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du commencement à la fin, une belle couleur bleue à l'eau distillée, cela seul que ce menstrue est privé de sels alcalins, unique cause de la coloration en jaune des eaux de lavage (mélangé du vert formé par réaction et du bleu existant).

J'ai reconnu l'erreur signalée par notre confrère du Mans, en préparant deux sirops en même temps, avec des violettes provenant de la même source. L'un de ces produits a été préparé par lavage, et l'autre sans lavage; le premier dans un vase d'étain, et le dernier dans un pot de terre. Tour les avantages ont tourné au profit de celui-ci, l'arôme et la couleur étant plus prononcés chez lui, un an comme un jour après sa préparation; ce qui prouve évidemment aussi que les vases d'étain ne méritent pas plus la préférence que les autres.

L'emploi de l'eau distillée, conseillé par M. Guéranger, ne peut être vraiment avantageux qu'autant que l'on opère sur des violettes simples, la moindre cause pouvant altérer le principe colorant de ces fleurs; tandis qu'avec de l'eau commune, dont il faut du reste avoir reconnu la bonne nature, on n'a presque jamais à craindre cette altération, si l'on agit sur les fleurs doubles. Avec elle et les fleurs doubles on remarque à la vérité que l'infusé prend, des le commencement, une teinte jaune, puis verdâtre, mais il n'en est pas moins vrai que l'on a pour résultat définitif un infusé qui peut très-bien être confondu avec celui dans lequel figure l'eau distillée.

Je crois même que la décoloration par un chauffage un peu fort ne peut guère avoir lieu qu'en présence d'un infusé de violettes simples, ce phénomène ne s'étant fait remarquer dans ma pratique que lorsqu'il m'a fallu recourir à ces fleurs. L'emploi du sucre royal, conseillé par Lescot, n'a pas toujours garanti le produit de cet inconvénient; tandis que l'infusé de fleurs doubles n'en a jamais été atteint, même sous l'influence de tout autre sucre en pains. Au reste, ce que dit M. Guéranger de la revivification de la couleur par l'addition bien entendue de quelques gouttes d'un acide très-faible, a été reconnu très-vrai, l'an dernier, dans mon laboratoire, sur un sirop de violettes que j'avais, à dessein, préparé avec des violettes simples et fait chauffer beaucoup plus qu'à l'ordinaire.

La non-altération du principe colorant des violettes doubles par l'application d'une chaleur forte peut permettre la conservation de l'infusé par la méthode d'Appert, modifiée ou non. L'année dernière j'en ai conservé deux litres, dont l'un provenait de fleurs lavées et l'autre de fleurs non lavées. Au bout d'une année j'ai trouvé les deux produits en parfait état. Ici l'avantage était encore en faveur de l'infusé de violettes non lavées: il était plus coloré et plus odorant. Ces deux liquides

avaient été filtrés à froid, chauffés ensuite à vases clos jusqu'à ébullilition, mis en bouteilles, bouchés et goudronnés avec le plus grand

soin.

Cette conservation de l'infusé peut avoir quelque importance pour les pharmaciens qui débitent beaucoup de sirop dans le courant de l'année; attendu qu'elle leur permet de n'employer qu'une petite quantité de sucre chaque fois qu'ils ont à renouveler leur provision; aussi est-il présumable que le moyen aurait été mis à profit depuis longues années, s'ils n'avaient pas été retenus par la crainte de détériorer le produit.

- Je ne saurais mettre fin à ces observations sans exprimer le vœu de voir la culture de la violette double se répandre dans toute la France, cette propagation pouvant avoir lieu aussi bien à Paris qu'à Lyon, dans le nord que dans le midi, dans l'est que dans l'ouest. Ses avantages bien réels ressortent trop de ce qui précède pour qu'elle puisse rester longtemps encore bornée à quelques localités. On a dit et répété avec raison que la violette simple est plus odorante que la double; mais on n'a pas remarqué qu'il en est de son arôme comme de sa couleur : l'un et l'autre sont tellement fugaces, qu'ils perdent en intensité, sous l'influence de la chaleur, ce que l'arôme et la couleur de la fleur double semblent gagner; aussi trouve-t-on généralement que ces caractères sont plus tranchés dans le sirop de violettes doubles que dans celui de violettes simples. Cette question, agitée tout récemment dans le sein de la société de pharmacie de Lyon, a été complétement resolue en faveur de la fleur double, comme elle le sera probablement par tous les hommes impartiaux qui auront acquis assez d'expérience pour la juger avec toute connaissance de cause.

