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COURIER FRANÇAIS

DU LUNDI JUILLET 1790,

ASSEMBLÉE NATIONALE. du 4.

Décret fur M. d'Albert. Autre fur la ville de Hagueneau. Autre fur les droits féodaux. Autres fur les fels, les poudres, le Salpêtre & la fédération nationale.

UNE adreffe de la municipalité d'Uzès, lué à la féance

d'hier foir, accompagnoit une délibération de ce corps adminiftratif par laquelleilprétendoit démontrerlesefforts qu'il a faits pour rétablir l'ordre & la paix dans la ville. M. l'évêque d'Uzès a faifi cette occafion pour demander que ces officiers feffent difpenfés de faire la route de Paris, pour y exécuter le décret de l'Affemblée qui les oblige à venir rendre compte de leur conduite à la barre; & il fondoit fon opinion fur le peu d'aifance de peres de familles qu'un tel voyage pourroit ruiner. Un député du Vivarais a puiffamment combattu cette propofition; & il a affuré que les officiers municipaux d'Uzès, qu'il qualifioit de brigands, ont fait tout ce qu'ils ont pu pour mettre la divifion dans leur ville, & pour femer même la difcorde dans les provinces voifines. D'une autre part M. Pabbé Royer, curé de Chavannes, rendoit juftice à la droiture de M. l'évêque d'Uzès, qui l'avoit porté à s'intéreffer au fort de fes fideles, & il ajoutoit qu'il ne doutoit pas que le prélat ne fût actuellement occuppé à compofer un mandement pour rétablir la paix dans fon diocefe. On a alors demandé à paffer à l'ordre du jour : & ce vœu a été accueilli.

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M, Nérac a demandé ici à faire lecture de tout ce qui

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Veft paffé dans l'expédition que le détachement de la garde nationale de Bordeaux à faire à Montauban ; mais comme il ne s'agiffoit de rien moins que de parcourir deux gros in-folio, l'Affemblée a renvoyé l'examen de ces pieces au comité des rapports. L'Affemblée a enfuite décrété que fon président écriroit une lettre de fatisfaction au commandant du régiment de Guienne,en garnison à Nifmes, d'après la lecture qui lui a été faire de ce que ces braves militaires ont fait, pour rétablir l'ordre dans cette ville.

Plufieurs députations ont été enfuite admises, parmi lefquelles on a diftingué trois anciens officiers du régi❤ ment Royal-comtois, qui fe font plaints d'une deftitution injufte qu'ils ont éprouvée à Lille, en 1773, en wertu d'un confeil de guerre. Sur la motion de M. Regnault, cette affaire a été renvoyée au comité militaire.

M. de Champagny a alors expofé que M. d'Albert de Rioms, commandant de la premiere efcadre française, armée e par les ordres de la nation, defiroit être admis à la fédération du 14,pour y prêter lefermentcivique,&ydonner à l'Affemblée des preuves de fon attachement à la conftitution. M. Robertpierre s'eftélevéfortementcontre cette motion ; & il a ajouté que fans prétendre douter du mérite diftingué de M. d'Albert, fût-il le plus illuftre des Français, par fes vertus & fes qualités perfonnelles il ne devoit pas obtenir un tel honneur ; & que, fi on luż accordoit ce privilége diftingué,il devoit être partagépar tous ceux des citoyens qui, comme lui,ont rendu des fer vices à la patrie.

Cette opinion, appuyée par M. de Lameth l'ainé; commençoir a prendre la plus grande faveur dans l'Affemblée, lorfque M. de Champagny a obfervé qu'il ne demandoit pas pofitivement cette diftinction pour M. d'Albert, mais pour le commandant de l'efcadre, & ce en qualité de membre du comité militaire, chargé de défigner à l'Affemb. les grades qui obtiendront le privilége d'affifter à la fédération. Cette tournure très-adroite a fait changer les opinons; & à l'inftant même fa propo fition a été décretée, malgré les réclamations de M. de Lameth & Muguet, qui accufoient M. l'abbé Gouttes alors préfident, d'avoir mis trop de précipitation dans la décifion,

M. de Broglio eft enfuite monté dans la tribune; pour y rendre compte des conteftations furvenues à Hagueneau, à l'occafion de la formation de fon nouveau corps municipal. En 1789, les citoyens de cette ville établirent une nouvelle municipalité. Ces officiers municipaux voulurent faire rendre des comptes aux magiftrats qui étoient anciennement adminiftrateurs. Ils furent taxés de rebelles, enlevés par la maréchauffée, & me¬ nacés d'un jugement de mort; ils ont été élargis, en vertu d'un décret, fur leur fimple caution juratoire.

Ces mêmes officiers furent de nouveau élus par leurs concitoyens. Ils fe livrerent avec ardeur à la revision des compres, fans fe laiffer intimider par les menaces de la vengeance & les intrigues de la calomnie; ils ont conftaté que depuis 1785, il n'avoit été rendu aucun compte des deniers patrimoniaux ; qu'il fe trouvoit dang la caiffe un déficit de plus de 200,000 livres, & que la ville eft encore chargée de près de deux millions de dettes. Plufieurs anciens magiftrats prirent la fuite, & le receveur fit l'abandon de ses biens.

