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nous prouver que le droit de l'accufation publique eft un apanage de la couronne, & qu'en le lui enlevant, on fapperoit les fondemens du trône.

M. Loys devoit être du même avis. Auffi, n'est-il monté dans la tribune, que pour nous apprendre que M. Prugnon l'avoit devance dans le développement de fes idées, & pour nous propofer trois articles, dont le but étoit d'attribuer aux procureurs du Roi les accufa tions publiques; de confier à tous les membres de chaque tribunal, à défaut du miniftere public, le foin de remplir ces fonctions, & de l'abandonner à tous citoyens au refus des uns & des autres. Dans les circonftances qui intérefferoient la liberté publique ou la petfonne du Roi, M. Loys vouloit que chacun pût se porter accufateur,

Déja M. Chabroud nous avoit appris quelle étoit fon opinion fur cette matiere ; & dans un très-long & trèsméthodique difcours qu'il a prononcé ce matin, il s'eft. efforcé, en adoptant le fyftême de M. de Beaumetz, de démontrer que jamais la liberté ne pourroit être plus affurée, que, fi d'un côté, l'on déféroit à tour citoyen le droit des accufations publiques, & que de l'autre,' on confioit au procureur du Roi, comme dans l'ancien régime, le privilége de les exercer concurremment avec les citoyens. M. Chabroud ajoutoit que cet officier ne deviendroit jamais formidable puifqu'il feroit continuellement furveillé par les juges, les municipalités, les gardes nationales & tout le peuple: » Et je dirai comme dans la comédie, difoit M. Chabroud en finiffant, qu'est-ce donc que l'on trompe, fi tout le monde eft d'accord? M. Duport s'eft fort étendu fur le même fujer, tout en répétant ce qui avoit déja été dit en faveur du pro. jer du comité ; & fa conclufion étoit que l'on ne pouvoit, fans porter ateinte à la liberté nationale, confer aux commiffaires du Roi le droit des accufations publiques, & qu'il falloit charger les comités, réunis de conftitution & de jurifprudence criminelle, de préfenrer un plan d'accufations publiques. Un membre plus inftruit que M. Maury, & qui eût été auffi avide que lui d'érudition, auroit trouvé dans ce grand fujet de quoi piquer très-vivement l'attention de l'auditoire; & M. Maury, tout en eftropiant les exemples, en travestisfant les principes, en feignant de méconnoître les ré

gles, en répétant cent & cent fois la même idée, n'eft parvenu qu'à le faire bâiller, & à démontrer fa propre infuffifance Le député de Péronne a d'abord lâché une bordée de reflexions incohérentes & étrangeres au fujet fur les accufations, les délations, les prevarications l'efpionage & les actions populaires. Puis, comme un accufateur public, un grand jury étoit la maffe entiere du peuple il obfervoit que rien ne pouvoit être plus dangereux que d'abandonner au peuple le droit des accufations publiques ; que le peuple juge lorfqu'il accufe; que mille faits de notre histoire atteftent com. bien le peuple eft facile à s'egarer; qu'ainsi l'oftracisme qui pourfuivit Ariftide à Athennes, & Scipion à Rome, fut le crime du peuple ; & que l'affaffinat commis contré le vertueux Barnevelt, devint la honte & l'opprobre des Hollandais de fon temps.

M. Maury a ici beaucoup équivoqué fur le nom d'accufateur que l'on donnoit au ministre qu'on vouloit éta blir; & il obfervoit qu'il ne falloit le qualifier que du titre de pourfuivant les crimes. Puis il a voulu entamer quelques obfervations fur le caractere qui distingue les décrets de prife-de-corps, d'ajournement & pour être ouï; mais comme le murmure public lui a fait appercevoir qu'il imtervertiffoit toutes les idées, il s'eft refigné à abandonner un fujet qu'il ne connoît pas. Il a repris l'histoire, & a cité David Hume, qui a fenfément obfervé que la défiance eft la fource de tous les maux, &q'uelle fut fouvent la caufe de la tyrannie, qu'il n'est point à craindre que les officiers publics deviennent les ennemis de la nation; que le Roi, dans une monarchie, ne doit pas être étranger à la constitution; qu'il paroît néanmoins qu'on veut lui ôter toute influence dans les affaires civiles de fon royaun e & le réduire à fa lifte civile ; qu'autrefois les gens du Roi ne pouvoient pas abufer de leur autorité; parce que n'ayant que le droit de requérir & de provoquer la vindicte des loix, ils éroient continuellement maîtrisés par le juge, qui acquiefçoir ou non à leurs conclufions ; qu'en les fuppofant aujourd'hui avec autant de génie que les Servin, les Molé, les d'Agueffau, & avec tout cela, les ennemis du Roi, de la patrie & de la constitution, ils ne feroient jamais redoutables; que, dans l'ancien régime, le procureur général ne pouvoit jamais être calomniateur, parce qu'il

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étoit refponfable de fon action, & qu'il pouvoit être pris à partie; qu'auffi on pouvoit dire, à la louange de ces officiers, qu il y a peu d'exen ples de plaintes exercées contr'eux, & que certe refponfabilité est beaucoup mieux établie aujourd'hui que jamai, puifque les juges doivent avoir la confiance du peuple qui les aura nommés.

