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rement la vente au rabais, ou au-dessous du prix, de soi-disant médicaments qui, selon nous, n'ont de médicaments que le nom, puisqu'ils sont vendus au-dessous du prix de revient.

8o La révision de la loi des poisons, qui présente deux articles dont l'un est sans pénalité, l'autre avec une pénalité de 3,000 fr.

9° L'interdiction de l'exercice de la pharmacie par les religieuses, ou dans les maisons religieuses. Cette interdiction serait la consécration du principe émis par la loi, que nul ne peut exercer la pharmacie, s'il n'a acquis les connaissances nécessaires; s'il n'a vingt-cinq ans d'âge; s'il n'a justifié de ses années d'étude et de stage; s'il n'a subi les examens voulus par la loi. Personne ne porte plus loin que nous le respect dû à la vertu, à la modestie, à la bienveillance des religieuses, mais toutes ces qualités ne peuvent, selon nous, donner le droit d'exercer la pharmacie.

10° La suppression des brevets d'invention pour médicaments. Cet article est de la plus haute importance, car le premier venu, en mêlant des médicaments simples deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, etc., pourrait faire des milliers de remèdes à brevets, qui ne seraient pas plus ridicules ni plus nuisibles que ceux brevetés jusqu'à ce jour.

11° Qu'il fût défendu à toute personne pouvant faire une formule de la faire en chiffres; opération qui rend cette formule exécutable pour une seule personne, et inexécutable pour toute autre personne que celle qui a la clef des chiffres employés dans cette formule.

12° Qu'il fût établi un tarif légal du prix des médicaments, comme cela existe en Suède, en Allemagne, de façon que l'on ne pût pas dire que le pharmacien abuse de sa position pour vendre cher un médicament.

13° Qu'il fût défendu de faire l'annonce d'un médicament par prospectus ou par lettres, faisant suivre la défense d'une pénalité; car il est probable que la suppression des affiches et des annonces serait suivie d'annonces par lettres et prospectus, ce qui déjà se fait.

Si tout ce que nous demandons était accord aux pharmaciens, nous pensons que celui qui exerce cette profession pourrait vivre honorablement, et qu'il ne serait pas forcé d'avoir recours à des moyens illicites.

De nos collègues ont demandé que les élèves en pharmacie fussent tenus d'avoir le diplôme de bachelier ès-lettres. Nous n'osons nous prononcer sur cette question, 1o parce que l'exigence du diplôme de bachelier diminuera le nombre des élèves, déjà insuffisant pour nos officines; 2o parce qu'il est à craindre que cette diminution du nombre des élèves ne porte ceux-ci à devenir exigeants sous divers rapports; 3o parce que nous craignons que beaucoup d'officines, qui sont la seule

propriété de beaucoup de pharmaciens, ne puissent être vendues à la mort du titulaire, et que la veuve ne soit réduite à la misère par suite de cette difficulté de vendre.

Nous pensons que cette question mérite d'être approfondie; aussi estelle à l'étude. Plus tard nous dirons ce qui aura été résolu à ce sujet. A. CHEVALLIER.

UN MOT SUR L'amygdaline et SUR SON ACTION SUR L'Économie animale.

L'amygdaline est, comme on le sait, une substance blanche, cristalline, contenue dans les amandes amères, et qu'on prépare en traitant le tourteau de ces dernières par l'alcool. Mise en contact avec l'albumine des amandes (émulsine) et l'eau, dans une émulsion par exemple, elle se décompose surtout en acide hydrocyanique et en huile volatile d'amandes amères; aussi a-t-on proposé en Allemagne de substituer l'émulsion avec addition d'amygdaline aux eaux distillées de lauriercerise et d'amandes amères; la proportion d'acide hydrocyanique que celles-ci renferment subit en effet avec le temps des variations, qui font aussi varier leur action médicale, tandis que la facilité de préparer au fur et à mesure du besoin l'émulsion amygdalinée pare à cet inconvénient. Bien que l'emploi thérapeutique de l'amygdaline n'ait pas encore été adopté en France, nous n'en croyons pas moins devoir appeler l'attention de nos lecteurs sur quelques expériences physiologiques entreprises avec cette substance par nos confrères d'outre-Rhin. L'amygdaline est-elle vénéneuse par elle-même et hors du concours simultané des agents de décomposition, dont nous avons parlé, savoir l'émulsine et l'eau? telle est la question qu'ils se sont posée.

