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des nausées ne se manifestent; il en est de même lorsqu'elle ferme les yeux. La peau devient le siége d'une hypéresthrésie générale, le pouls faiblit et demeure toujours fréquent. La malade est placée dans un bain tiède, puis remise au lit, des frictions, avec le laudanum, sont faites au creux de l'estomac : sous l'influence de ce dernier moyen surtout, les douleurs épigastriques cessent immédiatement et presque complétement. On insiste encore pendant quelque temps sur cet ordre de moyens, et le troisième jour, tous les symptômes de cette violente intoxication avaient disparu, laissant la malade dans son état primitif, moins une céphalalgie très-vive qu'elle avait avant l'emploi de la digitale, qui lui revenait fréquemment, et qui, pendant l'année qui suivit cés accidents, ne revint qu'à de très-longs intervalles.

On le voit, il était difficile de débuter avec plus de circonspection. qu'on ne l'a fait ici dans l'emploi du médicament. Voyez cependant avec quelle rapidité se développent les symptômes d'un véritable empoisonnement! Il est quelques hardis expérimentateurs qui, en pareille circonstance, ne se fussent point laissé arrêter par les premiers accidents, et qui eussent poursuivi la tolérance à travers tous les risques de la répugnance physiologique la plus fortement exprimée. Nous croyons que les observateurs ont raison d'agir ainsi dans quelques cas, et qu'ils parviennent même souvent à établir cette tolérance, si difficile d'abord; mais nous croyons aussi que, dans les cas semblables à celui que nous venons de rapporter, cette conduite pourrait entraîner les conséquences les plus funestes. Il y a donc, dans les maladies auxquelles peut s'appliquer cette médication, deux écueils dangereux à éviter : l'un, c'est de ne savoir s'arrêter à temps, en essayant d'obtenir la tolérance, et, en cherchant celle-ci, de jeter les malades dans un état grave, dont nul ne peut prévoir le résultat ; l'autre, de se priver, dans beaucoup de cas, des ressources utiles d'une médication puissante, dans la crainte des dangers que cette médication peut entraîner. Il n'est point facile de passer ici, sans se heurter à l'un ou l'autre de ces écueils le seul moyen c'est, lorsqu'on a affaire à des individus faibles, d'une constitution nerveuse, répondant avec une grande énergie à l'action des stimulants extra ou intra-organique, de tâter la susceptibilité par des doses moins élevées encore que celles que nous avons indiquées précédemment. On suppose qu'en fractionnant trop les médicaments, l'économie s'habitue peu à peu à leur influence, et qu'ainsi l'action thérapeutique ne se développe point avec une énergie suffisante. Nous croyons cette observation juste vis-à-vis d'un certain nombre d'affections morbides et d'individus doués d'une forte constitution, mais nous pensons que cette loi de l'assuétude thérapeutique, si nous pouvons ainsi

dire, est profondément modifiée par certaines constitutions, certains états pathologiques, et surtout en face de certains agents perturbateurs. Une constitution éminemment nerveuse, irritable, crée, chez certains individus adultes, des conditions en tout semblables à celles dans lesquelles se trouve naturellement placée l'enfance, et ces conditions tout accidentelles imposent la nécessité d'une égale circonspection dans l'administration des moyens thérapeutiques. Le fait que nous venons de citer n'est point le seul dans lequel se soient développés, sous l'influence de la digitale, des phénomènes de narcotisme: MM. Vassal et Gazenave entre autres en ont cité d'analogues. On se borne ordinairement, pour combattre ces accidents, aux moyens vulgairement employés contre le narcotisme, et l'infusion de café tient ici le premier rang. Dans le cas précédent on n'eut point recours au café; nous croyons qu'en cela on a bien agi, car rien n'en établissait l'indication. Les bains et les opiacés, topiquement employés, ont eu la plus grande part à la disparition de l'hypéresthésie générale si prononcée que nous avons signalée.