CORRESPONDANCE MÉDICALE.

SUR UN CAS D'ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ ARtificiel.

L'accouchement prématuré artificiel est une opération très-peu usitéc en France. Cependant il est aujourd'hui reconnu et admis par la plupart des accoucheurs et des médecin que les rétrécissements du bassin ne sont pas les seules circonstances où l'on puisse avoir recours à l'accouchement provoqué. En 1827, M. Costa avait demandé à l'Académie de médecine s'il n'y avait pas lieu à provoquer l'accouchement toutes les fois que la grossesse est compliquée d'une maladie qui menace pro

chainement la vie de la mère, en supposant que le foetus füt viable. Cette demande était embarrassante encore à cette époque pour le corps savant, et il répondit, ce qu'il ne ferait pas sûrement aujourd'hui, par une fin de non-recevoir, en disant que la question était inconvenante. En effet il est reconnu qu'il est licite, dans l'intérêt de l'enfant, de pro voquer l'accouchement quand la femme est atteinte d'affections qui peuvent amener la mort avant le terme de la grossesse, et que cet état aggrave lui-même la maladie; ainsi une maladie du cœur avancée, un épanchement dans les grandes cavités, un anévrisme d'un gros vaisseau. Cependant les occasions qu'a le praticien de prendre une résolution aussi grave étant rares, l'observation que je vais rapporter offrira de l'intérêt.

Je la livre sans commentaires aux hommes de l'art.

Thérèse Guny, âgée de quarante-deux ans, journalière à Autreville (Vosges), était depuis longtemps minée par une affection cancéreuse qui nécessita l'extirpation de la glande mammaire gauche, lorsqu'elle devint enceinte. L'état de grossesse détermina chez cette femme de graves accidents, à cause de la compression qu'exerçait la matrice remplie du fruit de la conception, sur une tumeur cancéreuse qui avait son siége à l'aine gauche; de plus elle était continuellement tourmentée de douleurs violentes dans la région lombaire, et de vomissements don't rien ne pouvait modérer la fréquence. La diathèse cancéreuse se prononçait d'ailleurs de plus en plus; outre la tumeur que cette malheureuse portait à l'aine, il en existait trois à la partie latérale gauche du col, une au-dessus de la clavicule du même côté, une sous l'aisselle, et la dernière enfin le long du bord interne du biceps brachial du bras gauche. Cette affection si générale et si invétérée avait réduit la femme Cuny à un état de maigreur voisin du marasme. Comme d'ordinaire il arrive, la maladie externe, réagissant sur les viscères intérieurs, avait amené une pleuropneumonie sub-aiguë avec épanchement, qui menaçait d'enlever cette femme bien avant le terme naturel de sa grossesse, qu'elle fixait à deux mois environ. Déjà les jambes étaient infiltrées, la respiration était extrêmement haute et fréquente, la malade se trouvait menacée d'être asphyxiée d'un moment à l'autre ; on percevait, du reste, à droite et à gauche l'agophonie à la partie postérieure, à un pouce au-dessus de l'angle inférieur de l'omoplate, et en avant au niveau de l'espace intercostal qui sépare la cinquièmé de la sixièine côte; une petite fièvre continue avait de plus achevé de détruire les forces de cette femme. J'avais inutilement employé des vésicatoires sur les parois thoraciques, la scille et la digitale que je ne pouvais administrer que par la méthode endermique, puisque l'estomac rejetait

par le vomissement les substances quelque peu irritantes. L'état du malade, devenant de plus en plus grave, ne me permettait plus d'espérer de la voir gagner le terme de sa grossesse, et pour moi il était prouvé que la gestation aggravait de beaucoup la maladie et hâterait une terminaison fatale. Bien que je susse ne pas sauver la mère en vidant la matrice, qui, à l'état de vacuité permettrait l'abaissement complet du diaphragme, je pouvais cependant espérer de reculer l'époque de la mort et rendre moins pénibles les derniers jours de la malheureuse femme qui m'était confiée : je résolus donc de provoquer l'accouchement, m'appuyant d'ailleurs de l'autorité de plusieurs auteurs, tels que Siebold, Congnest, Ritgen, etc. J'étais en outre convaincu que je n'avais que cette chance de sauver la vie à l'enfant, qu'il est extrêmement rare d'obtenir vivant par l'opération césarienne pratiquée après la mort de la mère.

