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gardes nationales fe deploient de toutes parts; des pa routiles nombreufes fefuccedent d'un moment à l'autre des cañons font placés aux principales avenus; & ta nuit, qui paroiffoit devoir convrir de fes ombres des horreurs, a été une des plus paisibles. ¦:

Quelques gens fuspects ont été arrêtes, & l'on espere par leurs aveux de remonter à la fource de tous ces troubles, car perfonne ne doute aujourd'hui que ceux qui ont comis des excès dont nous venons de parler ne foient ou féduits ou achetés. Il nous refte à raconfer un fait, & c'eft le plus affligeant de tous. Pendant que le régiment de Sonnemberg s'empreffoit de fortir de fes cafernes, pour venir à notre fecours, & répondre à la requifition de la municipalité, il a effuyé plus de deux cens coups de fufil, partant du quartier qui est fur l'autre bord de la Saone. Nous n'osons faire aucune réflexion, mais nous espérons que les citoyens de ce quartier Pemprefferont de raire punir cet attentat. Heureufement aucune balle n'a été meurtriere ; la providence a servi de bouclier à nos fideles & respectables alliés.

"

'Aujourd'hui la loi martiale a été proclamée, & cette redoutable formalité n'a fait que rappeler de plus en plus le calme. On doir les plus grands éloges au zele & à l'activité du guer, des arquebusiers; la garde nationale montré auffi un courage intrépide; & nous défions aveč confiance tous les mal intentionnés & les ennemis de la patrie. M. du Foillac, major de garde, s'eft diftingué par une fermeté impofante; l'intelligence & le courage de M. Fauchet, major du quartier de Saint Nizier, méritent d'être cités. Il eft arrivé aujourd'hui un régiment de dragons', qui étoit en garnison à Vienne, avec un nombreux détachement de gardés nationales de cette villė. Plusieurs municipalités nous ont déja fait les offres les plus fraternelles. Une lettre d'Annonay, entr'autres fait couler les larmes de la reconnoiffance.

Le prix de l'Abonnement de ce journal, qui paroft tous les jours eft de 3 liv. 10 fols par par mois, on en vend à 3 fois la feuille pour ceux qui n'ont pas foufcrit."

COURIER FRANÇAIS,

DU LUNDI 2 Aout 1790.

ASSEMBLÉE NATIONALE du 1**!

Décret fur les délits de la preffe. Indifpofition du Roi. Décrep fur l'armée. Lettre de M. Necker à Affemblée. Service pour ceux qui font morts pour la patrie.

LA précipitation avec laquelle on rédige fouvent les

décrets, a occafionné, à l'ouverture de cette féance, une difcuffion très-importante, & qui, nous le craignons beaucoup, peut avoir des fuites fort férieufes. En ordonnant hier foir à M. le procureur du Roi du Châtelet de poursuivre les auteurs de deux libelles, plufieurs membres de l'Affemblée paroiffoient borner là leur jufte févérité. Cependant,dans la rédaction faite par M. Malouer, le decret le trouve conçu dans des termes généraux ; & ce n'eft pas une dénonciation faite à la justice de deux coupables; c'est une espece d'inquifition qu'on a paru vouloir établir contre tous ceux des ouvrages que l'on voudra qualifier de libelles. M. Rabeau de S. Etienne s'eft plaint, ce matin, très-amèrement de cette difpofition; & il a demandé que, fi on la laiffoit fubfifter • on décrétât la procédure par juré, pour les délits de la preffe. Mais, M. Garat l'aîné, obfervoit qu'il ne convenoit pas de laiffer ainfi les citoyens honnêtes à la merci des dif famateurs, & qu'il falloit renvoyer la motion de M. de S. Etienne au comité de conftitution.

