anciens, et dont aucune n'avait pu soutenir l'accablante épreuve de l'expérience. » Ainsi les substances alcalines et les eaux minérales, d'après M. Civiale, sont seulement sédatives; elles ne peuvent pas exercer une action destructive sur la pierre déjà formée et développée dans un point quelconque de l'appareil urinaire. Bien plus, deux graves inconvénients résultent de leur emploi plus ou moins actif : le premier de surexciter l'action rénale, et même tout l'organisme, ce qui peut déterminer de graves accidents; le second, de bercer les malades d'un fatal espoir, en un mot, de temporiser tellement, que l'extraction du calcul, quel que soit le mode d'opération, présente ensuite très-peu de chances de succès. Toutes ces réflexions sont graves, et méritent bien qu'on les soumette à un examen profond et surtout impartial.

Enfin le livre est terminé par un mémoire fort curieux sur les calculs de cystine, et par une note de M. Pelouse, sur cette substance singulière, et fort peu connue avant l'occasion qu'a eue M. Civiale de traiter plusieurs malades, qui lui en ont offert d'un volume considérable. Ce dernier ouvrage de M. Civiale a le mérite des précédents : pré

cision, clarté, connaissance approfondie du sujet, déductions pratiques rigoureuses. Ces qualités assurent à cette nouvelle publication le succès non contesté qu'ont eu leurs devancières.

CORRESPONDANCE MÉDICALE.

H. R.

OBSERVATIONS SUR LE GOÎTRE DES NOUVEAU-NÉS, PRÉCÉDÉES d'un coURT EXPOSÉ HISTORIQUE SUR CETTE MALADIE.

Il existe plusieurs points des sciences médicales sur lesquels les faits qui s'y rapportent sont restés ensevelis dans le silence des praticiens auxquels ils se sont offerts. En compulsant les ouvrages de médecine, on ne trouve rien, ou presque rien d'écrit sur diverses spécialités; cependant, dès que les esprits ont été dirigés vers certains sujets d'observations, chaque praticien s'étonne du silence des auteurs, et trouve dans sa mémoire des faits analogues à ceux qui se sont présentés. Je ne doute pas que les deux exemples de goître congénial qui vont suivre ne soient un signe de souvenir pour des cas semblables à ceux que j'ai

vus.

Dans le peu de recherches que j'ai faites sur ce sujet, je me suis convaincu que les hommes qui s'étaient particulièrement occupés des maladies des enfants n'avaient pas parlé du goître congénial, ou n'en laissaient apercevoir que des notions à peine dignes de remarque. On a lieu de regretter aussi que les articles spéciaux sur les maladies du corps tyroïde n'en disent presque rien. C'est ainsi que dans le Dictionnaire de Médecine, en 18 volumes, à l'article GoÎTRE, traité par M. Ferrus, on trouve simplement le passage qui suit :

« M. Guyot, élève des hôpitaux, m'a communiqué à ce sujet fait intéressant. Il m'a assuré que M. Godelle, médecin à l'hôpital de Soissons, conservait le corps d'un enfant qui n'a vécu que quelques heures, et qui est venu au monde avec un goître, sa mère étant affectée de la même maladie. »

On n'a pas dit quelle a été la cause de la mort de cet enfant... Ne serait-elle point due à un défaut de respiration, causé par la présence du goître?

Fodéré, dans son Traité du Goitre et du Crétinage, page 35,

1 Et non pas du Crétinisme, comme on l'a souvent imprimé.

dit avoir vu commencer le goître chez un enfant âgé de trente-cinq jours. Le fait a été rappelé dans le Dictionnaire abrégé des Sciences médicales et dans l'Encyclopédie moderne, à l'article TYROCÈLE, traité par M. Desruelles.