Le 28 novembre 1839, au matin, bien que la malade fût dans une position très-alarmante, qui présageait une fin toute prochaine, je commençai les manœuvres propres à déterminer la parturition. Je m'arrêtai à l'emploi des méthodes de M. d'Outrepont et de Rieke, qui consistent, la première, à faire des manipulations extérieures, la seconde, à décoller sans percer les membranes, l'œuf autour du col utérin, au moyen d'un instrument mousse; j'aurais voulu pouvoir dilater le col avec un morceau d'éponge préparée, comme le conseille M. Kluge; et si je renonçai à ce secours puissant, c'est que je ne pus, dans la localité où je me trouvais, ni dans celles environnantes, me procurer d'éponge telle qu'il me la fallait. Quant à la perforation des membranes, je ne la pratiquai pas d'abord, parce qu'il me sembla que la poche des eaux me serait bien utile pour dilater uniformément le col; du reste, il eût toujours été temps de recourir à ce moyen si la matrice n'était pas entrée en action. Avant de commencer les frictions sur l'abdomen, je soumis la femme Cuny à une exploration attentive. Je trouvai la matrice dépassant l'ombilic d'environ trois travers de doigt, le ventre était incliné à gauche, le bassin bien conformé; (cette femme avait eu autrefois deux accouchements naturels.) L'auscultation me fit percevoir les battements redoublés, ce qui me convainquit de l'existence du fœtus, et me fit espérer que, sous ce rapport au moins, mon opération pourrait avoir un heureux résultat. Par le toucher vaginal je reconnus que le col était élevé, dirigé en avant et à gauche, où on sentait une fente longue de trois à quatre lignes, qui donnait au col entier une forme triangulaire; les bords de cette fente qui n'était qu'une ancienne déchirure cicatrisée, étaient complétement inextensibles. Le museau de tanche était effacé, son ouverture assez dilatée pour permettre l'introduc

tion du doigt, qui pouvait sentir les membranes de l'œuf sans pouvoir déterminer la position de l'enfant. Je pratiquai le décollement du chorion au moyen d'une sonde de femme et de l'index; à cette manœuvre je joignis des frictions sur l'abdomen continuées pendant demi-heure environ; j'administrai en lavement le seigle ergoté à la dose de douze grains répétée toutes les dix minutes; l'utérus commença bientôt à entrer en contraction sous l'influence de tous ces moyens réunis. Les douleurs, quoique paraissant violentes, n'étaient point expulsives; la malade se plaignait surtout de maux de reins qu'aucune position ne pouvait alléger. Ce ne fut que vers midi ( j'avais commencé les marœuvres à neuf heures du matin), que je pus approximativement reconnaître la position de l'enfant; l'occiput était élevé, dirigé en haut et en avant; la tête n'était qu'au niveau du détroit supérieur, l'ouverture du col n'était pas plus grande qu'une pièce de trente sous pendant les plus fortes contractions; la poche des eaux faisait à peine une légère saillie. J'administrai de nouveau dix-huit grains de seigle ergoté pour activer et rendre plus efficaces les contractions de l'utérus; je fis prendre un bain tiède pour augmenter la dilatation du col, je fis dans le vagin des injections émollientes pour diminuer la rigidité des parties externes de la génération, tous ces moyens n'avancèrent pas de beaucoup le travail; je gagnai seulement un peu du côté de la dilatation du col, qui s'ouvrit jusqu'à permettre l'introduction de trois doigts dans la cavité utérine, que je titillai pour exciter des contractions. La journée se passa ainsi, et la malade s'affaiblissait à un tel point, que je m'attendais à la voir expirer d'un instant à l'autre; je ne pouvais la soutenir que par quelques gouttes d'éther que je lui faisais prendre sur du sucre. La position de la femme Cuny devenant de moment en moment plus critique, et Le travail de la parturition n'avançant qu'insensiblement, puisque le 29, à trois heures du matin, la tête du fœtus n'était que peu' engagée dans le détroit supérieur (en première position), je résolus de terminer l'accouchement par le forceps, que j'allais appliquer pour la première fois. Malgré le peu de dilatation des parties externes et du col utérin, je réussis au delà de mes désirs, grâces aux leçons si savantes et si précises de mon professeur, M. Stoltz, heureusement bien présentes à ma mémoire, et j'amenai un enfant vivant et viable, du sexe féminin. J'oubliais de dire que la poche des eaux avait été rompue avant l'application des instruments,

La délivrance fut facile, et ne fut suivie d'aucun accident; la malade fut immédiatement soulagée; elle reposa bien, prit un peu de nourriture qu'elle ne rejeta pas; enfin, elle put prolonger son existence jusqu'au 26 décembre. La fièvre de lait parcourut ses phases ordinai-

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