M. Maury, que, depuis quelques mois, paroiffoit avoir abandonné la tentative très inutile d'intéreffer le peuple en sa faveur, à repris ici les anciens erremens ; & tour en faifant fes exclamations ordinaires, il feignoit de fe plaindre de ce que cet établissement qu'il appeloit un comite des recherches, feroit tout à l'avantage du riche; que le pauvre qui ne pouvoir pas fe plaindre, le pauvre, la victime du crime, ne pourroit avoir aucun accès à un rel tribunal; que c'eft précisément contre le pauvre qu'on le propofoit; que ce feroit nuire à l'intérêt du pauvre que de réferver le soin de poursuivre le crime à un tribunal chargé de le punir ; que c'étoit en un mot facrifier le pauvre à la faveur, que d'ériger un tribunal qui feroit inacceffible pour lui.

Après avoir fait fonner ainfi une douzaine de fois le nom de pauvre, M. Maury nous a appris qu'il y avoit fa comté en Angleterre, & 5oo districts en France, & que cetre inégalité dans la diftribution du terrein s'oppofoit parmi nous à l'établissement d'un accufateur public, femblable à celui qui fubfifte dans la grande Bretagne. Puis, il a voulu tracer les fonctions des grands & petits jurys d'Angleterre, dont, en conscience, il ne parcît pas avoir la plus légere idée; & il a ajouré que, chez ce peuple, notre maître dans la carriére de la liberté, le droit de faire appréhender un citoyen au corps, eft un acte de la plus facile exécution, & qui s'obtient fur le fimple ordre du jury; que d'ailleurs un homme privé de fa liberté, en Angleterre, n'en ceffe pas par-là d'être éligible aux emplois publics, & particulièrement à la qualité de membre du parlement.......... Enfin, après nous avoir ainfi promené de Rome à Athenes, & de l'aréopage dans les Gaules, puis en Angleterre, pour nous dire rout ce qu'il fait ou non fur les ufages des peuples, M. Maury a fini fon difcours par propofer de charger les gens du Roi des accufations publiques, d'après les règles & avec les concurrences qui feroient établies par la loi.

M. Thourer, qui a-la tête tout auffi meublée d'excel

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entes chofes que celle de M. Maury est vuide d'idées A foutenu l'opinion du comité, en homme profondément verfé dans la matiere. Il n'a parlé ni d'Aristide, ni de, Scipion, ni de Barnevelt, dont la préfence n'étoit pas fort, utile dans la difcuffion; mais il a développé avec la plus, lumineufe fagacité, les grands inconvéniens qu'il y auroit de laiffer dans les mains des ministres du Roi, le foin des accufations publiques; les dangers que courroient, & la liberté nationale, & la constitution du royaume ; & la néceffité, fi l'on veut être conféquent dans ces prinfpes, de ne pas le confier au pouvoir exécutif, dont tous les droits confiftent, non à juger, non à provoquer la vindicte des loix, mais à les faire exécuter.

Ce beau difcours, qui a été vingt fois interrompu par des applaudiffemens, a terminé la difcuffion. On a d'a bord lu les différentes propofitions faites fur le fujet. Puis on a accordé la priorité à celle de M. Duport, conforme à l'opinion du comité. Enfujte, après d'affez ennuyeux débats fur le mot exclufivement propofé pour amendement à cette motion par M. Prifon, & qui a été rejeté, le décret a été rendu en ces termes :

» L'accufation publique ne fera pas attribuée aux com» miffaires du Roi; & les comités réunis de constitution » & de jurifprudence criminelle font chargés de préfen» ter les formes de l'accufation publique ».

C'eft-là qu'a fini la féance.

NOUVELLES DES DEPARTEMENS.

Grenoble, premier août Les fept diftricts de cette ville fe font affemblées aujourd'hui, pour la nomination d'un maire, à la place de M. Barral. M. Barnave, député à l'Affemblée nationale, a été élu à la pluralité de 215 voix fur 397 votans. Depuis plufieurs jours, il étoit question de donner à M. Barnave ce témoignage d'eftime & de fatisfaction.

Le prix de l'Abonnement de ce journal, qui paroft tous les jours eft de 3 liv. 10 fols par par mois, on en vend à 3 fola la feuille pour ceux qui n'ont pas souscrit.

COURIER FRANÇAIS,

DU JEUDI 12 AOUT 1790.

ASSEMBLÉE NATIONALE du 11.

Députation du régiment de Languedoc. Autre d'un médecin qui demande des malades. Tumulte affreux occafionné par les noirs. Organisation des tribunaux de commerce.

A LA fuite de la lecture des adreffes, on a introduit

:

hier foir, à la barre, une députation du régiment de Languedoc par fon décret du 26 juillet, l'Affemblée nationale avoit ordonné que le Roi feroit prié de rappeler ce régiment, & de le remplacer par deux autres. Cette difpofition vraiment défavorable au régiment, a excité fon attention ; & c'est pour en obtenir la révocation qu'il avoit adreffé une députation à l'Affemblée nationale. L'orateur, qui paroiffoit vivement affecté du foupçon qu'on avoit conçu contre fa compagnie, a protefté de fon patriotisme; il a expofé les fervices qu'il avoit rendus dans l'affaire de Montauban ; le zele avec lequel il avoit empêché les citoyens de fe porter à de plus grandes extré mités, & l'empreffément avec lequel il avoit défendu & pris fous fa fauve-garde les malheureux prifonniers menacés par la fureur du peuple. Il a ajouté qu'il avoit rendu compte de fa conduite à toute l'armée, & qu'il efpéroit que l'Affemblée lui rendroit juftice. La diette augufte a renvoyé cette affaire au comité des rapports, pour en être rendu compte jeudi prochain.

M. Cazalès s'est alors préfenté à la tribune, pour y demander l'impreffion du difcours du régiment de Lan guedoc ; mais, fans attendre l'expreffion de cette pro

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