Dans le même ouvrage, Fodéré s'exprime comme il suit :

« Le goître est héréditaire ou adventitiel; le premier est beaucoup plus rare que le dernier. J'ai vu trois exemples de goître héréditaire dans des nouveau-nés, dont les parents étaient goîtreux; même un de ces tristes exemples a été recueilli sur un de mes parents. Dans des recherches que j'ai faites à ce sujet dans la Maurienne, MM. les curés des campagnes où il y a le plus de goîtreux, notamment M. Mollin, curé de Saint-Remi, m'ont fourni plusieurs cas. »

Les observations que j'ai recueillies diffèrent essentiellement des faits rapportés par Fodéré; ces derniers ont augmenté avec le temps, tandis que les autres ont disparu naturellement en quelques semaines.

Moriceau, Rollin, Brouzet, ne disent pas un mot du goître congénial; M. Gardien n'en fait pas mention; Billard, qui a fait un bo traité des maladies des nouveau-nés, et qui a étudié les écrits spéciaux sur cette matière, notamment ce qu'en disent Underwood et M. Denis, n'a rien rencontré, ni dans sa pratique, ni dans ces auteurs, qui se rapporte à la maladie dont nous parlons, puisqu'il ne l'indique même

pas.

D'après ce court exposé historique, sans doute bien incomplet, sur les cas de pathologie dont je vais citer deux observations, il est facile de conclure que les recherches sur ce genre d'affection ont été tout à fait négligées; je ne crois pas qu'il soit sans intérêt d'arrêter l'attention sur une maladie qui n'a pas seulement trait à la curiosité, mais qui, pouvant mettre la vie de l'enfant en danger, exige, de la part de l'accoucheur, des secours prompts et dirigés avec sagesse.

Ire Obs. Dans l'année 1833, un de nos confrères fit une absence de quelques jours; il me chargea de voir une femme qu'il avait accouchée la veille, et qui demeurait dans la rue des Fossés, à la CroixRousse. Cette femme avait remarqué au cou de son enfant, petite fille bien portante d'ailleurs, une grosseur qui l'inquiétait. Elle me la montra, et je m'assurai qu'elle tenait au développement anormal du lobe droit du corps tyroïde. Elle était arrondie, faisant une saillie d'un pouce, et présentait à sa base un pouce et demi de diamètre; elle était mobile, sans changement de couleur à la peau et sans douleur. La respiration étant parfaitement libre, mon avis fut qu'il n'y avait rien à faire pour le moment, et j'annonçai à cette femme, qui désirait savoir si cette grosseur guérirait sans remède, qu'il n'en serait rien, et qu'elle

irait plutôt en augmentant; basant mon pronostic sur l'assurance des auteurs, que le goître commence souvent dans l'enfance, et n'ayant jamais rien lu ni observé qui se rapportât au goître des nouveau-nés. La mère n'avait aucune apparence de goître. L'enfant fut envoyé en

nourrice.

Plusieurs mois après, ayant eu occasion de revoir cette mère, je m'informai du tyrocèle de sa plus jeune fille, et j'appris avec étonnement que sa tumeur avait diminué progressivement, et qu'il n'en restait plus de trace au bout d'un mois. Ce fait resta dans ma mémoire, et ne fut pas perdu pour la pratique, comme le prouve la seconde observation.

IIe Obs. Mme Differnet, femme d'un liseur (on appelle ainsi les ouvriers chargés de faire des trous aux cartons pour les métiers à la Jacquard), demeurant rue du Commerce, no 10, jouit d'une excellente santé. Elle a eu plusieurs couches très-heureuses. Depuis une dernière grossesse, elle offre une légère intumescence du corps tyroïde, qui n'a rien de désagréable à l'œil. Elle était au terme d'une cinquième grossesse, quand, le 7 mai 1835, je fus mandé pour l'assister dans sa couche. Les douleurs avaient été assez vives pendant quelques heures, et venaient de se suspendre. Le toucher me fit reconnaître une dilatation complète du col utérin, mais la tête de l'enfant était encore au détroit supérieur, dans lequel elle commençait à peine à s'engager. J'attendis une heure sans résultat. La femme ne souffrant pas, et l'enfant ne courant aucun danger, je ne vis rien de mieux à faire d'attendre encore, et je rentrai chez moi, en recommandant que l'on vînt me chercher aussitôt que le travail recommencerait. On vint une heure après, et je me rendis de suite chez la femme en travail; mais il avait été si prompt que l'enfant était né à mon arrivée. La garde l'avait pris sur ses genoux, après avoir lié et coupé le cordon. Il ne pouvait respirer et se trouvait dans un état de congestion remarquable.

