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rimide, & dont la fcandaleufe publicité perpétuoir les haines entre les familles, & alimentoit la dépravation des mœurs. Cet abus, dont la France, a fi long-temps gémi, va fuivre enfin les autres dans leur chûte, & c'eft une belle & fage prévoyance, que celle d'epargner tribunaux naiffans le malheur & la honte d'admettre encore cette espèce de congrès moral.

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à vos

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Mais lorsque vous détruifez l'un des inconvéniens de cet ufage gothique, nommé la féparation de corps pourquoi ne feriez-vous qu'une œuvre imparfaite? pourquoi ne profeririez-vous pas auffi un autre inconvénient de cette même féparation, plus abfurde, plus tyrannique, plus contraire au bonheur & à la liberté de l'hom me, plus funefte aux moeurs & à la fociété?

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En effet, bifarre & immorale dans fes procédés, la féparation de corps étoit en outre injufte & impolitique dans fes effets: après avoir à demi féparé des époux, elle laiffoit les deux parties, fans acception de l'innocent & du coupable, dans une fituation cruelle pour eux, dan. gereufe pour la fociété. Souffrez ici un développement Très-rapide.

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Oui, je foutiens que c'eft un attentat à la liberté de l'homme que de lui dire je te défends de vivre avec la femme que tu as épousée, & je te défends d'en époufer une autre. Un tel arrêt feroit encore rigoureux pour un époux très-coupable; comment a-t-on pu le prononcer contre tant d'époux irréprochables? Ah! pour admettre une telle loi, il faudroit anéantir la déclaration dés droits de l'homme; mais que dis-je! non, pour la gloire de l'humanité, cette loi n'exifta jamais dans le code civil d'aucun peuple.

Pendant le cours de cette féance, M de Saint-Priest a écrit à l'Affemblée, pour lui annoncer le mémoire, & la confultation fignée de trois jurifconfultes, dans l'affaiae. criminelle, qu'il foutient au Châtelet : & il n'a fait aucune réflexion fur cette lettre.

Le prix de l'Abonnement de ce journal, qui paroft tous les jours eft de 3 liv. 10 fols par par mois, on en vend à 3 fols la feuille pour ceux qui n'ont pas fouferit.

COURIER FRANÇAIS,

DU SAMEDI 7 AOUT 1790.

ASSEMBLÉE NATIONALE du 6.

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Décret en faveur de M. de Moreton. Autres fur le drois d'aulaine & la vente des bois nationaux. Alienation faite à la municipalité de Paris des biens de moines. Décret militaire.

LA féance d'hier foir a été ouverte par quelques détails peu importans fur la diftribution géographique du dépar tement des Landes. Puis, M. le Chapellier a fait le rapport de quelques dévastations commifes, il y a fix mois en Bretagne. Depuis cette époque, il n'avoit été fair aucune procédure contre les coupables; mais on vient de faifir le moment de la récolte, moment précieux aux ha bitans de la campagne, pour enlever plufieurs peres de famille, & les précipiter dans les prifon. Le rapporteur concluoit à ce que M. le préfident fût chargé de se retirer pardevers le Roi, pour le prier de déclarer comms non-avenues les procédures criminelles, qui ont été faites jufqu'à préfent à cette occafion, fauf aux parties intéref fées à fe pourvoir par les voies civiles, pour obtenir les dédommagemens qui peuvent leur être dus. Comme ces déprédations ont été commifes par un peuple égaré, & que les ennemis du bien, public ont voulu foulever par de faux décrets, ce projet de décret a été accueilli, après Ide très-légers débats.

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On a enfuite admis différentes députations, telles que celles du district de Saint-Maixent, de Parthenay, de Thouars & de Châtillon en Poitou, On a fur-cour diffingué

parmi elles celle de plufieurs naturalistes de Paris, qui avoient à leur tête M. Boiffonnet, qui à porté la parole. L'orateur a fair le plus belle éloge du chevalier Linné & de M. de Buffon ; & l'Affemblée a ordonné limpreffion de fon difcours, avec la réponse du président.

L'ordre du jour appeloit la difcuffion de la pétition de M. de Moreton, qui, privé injuftement par M. de Brienne, du commandement du régiment de la Fere, demandoit à être légalement jugé par un confeil de guerre. On fait que le 17 mars 1788, M. de Brienne lui-même étant miniftre de la guerre, fit rendre une ordonnance que « comme il eft de la juftice du Roi de "" ne jamais prononcer, fans un examen réfléchi, ni une fufpenfion de rang, ni une exclufion de fon fervice, fa majefté declare que ces fortes de punitions n'auront lieu que d'après les informations les plus approfondies fur les notes des colonels & infpecteurs, lef quelles informations feront prifes par un confeil com,, pofé des officiers généraux de divifion, préfidé par ,, le lieuteuant-général qui la commande,,.

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Six mois après cette ordonnance, M. de Brienne écri vit à M. de Moreton, pour lui annoncer fa destitution. de la place de colonel du régiment de la Fere. Le miniftre, qui fe croyoit au-deffus des loix, comme son cher frere qui les faifoit, ne lui en donna aucun motif, & ne lui fit part ni du délit qu'on lui imputoit, ni de fon accufateur. Il fit plus: il ne lui parla pas même des 40,000 livres qui formoient la finance de fon régiment. Le miniftre porta cependant l'honnêteté dans fa lettre, jufqu'à conferver au colonel deftitué fon rang, pour être élevé au grade de maréchal de camp, avec l'efpérance d'obtenir un autre régiment.

