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du genre humain. Depuis de nouveaux armemens ont été rentés... Mais jetons le voile fur cette époque honteuse, où l'impéritie de nos miniftres nous priva d'un allié précieux, & d'un moyen affuré d'être à jamais en Europe les arbitres de la paix.

» C'eft en pefant ces fervices rendus par l'Espagne, que le comité a vu combien étoit refpectable & néceffaire pour nous un traité que la faine politique a fait conclure, & qu'elle doit maintenir, un traité dont la France a furtout aujourd'hui un befoin indifpenfable; & je fais que plufieurs hommes fortement épris de la liberté, croyentque fa feule énergie peut défendre la France & maintenir l'afcendant qu'elle doit avoir. La caufe de cette erreur eft dans un fentiment noble;mais elle peut nous conduire àune funefte fécurité. La liberté n'eft un rempart fuffifant qu'au tant que les nations étrangeres agiffent au dehors avec quelques juftice, autrement elle n'est plus un garant afsez sûr de la paix.

"La France a des colonies qui excitent l'ambition des puiffances maritimes, un commerce qui excite leur cupi dité. Nous n'avons pas encore à délibérer fur ce que pref crit la néceffité, mais fur ce que la prudence fuggere. Il n'eft plus notre ennemi ce peuple dont nous avons fuivi le glorieux exemple. Nous ne devons plus avoir avec lui qu'une feule rivalité; l'émulation des bonnes loix. Oferoit-il fe rendre lâchement aggreffeur d'un peuple, qui en affurant fon bonheur, travaille pour la paix du genre humain? Non, ce feroit à lui un facrilege de le tenter ce feroit à nous un facrilege de le croire, 11 eft libre il doit refpecter cette religion politique fans laquelle les peuples s'avancent vers leur chûte, ou vivent dans le trouble.

» Mais, Meffieurs, le bonheur d'un peuple vaut bien la peine que l'on parcoure toutes les chances qu'il peut rencontrer. S'il étoit vrai que l'Angleterre nous voit avec inquiétude nous fortifier de tout ce que la liberté doit ajouter à notre puiffance; qu'une vengeance mal entendue, un intérêt non moins odieux & abfurde tournaffent fes efforts contre notre révolution, au moins nous n'aurions point à nous reprocher d'avoir négligé des mefures pour les prévenir.

"J'offre un dilemme que je crois fans replique, continuoit M. de Mirabeau; ou l'Angleterre veut la paix,

& ne continue fes armemens que pour négocier avec plus d'avantage; alors elle ne peut fe choquer des mefures que nous prendrons; ou elle veut la guerre, & alors il eft néceffaire de la prévenir & d'affurer notre défense. La nation qui nous a envoyés pour lui donner une conftitution, nous a auffi chargés de veiller à fa sûreté. La profpérité du commerce français eft auffi confiée à nos foins. Combien d'aurions-nous pas à craindre, fi nous négligions des mesures que la prudence nous confeille, les reproches & le défefpoir de tant de bons citoyens que leurs pertes aigriroient!... On prétend què l'Efpagne négociera la paix avec plus de facilité, quand nous ne nous en mêlerons pas : rien n'eft plus évidemment faux. L'abandon de notre allié ne peut nullement faciliter la négociation de cette paix ».

A la fuite de ces réflexions, qui ont été vivement applau dies, M. de Mirabeau proposoit le décret suivant :

» L'Affemblée nationale décrete, 1°. que tous les traités précédemment conclus continueront à être refpectés ,, par la nation française, jusqu'au moment où elle aura », revu & modifié ces divers actes, d'après le travail qui fera fait à cet égard, & les inftructions que le Roi fera ,, prié de donner à fes gens auprès des puiffances de ,, l'Europe.

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2. Que préliminairement à ce travail & à l'examen approfondi des traités que la nation croira devoir conferver ou changer, le Roi fera prié de faire connoître à toutes les puiffances avec lesquelles la France a des ,, engagemens, que la juftice & l'amour de la paix étant la bafe de la conftitution française, la nation ne peut ,, en aucun cas reconnoître, dans les traités, que les ftipulations purement défenfives & commerciales.

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L' Assemblée nationale délibérant fur la propofition formelle du Roi, contenue dans la lettre de fon miniftre, du > I août, décrete que le Roi fera prié de faire connoi,, tre à fa majefté catholique que la nation françaife, en >>, prenant toutes les mefures propres à maintenir la paix, ,, obfervera les engagemens defenfifs & commerciaux que gouvernement a précédemment contractés avec l'És

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,,pagne.

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Décrete en outre que le Roi fera prié de charger immédiatement l'ambaffadeur de France en Efpagne de. négocier avec les miniftres de fa majefté catholique,

» à l'effet de refferrer & de perpétuer, par un traité national, » des liens utiles aux deux peuples, & de fixer, avec précifion & clarté, toute ftipulation qui ne feroit pas. conforme aux vues de la paix générale, & aux principes de juftice qui feront à jamais la politique des Français.

