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ADMINISTRATION DÉPARTEMENTALE

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division départementale, heureusement substituée, en 1790, à l'ancienne division provinciale de la France, et sur les divers systèmes d'administration qui lui ont été appliqués depuis plus d'un siècle. Tel sera l'objet du premier de ces huit paragraphes. Son importance est capitale.

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HISTOIRE ET PRINCIPES GÉNERAUX DE L'ADMINISTRATION PROVINCIALE
ET DÉPARTEMENTALE.

102. Anciennes divisions territoriales et administratives de la France. 103. Systèmes d'administration des pays d'élections et des pays d'états. 104. Assemblées provinciales de l'édit de juin 1787.

105. Division administrative de la France depuis 1790; création des départements et des arrondissements.

106. Double vice de l'organisation administrative de la loi des 22 décembre 1789-8 janvier 1890.

107. Administrations et directoires de départements et de districts. 108. Procureur général syndic de département et procureurs syndics de districts.

109. Commissaires du directoire exécutif de la constitution de l'an III. 110. Loi du 28 pluviôse de l'an VIII (17 février 1800) concernant la division du territoire français et l'administration; ses mérites.

111. Ses exagérations de centralisation.

112. Rapprochement et comparaison des trois systèmes d'administration, de l'ancien régime, de 1790 et de l'an III, et de l'an VIII jusqu'après 1830.

113. Quatrième système d'administration départementale et communale formant le droit actuel de la France.

114. Centralisation décentralisation administratives.

115. Première période importante de décentralisation de 1831 à 1838. 116. On peut distinguer postérieurement quatre autres périodes de décentralisation.

117. Généralisation des dix règles principales résultant des textes décentralisateurs de 1852, 1861, 1866, 1867, 1871 et 1884.

118. Togle maintien de l'unité administrative et des créations de

l'an VIII.

119. 2, 3 et 4me règles mesures de déconcentration.

120.5 règle maintien pour les actes des agents inférieurs du droit de recours hiérarchique et d'annulation d'office par l'administration

centrale.

121. 6 et 7° règles: extension des attributions des conseils électifs et de leur indépendance.

122. 8° règle: maintien du droit de contrôle du pouvoir central sur les délibérations des conseils généraux et municipaux.

123. 9 règle: création de la commission départementale, et quasi-permanence du conseil général.

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ANCIENNES DIVISIONS ADMINISTRATIVES

124. 10 règle: élection du maire par le conseil municipal dans toutes

les communes, et quasi-permanence du conseil municipal.

125. Résumé des procédés de décentralisation mis en œuvre pendant cette évolution de plus d'un demi-siècle.

126. Campagne récente de décentralisation; propositions utiles et modestes.

127. Réformes désirablos, qui ne constituent pas des mesures de décentralisation, et mettraient l'organisation des services publics en harmonie avec les transformations économiques du xıx° siècle.

128. Titre 1er de la loi du 10 août 1871.

102. Dans notre ancienne France, avant 1789, le territoire était l'objet de divisions diverses. Au point de vue militaire, il était partagé en 40 gouvernements, dont 32 grands gouvernements ou provinces, et 8 petits gouvernements militaires; au point de vue financier et administratif, en 35 généralités ou intendances. Le titre exact des intendants placés dans chaque généralité était Intendants de justice, de police et finances, et commissaires départis dans la généralité de..... pour l'exécution des ordres du roi.

Ces deux grandes divisions générales, l'une militaire, l'autre administrative et financière, ne coïncidaient pas entre elles. En outre elles se superposaient à une troisième division de la France, en pays d'élections et pays d'états, formés, comme les provinces, par le développement historique du territoire, mais distincts au point de vue spécial du système d'administration appliqué à chacun. Au xive et au xve siècle, toutes les provinces de France avaient eu des assemblées provinciales, issues, d'après l'opinion la plus plausible, des assemblées féodales transformées. Jusqu'au milieu du xve siècle, toutes les provinces étaient ainsi pays d'états. Mais la royauté supprima un grand nombre d'états provinciaux et transporta successivement leurs attributions soit aux intendants, soit aux bureaux des finances, soit aux élus des États. Les élus étaient receveurs d'impôts au choix des États, élus par eux, d'après l'ordonnance du roi Jean du 28 décembre 1355; mais ils cessèrent promptement d'être élus et n'ont pas cessé d'être nommés par le roi depuis le règne de Charles V. Les noms d'élus et d'élections n'en sont pas moins

PAYS D'ÉTATS ET PAYS D'ÉLECTIONS

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restés pour distinguer ces pays administrés par des officiers. royaux, de ceux qui avaient conservé des assemblées provinciales; de sorte que les pays d'élections se sont trouvés ceux dans lesquels le principe électif n'avait plus d'application.

103. Les pays d'élections étaient les plus nombreux et formaient environ les deux tiers de la France; c'étaient les provinces de Normandie, Champagne, Ile-de-France, Maine et Touraine, Haut et Bas Poitou, Aunis et Saintonge, Angoumois, Limousin, Haute et Basse Guyenne, etc. Dans ces provinces, il y avait un système d'administration générale et centrale, aux mains de l'intendant, successivement devenu l'administrateur unique du pays au nom du roi. L'intendant des pays d'élections est le véritable ancêtre des préfets d'aujourd'hui, avec la plus grande somme d'attributions résultant pour lui de l'absence des principes de séparation des pouvoirs et des autorités. Dans chacune des élections dont sa généralité était composée, il avait pour agents des subdélégués, qui, aux termes de l'ordonnance du 15 avril 1704, et comme les sous-préfets de nos jours, « avaient le droit de référer et non « celui de décider »; ils étaient choisis par l'intendant et ne relevaient que de lui.

