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BIBLIOGRAPHIE.

Leçons orales de clinique chirurgicale faites à l'Hôtel-Dieu de Paris, par M. le baron DUPUYTREN, chirurgien en chef, recueillies et publiées par MM. les docteurs BRIERRE DE BOISMONT et MARX, 2e édition, entièrement refondue.

Enlevé prématurément au monde médical, dont il était une des plus éclatantes illustrations, M. Dupuytren n'a pu, comme il désirait le faire, dans un ouvrage de longue haleine qu'il méditait, donner une seconde et plus longue vie à ces principes de saine et judicieuse pratique chirurgicale, que nous l'avons tous entendu développer avec tant d'éloquence dans ses leçons quotidiennes à l'Hôtel-Dieu. Malgré les exigences incessantes d'une immense clientelle, malgré les devoirs multipliés du professorat dont il était esclave, il a pu encore, il est vrai, trouver le temps de publier une certaine quantité de mémoires pleins d'intérêt, où se trouve consigné ce qu'il y a de plus neuf et de plus original dans ses importants travaux; d'un autre côté, deux de ses élèves les plus distingués, et qui sont aujourd'hui de grands maîtres à leur tour, dans deux directions différentes, MM. Sanson et Cruveilhier, ont, dans leurs écrits, laissé une large place aux idées du célèbre professeur de clinique chirurgicale. Toutefois, malgré la fécondité de cette triple source, M. Dupuytren n'est point là tout entier; on n'y trouve point, par exemple, ou bien l'on n'y trouve que fort incomplétement cette sagacité diagnostique, cette soudaineté de vues, cette sorte d'improvisation thérapeutique qui caractérisaient surtout l'habile chirurgien. Avant l'institution régulière des cliniques, ces importantes qualités mouraient sans laisser de trace, superstitieusement désignées sous la dénomination platonique de tact médical; aujourd'hui où, grâce aux institutions cliniques, le médecin est forcé de discuter le diagnostic qu'il porte, de dérouler devant un auditoire intelligent et attentif les raisons de toute assertion scientifique, de toute détermination thérapeutique; aujourd'hui, en un mot, qu'on pense comme on parle en plein jour devant tous, il n'y a plus de seconde vue, d'intuition magnétique, de pressentiments, d'inspiration pythonissienne; il n'y a plus dans les sciences que la raison, servie par une parole plus ou moins habile. Or s'il est vrai, comme cela nous paraît incontestable, que M. Dupuytren ne se recommande pas seulement dans la science qu'il illustra vues neuves qu'il a développées sur certains points de pathologie chi

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rurgicale, par l'invention ou le perfectionnement de certains procédés opératoires, mais encore par les lumières vives qu'il a jetées sur le diagnostic d'un grand nombre de maladies, sur l'application aux cas particuliers des grands principes de l'art; si, d'un autre côté, tout cela est de la science pratique comme le reste, et, grâce à ses éloquentes leçons, une science transmissible, nous estimons que, par là seul, les leçons de clinique du professeur Dupuytren doivent être recommandées vivement à l'attention des praticiens. Mais l'importante publication de MM. Brierre de Boismont et Marx n'est point une simple et sèche énumération de faits recueillis dans le service de M. Dupuytren, et insidieusement présentés sous le titre menteur de leçons orales de ce professeur; tous deux élèves de M. Dupuytren, admis dans son intimité, ils ne manquaient pas plus que son ombre à ses éloquentes leçons, ils se sunt donc là, comme dans leurs rapports plus intimes, pénétrés de sa pensée, de sa conviction comme de ses doutes. Voilà leurs titres; voyons maintenant comment ils se sont acquittés de leur œuvre.