M. de Moreton, indigné d'une deftitution auffi arbitraire & auffi illégale, en écrivit à tous les officiers de l'armée, qui plaignirent fon fort, & virent dans ce procédé arbitraire le renversement de la conftitution militaire. Toutes nos loix, tant anciennes que modernes, la raison, l'équité, la juftice, la bienféance, tout condamnoit cer acte de defpotifme, & M. de Menou, rapporteur de cette affaire, a fait parfaitement fentir l'inconvénient qu'un tel exemple eût pu préfenter à notre administration. Le décret que propofoit l'honorable membre tendoit à déclarer illégale la deftitution de M. de Moreton, & à charger M. le

président de fe retirer pardevers le Roi, pour le prier de le lui rendre, fauf à le faire juger, s'il y a matiere à accusation, suivant les ordonnances.

M. Martineau vouloir qu'en réclamant l'obfervation des ordonnances, l'Affemblée fe contentât de reccommander M. de Moreton à la justice du Roi ; & M. Alexandre de Lameth, en appuyant l'avis du comité, foutenoit que les décrets de l'Affemblée jugeoient textuellement la question.

M. Maury, qui parle auffi quelquefois la langue des militaires, prétendoit qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer fur le projet de décret propoté par le comité; & il ajoutoit que la deftitution de M. de Moreton n'a pas compromis fon honneur ; car l'honneur des Français n'a jamais été à la merci du caprice des miniftres & de la volonté des Rois; qu'un hommejdeftitué eft tel qu'un homme disgracié, & non comme un citoyen déshonoré ; que cet événement n'annonçoit que la perte de la faveur des cours

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& que l'eftime publique fuivoit fouvent dans fa retraite l'officier privé de fon emploi ; que cette deftitution n'eft que la révocation d'une comiffion amovible à volonté fans que le miniftre agiffant au nom du Roi, fût renú d'en donner les raifons; que l'Affemblée ne peut ni ne doit juger une pareille queftion, qui eft entiérement du reffort du pouvoir exécutif, comme chef fuprême de l'armée, que les loix anciennes ne font pas applicables à la queftion, puifque, d'un côté ; jamais les commiffions des colonels ni celles des grades fupérieurs n'y ont été comprifes;& que d'une autre part, les décrets ne peuvent avoir d'effet rétroactif; que fi l'Affemblée ordonne le rétabliffement de M. de Moreton, dès lors c'est elle qui donne un regiment? fi elle donne un régiment, la confufion des pouvoirs entraînera le défordre ; & qu'il faut que les amis de la liberté fuient dans une terre étrangere.

M. Bouchotte répondoit que la deftitution de M. de Moreton bleffe la juftice, puifqu'elle eft prononcée.contre les loix parce que toute propriété eft dans fon genre. auffi facrée que l'honneur ; que l'ordonnance de 788 s'étend à tous les grades indiftin&tement, & nulle deftitution ne peut jamais être prononcée fans motifs ; que le bien de la chofe publique & du fervice militaire l'exigent; qu'il n'y a pas de tribunal exiftant pour juger ces.. deftitutions; que c'est donc à l'Affemblée à y ftatuer

M. de Moreton, ajoutoit M. Bouchotte, demande des juges; il n'en a point; qui pourroit lui en refufer?

M. de Biauzat a réduit fon opinion à fuppli er le Roi de faire juger la réclamation de M. de Moreton, avec d'autant plus de raifon, qu'il a borné à cet unique objet fes conftantes réclamations. On a alors fermé la difcuffion, & la priorité a été accordée à la rédaction de M. de Biauzat.

M. de Cazalès & M. de Foucault ont dit que fi l'Affemblée infiftoit fur le jugement de la deftitucion de M. de Moreton, il falloit accorder la même faveur à tous les colonels, & tous officiers des grades inférieurs, fan's diftinction, qui ont éprouvé le même fort; ce qui occa fionneroit le bouleversement de l'armée.

« Ce n'est pas tant la pétition de M. de Moreton qui doit vous occupper, difoit M. de Mirabeau l'aîné, que la garde des maximes de la liberté qui vous eft confiée. En effet, vous n'avez pas besoin de juger le mérite intrinféque de la deftitution dont il s'agit. Car où il n'y a point d'accufation ni d'instruction, ni même d'accufateur, il n'existe pas de deftitution; il n'en a jamais exifté; par ce moyen vous ne confondez pas les pouvoirs, Vous ne donnez point un régiment; vous ne conférez aucun emploi, mais vous confacrez un principe, & la conféquence eft de déclarer illégale une deftitution qui y est contraire".

Quelques débats ultérieurs commençoient à écarter la question. M. de Bonnay y a ramené avec fa précision ordinaire, en rappel int l'état de la difcuffion actuelle. En conféquence, le décret a été rendu en ces termes

"L'Affemblée nationale décrete que fon préfident fe retirera devers le Roi, pour le fupplier de faire pronon», cer par un confeil de guerre, compofé fuivant les ordonnances, fur la réclamation du fieur de Moreton, contre la deftitution du 24 juin 1788.

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La féance de ce matin a fourni beaucoup de décrets, mais très-peu de difcuffions intéreffantes. Elle a été ouverte par une lettre du miniftre de la marine, dont l'im preffion a été ordonnée, & dans laquelle M de la Luzerne traçoit le tableau le plus affligeant de l'infubordi. nation qui regne parmi nos troupes de mer, depuis un pôle jufqu'à l'autre. Puis, l'Affemblée ayant été instruite

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