Pour la résoudre, ils ont donné à des lapins, à des chiens et à des chats des doses graduellement croissantes d'amygdaline depuis 10 centigrammes jusqu'à 12 grammes sans nuire à leur santé. Appliquée à l'extérieur sur une plaie, cette substance n'a pas eu plus d'action. Les expérimentateurs ont ensuite voulu étudier ses effets sur eux-mêmes, et n'ont éprouvé par l'ingestion de doses assez fortes, que des symptômes insignifiants, tels qu'une légère cuisson dans le pharynx et quelques nausées.

Il semble donc résulter de là, que l'action digestive de l'estomac ne peut pas transformer l'amygdaline en huile d'amandes amères mélangée d'acide hydrocyanique, et que le médecin peut avec d'autant plus de sécurité la prescrire comme médicament prussique, avec l'émulsion d'amandes douces, qu'il est le maître de régler la dose d'acide hydro

cyanique, non-seulement par la quantité de l'amygdaline, mais encore par celle de l'émulsion; il n'a en effet pas d'action nuisible à redouter d'un excès d'amygdaline, s'il n'y a pas assez d'émulsion pour sa complète décomposition.

CORRESPONDANCE MÉDICALE.

OPERATION CÉSARIENNE. EXTRACTION D'UN FOETUS A TERME ET VIVANT. TYMPANITE. DOUBLE PONCTION. MORT.

Lorsque les circonstances conduisent l'homme de l'art à pratiquer une de ces opérations rares, graves de leur nature et dangereuses dans leurs suites, il est de son devoir de faire connaître à ses confrères les motifs qui l'ont déterminé à agir, et les causes qui ont amené un résultat heureux ou funeste. A ces titres, l'observation suivante vous paraîtra, je pense, digne de trouver place dans votre estimable journal.

La nommée Marie Mérou, âgée d'environ quarante ans, se maria en 1831. Cette femme, appartenant à la classe ouvrière, avait une taille au-dessous de la moyenne, un embonpoint considérable, un corps ramassé, trapu, un tempérament sanguin, une constitution forte. Pour la première fois vers la fin de décembre 1838 elle crut être enceinte. La suspension du cours des règles qui jusqu'alors avait été régulier, le trouble des fonctions digestives, l'état des seins la confirmèrent peu à peu dans son opinion. Dans la seconde quinzaine d'avril 1839, la femme Mérou me fit appeler et me pria de lui pratiquer une saignée, pour mettre fin à un malaise général qu'elle ressentait depuis quatre mois. La vue d'une femme extrêmement grosse, petite et vacillant dans sa marche, excita ma surprise. Je demandai en vain à pratiquer le toucher plusieurs réponses m'ayant donné une certitude presque complète de la grossesse, je fis une saignée, et je me retirai bien contrarié de n'avoir pu dissiper mes doutes sur l'existence de quelque difformité du bassin.

Le 19 septembre suivant, je fus mandé de nouveau ; la femme Mérou, que je n'avais pas vue depuis le mois d'avril, m'apprit que la saignée l'avait peu soulagée, que depuis deux mois le malaise avait beaucoup augmenté, et que les douleurs de l'enfantement s'étaient déclarées le 16. La sage-femme qui depuis trois jours était auprès de la malade, met dit que les douleurs paraissaient bien souvent, étaient peu vives et

fixées dans la région des lombes; elle ajouta que les eaux ne s'étaient pas encore écoulées, et qu'elle n'avait pu par le toucher reconnaître le col utérin. En pratiquant le toucher, je fus d'abord frappé de la saillie énorme que faisait la symphise pubienne : cette dernière descendait très-bas. Le gonflement et la rigidité des parties molles rendirent l'introduction du doigt douloureuse; cependant ce dernier parvint au col utérin, et reconnut qu'il était extrêmement aminci avec une ouverture d'environ un pouce de diamètre: la poche des eaux fort arrondie et très-fluctuante ne me permit pas de constater à quelle espèce de présentation j'avais affaire. Comme il m'était facile de voir la malade à chaque instant, attendu qu'elle habitait mon village, je cessai toute exploration pour m'occuper de l'état général. Le pouls étant plein, dur, fréquent et la face animée, je pratiquai une saignée de douze onces, et plus tard je fis placer la femme dans un bain.