Les auteurs commencent par déclarer qu'un tel travail se dérobe, par sa nature, à toute coordination systématique ; nous croyons que cet aveu au moins n'est point adroit, car c'est dire implicitement que leur œuvre est incomplète : nous n'aurons donc rien à dire du plan suivi, puisqu'à proprement parler il n'y en a point. Jetons donc un coup d'œil rapide sur quelques parties isolées. Le premier volume, qui traite des fractures, est peut-être le plus intéressant de l'ouvrage : tout le monde sait combien M. Dupuytren a jeté d'idées pratiques justes sur un grand nombre de points de cet important sujet; là, partout, soit que les auteurs laissent la parole à leur maître lui-même, soit qu'ils y suppléent par leurs souvenirs, il nous a semblé que la pensée de l'habile professeur de clinique était parfaitement reproduite. Dans les autres volumes, qui tous contiennent un grand nombre d'observations intéressantes, et en général bien présentées, nous avons surtout remarqué les chapitres relatifs aux résections, à la description du tissu érectile et du fongus hémotode, aux abcès de la fosse iliaque, dont le diagnostic offre parfois de si grandes difficultés. Ailleurs, les hernies occupent une place importante; la question pratique capitale qui vient se poser ici, sur le siége précis le plus ordinaire de l'étranglement, a été parfaitement résolue : on donnera là raison à M. Dupuytren sur ses adversaires, comme on le lui donnait après l'avoir entendu dans l'amphithéâtre de l'Hôtel-Dieu. Nous signalerons encore, à cause de leur intérêt, et pour la manière dont les sujets ont été traités, les articles relatifs à la cataracte, à la brûlure, à l'entérotomie, que chacun sait être un des plus beaux titres du célèbre opérateur. Nous n'allongerous point davantage cette liste; T. XIX 2 LIV. 4

nous nous bornerons à dire qu'au milieu de ses sujets qui priment tous les autres par leur importance, il en est beaucoup d'autres qui, bien que beaucoup plus humbles, n'en méritent pas moins l'attention des praticiens. En un mot, nous pensons que MM. Marx et Brierre de Boismont ont bien fait de retoucher leur œuvre primitive, car celle-ci est beaucoup plus complète, et plus digne de l'illustre chirurgien dont elle traduit la pensée.

Du traitement médical et préservatif de la pierre et de la gravelle, avec un mémoire sur les calculs du cystine; par le docteur CIVIALE.

M. Civiale poursuit ses intéressantes publications avec un zèle et une activité d'autant plus louables, que ces qualités deviennent plus rares tous les jours. Déjà le Traité de l'affection calculeuse a pris le rang qui lui appartient dans la science. Nous attendions le complément de cet ouvrage important, où l'auteur trace nettement le tableau des caractères physiques et chimiques de la pierre et de la gravelle, les causes, les signes et les effets pathologiques que cette maladie détermine en réagissant sur l'économie animale. Il lui restait, par une déduction naturelle, à examiner le traitement médical qu'on doit employer, tantôt d'une manière exclusive, tantôt concurremment avec les ressources de l'art chirurgical; il avait, en un mot, à exposer les moyens de guérir cette affection si commune et si dangereuse. Tel est le but du livre que M. Civiale publie.

Les observations que j'ai à présenter, dit ce chirurgien, sont essentiellement pratiques; elles ont pour objet :

« 1o De faire connaître les ressources de la médecine, lorsque la maladie calculeuse est encore sous forme de gravelle, ou qu'elle n'a pas pris assez de développement pour nécessiter l'intervention de la chirurgie;

» 2o D'exposer la conduite à tenir quand, par sa situation ou son volume, la pierre est inaccessible à la puissance des procédés chirurgicaux ;

» 3o D'énumérer les moyens qu'on doit employer, après que l'opération a été faite, pour prévenir le retour de la maladie et combattre la disposition du sujet à redevenir calculeux

;

» 4o enfin, d'apprécier la portée de certains moyens chimiques ou pharmaceutiques auxquels on attribue la propriété de fondre ou de disgréger la pierre, et celle de quelques eaux minérales sur lesquelles

on cherche à appeler l'attention publique, en les présentant comme douées du même pouvoir. »>

Cette exposition nette et précise indique assez la méthode suivant laquelle l'auteur a conçu le plan de son livre.

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La première partie est consacrée à l'exposé d'utiles considérations sur la gravelle et la pierre. M. Giviale précise d'abord le sens qu'il faut attacher aux mots sable, gravelle, graviers et calculs. Faute de s'entendre sur la véritable signification de ces termes, plusieurs erreurs se sont glissées dans la pratique, erreurs préjudiciables à la science aussi bien qu'aux malades, et que le charlatanisme a dû bien souvent exploiter à son profit. Puis il indique le mode de développement des concrétions urinaires, la couleur et la forme des graviers; ceux qui sont prostatiques, la marche et les symptômes de la gravelle, la nécessité de faire une ou plusieurs explorations de la vessie dans les cas de cette maladie, etc., etc.