Un autre moyen, dont beaucoup de praticiens font un fréquent usage, depuis qu'un médecin anglais, le docteur Kolley, a cité de nombreuses observations qui tendent à démontrer son efficacité, c'est le colchique. Ge moyen a été employé sous toutes les formes que l'art pharmaceutique peut lui faire revêtir: ainsi le vin, la teinture du bulbe, ou des semences, l'extrait, la vératrine, qui existe à la fois dans la cévadille, l'ellébore, ou le bulbe du colchique, ont été tour à tour mis en usage. Les maladies dans lesquelles on a le plus spécialement recours à ses diverses préparations, sont la goutte et le rhumatisme articulaire aigu ou chronique. Dans la première ferveur qu'excita la réhabilitation de ce médicament dans la matière médicale, on s'occupa tout autant, comme il arrive toujours, à rechercher l'explication de son mode d'action sur l'économie, qu'à constater, par l'observation, son action thérapeutique. Aussi les explications n'ont-elles point manqué : pour les uns le colchique doit être placé à côté des moyens qui constituent la médication altérante, les autres n'ont vu en lui qu'un diurétique, ou un sudorifique l'école italienne l'a revendiqué à titre de contre-stimulant, et l'applique, d'après cette idée, aux maladies caractérisées par la diathèse phlogistique. Aujourd'hui la plupart des praticiens voient tout d'abord dans cet agent une propriété purgative non équivoque, et c'est de cette propriété qu'ils font dépendre son action thérapeutique principale et son efficacité bien démontrée dans un certain nombre de cas. Nous sommes loin de vouloir contester cette efficacité, nous voulons seulement établir les faits par que ce moyen, comme tant d'autres, demande à être manié avec la plus grande circonspection, sous peine de lui voir

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produire les accidents les plus graves. Nous estimons que notre remarque, à cet égard, se trouve d'autant mieux placée, que c'est surtout de la propriété purgative du colchique, comme nous venons de le dire, qu'on fait dépendre son action thérapeutique dans les maladies; ne résulte-t-il point de là effectivement qu'on est porté naturellement à en élever la dose jusqu'à ce que le résultat, condition de son efficacité, ait été obtenu? Or il y a danger réel, dans quelques cas, à poursuivre ainsi ce résultat par l'élévation progressive des doses, comme le fait suivant va le montrer. Un homme, âgé de soixante et quelques années est atteint depuis deux ans de douleurs rhumatismales, qui n'ont épargné presque aucune articulation. Les petites articulations des doigts surtout paraissent le siége d'altérations profondes, ceux-ci sont fortement déformés aux points articulaires d'un autre côté elles sont peu douloureuses. Il n'en est pas de même des poignets, des genoux, de l'articulation scapulohumérale, dans lesquels le mouvement développe des douleurs assez vives le malade fait remonter à un mois cette exacerbation de son mal habituel. Rien du côté du tube digestif, qu'une sorte d'empâtement de la bouche, et peu d'appétit. Du reste point de fièvre; le cœur, observé avec la plus grande attention, ne présente aucun phénomène insolite. Ce malade est soumis à la teinture de bulbe de colchique. On commence par 4 gram. (3j), en quelques jours on arrive à 12 gram. (3ijj); à cette dose, déjà élevée, le malade n'éprouve que quelques nausées fugitives et trois selles avec coliques peu vives. Profitant de cette tolérance, on continue à élever les doses; mais dès qu'on atteint celle de 16 gram. (3jv) des vomissements abondants, composés de matières légèrement brunâtres, ont lieu : en même temps selles nombreuses, avec coliques peu vives rien jusqu'ici n'apparaît du côté du système nerveux: d'un autre côté le malade sent ses articulations plus libres; à l'inspection nous les trouvons aussi plus libres dans les mouvements spontanés, et aussi moins tuméfiées. Cet état d'amélioration se remarque même dans les petites jointures des doigts, que nous avons dit plus haut être fortement déformées. Cependant la vive excitation manifestée du côté du tube digestif force le médecin à rétrograder dans les doses : on les réduit successivement à trois gros, puis deux gros. Malgré cette précaution, les vomissements continuent encore, quoique plus rares; le nombre des selles s'élève à quinze ou vingt par jour; puis un matin nous trouvons X... dans l'état suivant : facies profondément altéré, yeux abattus, sans vie, et profondément excavés, voix éteinte et rappelant celle des colériques : douleurs dans les cuisses, point de crampes, pouls fréquent, peau peu chaude, urines presque nulles, coliques vives hier soir, moindres ce matin; insomnie, délire non bruyant. Le leude

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main ces divers symptômes persistent, et le troisième jour après l'apparition de ces graves accidents, le malade succombe. Nous allons indiquer succinctement les résultats les plus intéressants qu'a fournis l'autopsie: la muqueuse qui tapisse le grand cul de sac de l'estomac est épaissie, en même temps très-friable, le grattage l'enlève comme une pulpe. Le reste du ventricule présente une teinte ardoisée générale avec pointillé rouge, fin, sans changement de consistance, une ligne comme mathématique sépare ces deux ordres d'altérations. Dans toute l'étendue de l'intestin grêle, un grand nombre de plaques légèrement saillantes, et injectées pour la plupart entre ces plaques la muqueuse est pâle, à l'exception des deux derniers pieds de l'intestin, où cette membrane elle-même présente une rougeur vive: çà est là quelques ecchymoses sous-muqueuses ayant la dimension d'un pois. Quelques articulations des doigts ne présentent autre chose qu'une infiltration légère avec un peu d'injection autour et en dehors d'elles. Dans l'une de ces jointures le cartilage est un peu rouge; dans une autre la cavité synoviale est remplie par un liquide jaunâtre, glutineux, qui, par sa couleur et sa consistance tout à la fois, rappelle le mélicéris. Dans l'articulation du poignet gauche, même liquide glutineux; de plus, usure notable du cartilage; dans l'articulation tibio-fémorale, synovie un peu épaissie, en même temps usure comme ailleurs d'une portion du cartilage.