M. de Crancé remarquoit qu'il n'a concouru au décret d'hier, que parce qu'il ne le croyoit que pour les circonftances; qu'il ne penfoit pas qu'il concernât tous les

écrits qui pourroient être publiés ; que par là les membres de l'Affemblée, qui affurement ne font pas invio Jables, pourroient être compromis par leurs opinions; & que les plus honnêtes gens ne feroient pas en sûreté, fous les murs d'une telle inquifition. Comme M. Garat, M. de Murinais votoit pour que les délits de la preffe fuffent pourfuivis à l'inftar des autres crimes, & fuivant lá même procédure, & qu'on passât à l'ordre du jour, D'un autre côté. M. Chabroud remarquoit très-sensément que la poursuite d'un crime de leze-nation ne peut être faite, que lofque ces fortes de délits auront été défignés par le légiflateur; que les libelles dont il eft queftion, of téré feuls dénoncés, & qu'on ne peut étendre fes pour1tites au-delà de ce terme. M. Chabroud ajoutoit qu'on pouvoir renvoyer l'établiffement des jurés au comité de conftitution, à la charge d'en préfenter le plan fur deux ou trois jours.

M. Brillard Savarin penfoit au contraire, que les troubles de Lyon n'ont été occasionnés que par un libelle qui a échauffé les efprits; qu'il eft néceffaire d'arrêter cette contagion ; & qu'en laiffant le décret tel qu'il a été rendu, il falloit paffer à l'ordre du jour. C'eft, en effet, le parti que l'Affemblée a adopté.

M. de Crancé a alors demandé qu'il lui fût permis de dénoncer à l'Affemblée, & la proteftation fcandaleufe des noirs, & l'auteur des actes des apôtres, & une foule d'autres écrits auffi incendiaires; & l'on a auffi-tôt indiqué, à demain foir, une féance extraordinaire pour l'entendre. Ainfi, demain, nous aurons la douleur de voir l'Affemblée nationale, la diete la plus refpectable du monde, recevoir des dénonciations contre fes propres membres, & vifer vraisemblablement fes forces; en prêtant le flanc aux ennemis du bien public qui lui ont ten u un piége, pour replonger la France dans le défordre & l'anarchie.

M. de Vilmes a ici repris la lecture, déja commencée hier foir, de l'inftruction à adreffer aux départemens fur les décrets dont l'exécution leur eft confiée. M. de Fol leville a demandé qu'elle fût imprimée, & fa difcuffion ajournée; & cette motion, appuyée de MM. Deimeuniers, Foucault & de Mirabeau l'aîné, a été accueillie. Puis, M. le préfident a donné à l'Affemblée communication d'une letre écrité à M. Bally, par M. de Ville

quier, premier gentilhomme de la chambre, fur la fame du Roi. Ce bon prince, à la profpérité duquel l'Europe entiere s'intéreffe, a éprouvé quelques douleurs à la dent incifive de la machoire fupérieure; depuis quelques jours, le vifage de S. M. eft gonflé; mais la fiévre eft actuelle ment plus modérée. Le dentiste jugé qu'il y a un peu de fluxion le long de la genfive. Dans la lettre que M. de Villequier écrit à M. Bailly, il lui marque que la Reine defire que ce bulletin foit imprimé dans tous l papiers publics, afin que les François fachent tous les jours des nouvelles du Roi, & qu'ils n'aient aucune inquiétude fi cette indifpofition ne lui permet pas de fe rendre jeudi à Paris, comme c'étoit fon projet lorfqu'il en eft parti. La Reine ajoutoit qu'elle recevroit ce foir, depuis fix heures jufqu'à fept heures, ceux qui voudront préfenter leurs hommages à S. M.

