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M. de la Fayette, qui connoifoit la teneur de cette lettre, étoit tour prêt pour y répondre par un difcours qu'il avoir appris par cœur, difcours que nous, comme bien d'autres, n'avons pu comprendre. Il contenoit sa fubftance, qu'au mois d'octobre, il crut en effet devoir faire à M. d'Orléans les représentations dont il parle dans fa lettre; que les mêmes raifons qui l'avoient déterminé accepter fa million, fubfiftant encore, il avoit cru devoir lui en faire part; & que le fieur Boinville étant revenu à Paris, après fix à fepr mois de féjour à Londres, il avoit cru devoir le charger de cette commiffion auprès de M. d'Orléans ; que d'ailleurs plus il voit approcher la grande journée du 14 juillet, plus il fe confirmé dans l'idée qu'elle doit infpirer autant de fécurité que de fatisfaction; & qu'il fe fonde non feulement fur le patriotifme des gardes nationales, mais encore fur celui de oos freres d'armes, qui vont augmenter le nombre des amis de la conftitution.

M. de Biron a obfervé que, dans l'ancien régime, le foupçon feul pouvait éloigner un citoyen de fa patrie ; mais qu'il n'en devoit pas être ainfi fous l'empire de la · liberté ; & qu'il demandoit que M. le duc d'Orléans fût invité à venir partager les plaifirs de la confédération. M. Duquefnoi ajoutoit que, fi chacun de ceux contre lefquels on a publié des libelles, s'abfentoient de l'Af femblée, elle feroit bientôt déferte ; & que M. d'Orléans s'eft abfenté parce qu'il avoit une commiffion du Roi; qu'à l'archevêché, M de Menou fit in motion pour qu'il fût rappelé, afin de rendre compte de fa conduite, & qu'on déclara qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer; & M. Duquefnoi demandoit qu'on pafsât à l'ordre du jour.

Cer avis a été fuivi; & l'Assemblée, fans autre dif· cuffion, a pallé à l'ordre du jour.s

Le prix de l'Abonnement de ce journal, qui paroît tous les jours eft de 3 liv. 10 fois par par mois, on en vend à 3 fois la feuille pour ceux qui n'ont pas fouserir.

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COURIER FRANÇAIS

DU JEUDI 8 JUILLET 1790.

ASSEMBLÉE NATIONALE. du 7.

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corps en matiere civile

Décret fur les prix de l'univerfité. Autre fur les prifes dé contre les membres du corps lé gislatif. Etablissement des juges de paix. Juftification de Ma d'Orleans.

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ARMI les adreffes qui ont été lues à la féance d'hier foir, on a diftingué celle de la municipalité de Valence, qui rend compte de l'exemple remarquable de fubordi nation que donne journellement le régiment royal d'ar tillerie de Grenoble, en garnifon dans fes murs. L'Afe femblée a décrété que fon préfident écriroit une lettre de fatisfaction à ce régiment. Deux dons patriotiques ont auffi fixé l'attention de l'Affemblée; celui de 1595 liv. dépofé fur l'autel de la parrie par le comité patriotique de Sainte Ménéhould, qui a déja tant de fois répété cet acte de générofité; & celui de foo liv. fait par les fousofficiers & foldats du régiment de Forez, en garnison à S. Servant. Puis, une députation de la commune de Ris nous a appris que la paix étoit rétablie dans ce village, grace aux foins de fa municipalité & de la garde natio nale. Enfuite, M. le préfident a fait lecture d'une lettre de la municipalité du Havre, qui inftruifoit l'Affemblée de l'arrivée, dans fon port, de 137 foldats du régiment de la Guadeloupe, qui ont abandonné l'Ile de Tabago. Les officiers municipaux demandoient fur cela les ordres de TAffemblée; mais, fur la propofition de M. Begouen, l'affaire a été renvoyée au pouvoir exécutif, & M. le préfident a été de plus chargé d'écrire à la municipalité

du Havre, la fatisfaction de l'Affemblée fur la conduite qu'elle a tenue dans cette affaire.

Des obfervations faites par M. Bouche, fur l'état du Comité chargé de collationner les décrets; l'Affemblée a prononcé le décret que nous rapportons dans notre fupplément. Puis, il a été fait lecture d'une lettre de la municipalité de Grenoble. Elle écrit qu'il fe fait un raffemblement de troupes, au nombre d'environ quinze mille hommes, aux environs de Chamberry. Que le fort Barreau, fitué feulement à fept lieues de Grenoble, & à trois de Chamberry, n'eft gardé que par un détachement de cent hommes. Les habitans de Grenoble & de la campagne environnante ont conçu des alarmes fur les difpofitions de fa majefté farde. C'eft au milieu de ces inquiétudes que le miniftre de la guerre a donné l'ordre au bataillon des chaffeurs corfes, de partir pour l'ifle de Corfe. La municipalité annonce que, fi les ordres du miniftre s'exécutent, il y a lieu de craindre une infurrection, à moins que l'administration n'envoie des forces fuffifantes pour la sûreté du fort Barreau.

L'Affemblée nationale, fur la motion de M. Barnave, Bordonné le renvoi de la lettre au miniftre de la guerre. Puis, M. Muguet de Nanthou a propofé à l'Affemblée d'adopter un réglement fait provifoirement par le déparrement de la haute Saône en Franche-Comté. Ce réglement a pour objet de veiller à la confervation des moiffons & des récoltes.

M. de Préfeln a obfervé que la forme de ce réglement étoit illégale; que ce département avoit exercé une autorité qui ne lui appartenoit pas; que les départemens devoient faire des pétitions & non des réglemens ; que dans le berceau de la conftitution, il ne falloit pas laiffer les affemblées adminiftratives excéder les bornes de leurs devoir. Il a penfé qu'il n'y avoit lieu à délibérer fur ce projet, fauf au département de la haute Saône à faire toutes pétitions qu'il jugeroit néceffaires.