Les anciens magiftrats furent affignés fur la pourfuite du procureur de la commune, pour se voir condamnés folidairement & par corps, à payer ce déficit. Un décret adjugea ces conclufions, & permit de faifir. Appel des magiftrats au confeil fouverain de Colmar ; ce tribunal fans autre examen, donna main-levée provifoire des faifies, & s'expliqua dans fon arrêt en termes injurieux contre la municipalité. Des copies de cet arrêt furent répandues avec profufion, pour foulever les citoyens. Une petite intrigue de la femme du tréforier du régiment de Saxe, qui avoit été renvoyé de la garnifon de Hagueneau, opéra ce fâcheux effet. Le peuple croyant que le ministre n'enverroit plus de garnifon dans la ville, craignit cette perte fur les confommations. Il fe porta en foule à la municipalité, pour la contraindre de demander ce régiment; fur foa refus, le défordre fur porté au comble. On fe réunit fur l'une des promenades, où le vin, la biere mêlée d'eau de-vie, furent prodigués;enfim le greffe fut pillé; plufieurs effets & pieces de compta bilité furent enlevées. Le lendemain les factieux fe formerent une nouvelle garde nationale. Ils fe font emparés des poftes; ils commandent dans la ville avec empire. M de Pons, commandant à Hagueneau, & qui avoit fum

avec les magiftrats, eft rentré en triomphe. Le comman dant de la province n'a prêté main-forte pour rétablir le calme, qu'après fix jours de requifition de la municipalité; la vie du procureur de la commune, du greffier & celle des officiers municipaux font menacées. L'affemblée a prononcé le decret fuivant :

"L'Affemblée nationale considérant que le maintien de l'ordre public eft particuliérement intéressé au libre 9, exercice des fonctions attribuées aux officiers.munici paux, au refpect dû à ceux qui les exercent, & à la 9, plus parfaite foumiffion de tous les citoyens français, aux décrets du corps législatif acceptés ou fanctionnés ,, par le Roi, a décrété & décrete.

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Art. 1. « que fon préfident fe retirera devers le Roi, à l'effet de fupplier S. M. de donner les ordres nécessai " res pour qu'il foit informé fans aucun retard des troubles qui font arrivés dans la ville de Hagueneau, des violences qui ont été commifes contre les officiers ,, municipaux, ainfi que de l'enlevement des papiers lors du pillae du greffe, & pour que les auteurs, fauteurs 39 & complices defdits excès foient pourfuivis, jugés & punis fuivant la rigueur des loix.

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II.,, Qu'à l'effet de mettre les officiers municipaux à l'abri de toutes violences ultérieures, & de leur affurer le libre & paisible exercice des fonctions qui leur font ,, confiées, le Roi fera également fupplié d'ordonner qu'il foit envoyé à Hagueneau un régiment de cavalerie françaife.

99

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les

III. » Que le directoire du département du Bas-Rhin, , auquel l'audition des comptes des ci-devant adminiftrateurs de la ville de Hagueneau eft d. férée décrets, eft autorifé, pour affurer les intérêts de la " commune, à permettre toutes faifies & arrêts provi foires qui pourroient être requis légalement.

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Declare en outre l'Affemblée nationale, 10. que l'élection du fieur Schwend, à la place de membre du ,, département du Bas-Rhin, eft nulle, comme contraire à l'article II des décrets des 20, 23 mars, & 19 avril; ,, & qu'en conféquence il doit être procédé dans la forme ordinaire à l'élection d'un nouveau membre de ce département; 2°. que le corps de milice nationale , qui s'eft illégalement formé en dernier lieu dans la ville de Hagueneau, demeurera diffous, à compter du

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» jour de la publication du préfent décret, faut aux ...oyens » qui la compofent à remplir les formalités preferites ,, pour être admis dans le corps des milices nationales ,, formé d'après les principes établis par la conftitution; 30. qu'elle approuve le refus qu'a fait la munici palité de Haguenau de recevoir la demiffion de feize officiers de la milice nationale de cette ville, lefquels officiers doivent continuer leurs fonctions

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Il a enfuite été rendu compte par M. de Beaumetz de quelques réclamations faites par M. Morifot, ancien commis dans les bureaux de la loterie royale, contre différens membres de l'administration, qu'il lui ont refusé, dit-il, la jufte indemnité qui lui eft due. Il paroît que M. Morifot fe plaint particuliérement de MM. Necker & Lambert, & même de quelques membres de l'Aff. nationale, qui ne fe font pas prêtés, comme il l'eûr défiré, à lui faire rendre juftice. Comme il a motivé fa défense de maniere à s'écarter quelquefois des égards dus au corps légiflatif, l'Affemblée nationale á cru devoir renvoyer cette affaire au comité des recherches.

La féance de ce matin a été ouverte par la lecture du procès-verbal, & par le décret fuivant, propofé hier par M. Tronchet, & dont nous avons déja préfenté la fubf

tance.

« L'Affemblée nationale' s'étant réfervé, par les arti»cles 9, 10 & 11 de fon décret du 3 mai, de ftatuer » ultérieurement fur plufieurs points relatifs au rachat des » droits féodaux dépendans des biens défignés dans lefdit's » articles, a décrété & décrete ce qui fuit:

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Art. I. Le prix qui proviendra du rachat des droits » féodaux qui auroient été liquidés par les officiers des » municipalités, en exécution de l'article 9 du décret du » 3 mai, fera employé à l'acquit des dettes de l'Etat, & » à cet effet vetlé dans la caiffe du diftrict du reffort, & » de cette caifle, en celle de l'extraordinaire, fauf à être » pourvu, s'il y a lieu, par l'Affemblée nationale ou par » les légiflatures fuivantes en faveur des établiflemens » auxquels appartenoient les droits rachetés à un indem»nité convenable, fur l'avis des affemblées adminiftra »tives du reffort.

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II. » Il en fera de même du prix qui proviendra du rachat des droits dépendans des biens énoncés en l'ar n ticle 10 du décret du 3 mai, même quant à ceux def 3

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