Une lettre de M. Necker, lue à la fuire de celle de M. de Villequier, contenoit des fentimens très-vivement exprimés de mécontentement & de chagrin fur deux faits dont il a été accufé dans la tribune. Le premier a pour objets les paiemens que M. Camus l'a accufe d'avoir fait aux créanciers de M. d'Artois, fans y avoir été autorise par les décrets, accufation, dit-il, qui a excite la défiance du peuple contre fon ami le plus ancien & le plus fidele. Dans. cette lettre, M. Necker dit qu'en 1783, le Roi a pris l'engagement de payer 1,600,000 livres par an à M. d'Artois, jufqu'en 1791; que l'année 1790 a été p yee en avance, par des affignations fur le tréfor public; qu'en 1790, il n'a été fourni fur cela aucun à-compte, & qu'ainfi la dénonciation fe trouve erronée; qu'il n'a été payé à M. d'Artois que ce qui lui est dû pour fa mai fon, & 900 mille livres de rentes viageres qui font actuellement les dertes de l'Etár; qu'on a même reculé (un femeftre le paiement de ces rentes; & que, dans l'intervalle qui s'est écoulé depuis avril jusqu'en juillet, les-depenfes de la maifon de M. d'Artois ont été réduites de 4 à 500 mille livres ; qu'à l'égard des 120 mille livres qu'on l'accufe d'avoir payé à madame de Lamark, & d'avoir affecté cette fomme fur les fonds du garde-meuble, pour en dérober la connoiffance à l'Affemblée', il n'en a rien été payé par le trèfor public; que M. Thierry, par ordre du Roi, a feulement payé 30 mille livres pour cet objer, & dont il n'a pas demandé le rem

bourfement; que d'ailleurs, l'indemnité promife par le' Roi à cette dame; a pour objet les dépenfes qu'elle a faites dans l'appartement qu'elle occupoit, & dont le Roi jouit actuellement ; que cette indemnité doit lui être payée en dix ans ; & que, s'il arrivoit que madame de Lamark, qui a foixante dix ans, mourût avant ce terme, le Roi feroit déchargé de la derte.

M. Necker ajoutoit, à l'égard de la réticence de 600 millions, dont il a été accufé par un homme inconnu qu'il prioit l'Affemblée de donner fes ordres, pour qu'il éclaircît cette affaire, & les mît à portée de le livrer à l'examen de fon compte, qu'il attend, obfervoit-il, avec d'autant plus d'impatience, qu'il afpire à fe retirer du monde & du tourbillon des affaires. M. le premier minif tre des financés terminoit fa lettre par ces mots remar quables, & qu'il feroit à fouhaiter qu'ils fuffent écrits en caractere d'or fur le bureau de tous les contrôleurs généraux. « Certain que je fuis de ne m'être jamais dif

trait du bien public, ni d'avoir perdu de vue mes devoirs, je ne crains point d'être appelé à toutes les » preuves que les repréfentans de la nation jugeront né" ceffaires.

M. Bouche, qui paroît n'avoir pas lu l'un des précédens mémoires du miniftre, demandoit l'impreffion de cette lettre, avec communication au comité des finances, afin qu'on fût fi la nation eft obligée de payer les detres de M. d'Artois; mais M. Goupil obfervoit qu'on étoit prêt à faire un excellent rapport fur les appanages, & qu'il falloit fufpendre jufques-là l'examen de la question. L'Affemblée a en conféquence ordonné l'impreffion & Pajournement. Puis, fur la motion de M. Lucas, elle a ordonné que fix commiffaires, MM. Lucas, Defmeuniers, d'Ambly, Barere, Regnault & Rewbell, iroient à SaintCloud prendre des inftructions fur la fanté du Roi ; &, dans le même temps, on a proclamé les fix membres du comité diplomatique, MM. Fréteau, de Mirabeau l'aîné, Duchâtelet; Barnave, de Menou & d'André. A propos de M. d'André, il a été proclamé préfident à l'ouverture de la féance; & MM. de Cernon, Alquier & Kitspoter font les trois nouveaux fecrétaires.

M. Feiriffe du Luc, en rappelant les faits qu'on a lus dans notre précédent numéro fur la ville de Lyon, a ajouté que cette cité, troublée momentanément par

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