Dans les quatre grands pays d'états, qui avaient alors conservé leurs privilèges, Bretagne, Bourgogne, Languedoc, Provence, et dans les petits pays d'états, formant en tout l'autre tiers de la France, il y avait au contraire un système d'administration locale et provinciale, par les états de la province ou états provinciaux. C'était une assemblée d'évêques, de seigneurs et de représentants des villes, votant et faisant lever, sous leur propre autorité, l'impôt qui leur était demandé pour le roi, par l'intendant, réduit en droit, dans ces pays à certaines attributions de police, mais dont l'influence, en fait, ne laissait pas que d'être devenue très grande pendant le règne de Louis XIV et d'être restée telle.

104. L'uniformité et l'unité administratives ne purent non plus résulter de l'édit du roi du mois de juin 1787, complété par les règlements annoncés par son article 6 et dernier, qui établit

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CIRCONSCRIPTIONS ET UNITÉS ADMINISTRATIVES

dans tous les pays d'élections des assemblées provinciales, déjà essayées depuis 1778 dans le Berry et la haute Guyenne. D'après l'édit de 1787, la nioitié des membres de l'assemblée provinciale était nommée par le roi, et cette première moitié choisissait l'autre. Ces assemblées provinciales ne se réunirent guère qu'une fois à la fin de 1787; et jusqu'à la division de la France en départements et l'établissement du régime départemental au milieu de 1790, on ne voit fonctionner, non sans beaucoup de désordres et de conflits avec les intendants, que les commissions intermédiaires, élues par les assemblées provinciales et destinées à les suppléer pendant l'intervalle des sessions.

105. Le territoire de la France est aujourd'hui divisé en 87 départements (en y comprenant le territoire de Belfort). 362 arrondissements, 2,899 cantons et 36,170 communes [nos 257 et 316.]

Ce mode de division est dû à l'Assemblée constituante. La création des départements substitués aux anciennes provinces est l'œuvre des lois du 22 décembre 1789-8 janvier 1790 et du 6 mars 1790, savamment conçue par Sieyès, justement appelé « l'auteur de toutes les circonscriptions de la France 2 ». Ainsi a disparu la division des pays d'états et des pays d'élections; l'uniformité de législation administrative a été réalisée, et l'unité administrative rendue possible. Le législateur de 1789, et, plus tard, celui de l'an VIII, firent de ces divisions du territoire la base de l'organisation administrative de la France.

Le département, l'arrondissement et la commune forment autant de circonscriptions administratives; le canton, circonscription judiciaire, est seulement utilisé par diverses lois administratives. Division fondamentale du territoire français depuis 1790, le département n'est pas seulement une circonscription. administrative générale, il est en outre la base de toutes les

1 « Il sera fait une nouvelle division du royaume en départements, tant pour la représentation que pour l'administration. Ces départements seront au nombre de 75 à 83 (Loi du 22 décembre 1789-8 janvier 1790, sur la constitution des Assemblées administratives, art. 1o) ».

Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. I, p. 154.

CRÉATION DES DÉPARTEMENTS

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divisions spéciales provenant des diverses branches des services. publics: commandements militaires, arrondissements maritimes, archevêchés et évêchés, ressorts judiciaires, académies, conservations forestières. Il se subdivise en arrondissements, et ceux-ci

en communes.

Comme l'élection d'avant 1789, et le district de 1790, l'arrondissement de l'an VIII n'est qu'une simple circonscription, dont l'administration est absorbée dans celle du département. Nous avons vu, en effet, qu'il n'y a que trois unités administratives ayant chacune leur administration propre : l'État, le département et la commune. Après avoir étudié dans l'État, première unité administrative, l'administration centrale, nous devons étudier dans le département, seconde unité administrative, l'administration départementale, avant de parler de la commune, troisième unité administrative, et de l'administration communale. Mais il résulte des principes que nous venons de poser que l'administration des arrondissements est comprise dans celle du département. La tradition historique que nous venons de rappeler prouve qu'entre la province ou le département, d'une part, et la commune, d'autre part, il n'y a pas place pour un organisme intermédiaire nanti d'une administration propre, qu'il se nomme l'élection, le district ou l'arrondissement, et nous ajoutons le canton.

106. La création du département, malgré les critiques dont elle a été l'objet, est une des grandes œuvres de l'Assemblée constituante 1. Mais nous ne saurions en dire autant de l'orga

1 Voir la célèbre Introduction placée par de Cormenin en tête de son Droit administratif, pages ш et iv: « La division de la France en 86 départements effaça les démarcations des provinces... Il n'y eut plus de Normandie, de Languedoc, de Picardie, de Bretagne, d'Auvergne... Il n'y eut plus qu'une France. » — M. Mignet, dans son remarquable éloge de Sieyes, qui est mort membre de l'Académie des sciences morales et politiques, rend aussi un éclatant hommage à l'institution départementale, en mème temps qu'à Sieyès: Il remania la France de fond en comble en brisant les anciennes provinces qu'il fit diviser en départements. Ce changement contenait la revolution du territoire et de l'administration. Quoique cette mesure ait été présentée à l'Assemblée constituante par Thouret, elle était

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