Bien des remarques pourront être faites sur cette intéressante observation; bornons-nous à celles qui se rattachent immédiatement à l'idée pratique sur laquelle roule principalement le travail. Certes, s'il est un cas propre à faire sentir combien il est facile d'outrepasser le but en thérapeutique, c'est celui que nous venons de rapporter. Suivons un instant la marche des accidents lorsque la dose de trois : gros fut atteinte, l'état du malade ne différait en rien de ce qu'on observe lé plus ordinairement en pareille circonstance; les seuls symptômes constatés alors sont quelques coliques accompagnant trois selles liquides. Du côté du système nerveux, rien n'apparaît qui indique même la plus légère influence exercée sur lui par le médicament mis en usage. Visà-vis d'une tolérance si marquée, il était certes bien permis d'augmenter la dose du colchique, comme on l'a fait; voyez cependant ce qui est advenu. Les symptômes les plus graves se sont immédiatement développés (ils rappellent parfaitement une véritable intoxication cholérique), et en quelques jours la vie s'éteint sous le coup de cette agression funeste.

Dans le même temps où nous observions le malade dont nous venons de parler, nous suivions aussi l'observation d'une jeune femme placée

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produire les accidents les plus graves. Nous estimons que notre remarque, à cet égard, se trouve d'autant mieux placée, que c'est surtout de la propriété purgative du colchique, comme nous venons de le dire, qu'on fait dépendre son action thérapeutique dans les maladies; ne résulte-t-il point de là effectivement qu'on est porté naturellement à en élever la dose jusqu'à ce que le résultat, condition de son efficacité, ait été obtenu? Or il y a danger réel, dans quelques cas, à poursuivre ainsi ce résultat par l'élévation progressive des doses, comme le fait suivant va le montrer. Un homme, âgé de soixante et quelques années est atteint depuis deux ans de douleurs rhumatismales, qui n'ont épargné presque aucune articulation. Les petites articulations des doigts surtout paraissent le siége d'altérations profondes, ceux-ci sont fortement déformés aux points articulaires : d'un autre côté elles sont peu douloureuses. Il n'en est pas de même des poignets, des genoux, de l'articulation scapulohumérale, dans lesquels le mouvement développe des douleurs assez vives le malade fait remonter à un mois cette exacerbation de son mal habituel. Rien du côté du tube digestif, qu'une sorte d'empâtement de la bouche, et peu d'appétit. Du reste point de fièvre; le cœur, observé avec la plus grande attention, ne présente aucun phénomène insolite. Ce malade est soumis à la teinture de bulbe de colchique. On commence par 4 gram. (3j), en quelques jours on arrive à 12 gram. (3ijj); à cette dose, déjà élevée, le malade n'éprouve que quelques nausées fugitives et trois selles avec coliques peu vives. Profitant de cette tolérance, on continue à élever les doses; mais dès qu'on atteint celle de 16 gram. (3jv) des vomissements abondants, composés de matières légèrement brunâtres, ont lieu en même temps selles nombreuses, avec coliques peu vives rien jusqu'ici n'apparaît du côté du système nerveux : d'un autre côté le malade sent ses articulations plus libres; à l'inspection nous les trouvons aussi plus libres dans les mouvements spontanés, et aussi moins tuméfiées. Cet état d'amélioration se remarque même dans les petites jointures des doigts, que nous avons dit plus haut être fortement déformées. Cependant la vive excitation manifestée du côté du tube digestif force le médecin à rétrograder dans les doses : on les réduit successivement à trois gros, puis deux gros. Malgré cette précaution, les vomissements continuent encore, quoique plus rares; le nombre des selles s'élève à quinze ou vingt par jour; puis un matin nous trouvons X... dans l'état suivant : facies profondément altéré, yeux abattus, sans vie, et profondément excavés, voix éteinte et rappelant celle des colériques : douleurs dans les cuisses, point de crampes, pouls fréquent, peau peu chaude, urines presque nulles, coliques vives hier soir, moindres ce matin; insomnie, délire non bruyant. Le leude

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