L'auteur, dans la seconde partie, aborde la question capitale de l'ouvrage : Quels sont les moyens propres à guérir et à prévenir la gravelle? Ici, le problème qui intéresse à un si haut point le praticien ne doit pas avoir de solution exclusive; certaines modifications, certains degrés de l'affection calculeuse, introduisent des variétés dans le traitement à suivre. M. Civiale en a tenu compte d'une manière toute scrupuleuse ; il s'est toujours guidé, d'après les opportunités de la maladie, d'après les indications fournies par des complications morbides particulières. Etudiant avec soin les différentes phases de la gravelle, l'auteur note l'influence du traitement selon que cette gravelle est d'acide urique, d'oxalate calcaire ou de cystine, selon qu'il y a émission de graviers spontanés et sans douleurs, coliques néphrétiques avec ou sans émission de graviers, etc., etc.; puis il passe au traitement de cette espèce de gravelle connue sous le nom de gravelle blanche ou phosphatique, qui n'est pas aussi rare, dit-il, que pourrait le faire croire le petit nombre d'observations consignées dans les auteurs. Donnons quelques indications sommaires : Elle prend particulièrement naissance dans la vessie, quoiqu'on en rencontre aussi dans les reins et dans les uretères, et elle est la conséquence d'un état morbide plus avancé, ayant souvent les caractères d'une phlegmasie profonde et continue. Les graviers de cette espèce, qu'on trouve hors de la vessie, sont le résultat d'influences analogues. Quand on examine les sujets atteints de cette sorte de gravelle, on a de la peine à comprendre que certains médecins, M. Magendie entre autres, aient songé à lui assigner pour cause une nourriture trop succulente, Parmi les nombreux malades qui me l'ont offerte, dit M. Civiale, j'en ai trouvé fort peu

qui présentassent les attributs d'une nutrition vigoureuse; presque tous, au contraire, étaient affaiblis, soit par d'autres maladies, soit par le catarrhe vésical, ou quelques 'altérations organiques de l'appareil urinaire: ils étaient pâles et maigres; bien qu'il y eût constipation, ce qui n'est pas rare dans les maladies de vessie, les facultés digestives étaient débilitées, et depuis longtemps l'estomac ne supportait plus qu'une nourriture fort peu substantielle; il répugnait même, la plupart du temps, aux aliments tirés du règne animal.

Après avoir posé les bases du traitement général de l'affection calculeuse, après avoir mentionné toutes les précautions et modifications commandées par l'état du sujet et les caractères de la maladie, M. Civiale passe en revue, dans l'analyse du traitement médical, tous les accidents qui peuvent s'opposer à la sortie des graviers; il indique le point de départ de la viciation de la sécrétion rénale, origine de la gravelle, etc., etc.

Or, voici les principaux cas qui peuvent se présenter :

1o Les graviers peuvent être retenus dans les reins et les urètres ; 2o Ils peuvent s'arrêter dans la vessie.

Il existe plusieurs circonstances dans lesquelles une cause spéciale empêche la vessie de se débarrasser des graviers qui y sont descendus; la rétention des graviers dans ce viscère peut être occasionnée soit par un état spasmodique de l'urètre et du col vésical, soit par un ou plusieurs rétrécissements du canal; elle peut aussi avoir pour cause une tuméfaction, ou toute autre maladie de la prostate, ou bien encore une paralysie de la vessie.

Toutes ces particularités sont signalées par M. Civiale avec un soin et une exactitude minutieuses; on y trouve une foule de règles, de préceptes d'autant plus importants, qu'ils sont déduits de l'expérience.

Viennent ensuite des considérations utiles et curieuses sur les différences qu'apportent dans le traitement de l'affection calculeuse l'âge, le sexe, le climat, le régime alimentaire; toutes ces influences méritent surtout d'être étudiées et méditées par les praticiens qui se vouent à la thérapeutique des maladies des voies urinaires.

L'auteur consacre ensuite plusieurs chapitres à l'examen du traitement médical, avant ou après l'opération, ce qu'il doit être dans les cas où toute opération est impossible; et il termine cette seconde partie de son livre, déjà si fécond en procédés ingénieux, par une appréciation raisonnée du traitement de la maladie.

Dans la troisième partie, M. Civiale se livre à un examen critique de quelques moyens spéciaux qui ont été proposés pour le traitement de la gravelle. Il repousse avec vigueur les opinions de M. Magendie

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