que

Mon premier soin fut de couper le cordon, à plusieurs reprises, pour le faire saigner, mais inutilement. Je fis transporter l'enfant dans une pièce voisine, où on le tint à découvert dans un air légèrement frais, dans l'intention de suppléer par la peau la respiration pulmonaire, et de diminuer l'état congestif; celui-ci était entretenu par une respiration excessivement gênée, qui ne se reproduisait qu'à des intervalles trèséloignés, et par des efforts convulsifs. Cela était dû à une cause matérielle très-évidente et peu commune. Une tumeur volumineuse s'étendait, de haut en bas, depuis l'extrémité du menton jusque sur la fourchette du sternum et sur les clavicules; en travers, d'un muscle mastoïdien à l'autre, et sous les angles de la mâchoire inférieure jus

qu'aux apophyses mastoïdes, qu'elle dépassait même du côté droit. Cette tumeur était légèrement mobile par les côtés et plus fixe vers le centre. Par sa position et par sa forme, elle me parut tenir à une hypertrophie et à une congestion sanguine énorme du corps tyroïde; sa surface était d'un rouge violet, de même que la tête et toute la surface du corps.

Tout le monde crut, et je pensai moi-même que cet enfant était perdu. Cependant le père demandait instamment des moyens de le sauver; ses instances, et le souvenir du cas précédemment cité, me firent con cevoir l'espérance de surmonter l'imminence du danger. En effet, si je pouvais remédier aux premiers accidents de la compression des voies aériennes, la grosseur diminuerait probablement d'une manière prompte, et finirait par disparaître avec le temps.

Le succès prouva la réalité de ces prévisions. En attendant que l'on apportât quatre fortes sangsues, je fis toujours tenir l'enfant à l'air frais, et je couvris les extrémités inférieures de synapismes. Bientôt deux sangsues furent posées de chaque côté de la tumeur, et firent de larges piqûres; dès qu'elles furent tombées, il s'écoula un sang noir et épais; il sembla que la respiration était un peu moins rare, et la moutarde parut avoir réveillé un peu l'action cérébrale presque éteinte. Le sang coula toute la nuit; le lendemain matin il suintait encore, toujours presque aussi noir que la veille; mais la scène avait tout à fait changé. Le tyrocèle avait perdu un grand tiers de son volume, il était plus mou, plus mobile, et comprimait moins le larynx et la trachée-artère ; la respiration, bien qu'un peu gênée, se faisait d'une manière suffisante à l'entretien de la vie; la surface du corps ne présentait plus que des marbrures disséminées. Cependant il y avait encore de la stupeur; la succion ne s'opérait qu'avec lenteur et faiblesse, quoique la vie ne fût plus en danger. Les évacuations alvines et urinaires avaient commencé. Je fis placer deux nouvelles sangsues sur les bords de la tumeur; elles saignèrent encore jusqu'au lendemain : de sorte que la saignée avait duré quarante heures.

Le sang était devenu moins foncé et moins consistant; la diminution considérable de la grosseur, le changement de l'expression de la face, les marbrures presque éteintes, les sensations tout à fait rétablies, la succion devenue facile, et les évacuations régulières, annonçaient le retour à un état physiologique très-voisin de la santé la plus florissante. L'enfant ayant été nourri par sa mère, j'ai pu suivre les progrès de la guérison. La maladie a diminué graduellement et s'est réduite, dans les huit premiers jours, à un noyau fort médiocre, un peu plus saillant sur le côté droit. Après cinq semaines, il n'en restait plus de traces. Je

« PreviousContinue »