Dans l'après-midi, j'introduis de nouveau le doigt; le col utérin et la poche des eaux sont dans le même état, quoique les douleurs soient devenues plus vives en gagnant du côté de l'abdomen: en portant l'indicateur aussi haut que possible, je trouve l'angle sacro-vertébral trèsprononcé, et je juge que le diamètre sacro-pubien doit être fort court; la symphise pubienne descendant fort bas, me donnait aussi la certitude d'une grande diminution dans le diamètre coccy-pubien. Avec mes craintes sur les difficultés de l'accouchement, je renonçai pour le mo ment à percer la poche des eaux, et j'ordonnai un second bain général, des fomentations et des injections émollientes.

Le 20, au matin, les choses étant dans le même état, je prescrivis trente-six grains de seigle ergoté, dans la vue d'activer les contractions utérines qui s'étaient un peu ralenties. Après l'emploi de ce moyen, les contractions utérines devinrent en effet et plus fréquentes et plus vives, mais le travail n'avançant pas d'une ligne, je proposai de faire appeler un confrère: on voulut attendre au lendemain.

Dans la journée du 21, la malade, toujours en proie à des douleurs qui allaient néanmoins en s'affaiblissant, prit un troisième bain. La matrice, très-visiblement inclinée du côté droit, me faisant redouter quelque présentation difficile au détroit supérieur déjà très-rétréci luimême, je laissai intacte la poche des eaux, dans le but de conserver le plus longtemps possible les jours de l'enfant, et je réclamai de nouveau l'assistance d'un confrère.

Dans la matinée du 22, l'abdomen se ballonna un peu, la femme perdit considérablement de ses forces, et dès ce moment, je vis que l'opération césarienne seule pouvait conserver l'enfant et peut-être la

mère.

Assisté du docteur Molinié de Limoux, je procédai à la mensuration du bassin, ce que je n'avais pu faire faute d'instruments. D'abord, à l'aide du compas d'épaisseur boutonné, nous obtinmes cinq pouces et demi, ce qui réduisait d'une manière fort douteuse le diamètre sacropubien à deux pouces et demi. L'intropelvimètre de madame Boivin donna d'une manière plus approximative, selon nous, deux pouces et trois lignes. L'état du bassin, l'obliquité de la matrice qui nous faisait craindre une présentation de la face, la certitude complète d'extraire l'enfant vivant (depuis le commencement du travail, la femme n'avait cessé d'en percevoir de loin en loin les mouvements), la diminution des forces de la malade et un commencement de tympanite, nous firent tomber d'accord sur la nécessité de l'opération césarienne. Je voulais la pratiquer de suite, mais mon confrère ayant été d'avis de la renvoyer au lendemain, je cédai à regret, d'autant que son départ me laissait dans l'impossibilité de procéder seul à une telle opération.

Le 23, la malade se trouvant plus mal, je fis en toute hâte appeler mon ami le docteur Joly de Limoux; vers les trois heures de l'après-midi tout étant convenablement disposé, la malade se plaça pleine de courage sur le lit de douleur, ayant ressenti quelques instants auparavant les mouvements de l'enfant. L'utérus étant le plus possible ramené vers la ligne médiane, j'incisai de l'ombilic au pubis la peau et le tissu cellulaire, j'ouvris légèrement l'aponévrose vers sa partie inférieure, et à l'aide du bistouri boutonné, je la fendis de bas en haut jusqu'aux limites de la première incision. J'incisai de même le péritoine, et aussitôt s'écoula une assez grande quantité de sérosité. Plusieurs circonvolutions appartenant à l'intestin grêle se présentèrent, elles étaient visiblement distendues, et nous eûmes la plus grande peine à les écarter pour arriver sans danger à la matrice. Celle-ci, malgré qu'un aide la poussât fortement de droite à gauche, ne présenta qu'une partie de sa face antérieure. Forcé d'inciser sur la partie latérale gauche, je le fis couche par couche sans ouvrir de trop gros vaisseaux. Parvenu aux membranes du fœtus, j'achevai avec le bistouri boutonné une incision de près de six pouces les membranes, distendues par le liquide amniotique, firent aussitôt hernie, je les divisai largement, et portant ma main dans la cavité utérine, je reconnus que l'enfant se présentait par la face, le front dirigé vers la symphise sacro-iliaque gauche: je l'emmenai avec la plus grande facilité, il était plein de vie et bien proportionné. Le placenta adhérent à la partie supérieure de la matrice fut extrait sans peine.

L'utérus débarrassé du produit de la conception se contracta vive. ment au point de réunir les deux lèvres de la plaie; une éponge trempée

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