M. Muguet ayant confenti que ce plan ne fût confidéré que fur le rapport d'une fimple pétition, dont le renvoi feroit fait au comité d'agriculture & de commerce, le décret a été rendu conformément à ces nouvelles conclufions.

On a repris ici la difcuffion fur le commerce de l'Inde. M. de la Ville-le-Roux nous a débité un tort mauvais

difcours, qu'il lifoit encore plus mal, pour foutenir la aéceffité de conferver au port de l'Orient le privilége de recevoir feul les marchandifes de l'Inde. M. de Synetry, député de Marfeille a défendu l'intérêt de fa patrie, qu'il a appellé, avec raifon, la premiere cité du commerce de l'univers, & celui des autres villes fituées fur les bords de la Méditerranée.

M. Dandré, en foutenant le même fyftême, a répondu aux raifons alléguées par M. de la Ville le-Roux. 1o. Avec cette exclufion, difoit-il, il n'y aura d'avantage réel que pour les vendeurs, par la concurrence & la rivalité des acheteurs, qui feront d'autant plus ftimulées, qu'elles feront réunies fous un feul point; 20. même facilité pour la perception des impôts, puifque toutes les côtes font plus que fuffifamment gardées par des percepteurs dong on trompe difficilement la vigilance. Il faut même ajouter qu'en donnant à d'autres villes le droit d'entrepôt, il y aura moins de facilités & d'intérêt pour commettre des contraventions; 30 ce partage du commerce oriental ne muira point aux affortimens; il les multipliera, & les vendeurs, difperfés fur différentes côtes maritimes, ne pourront fuivre un fyftême de monopole, d'où il réfultera une baiffe confidérable dans le prix de ces retours, dont il feroit bon d'anéantir l'ufage, & même de furcharger d'impôts.

L'Affemblée a ordonné l'ajournement de cette grande queftion à jeudi foir.

La lecture du proces-verbal d'hier, faite à l'ouverture de la féance de ce matin, a donné lieu à quelques difficultés fur la question de favoir en quels termes on exprimeroit ce qui s'eft paffé hier à Poccafion des pieces dépofées fur le bureau au nom de M. d'Orléans; &, après quelque difcuffion, il a été décrété sur la motion de M. Fréteau, qu'on rapporteroit ainfi ce fait: Un membre ayant fait une propofition, au nom d'un comité abfent, & offert de dépofer fur le bureau diverfes piéces, I'Affemblée a déclaré qu'on pafferoit à l'ordre du jour.

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Puis, M. l'abbé Dumouchel, ayant invité l'Affemblée à diftribuer elle-même aux enfans qu'elle a rendus libres, les prix que l'univerfité de Paris donne annuellement à fes jeunes éleves, la diere augufte a décrété qu'elle y députeroit 12 de fes membres. M. le préfident a fait enfuite part à l'Affemblée d'une lettre écrite par M. Rollin, porteur de lettres de change, foufcrites par ua

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toient répandus: telles furent à mon fens les caufes réua nies qui amenerent les journées des 5 & 6 octobre.

Voici d'abord ce qui m'est personnel dans les événe❤ mens de ces deux jours.

Il n'y avoit pas d'Affemblée le dimanche 4, & j'étois parti, fuivant mon usage, le samedi 3 au foir, pour me rendre à Paris. J'étois dans l'intention de retourner le lundi matin à Versailles ; mais je fus retenu par le travail qu'a voient à faire avec moi quelques perfonnes de ma maison. J'appris fucceffivement, pendant ce jour, l'effervefcence qui régnoit dans Paris, le départ pour Verfailles d'une quantité de peuple affez confidérable, ayant des armes & même du canon; & enfin le départ d'une grande partie de la garde nationale parifienne. Je ne fus d'ailleurs rien de ce qui fe paffoit à Verfailles jufqu'au lendemain mardi matin, que M. le Brun, capitaine d'une compagnie de la garde nationale, bataillon de Saint-Roch, & inspecteur du Palais-royal, me fit éveiller, & vint me dire qu'un exprès de la garde nationale étoit venu donner, à fon corps de garde, des nouvelles de Versailles; mais elles ne contenoient aucun détail, nì le récit d'aucun événe

ment.

Le même jour, vers huit heures du matin, je me mis en route pour me rendre à l'Affemblée nationale. Tout me parut tranquille jufqu'à l'entrée du pont de Seve; mais là, je rencontrai les têtes des malheureufes victimes de la fureur du peuple. Je dois dire cependant, à la décharge de ce même peuple, que le cortége qui fuivoit ce fpectacle fanglant étoit peu confidérable.

Entre Seve & Verfailles, je rencontrai quelques char rettes chargées de vivres, & efcortées par un détachement de la garde nationale. Quelques-uns des fufiliers de cette garde penferent que ma voiture ne devoit pas paffer ce convoi; malheureufement mon poftillon, à qui ils s'adrefferent, étoit anglois, & ne favoit pas un mot de français; il écoutoit fans comprendre, & continuoit fon chemin ; un des fufiliers le mit en joue, à bout portant, & tira fon coup de fufil, qui, par bonheur, ne partie point. L'officier qui commandoit le détachement, s'apa perçut de ce qui fe paffoit; il accourut,, réprimanda fé vérement le foldat, me dit que cet homme étoit re ordonna très-honnêtement qu'on me laissât paffer, & me donna deux hommes à cheval pour efcorte, afin que je A'effuyaffe pas de nouvelles difficultés dans ma route,

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