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que

Au furplus, l'Affemblée nationale prenant en confi5, deration les armemens des différentes nations de l'Eu,, rope, leur accroiffement progreffif, la sûreté des colonies françaises & du commerce, décrete le Roi fera prié de donner des ordres pour que les efcadres françaises en commiffion foient portées à quarante-cing vaiffeaux de ligne, avec un nombre proportionné de frégates & de bâtimens légers, dont douze au moins fe», ront armés dans es ports de la Méditerrannée

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M. Ricard de Scealt a obfervé que l'honneur français, les fentimens de reconnoiffance & notre propre intérêt devoient nous porter à combattre pour le plus généreux de nos alliés, & à ne pas abandonner l'Efpagne dans un moment où elle a un fi preffant befoin de notre secours. Puis, il s'eft vivement élevé contre les projets finiftres que paroiffent avoir conçus les principales cours de l'Europe, pour abattre s'il étoit jamais poffible, les remparts de notre liberté: il s'eft plaint enfuite très-amerement du miniftre de la marine, qui après avoir perdu la confiance de nos colonies & n'ayant encore rien fait pour la prospérité de notre marine, eft plus dangereux peut être par fa propre nullité, que ne le feroit un autre avec de mauvaises intentions ; &, en adoptant d'ailleurs le projet du comité,. il propofoit feulement pour amen. dement qu'au lieu de 30 vaiffeaux de ligne qu'il demandoit, on en décretât 44, dont 14 feroient dans les ports

de la Méditerrannée.

M. Peythion de Villeneuve ne s'eft pas borné à examiner le projet du comité; il a fixé ses regards fur l'origine de la guerre défastreuse qui nous menace ; il a analyfé les projets ambitieux de l'Angleterre, qui après avoir mis les armes à la main des Ottomans, des Ruffes, des Suédois, des Pruffiens, cherche à profiter des circonfrances pour porter atteinte à notre commerce, pour nous enlever nos colonies, & faper les fondemens de notre conftitution naiffante. L'honorable membre; qui n'avoit point oublié l'effroi avec lequel on avoit reçu la propo

fition faite, il y a trois mois, par M. de Mirabeau, de revoir les traités qui nous lient avec les puiffances étrangeres, remarquoit que le premier article du décrét alloit jeter l'alarme dans tous les cabinets de l'Europe; & à ce projet, il en fubftituoit un autre dont le but étoit de réferver à l'Affemblée le foin de s'expliquer, fur le pacte de famille, & cependant d'ordonner l'armement de 30 vaiffeaux.

M. de Mirabeau n'a dit qu'un mot pour juftifier les expreffions générales dont le comité s'étoit fervi dans le premier article du décret ; c'étoit, felon lui, pour ne pas effaroucher le cabinet d'Efpagne. Puis M. de La meth, l'aîné, a obfervé que l'initiative fur ce fujer appartenant au Roi, on ne pouvoir rien prononcer fans un avis figné du miniftre; & M. Freteau a lu alors différentes pieces qui conftarent les inquiétudes du miniftre des affaires étrangeres, l'avis qu'il en a donné au comité, & la demande qu'il fait de nouveaux armemens. On enfuite prononcé la clôture de la difcuffion. Puis une voix univerfelle ayant demandé le retranchement des deux premiers articles, M. de Mirabeau y a confenti.

Enfin, on a prononcé, d'une voix prefque unanime, les deux derniers articles, avec les additions qui font en iralique.

On a fait enfuite lecture d'une lettre de M. Mirabeau le limousin, qui, retiré à Aix-la-Chapelle, fe répand en invectives contre l'Affemblée nationale, au préfident de laquelle il a adreffé fa démillion. M. Prieur a demandé que cette piece fcandaleufe für imprimée à la fuite du ferment civique de fon auteur; mais la diete auguste dedaignant les injures de ce pigmée, n'y a pas même fair

la moindre attention.

La féance a fini par la lecture d'une autre lettre écrite par M. de la Tour du Pin, dans, laquelle, après avoir fait le plus bel éloge de la conduite de la garde nationale" de Nancy auprès du régiment du Roi, il rendoir les plus beaux témoignages du zele & du patriotifme des régimens de Forez; de Saintonge, de la garnifon de Metz & de celle de Nancy. L'Affemblée a ordonné l'impreffion de cette piece, & que M. le président écriroit une lettre de fatisfaction à la garde nationale de Nancy.

COURIER FRANÇAIS,

DU SAMEDI 28 AOUT 1790.

ASSEMBLÉE NATIONALE du 27.

Décret fur le préfidial de Tulles. Réculement des Barrieres aux frontieres. Nouvelle fabrication d'Affignats pour payer toutes nos dettes exigibles. Beaux difcours de MM. de Montefquiou &M rabeau fur ce sujet.

LA féance d'hier foir a été ouverte par la lecture d'une

lettre de M. Bailly, à laquelle étoit jointe une adreffe de la municipalité, relatives aux atteliers de charité & aux travaux publics. L'une & l'autre ont été renvoyées au comité de mendicité. Puis, M. de Liancourt a annon◄ cé que, dans le département de l'Oife, les décrets de P'Affemblée font en général fort exactement exécutés, mais qu'il fe trouve encore quelques communautés qui refufent de payer les droits de dîme & de champart. L'honorable membre a enfuite parlé avec éloge du zele & du courage qu'ont déployés en cette occafion le directoire du département de l'Oife, le district de Granvilliers, & la garde nationale de Beauvais, pour rétablir l'ordre ; & l'Affemblée a décrété que M. le préfident écriroit une lettre de fatifaction à ces différens corps.

M. Seurrat a alors commencé un raport fur les droits de grarie ou grairie, poiffon & glandée, auxquels ceux des bois de la forêt d'Orléans, connus fous le nom d'accrues, font affujetis; mais cette affaire a été renvoyée à la commiffion des forêts, compofée de plufieurs membres de l'Affemblée, tirés de différens comités. Puis, M. de la Jacqueminiere, au nom des comités des finances, des impofitions, d'agriculture & de commerce, a

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